Quelques nouvelles, quelques points de vue :
- Mon portefeuille expérimental high-growth, qui a été largement remodelé depuis ma dernière publication, a pris l’eau. Un certain nombre de titres se sont fait punir par l’explosion de la bulle des valorisations qui leur avait fortement bénéficé. J’ai réussi à limiter la casse en évitant une partie de la baisse grâce à une tentative de market-timing, et à la compenser partiellement grâce à un investissement, débuté en mai 2021, sur une entreprise de matières premières qui s’est transformé en ten-bagger en quelques mois. Les concepts "losers average losers" et "let the winners ride" ont été salvateurs. Mon allocation aux titres vifs a atteint la taille maximale que je m’étais fixée, donc pas d’apport supplémentaire pour le moment.
Il est prématuré de tirer des conclusions vu l’horizon d’investissement de cette part de mon portefeuille, et surtout, et le désamour du marché pour le segment high-growth à l’instant t. En revanche, l’expérience que j’en tire à titre personnel est excellente : gérer un portefeuille de titres vifs dans un contexte agité, est une excellente manière de se construire, de se rendre compte de ses biais, et d’apprendre à gérer son risque et ses émotions sur les marchés. Je pense que ces qualités sont indispensables lorsque le niveau d’exposition actions du patrimoine devient conséquent, même dans le cadre d’une exposition passive via ETF, et ne peuvent pas s’acquérir autrement.
- J’ai cédé l’essentiel de mon immobilier luxembourgeois, pour plusieurs raisons : n’ayant jamais été dans le camp du caractère transitoire de l’inflation, j’ai pressenti que plusieurs facteurs allaient exercer une pression négative sur la croissance folle des prix de ces dernières années : le durcissement des conditions de financement via la hausse des taux hypothécaires, l’augmentation de l’apport exigé pour les primo-accédants, et l’impossibilité de rallonger la durée des crédits dont la plupart s’étalent déjà sur 25/30A au Luxembourg.
En prenant en compte l’augmentation de l’offre en immobilier neuf, le risque pesant sur la demande relative aux appartements en milieu urbain (télétravail, baisse de l’attrait du Luxembourg), et le faible appétit des investisseurs (rendements en baisse, hausse prévisible de la fiscalité, refonte de la législation "bail à loyer"), il m’a semblé judicieux d’arbitrer cette part de mon patrimoine. J’ai commencé ces dernières semaines à redéployer sur les marchés actions le produit de ces cessions.
- Je n’ai, en revanche, pas cédé aux sirènes des cryptomonnaies, NFTs, et autres Ponzi. Une partie de moi me dit que le marché n’aura pas touché le fond tant que les shitcoins et les shitcos comme GME, AMC cotent toujours à ces niveaux (ce n’est évidemment pas un indicateur fiable).
Aujourd’hui, une image JPEG de singe "vaut" toujours 170k€ :
- Un point concernant l’or, dont j’ai suivi le comportement avec beaucoup d’attention ces derniers mois : je suis devenu très sceptique sur son intérêt patrimonial. Alors que la guerre fait rage et que l’inflation est au plus haut, son cours peine à décoller. Ce manque d’intérêt des investisseurs pour l’or dans le contexte actuel est assez surprenant pour être souligné. Pourtant, quand on interroge les "gold-bugs", la réponse est claire : "c’est à cause de la FED ! Elle maintient le cours de l’or artificiellement bas". Et quand on leur demande plus de détails sur le mécanisme de ce maintien artificiel, la réponse est floue, ça s’emmêle vite les pinceaux… Peu convaincant ; pas assez en tout cas, pour commencer à stocker des "jaunets".
- Le marché du crédit, je le trouve toujours très peu attractif pour mon profil d’investisseur, à part certaines situations spéciales. En creusant bien, j’ai trouvé un CEF HY leveragé - dit comme ça, ça peut faire peur - mais les distributions mensuelles sont bien couvertes, le gérant est top-tier et dans la cohue récente j’ai pu ramasser quelques parts avec un premium négatif (-10%) alors qu’en temps normal, il s’échange plutôt en premium positif.
- Concernant les actions:
Aux USA, la valorisation du S&P500 me paraissait plutôt attractive la semaine dernière (+/- 3850, j’ai été acheteur), un peu moins aujourd’hui après un rallye haussier de 10%. Pour l’instant, la tendance reste baissière, et je n’ai vu aucun signe de positionnement important à long terme de la part du "smart-money", il est donc probable à mes yeux que ce mouvement soit un autre "bear-market rallye" à mettre en parallèle avec celui de la deuxième quinzaine de mars. Possible aussi que certains aient anticipé les rebalancing de fin de mois qui s’annonçaient importants (dans les $100B si ma mémoire est correcte).
Concrètement, je ne pense pas que la FED soit soudainement redevenue dovish même si le pic d’inflation US est probablement derrière nous ; je pense que les conditions financières se sont dégradées tellement vite depuis avril (cf. CDS ci-dessous) qu’elle a envoyé Bostic à la rescousse lundi dernier, pour calmer le marché en suggérant une "pause des hausses de taux en septembre". L’effet a été immédiat :
A mon avis, la FED ne veut absolument pas d’un rallye haussier sur le marché des actions, cela irait à l’encontre de leur politique (wealth effect). Au contraire, je pense que la baisse propre et ordonnée du marché actions à laquelle nous assistons depuis fin mars les a bien arrangé. Ce qu’ils doivent surveiller, c’est plutôt le crédit, car un durcissement excessif de la politique monétaire, dans un contexte de croissance faible, pourrait avoir des conséquences catastrophiques.
- Les marchés des autres pays développés me paraissent correctement valorisés, malgré une récession qui semble inévitable en Europe : pondération en ligne avec le MSCI World en ce qui me concerne. Je trouve toujours que les marchés émergents ne sont pas investissables.
En bref, la FED n’est pour l’instant plus de "notre" côté, et la baisse récente des marchés ne m’apparaît pas comme un signal d’achat aussi fort que le Covid krach de mars 2020. Les banques centrales ont perdu énormément de crédibilité en réagissant beaucoup trop tard malgré les avertissements d’économistes réputés. La baisse actuelle est à mettre sur le dos d’une compression logique des multiples ; ce qu’il faut surveiller aujourd’hui, c’est la progression des bénéfices. Je maintiens une exposition importante aux actions via des indices larges, dont une petite partie hedgée en devise (depuis €/$ 1.05 et probablement jusqu’à 1.15), ainsi qu’un niveau de cash qui me permet d’être confortable et de saisir des opportunités si elles se présentent.