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Favoris 4    14    #1 06/06/2017 22h19

Membre (2017)
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Je présente mon portefeuille d’actions Euronext, qui constitue la 2e "couche" de mon patrimoine, la première "couche" étant 500k€ d’AV € (objectif atteint, épargne de précaution). Mon objectif est un portefeuille (CTO La Banque Postale…) d’actions Euronext de 500k€, à (très) long terme, avec pour objectif principal la constitution d’une rente pérenne. Je suis actuellement à mi-chemin de cet objectif : j’ai fini de prendre position sur les valeurs Euronext qui m’intéressent, et je m’attache désormais à (essayer de) faire baisser mes PRU et à renforcer progressivement mes valeurs de conviction.

[La 3e "couche" sera un portefeuille d’actions diversifiées géographiquement, avec la possibilité de trades court terme. Je viens d’ouvrir un CTO chez Binck (frais de transaction bien plus faibles que ma banque, permettant donc les aller-retours) pour ce futur 3e portefeuille.]

Mon portefeuille d’actions Euronext est en grande partie tout neuf et en voie de constitution (en raison de changements professionnels, comme expliqué dans ma présentation). Jusqu’à décembre 2016, il ne comprenait que 3 lignes (Air Liquide, BNP Paribas et… EDF) ainsi que les OPCVM. Toutes les autres lignes ont été constituées depuis fin décembre 2016.

Biais psychologiques et d’investissement :
- J’aime être positionné sur des valeurs qui m’intéressent, même pour des montants modestes (mon côté "petit joueur" assumé). Par exemple je suis très fier de mon +103% sur Air France même si ma mise était très modeste (et qu’objectivement, j’aurais dû miser bien plus).
- Je suis tout nouveau investisseur dans le marché actions, d’où une préférence pour la diversification (qui limite les risques et me permet de tester mes compétences d’investisseur sur un plus grand nombre de valeurs / secteurs).
- Exclusion de secteurs qui ne me plaisent pas : alcool, tabac, élevages industriels… (pas tant pour des raisons morales que parce que je pense, peut-être à tort, qu’un business model "malsain" n’est pas économiquement soutenable).
- Limitation des expositions sur le secteur financier et notamment bancaire ; préférence pour les assurances ; sélection uniquement de leaders dans le secteur bancaire.
- Plus grande tolérance dans le processus de sélection pour des secteurs qui me plaisent : aéronautique, espace (mon côté ingénieur), produits culturels.
- J’aime essayer différentes stratégies d’investissement (mais toujours de moyen/long terme).

1) Big caps Euronext :
Processus de sélection assez peu sélectif : Quelles sociétés existeront dans 15-20 ans ? Pas de screener mais surpondération (avec objectif de 4-5% du portefeuille cible, soit 20-25k€) des valeurs qui me semblent les plus solides pour un objectif de rente pérenne : Air Liquide, AXA, LVMH, L’Oréal, Total, HSBC, BNP Paribas (et peut-être Airbus, Sanofi).


2) Stock picking Mid / Small / Micro / Nano caps :
Processus de sélection : utilisation d’un screener maison multi-critères : a) croissance (chiffre d’affaires, EBIT), b) régularité des résultats, c) dividendes, d) valorisation (PER), e) avis des analystes, f) sélection par des fonds performants (I&E, Découvertes, Amplegest, Keren, Sextant, Moneta). Je pondère ces 6 critères selon mes priorités et ma perception de la situation de marché. En général, j’ai le plus fortement pondéré les dividendes, puis la croissance et la valorisation. J’ai pris position sur les 50 valeurs en tête selon cette méthode, puis sur d’autres un peu moins bien placées (mais quand même pas trop loin), selon notamment mes efforts de recherche (y compris sur ce forum).



3) Foncières / immobilier papier :
Processus de sélection : je ne possède pas d’immobilier physique, je considère donc important d’avoir une exposition suffisante à l’immobilier papier : minimum 20% du portefeuille cible (100k€). Pour compenser mon ignorance du secteur, choix de la diversification, avec surpondération des leaders du secteur (j’essaie aussi de me renseigner sur ce forum).


4) Biotechs :
Processus de sélection : revue de la presse et des forums… donc à peu près aléatoire. D’où le choix de la diversification - approche que semble favoriser les fonds spécialisés dans le secteur : les gains possibles sur 1 ou 2 biotechs devraient à terme compenser les pertes probables sur les 9 ou 10 autres. Pari très risqué : j’y ai alloué moins d’1% de mon patrimoine. Tout en reconnaissant mon incompétence à juger des chances de succès de chaque biotech (même si j’essaie de m’informer), mon pari est que la recherche médicale française est performante et qu’une de ces biotechs finira bien par percer…


5) Actions spéculatives :
Processus de sélection : des entreprises qui ne passent pas mon screener, mais qui me semblent soit nettement sous-valorisées pour des raisons conjoncturelles, soit avoir un potentiel important. Petites lignes pour "me faire plaisir", dans des secteurs qui m’intéressent - pour sortir un peu de l’approche trop mécanique du screener.


6) OPCVM :
Détenues de longue date contrairement à la plupart des autres lignes du portefeuille. Je vais les conserver mais sans augmenter leur taille ni choisir d’autres OPCVM pour le moment, ayant une préférence pour les titres vifs.


Situation globale du portefeuille :


Commentaires, critiques et propositions tous bienvenus !

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 03h53)

Mots-clés : diversification, dividende, portefeuille

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11    #2 08/10/2017 19h32

Membre (2017)
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Sélection d’un portefeuille de valeurs US "increvables"

Objectif : Constituer un portefeuille défensif de valeurs US (big caps), répondant aux priorités suivantes : (1) le portefeuille doit afficher un total return attractif et prévisible (autant que possible), (2) il doit pouvoir bien résister au prochain retournement des marchés US, et (3) les valeurs ne doivent pas être surpayées. Mes revenus professionnels étant en USD alors que je vis en France, j’envisage à l’avenir de ne pas les convertir immédiatement en EUR (ce que j’ai fait jusqu’à présent), mais de les placer en titres US afin de profiter d’un effet de change positif à l’avenir. Il est donc crucial que le portefeuille puisse être liquidé rapidement, en cas d’appréciation importante du dollar par rapport à l’euro (il s’agit d’un pari à long-terme sur une appréciation du dollar, et non un pari sur les marchés actions US).

[François, je confirme votre interprétation : il s’agit de cibler des valeurs à total return (dividendes + croissance du cours) régulier / prévisible. J’avais créé une confusion au début en parlant de valeurs de rendement - d’où la question légitime de Bluenote (merci !).]

Univers d’investissement envisagé : très grandes capitalisations US (> 50 milliards USD) + quelques autres valeurs glanées dans des portefeuilles USD du forum (et quelques REITs mentionnés plus haut par François).

Critères de classement :
- Croissance du chiffre d’affaires : croissance moyenne sur la période 2013-2017, consensus des analystes pour 2017.
- PER : calculé sur la base du résultat attendu par les analystes pour 2017.
- Valeur d’entreprise / EBITDA : calculé sur la base de l’EBITDA attendu par les analystes pour 2017.
- Dividend yield : rendement par rapport au prix actuel de l’action, calculé sur la base du dividende 2017.
- Régularité des bénéfices : nombre d’exercices bénéficiaires sur les 5 dernières années.
- Dette nette / EBITDA : ce critère permet d’avantager les entreprises qui ont une trésorerie abondante (dette nette négative), signe de possibles rachats d’actions, dividendes exceptionnels et et/ou opérations de croissance externe. En revanche les entreprises fortement endettées sont pénalisées.
- Indicateur de volatilité du cours : calculé par (maximum 52 semaines - minimum 52 semaines) / cours. Cet indicateur grossier de la volatilité du cours pénalise des entreprises dont le cours a été très volatile (y compris des entreprises dont le cours a crû très fortement pendant la dernière année : possible forte correction).
- Momentum absolu 1 an : calculé par (cours - minimum 52 semaines) / (maximum 52 semaines - minimum 52 semaines). Cet indicateur favorise les entreprises dont le cours a augmenté (idéalement, régulièrement : bon momentum + faible volatilité du cours).

Pondération des critères :
Le tableau montre la notation synthétique des actions avec une équi-pondération des critères (avant-dernière colonne), puis avec une pondération qui correspond mieux à mes objectifs (dernière colonne) : je surpondère la croissance (poids 4), la valorisation VE/EBITDA (poids 3) et le dividende (poids 3), car je considère qu’il s’agit de 3 protections importantes en cas de retournement du marché actions US. Les autres critères sont pondérés à 1.
Dans le tableau, chaque critère est noté de 0 à 5 (plus le score augmente, mieux l’entreprise est classée): pour chaque critère 0 = rouge, 1 = orange, 2 = jaune, 3 = vert clair, 4 = vert normal, 5 = vert foncé.





Sélection du portefeuille : Les 15 valeurs en gras au sommet du tableau sont les mieux classées avec la méthode et les pondérations utilisées. 2 secteurs semblent surpondérés : le secteur médical et pharmaceutique (OK pour moi car c’est un secteur défensif) et l’automobile (secteur plus cyclique, donc a priori à ne pas surpondérer : peut-être n’acheter que Ford et laisser GM de côté). Les valeurs sûres hitech (Microsoft, Intel, Apple) semblent correctement représentées.
En revanche, des valeurs en forte croissance (Amazon, Netflix, NVIDIA, Adobe, Paypal) sont écartées à cause de leurs niveaux trop élevés de valorisation. Dans le secteur financier, AIG est sélectionnée alors que les banques sont écartées (mais Morgan Stanley et US Bancorp ne sont pas loin). Berkshire Hathaway semble trop chère. Parmi les REITs, OHI serait sélectionnée et WPG n’est pas loin.

Perspective GARP : Une représentation simple pour rechercher des valeurs de croissance à prix raisonnable est un graphique où la croissance du chiffre d’affaires est en abscisses et un ratio de valorisation (en l’occurrence VE/EBITDA) en ordonnées. Les candidats pour une approche "GARP" se trouvent "en bas à droite". Il s’agit toutefois d’une approche très grossière : il faudrait notamment retraiter la croissance pour déterminer la croissance organique (c’est-à-dire hors opérations de croissance externe).


Inconvénients de la méthode : Cette approche correspond pour moi à un premier "débroussaillage" grossier du marché des big caps US (je n’ai pas encore décidé de la formation du portefeuille US, qui demanderait notamment la création d’un compte bancaire USD et l’information de mon employeur). Elle présente certains inconvénients : forte sensibilité au consensus des analystes pour 2017, pas de retraitement pour déterminer la croissance organique, pas d’application du ratio VE/EBITDA aux valeurs financières, mesure grossière de la volatilité du cours, biais sectoriels, etc. Surtout, une hypothèse implicite importante est que la croissance de l’activité va plus ou moins se poursuivre sur le rythme des 4 dernières années (ce qui n’est évidemment pas du tout certain).

Améliorations possibles de la méthode :
- mesure plus précise de la volatilité du cours (prix des options ?)
- mesure de risque de crédit : idéalement CDS (Credit Default Swaps) - mais pas disponibles sur Binck :-(
- mesure du beta de chaque action : nécessite le téléchargement des cours quotidiens
- détermination de la croissance organique
- valorisation des entreprises du secteur financier (pour celles-là, seul le PER apparaît pour l’instant)

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 04h06)

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13    #3 02/08/2019 02h04

Membre (2017)
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Mon travail (harassant) de screening de la cote américaine étant achevé, je me retourne vers la cote française, l’amélioration de mon portefeuille France (qui ne génère actuellement pas d’alpha significatif) étant l’une de mes priorités pour 2020.

J’ai donc commencé la mise à jour de mon screener maison sur la France, en y intégrant l’historique des dividendes depuis 2014 afin de pouvoir calculer et analyser les total returns sur cette période.

J’ai terminé la mise à jour pour le CAC 40. Quelques graphiques illustratifs :

- La décomposition des total returns entre évolution du cours et dividendes versés montre (sans surprise) que les gros payeurs de dividendes figurent rarement parmi les actions offrant les meilleures performances totales. Au sommet de la hiérarchie, on trouve les champions habituels de la cote française - LVMH, Kering, Hermès, Safran, Dassault Systèmes : toutes sont des firmes leaders sur leurs marchés respectifs, avec un clair avantage concurrentiel. On trouve également des actions avec un cours nettement plus volatil, comme Peugeot et STMicroelectronics - qui ne se trouveraient parfois plus en tête de peloton si l’on changeait de période d’observation (au contraire des vrais champions pré-cités).

- Afin de visualiser le profil (volatil ou régulier) de la performance totale, on peut regarder les total returns annuels. (Ce graphique "additionne" les total returns annuels, au lieu de les composer comme dans le graphique précédent.)

- Pour les amateurs de dividendes, je trouve intéressant de mettre en rapport le rendement (dividend yield) avec la croissance du dividende. On voit bien que dans une optique de constitution d’une rente sur le long-terme, les actions offrant les dividendes les plus importants à l’instant "t" ne sont que rarement les plus pertinentes.

- On peut mettre en relation les ratios de valorisation (ici le PER) avec le rythme de croissance prévu du chiffre d’affaires, pour voir si l’on paie un rythme de croissance donné au "juste prix" ou trop cher. De ce point de vue, de belles entreprises comme LVMH, Kering ou Safran ne paraissent pas forcément chères. (La taille des bulles reflète la capitalisation boursière.)


Je suis en train d’élargir l’analyse au SBF 120 (voire aux 200 premières capitalisations françaises, si j’arrive à compiler les historiques de dividendes et les prévisions de chiffre d’affaires sans trop de souci). Je prévois d’établir ainsi des "top 10" France pour différentes stratégies (croissance, value, GARP, dividend growth etc.), pour préparer mon plan de renforcement de mon portefeuille France. (Sur la base de l’analyse très superficielle du CAC40, il est probable que je vais renforcer en priorité LVMH, Safran, Kering, Thales…).
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@Footeure : Effectivement, je reçois des notifications par email d’EasyBourse, Binck et Interactive Brokers sur les OPA/OPR. Sur Oriflame, je n’ai pas fait le job sérieusement en vendant à temps (les vacances…), me voilà puni.

En passant : j’ai aussi vendu Atrium European Real Estate (OPA) et investi les liquidités sur Interxion (data centers).

@Flosk22 : Plusieurs réflexions :

1) Je suis un adepte de l’investissement passif et du buy & hold. Je ne vends jamais, sauf OPA/OPR. Je considère que le "suivi" est davantage générateur de stress et d’erreurs (donc de sous-performance) que la passivité. Une étude a montré que les meilleurs investisseurs particuliers étaient ceux qui "oubliaient" leur portefeuille, les meilleurs de tous étant les morts. La sous-performance des investisseurs particuliers s’explique bien davantage par leurs biais psychologiques (euphorie / FOMO, panique, besoin d’agir…) que par une mauvaise compétence de stock-picking. Le buy & hold et la passivité sont des protections contre ces biais.

2) La sagesse est de se préoccuper de ce que l’on peut contrôler ou influencer, et de ne pas se préoccuper de ce que l’on ne peut pas contrôler ou influencer :

- Je ne peux évidemment pas contrôler ni prévoir l’évolution des indices : tout ce que je peux faire, c’est investir régulièrement en bourse - une stratégie efficace sur la durée.

- En revanche, je peux essayer de générer une surperformance par rapport aux indices : c’est tout l’objet de mon travail d’analyse et de stock-picking. Le jour du krach, si l’indice perd 50% et que mon portefeuille ne perd que 45%, je considérerai que c’est un succès.

3) Dans le contexte actuel de liquidité abondante (conséquence des QE des grandes banques centrales), les actions de qualité sont nécessairement "chères" (= avec des ratios de valorisation élevés). Si, dans le contexte actuel, 10 ans après le début du QE de la Fed, une action affiche des ratios de valorisation très bas, c’est que l’entreprise est vulnérable. Supposer le contraire serait parier sur des marchés très inefficients (en tout cas sur des capitalisations assez grandes) : un pari statistiquement perdant. Je pense que le QE a asséché les inefficiences "négatives" de marché (sous-estimations), ce qui explique la nette sous-performance des stratégies value par rapport aux stratégies growth ces dernières années. Et je pense que ce n’est que le début.

4) Une crise touche plus sévèrement les entreprises déclinantes que les entreprises en croissance. Il est évident que mes actions de croissance actuellement bien valorisées subiront un repricing sévère en cas de krach ou de récession. Mais elles ont de bien meilleures chances de survivre à cette crise prochaine que des entreprises déjà fragiles dans le contexte actuel, pourtant favorable, et optiquement "moins chères" aujourd’hui. Je cible des entreprises en forte croissance (la croissance du chiffre d’affaires est mon critère le plus important), qui répondent à des besoins croissants, qui ne disparaîtront pas avec un krach. En revanche, j’évite les entreprises déclinantes et/ou fortement endettées, qui subiront la prochaine récession de plein fouet.

5) Les ETF (par nature price-insensitive) achètent beaucoup d’actions très bien valorisées… et c’est pour cela qu’ils sont aussi performants ! Je pense que les stratégies value, dans le contexte actuel (post-QE etc.) sont parfois destructrices de performance, car elles conduisent à une sélection adverse éliminant les firmes les plus performantes (nécessairement chères). Je m’inspire des ETF avec un portefeuille très diversifié et des prises de position relativement price-insensitive (en tout cas pour la première "louche"), si je suis convaincu (notamment à la lumière de l’évolution du chiffre d’affaires) que l’entreprise est de qualité et répond à des besoins fortement croissants, sur le long-terme.

6) Il faut interpréter les ratios de valorisation de façon dynamique. Une entreprise dont le chiffre d’affaires, l’EBITDA, les profits croissent de 50% par an (c’est le cas de beaucoup des entreprises dans mon portefeuille US) voit rapidement fondre ses P/S, VE/EBITDA, PER, à cours constant. Par exemple, si le cours reste constant et si les profits augmentent de 50% / an, un PER de 30 en année N passera à 20 en année N+1, 13 en année N+2 etc. Cela dit, je suis bien d’accord pour dire que beaucoup de valorisations (notamment dans le secteur technologique) pricent aujourd’hui des fortes croissances sur un long horizon, et qu’en cas de déception (possible, voire probable), la chute du cours sera importante. Mais sur le long-terme cela me semble de meilleurs paris que des firmes déjà déclinantes, optiquement "peu chères".

Dernière modification par Scipion8 (02/08/2019 02h26)

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Favoris 2    9    #4 07/08/2019 11h30

Membre (2017)
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Mon screener France couvre désormais 132 valeurs, dont l’intégralité du SBF 120. Je suis en train de l’étendre aux small caps, les principales limites étant la disponibilité de données historiques fiables de dividendes et de prévisions d’analystes pour le chiffre d’affaires.

On peut mettre en relation la performance de chaque action, mesurée par le total return (évolution du cours + dividendes), avec différents indicateurs historiques (et non pas actuels), pour évaluer la contribution éventuelle de ces facteurs à la performance :

1) Le PER : Je mets en rapport les total returns sur la période 1er janvier 2014 - 30 juin 2019 avec le PER 2014, tel que le pouvait le mesurer l’investisseur en janvier 2014 (il serait beaucoup moins pertinent d’utiliser le PER actuel).

Je n’ai pas de données historiques de PER, mais je le reconstitue approximativement de la façon suivante (par une règle de 3) :
PER 2014 = PER 2019 * (cours 1er janvier 2014 / résultat 2014) / (cours 30 juin 2019 / résultat 2019)
les cours utilisés dans ce calcul étant ajustés des splits éventuels pendant la période.

Après élimination des situations où le PER (2014 et/ou 2019) n’est pas pertinent (profits quasi-nuls, pertes), on obtient le graphique suivant (dans tous les graphiques la taille des bulles reflète la capitalisation boursière actuelle) :

On trouve qu’en France et sur la période d’observation (2014-2019), le PER n’était pas un indicateur pertinent pour un investisseur désireux de générer une surperformance (la droite de tendance est quasi plate, le R2 très faible). En d’autres termes, l’investisseur français de janvier 2014 ne pouvait tirer un avantage de la prise en compte du PER à ce moment-là.

Certaines entreprises optiquement "chères" en 2014, avec des PER 2014 autour de 30, ont performé magnifiquement les années suivantes (Hermes +154%, STMicroelectronics +158%, Interparfums +182%). A contrario, un investisseur value ne sélectionnant que des PER bas avait quelques belles opportunités début 2014 (FFP +148%, Devoteam +731%, Alten +239%, Euronext +278%%, toutes avec un PER 2014 <12) - sans compter les entreprises (non représentées sur le graphique) qui faisaient des pertes en 2014 et ont réussi par la suite un beau rétablissement (Peugeot +206%, Ubisoft +573%, SOITEC +352%).

Une approche value "aveugle" fondée sur PER ne permettait pas de générer de la surperformance en France (sur les big et mid caps) en 2014-2019. Le fait qu’il n’y ait pas de corrélation entre le PER à l’instant "t" et la performance les années suivantes suggère à mon sens qu’une approche value fondée sur le PER n’a de chance de générer une surperformance que si :
a) elle est associée d’autres paramètres, comme la croissance (pour une approche GARP), le ROE/ROIC (cf. Higgons / I&E qui associe la marge d’exploitation et le ROE au P/CF) etc.
ou
b) elle est faite de façon très sélective, en étudiant les dossiers dans le détail, afin d’identifier si la faible valorisation est justifiée ou non


2) Le dividende : Je mets en rapport les total returns sur la période 1er janvier 2014 - 30 juin 2019 avec le rendement 2014 (dividend yield = dividende 2014 / cours au 1er janvier 2014). C’est le rendement que pouvait "voir" l’investisseur en 2014.

On obtient le graphique suivant :

Non seulement choisir des actions à rendement élevé ne permet pas de générer de la surperformance (à nouveau : en France, en 2014-2019), mais cette stratégie conduisait statistiquement (= appliquée de manière aveugle sur un grand nombre d’entreprises) à une sous-performance !

Et encore, je pense que la relation négative entre performance et rendement serait plus forte si mon échantillon couvrait des valeurs à rendement élevé en 2014, qui ont périclité ensuite pour sortir du SBF 120 voire disparaître (i.e. il y a un biais du survivant dans mon graphique).

Cela dit, le R2 est faible et il y avait quelques jolis coups à jouer sur des valeurs à fort rendement (>5%) en 2014 : GTT, STMicroelectronics, Veolia, Altarea…

Là encore, cela signifie à mon sens qu’une approche fondée sur les dividendes ne doit pas être pratiquée de façon aveugle, mais avec une forte sélectivité.

3) La croissance : Je mets en rapport les total returns sur la période 1er janvier 2014 - 30 juin 2019 avec la croissance du chiffre d’affaires entre 2014 et 2018. Certes, l’investisseur de 2014 ne pouvait pas connaître cette croissance de façon précise ; mais les prévisions des analystes pour le chiffre d’affaires, à un horizon de quelques années, sont plus précises que leurs prévisions de résultats (et a fortiori, leurs prévisions de cours). Idéalement, il faudrait utiliser les prévisions de croissance de 2014 (mais je n’ai pas ces historiques de prévisions).

On obtient le graphique suivant :

On trouve ici une corrélation nettement positive entre la performance et la croissance du chiffre d’affaires, avec un R2 plus élevé qu’avec les 2 indicateurs précédents. Je pense que ce R2 serait plus élevé si l’on considérait la croissance organique (c’est l’une des raisons pour lesquelles j’utilise la croissance anticipée, et non historique, du chiffre d’affaires dans mon stock-picking), et si l’on excluait de l’échantillon des secteurs pour lesquels le chiffre d’affaires est sans doute un indicateur moins pertinent (biotechs, foncières).

Une sélection "aveugle" de valeurs avec un chiffre d’affaires en croissance permettait de générer de la surperformance, en France (sur les big et mid caps), en 2014-2019. On peut penser que cette période a été favorable aux stratégies croissance, par exemple en lien avec la phase du cycle économique, ou qu’il y a des facteurs plus structurels pour cette surperformance des stratégies growth.

Je penche pour la 2e thèse, c’est pourquoi mon portefeuille surpondère fortement les valeurs de croissance, avec une diversification extrême car la croissance du chiffre d’affaires n’est qu’un des multiples facteurs de la performance (avec un R2 de 22% en France, sur des big/mid caps, en 2014-2019).

A la lecture des forums, mon impression est que beaucoup de débutants s’orientent vers des stratégies dividendes ("cool, je reçois de l’argent sans rien faire") ou value ("cool, c’est pas cher"), alors que ces 2 stratégies, appliquées "à l’aveugle" (ce qui est probablement le cas le plus courant, pour des débutants) sont statistiquement perdantes face aux indices. A contrario une stratégie "aveugle" orientée qualité / croissance est statistiquement gagnante. [En tout cas en France, sur des big / mid caps, en 2014-2019.]
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@Bajb : Merci pour votre intérêt pour mon portefeuille. Effectivement, toute ma construction de portefeuille s’inspire des ETF, car j’observe que bien peu d’investisseurs particuliers surperforment face aux indices.

Je me suis donc interrogé sur ce que les ETF font "de bien" (et que beaucoup d’investisseurs particuliers ne font pas) et "de mal". Mon portefeuille vise à répliquer les "bonnes" pratiques des ETF tout en éliminant les "mauvaises" - mon espoir étant ainsi à terme de les battre régulièrement.

Les "bonnes" pratiques des ETF :

1) Ils sont extrêmement diversifiés : ils ont beaucoup, beaucoup plus de lignes que les 20-30 lignes que l’on voit souvent conseillées sur les forums.

2) Ils sont price-insensitive : ils achètent quel que soit le prix ; ils n’ont pas de grille value contrairement à la plupart des particuliers. C’est comme cela qu’ils achètent du Netflix ou de l’Amazon à des ratios optiquement "déraisonnables"… avant l’envolée des cours pendant des années.

3) Ils ne coupent jamais leurs positions gagnantes : au contraire, ils augmentent sans cesse la proportion des renforcements sur les positions gagnantes, par rapport aux positions perdantes.

4) Ils ne sont pas sensibles au dividende : cf. ci-dessus, la prise en compte "aveugle" du dividende conduit à de la sous-performance.

5) Ils se renouvellent sans cesse, notamment par l’addition de nouvelles valeurs performantes dans l’indice.

6) Ils ne font aucun "suivi" des sociétés : leur approche entièrement lazy allège la charge mentale de l’investisseur, donc les biais psychologiques destructeurs de performance.

7) Ils permettent un traitement fiscal optimal des dividendes étrangers et opérations sur titres.

Les "mauvaises" pratiques des ETF :

8) Ils achètent des bouses des entreprises sans potentiel, notamment des entreprises matures ou déclinantes qui ne restent dans l’indice que grâce au poids de leur passé glorieux, mais sont des boulets pour la performance.

9) Ils ne coupent pas leurs positions perdantes, tant que les actions restent dans l’indice.

10) Ils ont des frais de gestion.

11) Ils conduisent à des risques systémiques (risques de contrepartie et de liquidité, notamment sur les ETF synthétiques).

Je construis mon portefeuille comme un ETF, en répliquant strictement les bonnes pratiques 1/3/4/5/6, et en partie (pour mes premières prises de position) la bonne pratique 2 (mais je ne suis pas complètement aveugle au prix), et en éliminant les mauvaises pratiques 10 et 11 et en essayant d’éliminer la mauvaise pratique 8 (je pense être plus compétent pour identifier des mauvaises entreprises à éviter que des bonnes entreprises). Malheureusement, comme un ETF j’ai la mauvaise pratique 9, mais je travaille à m’améliorer ;-)

En revanche, je ne peux répliquer la bonne pratique 7 (traitement fiscal des dividendes étranger) : pour moi c’est la raison principale qui pourrait me conduire un jour à préferer les ETF aux titres vifs. (Tout dépendra de ma capacité à battre les ETF par mon approche.)

Perso, je ne crois pas qu’il y ait un seul argument valable en faveur de la réduction du nombre de lignes d’un portefeuille (le suivi des OST et OPA/OPR, à la limite…). J’envisage mon portefeuille comme une maison : peu m’importe le nombre de briques dans la maison ! Ce qui m’intéresse c’est sa solidité, sa résilience face aux tempêtes, son confort etc. Quand j’ajoute une ligne à mon portefeuille, j’ajoute une brique à ma maison, qui doit l’améliorer sur un de ces plans (performance, résilience, rendement, volatilité, beta etc.). Je raisonne toujours en termes de portefeuille (avec ces caractéristiques globales), je m’intéresse peu au suivi de telle ou telle entreprise… et je pense que le suivi des entreprises et non du portefeuille est même générateur d’erreurs de gestion.
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@Rossox : Par mon travail, j’ai naturellement un intérêt prononcé pour les marchés financiers et pour l’analyse, donc c’est un passe-temps agréable pour moi. Cela dit, l’objectif est effectivement de battre les ETF et je serais déçu si cela n’était pas le cas sur la durée. (Si ce n’est pas le cas, je me résoudrai probablement au 100% ETF.)

Pour un portefeuille qui grossit et sur un horizon long, un alpha même modeste peut tout à fait justifier un travail important. J’évalue régulièrement ma "rémunération" comme gestionnaire, par l’alpha généré. Cette année j’estime ainsi que mon travail d’analyse est rémunéré à environ 1700€ / mois, ce qui me semble un salaire correct d’analyste junior ;-) Cela dit, ma rémunération l’an dernier était légèrement négative…

Par ailleurs, je suis un adepte de la théorie des 10 000 heures : pour moi, cela fait sens de consacrer un temps important d’étude et d’analyse dès maintenant, non seulement pour essayer de générer de la surperformance, mais aussi pour me former, en cas de reconversion professionnelle un jour.
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@Deadbull : Effectivement. Mon benchmark habituel pour mon portefeuille français est 50% CAC 40 NR + 50% CAC Mid & Small NR. J’indiquerai les différents indices sur mes prochains graphiques de total return.
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@Fenring : Je continue de suivre les mouvements des fonds (a priori compétents) mais avec un peu plus de recul qu’à mes débuts : à l’époque j’attribuais des "points de bonus", dans mon screener maison, aux entreprises détenues par des (bons) fonds. Je ne le fais plus, après des déconvenues sévères sur des valeurs détenues par de nombreux fonds comme Ymagis et ShowRoomPrivé. En revanche, j’utilise toujours les fonds comme pourvoyeurs d’idées de stock-picking, et je les utilise parfois de façon "négative", pour éliminer des valeurs parfois vantées sur les forums mais complètement absentes des fonds.

Je prends toujours note de la présence de Norges Bank à l’actionnariat, car leur réputation comme investisseur de long-terme est excellente. Mais j’ai réalisé qu’ils sont loin d’être infaillibles, notamment sur les small caps (cf. AdUx, Theranexus…). C’est normal car ils ont des fonds énormes à distribuer sur de très nombreuses lignes, et il est inévitable (pour eux comme pour moi) que dans la masse il y ait quelques plantages majeurs. Donc je ne les suis plus automatiquement, même si leur présence au tour de table me conduira toujours à regarder un dossier de plus près.

Parmi les fonds souverains et investisseurs publics, je pense être plus proche de la philosophie de la Banque Nationale de Suisse, dont le portefeuille semble plus orienté croissance. Mais là encore, je ne vais pas jusqu’à les suivre aveuglément.

Désolé pour le pavé, et bravo pour ceux qui auront eu la patience d’aller jusqu’au bout ;-)

Dernière modification par Scipion8 (07/08/2019 13h53)

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14    #5 21/03/2020 14h10

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Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat

(Aragon, La Rose et le Réséda)

Le décompte macabre des victimes du coronavirus, notamment ses proportions catastrophiques chez nos voisins et amis italiens, si proches culturellement et sentimentalement pour un méridional comme moi, me déprime profondément. Penser que tant de personnes se voient mourir dans des hôpitaux surchargés, transformés en zones de guerre, sans même ressentir la chaleur de leurs proches à leur derniers instants, me brise le coeur. Tout comme penser que leurs familles ne peuvent même pas veiller leurs corps et leur dire adieu, pour des raisons sanitaires évidentes.

Dans ces conditions, il m’est difficile de penser à l’investissement ou à la bourse, d’où ma moindre participation au forum ces derniers temps - outre une activité professionnelle plus intense en temps de crise. Je me force néanmoins un peu à mettre à jour cette file, car je sais qu’elle est suivie par de nombreux lecteurs du forum, et que pour quelques minutes ce sera peut-être un "divertissement" d’un confinement oppressant pour beaucoup.

Je me permets de faire une longue mise à jour générale couvrant différents aspects, personnels ou généraux, façon journal de bord (avec une dominante investissement, dans l’esprit du forum), mais les puristes de la gestion de portefeuille boursier pourront se diriger directement vers la section dédiée.

1) Situation personnelle / professionnelle : J’ai longtemps résisté à l’idée d’une évacuation de mon pays de mission (Afrique occidentale), mais j’ai fini par céder, face à (i) la multiplication des cas en Afrique (avec une sous-estimation probable dans les données officielles, par manque de tests), (ii) les restrictions de plus en plus dures (après l’interdiction des vols, mon pays de mission a décrété un couvre-feu et la fermeture des frontières), et (iii) l’amicale pression de mon employeur, qui m’a gentiment fait comprendre que si je voulais être rapatrié, c’était maintenant ou jamais.

Jeudi matin, j’ai donc abandonné mon pays de mission, mes collègues locaux et mon chat (3 crève-coeur) - avec la promesse incertaine de revenir bientôt - et j’ai embarqué dans un Land Cruiser pour un voyage de 9 heures dans le désert (beaucoup de retards sur la route en raison de nombreux check-points et contrôles, notamment sanitaires), pour rejoindre l’aéroport de Dakar, d’où les vols continuent pour quelques jours encore. J’ai bien cru ne jamais y arriver, car mon chauffeur connaissait mal le Sénégal et à la fin j’ai dû le guider dans la nuit avec le GPS. Atmosphère angoissante d’exode à l’aéroport de Dakar. Arrivée ce matin à Roissy, pour découvrir que la SNCF (irresponsable) a supprimé tous ses trains vers le Sud. J’ai finalement réussi à réserver un des rares vols restants vers Montpellier, ce soir (j’écris de Roissy CDG, un masque mauritanien gigantesque sur le nez).

J’en profite pour saluer le professionnalisme, le dévouement et le courage des personnels d’Air France et d’Aéroports de Paris, qui continuent leur travail et rappellent sans relâche les consignes de prudence. Beaucoup d’entre eux sont des Français de 1ère ou de 2nde génération - ils sont bien plus français à mes yeux que les bobos jambon-beurre irresponsables flânant dans les rues de Paris dimanche dernier (et encore aujourd’hui).

Je rejoins ce soir Montpellier (après 3 jours de voyage…), d’où je poursuivrai ma mission par télétravail. J’ai préparé un plan de business continuity (continuité opérationnelle) pour la banque centrale, dont les tâches essentielles ne sauraient être interrompues, quelles que soient les circonstances (opérations de politique monétaire et de change, circulation des billets etc.). Il faut penser à tout - par exemple évaluer le risque que la circulation des billets puisse faciliter la contagion. Je travaille également sur une réponse (monétaire) à la crise économique qui s’annonce dans mon pays de mission (c’est notamment pour ça que je ne voulais pas partir).

2) Psychologie : Je ne suis pas trop inquiet sur les effets d’un confinement durable sur moi, car mon tempérament s’y prête très bien. Je me suis imposé plusieurs fois de longues périodes d’isolement presque complet (pour préparer des examens, ou "recharger les batteries" après un choc affectif - ou dans un style plus ludique, des semaines littérature, Wikipedia ou stock-picking). En Afrique centrale dans un environnement compliqué (je ne vivais pas dans le quartier des expats), j’ai eu une existence quasi carcérale pendant 16 mois (avec quand même des relations professionnelles agréables). J’ai l’habitude d’être éloigné de ma copine et de ma famille la plupart du temps.

Mais je pense que cela sera plus difficile à vivre pour beaucoup, plus extravertis et habitués à une vie sociale plus active. La possibilité, dans ces conditions, de rester visuellement en lien avec nos proches, via Whatsapp ou Skype, est autant une bénédiction qu’un fléau : cela nous les rapproche tant que tout va bien, mais cela risque de décupler les angoisses si nos proches tombent malades.

Le sentiment d’avoir abandonné mes collègues africains est plus pesant pour moi, même si j’espère leur être utile ces prochaines semaines par télétravail.

Dans mon job, les crises sont d’excellentes opportunités d’apprendre et d’être utile : j’ai ainsi largement construit ma carrière sur la crise de 2007-2015. Je me disais alors que c’était parfait de commencer ma carrière dans une grande banque centrale (la BCE) face à une crise d’une telle ampleur, et que je serais fin prêt pour la prochaine crise, à un niveau plus élevé de responsabilité. Mais God laughs about our plans et les crises sont, par définition, toujours surprenantes : une crise sanitaire, et non pas économique ou bancaire, est plus difficile à appréhender pour moi, aussi bien au niveau professionnel que dans mes investissements…

3) Economie : Mon focus professionnel est actuellement sur l’Afrique (mon pays de mission et l’Afrique centrale, sur laquelle on continue de me consulter), dont l’économie va être inévitablement impactée par le coronavirus (à la fois ses effets sanitaires directs et ses effets économiques indirects, sur les clients et fournisseurs de ces pays). Pour les pays producteurs de pétrole, le choc est extrêmement violent.

Mais je réfléchis aussi à l’échelle mondiale, car mon employeur couvre la planète entière et je ne suis qu’à un clic de la "salle de commande".

Ma réflexion actuelle est la suivante :

a) Dans une guerre majeure (du type guerres mondiales), une large part de la force de travail du pays est orientée vers une activité non-productive (se battre sur le front). Les combattants - qui n’ont pas vraiment d’autre choix - sont rémunérés (certes de façon symbolique) pour leur contribution à l’effort de guerre.

b) Les conflits majeurs conduisent par ailleurs à une réorganisation complète de l’économie, au profit de l’appareil militaire et des priorités vitales (industries d’armement, produits de première nécessité, soins des blessés etc.), alors que d’autres secteurs périclitent durablement (tourisme etc.).

c) Cette économie de guerre est fortement soutenue par des politiques budgétaire et monétaire expansionnistes : gagner la guerre devient la seule et unique priorité - toutes les politiques publiques doivent y contribuer.

A mon sens, ces 3 points pourraient s’appliquer largement à la crise du coronavirus, si, comme cela semble être malheureusement le cas, cette crise et les réponses nécessaires qui y sont apportées (confinement etc.) se prolongent, en l’absence d’une solution miracle.

Dans la crise du coronavirus, les "combattants" ce sont chacun d’entre nous : nous contribuons tous à l’effort de guerre en respectant le confinement et les mesures de distanciation sociale. Dans cette métaphore, les héros que sont les personnels de santé, les forces de l’ordre, les travailleurs du secteur agroalimentaire etc., qui continuent leur travail, sont à comparer avec les travailleurs du secteur de l’armement et autres secteurs vitaux en temps de guerre.

Comment assurer la survie économique des "combattants" pendant la durée de la "guerre" - c’est-à-dire tant que dure la pandémie ? En théorie, 3 solutions sont envisageables :

a) le maintien (artificiel) de l’emploi, via des subventions massives aux entreprises conditionnées à la conservation des emplois

b) des transferts directs aux ménages (par l’Etat ou ses démembrements), via des mécanismes existants (allocations familiales, allocations chômage etc.) ou nouveaux (une allocation spéciale coronavirus, comme celle effectuée à Hong Kong)

c) des transferts monétaires aux ménages, par la banque centrale (aka helicopter money) : cela se justifierait à mon sens dans le contexte déflationniste actuel, comme complément au QE. Cela rétablirait une forme d’équilibre, car le QE bénéficie majoritairement aux détenteurs d’actifs (les riches), alors que l’helicopter money, distribué également dans toute la population, bénéficierait majoritairement aux ménages modestes.

Une des difficultés majeures de l’helicopter money, c’est son terme : comment y mettre fin lorsqu’il n’est plus nécessaire ? C’est compliqué politiquement. Mais c’est sans doute plus simple dans le contexte actuel : l’helicopter money "coronavirus" ne serait fourni que pendant la durée de la guerre. Une fois que les confinements ne seraient plus nécessaires, il n’y aurait plus besoin de dédommager les "combattants".

Je réfléchis par ailleurs à l’idée d’un helicopter money conditionnel : il ne serait fourni qu’à ceux qui respectent strictement les mesures de confinement - les combattants valeureux. Mais ça poserait des problèmes de contrôle et un risque de dérive totalitaire. Difficile d’imposer une stricte discipline (absolument nécessaire face à ce virus) dans nos démocraties occidentales. Mon idée serait d’ajouter un incitatif financier, mais ce n’est pas simple dans l’application.

Un autre aspect qui m’intéresse, ce serait de limiter la circulation de cash (qui facilite potentiellement la contagion) par le biais de l’helicopter money. L’helicopter money pourrait être fourni sous forme de devise digitale de banque centrale (des "euros électroniques"), qui ne pourraient pas être retirés en billets mais qui pourraient être échangés et dépensés dans l’économie.

4) Portefeuille : J’ai bien sûr été surpris par l’ampleur et la rapidité de la baisse des indices. Sur 20 séances consécutives, entre le 19 février (début de la baisse) et le 18 mars (point bas provisoire ?), le CAC40 a perdu 38,6% ! La seconde baisse la plus importante, depuis 30 ans, sur 20 séances consécutives, n’était "que" de 26,7%, le 10 octobre 2008 pendant une crise systémique mondiale !

Autre comparaison impressionnante : sur 3 mois glissants, le CAC40, au point bas (provisoire ?) du 18 mars avait baissé de 37,1%, la pire baisse depuis 30 ans devant les -35,4% du 21 novembre 2008. En d’autres termes, le coronavirus a fait en moins d’un mois autant de dégâts en bourse qu’une crise systémique mondiale pendant les 3 mois les plus chauds de la crise de 2007-2009 !

Dans ce contexte, sans surprise, mon portefeuille, très diversifié avec ses 600 lignes, a bien souffert : en termes nets (en éliminant les apports), il a baissé de 337k€ en moins d’un mois, mais de "seulement" 259k€ (performance nette) et 231k€ (taille brute du portefeuille) depuis le début de l’année, grâce à de bonnes performances en début d’année. C’est évidemment beaucoup, mais ce portefeuille garde le comportement que j’attends de lui - il surperforme en phase de croissance et il se comporte comme un ETF Monde en phase de correction. Depuis le début de l’année il reste légèrement devant les ETF Monde.

Evidemment, je ne vends rien, car j’investis sur le long-terme et mon seul objectif est de rivaliser avec un ETF Monde : donc je reste en buy & hold et je laisse la tempête passer. Au contraire, j’accélère même mes renforcements à ces niveaux de prix attractifs, en ciblant des valeurs de qualité et/ou de croissance :

- aux USA : Abbott Laboratories, Accenture, Adobe, Apple, Atlassian, Becton Dickinson, BlackLine, CDW, Exponent, Facebook, HubSpot, IDEXX Laboratories, Intuit, JPMorgan, Mastercard, Medtronic, MercadoLibre, Microsoft, MSCI, Nike, Paycom, PayPal, Pinterest, Roper Technologies, S&P Global, Salesforce, Service Now, Starbucks, Stryker, Thermo Fisher, Trade Desk, Veeva, Zoetis (renforcements de lignes existantes), General Dynamics, Moody’s (nouvelles lignes)

- en France : Argan, BNP Paribas, Dassault Systèmes, Immobilière Dassault, Kering, L’Oréal, LVMH, Safran, Sartorius Stedim (renforcements)

A ces achats de valeurs de qualité, j’ai ajouté des achats contrarian plus opportunistes et plus risqués :

- secteur aéronautique (j’anticipe un fort soutien public) : Boeing, HEICO, TransDigm (renforcements)

- secteur des croisières : Royal Caribbean Cruises (renforcement)

- Italie : Moncler (renforcement), Atlantia, Intesa Sanpaolo (nouvelles lignes)

Pour l’instant j’ai financé ces achats essentiellement par l’utilisation de la marge sur Interactive Brokers (son coût diminuant du fait des mesures annoncées par la Fed et la BCE) : mon levier est désormais de 1,53 sur IB et de 1,18 sur le portefeuille global. Il va baisser la semaine prochaine avec mon renforcement mensuel. Il me reste 435k€ de munitions sur IB (marge disponible). Pour l’instant je n’ai pas mobilisé mes liquidités (environ 350k€ en fonds € et 100k€ en monétaire) ; a priori ce n’est pas mon intention, mais cela dépendra de la poursuite ou non de la baisse. En tout cas ce niveau de levier sur IB me convient, je suis bien positionné pour un rebond des indices, qui arrivera tôt ou tard, une fois qu’on verra la lumière au bout du tunnel s’agissant du coronavirus.

5) Horizon : Même si je suis très peiné par la situation actuelle et les dégâts humains considérables occasionnés par le coronavirus, à moyen terme je demeure en effet optimiste : nous finirons par trouver les solutions, sanitaires et économiques, au coronavirus. Le civisme de tous en est une composante essentielle. Les politiques monétaire et budgétaire très expansionnistes qui sont lancées en réponse au virus devraient permettre un rebond rapide de l’économie mondiale et des marchés, une fois que la crise sanitaire sera sous contrôle.

En ces temps de crise, je trouve réconfortant de voir les peuples s’unir dans le combat commun. Le patriotisme n’est que ce sentiment de fraternité et de solidarité face à l’adversité. Dans ce domaine, les Italiens nous montrent la voie :

Vidéo YouTube
Puissions-nous démontrer la même unité et la même solidarité face à l’ennemi, comme nous l’avons fait par le passé (ceux qui chantaient la Marseillaise ici, en 1942, n’étaient pas que des acteurs mais surtout des émigrés français espérant la libération de leur pays) :

Vidéo YouTube

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Favoris 1    8    #6 04/06/2020 19h24

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Je réponds à une partie des questions et commentaires :

Comme bien noté par Liberty84 et Gassinvest, la table que vous citez, Lopazz et MrDividende, n’est que la compilation de différents "top 30" de mon portefeuille IB (par valeur, PV et pourcentage de PV) : elle comprend beaucoup de valeurs technologiques parce qu’elles ont très bien performé jusqu’à présent. Mais ce portefeuille IB est beaucoup plus diversifié et contient 375 lignes (le portefeuille global en ayant près de 700).

Selon la classification sectorielle d’IB, ce portefeuille IB comprend actuellement 44% de valeurs technologiques, mais aussi des REITs, des banques, des valeurs industrielles classiques (j’aime par exemple beaucoup l’aéronautique civil et militaire) etc.


Mon univers d’investissement pour ce portefeuille est la cote américaine dans son ensemble : je ne fais pas de contrôles de papier avant d’examiner une valeur : peu m’importe qu’elle soit cotée au NYSE ou au NASDAQ, qu’elle appartienne ou non au S&P500 ou au NASDAQ 100… Je recherche des valeurs de qualité, c’est tout. Je n’applique même pas de limite inférieure de capitalisation : je n’hésite pas à piocher des small voire des micro caps si elles me semblent intéressantes. Au total jusqu’à présent, j’ai regardé ou étudié (parfois très superficiellement) près de 2500 valeurs US.

Je ne recherche pas non plus spécifiquement des valeurs "technologiques" : je pense (comme d’autres l’ont dit sur ce forum) que cette classification est de moins en moins pertinente. Par exemple je m’intéresse beaucoup au secteur des équipements médicaux : j’ignore si Stryker et Thermo Fisher appartiennent au NASDAQ 100, mais j’espère bien qu’elles sont innovantes et orientées vers des technologies de plus en plus performantes !

De ce point de vue, le benchmark le plus approprié pour ce portefeuille IB serait peut-être le Russell 3000. J’utilise le S&P500 par commodité, car c’est celui que me propose IB et ça reste l’indice américain phare. Et c’est en outre un excellent indice, très difficile à battre sur la durée, comme l’a bien dit Buffett.

Le NASDAQ 100 est aussi un indice très performant, mais pas assez diversifié à mon sens (concentration sur quelques secteurs technologiques + faible nombre de constituants) pour en faire un benchmark pertinent pour mon portefeuille, plus diversifié à tous points de vue (par secteurs, nombre de constituants et taille de capitalisations).

Cela dit, mon portefeuille bat aussi le NASDAQ 100 sur la période récente, même si le match est évidemment plus serré et si l’utilisation du levier cette année m’a bien aidé :

S’agissant du choix du benchmark, ma réflexion se rapproche de celles de Bajb, Vibe et Gassinvest : je recherche un benchmark qui soit (i) représentatif de mon univers d’investissement et (ii) performant sur la durée. Le S&P500 réunit clairement ces 2 conditions s’agissant de mon portefeuille IB, le NASDAQ 100 non (pas assez représentatif), Carmignac Patrimoine non plus (pas assez performant, ni représentatif, d’ailleurs).

Je signale en passant que mon portefeuille IB n’est américain qu’à 87% ; il comprend aussi des valeurs latino-américaines, asiatiques, australiennes… et françaises : mais je ne pousse pas la torture de mes benchmarks jusqu’à en prendre un qui serait 87% S&P500 + 13% ETF Monde hors US… alors que ça m’arrangerait bien ;-)

Pour mon portefeuille global, mon benchmark ne peut être qu’un ETF Monde, puisque j’investis sur tous les continents. On peut alors discuter de la pertinence d’un ETF Monde "partiel", limité aux marchés développés (qui sont principalement ceux dans lesquels j’investis), ou tous pays (ACWI).

Je n’ai pas d’expertise particulière quant au choix des meilleurs ETF Monde : tout ce que je vois, c’est que les 2 plus gros, par leurs encours sous gestion, sont le VT (13 milliards $) et l’ACWI (11 milliards $), et que mon portefeuille IB les a battus largement ces 2 dernières années. Je ne savais pas que le VT (le benchmark mondial que me propose IB) était distribuant, mais les distributions de 2,5% / an ne vont pas changer la conclusion.

Cette discussion sur le choix des benchmarks est un peu surprenante : si l’on est un puriste de la gestion passive, le benchmark ne peut être qu’un ETF Monde : prendre le S&P500 ou le NASDAQ 100 comme benchmark, c’est une hérésie du point de vue de la stricte gestion passive, puisque cela revient à exprimer une déviation par rapport au marché global.

Si j’ai surpondéré les valeurs technologiques américaines ces derniers temps, comme bien dit par Bajb c’est simplement un bon choix tactique qui m’a permis de battre le benchmark mondial.

J’insiste sur la comparaison avec un ETF Monde puisqu’on nous explique que dévier d’un ETF Monde est un pari irrémédiablement perdant, pour un investisseur, sur un horizon suffisamment long. Je réponds simplement : "Challenge accepted !" ;-)

A partir du moment où je me lance dans une compétition contre un ETF Monde, le choix des armes pour le battre devrait être à mon entière discrétion, puisque que je me confronte à un dragon supposément invincible. On peut me faire confiance pour tout essayer pour le battre : des choix sectoriels, factoriels ou géographiques, de la concentration (même si je n’en suis pas du tout adepte aujourd’hui), du levier, voire même peut-être un jour des options…

Nous ferons le compte à la fin : pour un puriste de la gestion passive, ces stratégies actives sont condamnées à échouer. Perso je n’y crois pas, car si je pense que les marchés sont relativement efficients, je suis convaincu que cette efficience est partielle, instable, inégale. Je crois beaucoup à l’idée de micro-efficience et de macro-inefficience de Samuelson : l’idée que les marchés savent pricer correctement des données comptables, mais beaucoup moins bien des données macros (une pandémie et la réponse d’une banque centrale, par exemple). Comme banquier central, ma force est a priori sur le domaine macro, précisément là où je pense qu’il y a des inefficiences.

Au bout du compte, dans la comparaison, il faudra évidemment tenir compte de la prise de risque relative à l’indice : c’est bien ce que mesure le beta, qui est une mesure synthétique du risque (concentration, valeurs volatiles, levier etc.) par rapport à l’indice. Après avoir enlevé l’effet du beta (de la prise de risque), on trouve un alpha positif ou négatif : sur ces 2 premières années de mon portefeuille IB, mon alpha par rapport à un ETF Monde (et à un moindre degré par rapport au S&P500) est très positif. Des ratios de performance ajustés du risque (Sharpe, Sortino) vont dans le même sens. C’est à ce titre que je dis avoir gagné le premier round. Mais je suis bien d’accord pour dire qu’une durée d’évaluation bien plus longue est nécessaire pour tirer des conclusions plus fiables.

S’agissant de mon évolution patrimoniale, il n’y a pas de secret, et on peut la suivre sur ma file de présentation (car je suis au moins aussi intéressé par ce sujet que par la bourse). Je viens de la reconstituer par mes contributions sur cette liste :


La croissance de mon patrimoine ces 3 dernières années est principalement due à de bons revenus professionnels, une forte discipline d’épargne (la base pour un bon Aveyronnais), de bonnes performances boursières, et une donation de biens immobiliers (nue-propriété surtout) en Aveyron par mes parents. En 2018, j’ai liquidé une partie de mes fonds € pour acheter la nue-propriété d’un appartement à Montpellier pour mes parents. Tous mes flux d’épargne sont dirigés vers la bourse, car c’est là à mon sens que je peux trouver la meilleure performance ajustée du risque.

Bref, rien d’extraordinaire ni d’"hallucinant", même si j’ai bien conscience que c’est bien et que je suis privilégié. Mais il me semble, Lopazz, que votre construction patrimoniale a été bien plus rapide et réussie que la mienne : rien d’hallucinant pour moi, je suis content de voir les autres réussir et ça peut aussi me donner des idées.

Par exemple l’idée d’utiliser le levier à mon avantage quand des circonstances favorables se présentent, comme en mars 2020. Vous noterez que c’est mon seul usage de l’endettement dans ma construction patrimoniale (et depuis toujours, car je déteste la dette, que j’assimile à une contrainte et un obstacle à ma liberté). De ce point de vue, la prise de risque par mon utilisation mesurée de la marge sur IB doit être fortement relativisée.

(D’ailleurs, quand je mentionnais un levier de 1,5 pour un portefeuille représentant 15% du patrimoine, je faisais référence à la situation de mars 2020. Depuis, ce portefeuille a doublé, et le levier a baissé.)

Je reviendrai plus tard sur les autres questions pour ne pas allonger plus encore ce message.

Dernière modification par Scipion8 (05/06/2020 08h07)

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21    #7 13/06/2020 19h08

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J’apprécie assez peu les allusions à des pratiques commerciales malhonnêtes en référence à ma file de portefeuille. Vous ne m’en voudrez donc pas de répondre sans grande tendresse mais, je l’espère, avec clarté.

Ma file de portefeuille, depuis ses débuts et constamment depuis, est l’une des rares, sur ce forum (avec celles d’IH, Larbinator et quelques autres), à être entièrement transparente :
- sur les montants
- sur les valeurs en portefeuille
- sur tous les mouvements
- sur la performance, absolue et relative
- sur la prise de risque (beta) et sur la sur-performance générée après prise en compte du risque (alpha)

J’ai donc été d’une transparence totale sur ce portefeuille. Je ne crois pas avoir éludé la moindre question. Je considère que c’est cette transparence qui rend une file de portefeuille intéressante - bien plus encore que la performance. Perso je trouve absolument dénuées d’intérêt les files de portefeuille sans cette transparence.

Je travaille depuis 16 ans dans le secteur de la finance. L’artisan a son talent manuel, le paysan sa connaissance de la terre, le médecin ses connaissances scientifiques et son expérience de praticien. J’ai compris depuis mes débuts que le seul actif d’un financier, c’est la confiance qu’on peut lui accorder. Et que cette confiance se mérite, à la fois par des compétences réelles et par une grande transparence. J’observe d’ailleurs que les meilleurs gestionnaires, comme William Higgons, sont d’une grande transparence sur leur gestion.

J’aimerais que les critiques aient ce niveau de transparence, mais ce n’est pas le cas :

- Fructif, vous avez supprimé votre file de portefeuille parce que vous gérez vos fonds de façon active, et que cela gêne manifestement vos initiatives commerciales sur les ETF. [Correction suite à la réponse de Fructif : sa file de portefeuille a été effacée par erreur]

- Palawan, votre file de portefeuille n’est transparente ni sur les montants (les pourcentages ne servent à rien : on ne gère pas du tout de la même façon un portefeuille de 5k€ ou 5 millions €), ni sur la performance. Et je me souviens que vous me reprochiez déjà mes mises en garde contre l’investissement dans les cryptos en 2017-2018. (Bravo pour votre spéculation et pour vos gains, pris sur des petites gens qui n’auront pas lu mes mises en garde.)

- Dangarcia, pour le coup votre file de portefeuille est transparente. Je me contenterai donc de dire qu’avec cette composition (valeurs matures), vous vous condamnez à une sous-performance massive. Vous feriez mieux de mesurer votre performance (relative) pour le réaliser enfin.

Ces mises au point étant faites, sur la substance des questions et commentaires :

1) Toutes mes mises à jour comprennent une vue d’ensemble sur mon portefeuille global. Jamais je ne l’ai occulté. J’imagine qu’une lecture trop rapide de mes trop longs messages, plutôt qu’une mauvaise foi caractérisée, explique que vous ne l’ayez pas remarqué.

J’en profite pour mettre à jour cette table :

Pour l’instant cette année, toutes les poches de ce portefeuille surperforment face à leur benchmarks respectifs. Ce qui m’encourage, c’est que la surperformance s’accroît sur les portefeuilles nouvellement créés (l’ordre de la table est l’ordre chronologique de création des portefeuilles) - indice d’un effet d’apprentissage qu’aucun investisseur 100% ETF ne connaîtra jamais.

La surperformance YTD face à un ETF Monde (pourtant réputé invincible) est de 10 7 points de pourcentage pour ce portefeuille global. En 2019, le portefeuille global a performé comme un ETF Monde (le poids excessif de la France gommant la surperformance générée aux USA). En 2018, le portefeuille global a sous-performé face à un ETF Monde, car mon portefeuille était alors essentiellement français et je suis rentré sur les marchés européen et US juste avant la correction du 4e trimestre 2018.

2) Outre cette vue d’ensemble, je me focalise sur le portefeuille IB parce que (i) c’est le seul portefeuille que je gère "activement" (en ce sens qu’il reçoit l’essentiel de mes apports depuis 2 ans) et (ii) IB, contrairement à EasyBourse et Binck, fournit de très bons rapports d’analyse de la performance. Mais mon portefeuille européen Binck performe bien aussi face à son benchmark, j’en suis satisfait. Mes portefeuilles français, construits à mes débuts et quasi inchangés depuis, performent sensiblement comme leurs indices de référence - un peu mieux cette année (j’essaie de les améliorer via le réinvestissement des dividendes mais naturellement ça prend du temps).

Je pense par ailleurs que le marché US offre bien plus d’opportunités que le marché français pour un investisseur orienté croissance comme moi.

Enfin ce portefeuille IB n’est pas totalement négligeable dans mon portefeuille global : il en représente désormais 46% en termes nets et 54% en termes bruts.

3) Depuis sa création il y a 2 ans, ce portefeuille IB ne surperforme pas simplement face à un ETF Monde (l’invincible dragon) : il l’écrase. 34 points de surperformance en 24 mois face à un ETF Monde, c’est +1,5 point de surperformance chaque mois. Selon mes calculs, cette surperformance représente environ 85k€ : soit (sur 24 mois), 3500€ / mois : c’est mon "salaire" pour ne pas avoir écouté les balivernes pseudo-scientifiques des vendeurs d’ETF et pour avoir fait confiance à ma capacité d’analyse et d’apprentissage.


Ce portefeuille IB construit sa surperformance en "grappillant" pendant les mois calmes, en montant fortement lors des périodes d’euphorie et en résistant relativement bien pendant les corrections :

Ce portefeuille IB a un beta de 1,25 par rapport au S&P500 et 1,24 par rapport à un ETF Monde, donc la surperformance est, pour une petite partie, due à une prise de risque (notamment l’utilisation de la marge en mars / avril 2020, quand les marchés s’effondraient - décision qui, soit dit en passant, demandait à la fois une certaine capacité d’analyse et du courage). Après prise en compte de cette prise de risque, le portefeuille génère bien de la surperformance face aux indices, comme le montrent l’alpha et les ratios de performance ajustée du risque (Sharpe, Sortino). (@Palawan : j’avais déjà mentionné ce point ; je ne vais pas vous faire un cours sur le beta, cela doit être expliqué dans les livres de Fructif, j’imagine - en un mot : le beta prend en compte l’utilisation de la marge.)

4) Je ne compte évidemment pas les apports comme "performance"…
Ce genre de remarque, après 28 pages de reporting et d’explications très détaillées, est borderline insultante…

La performance calculée par IB (et rapportée sur cette file) est le time-weighted return (TWR) (comme bien indiqué sur le graphique de comparaison avec le NASDAQ…) :

IB propose aussi un money-weighted return (MWR), qui serait encore plus à mon avantage :

5) Quant au match avec le NASDAQ, il est très serré : mon portefeuille reste devant mais serait probablement derrière le NASDAQ (YTD), si je n’avais pas utilisé la marge. Cela dit, ce portefeuille n’est qu’à 86% américain (il comprend aussi des valeurs chinoises, françaises etc.) et à 44% "technologique". A nouveau : tout comme l’utilisation de la marge, la surpondération des valeurs technologiques est évidemment une décision cruciale qui explique largement la performance de ce portefeuille. Mais quand je vois les portefeuilles vieillissants de mes critiques, j’ai du mal à comprendre pourquoi ce choix stratégique ne devrait pas être mis à mon crédit ;-)


Ces clarifications étant faites : un point important pour conclure : le biais cognitif qui suscite manifestement ces critiques : "je n’arrive pas à battre les indices, donc personne ne le peut". C’est parce que vous ne bossez pas assez, hein, c’est tout.

Ni moi ni personne n’a jamais dit qu’il était simple de battre les indices. Mais personne n’a jamais démontré que c’était impossible. Perso, je n’aurais jamais rien réussi dans ma vie si j’avais cru tous ceux qui me disaient que c’était trop difficile, que c’était "impossible" : la résignation de ceux qui abandonnent face à une tâche difficile, c’est de l’incompétence apprise, c’est la principale, voire la seule barrière qui nous empêche d’atteindre nos objectifs.

L’"intelligence collective" du marché, c’est celle du troupeau - certes un troupeau dominé par des professionnels, mais un troupeau tout de même, dominé par des mouvements d’euphorie ou de panique, parfois aveugle face à de nouveaux facteurs. Comme le marché a été initialement aveugle face aux actions massives des banques centrales en mars 2020. Pour un investisseur rationnel, pas nécessairement brillant ni intelligent, mais simplement calme et discipliné, c’était une opportunité. Et il y en aura bien d’autres.

Se résigner à la performance de l’indice est sans doute un choix rationnel pour la plupart des investisseurs amateurs, qui n’ont ni le goût, ni le temps, ni les compétences pour tenir parti de ces opportunités. J’ai fait un choix différent, parce que j’ai certains avantages analytiques par mon profil professionnel, et parce que c’est mon goût. Que le travail soit récompensé fâche manifestement certains, mais je continuerai à tracer ma route comme je l’ai toujours fait, en laissant les critiques derrière moi.

Pour ma part, je n’ai rien à vendre, aucune camelote, j’accomplis par ce portefeuille un projet purement personnel. Tant mieux s’il est utile à certains, et tant mieux s’il peut faire enrager les autres. J’ai foi dans la puissance du travail, sur la durée, dans l’investissement comme dans les autres domaines de la vie.

EDIT : Correction de la performance globale YTD en % dans la première table et de la surperformance par rapport à un ETF Monde. Correction sur la raison de la suppression de la file de portefeuille de Fructif.

Dernière modification par Scipion8 (14/06/2020 18h45)

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Favoris 16    17    #8 05/08/2020 13h03

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@PointsLignesPoints : Si j’étais vraiment enclin à ce biais, je pense que je ne ressentirais pas le besoin d’ajouter constamment de nouvelles lignes à mon portefeuille : je renforcerais plutôt celles que j’ai déjà, puisque je leur attribuerais une valeur supérieure ;-)

Pour répondre plus sérieusement :

1) Essayer de timer le marché à court-terme est un jeu structurellement perdant. A très court-terme, les marchés suivent un mouvement brownien, totalement aléatoire. Tous les participants qui font du trading à très court-terme s’engagent donc dans un jeu à sommes nulles. Et si l’on considère (i) les frais de transaction et (ii) l’avantage informationnel des participants professionnels, c’est clairement un jeu à somme négative - donc structurellement perdant - pour un participant amateur comme moi. Donc par principe un jeu auquel je refuse de jouer (principe que je viole quelquefois pour jouer aux paris sportifs, mais pour me distraire, pas pour gagner de l’argent). Les amateurs qui ont l’impression de gagner à ce jeu n’ont pas joué suffisamment longtemps, c’est tout.

2) L’asymétrie des profits et des pertes favorise les stratégies long au détriment des stratégies short. Quand vous achetez une action, vous prenez un risque limité à votre capital et l’opportunité d’un gain illimité. Quand vous vendez ou shortez une action, votre gain est limité (au niveau zéro pour le cours de l’action) et votre risque est illimité. Ce risque illimité est évident s’agissant d’une position short, mais il existe aussi quand vous vendez une action (même si on s’en rend moins compte) : vous prenez le risque d’un coût d’opportunité illimité. Clairement, je préfère jouer à un jeu avec risque limité et gain illimité - donc je préfère largement les stratégies long et je répugne toujours à vendre.

3) Sur le long-terme, la tendance des indices boursiers est clairement haussière (d’autant plus que l’on choisit un indice géographiquement large… ou américain). Bien sûr, cela est très net quand l’on regarde le S&P500 sur longue durée, ou un ETF Monde.

Mais plus fondamentalement, il faut se poser la question : que signifie la richesse ? La richesse, ce n’est pas des bouts de papier (même signés d’un Gouverneur) que l’on va placer à la banque : cela n’est que du papier, hein. La vraie richesse, ce sont des actifs réels créateurs d’utilité pour la société. Et j’en achète la propriété indirecte lorsque j’achète des actions. Je parie sur l’accumulation d’actifs réels par mes entreprises, sur le travail de salariés compétents, sur la création d’utilité sociale par mes entreprises, sur le développement technologique. C’est un actif bien plus solide et résilient, sur le long-terme, que des bouts de papier (et ce jugement vient d’un banquier central).

Vendre l’indice (ma gestion est quasi-indicielle), c’est parier contre ces tendances structurelles à l’accumulation de capital, à la création de richesse, au progrès technologique : cela peut éventuellement marcher à court-terme, mais sur le long-terme c’est clairement perdant.

Par ailleurs, je pense que la tendance haussière des marchés actions va être accentuée par les QE à répétition voire ad infinitum, qui détruisent les rendements des actifs moins risqués (obligations souveraines ou corporate IG), poussant les investisseurs vers les marchés actions.

Bref, ma position structurelle longue reflète la combinaison des 2 conseils de bon sens :
- don’t bet against the US economy (Buffett), qu’on peut élargir à l’économie mondiale
- don’t fight the Fed (ou les autres grandes banques centrales)

4) Les périodes de panique sont plus faciles à identifier que les périodes d’euphorie. Si à court-terme je suis convaincu que le market-timing est une activité perdante, il est clair que les marchés boursiers connaissent parfois des périodes de panique et d’euphorie. On peut essayer d’en profiter, ce que je fais par mon utilisation contracyclique de la marge.

Mais il est beaucoup plus facile à mon sens d’identifier une phase de panique qu’une phase d’euphorie. En effet, dans la psychologie humaine, et de façon encore exacerbée quand on observe une foule comme celle des participants de marché, les phases de panique sont courtes et violentes, alors que les phases d’euphorie sont douces et prolongées.

C’est vraiment dans la psychologie humaine :

- Face à une menace soudaine, l’humain peut paniquer, mais il finit toujours par se reprendre, retrouver sa rationalité pour analyser la menace, évaluer les dégâts et trouver des solutions : "Un être qui s’habitue à tout, voilà, je pense, la meilleure définition qu’on puisse donner de l’homme." (Dostoïevski) C’est pour cela que ceux qui nous promettent l’apocalypse à la moindre gué-guerre, à la moindre pandémie, au moindre choc, finiront toujours par avoir tort : l’homme surmonte toujours tout, même le pire.

- En revanche, l’humain est enclin (a fortiori en groupe) à tomber dans un sentiment agréable de confort puis d’euphorie, le conduisant à sous-estimer le risque.

Il est très difficile (même a posteriori) d’identifier le moment où l’euphorie commence, où l’humain cesse d’avoir son sens du danger en éveil. Il est beaucoup plus facile d’identifier le moment soudain où il panique.

On peut voir cela par exemple sur la volatilité implicite du marché actions US, le VIX : son comportement est toujours le même : il monte en flèche lorsqu’un choc inattendu survient (= panique), puis peu à peu il redescend (= phase d’évaluation de la menace puis de réponse), et parfois il reste très longtemps à un plancher très bas (= faibles risques "objectifs" ou phase d’euphorie : très difficile à dire !).

Un VIX au-dessus de 50 (comme en mars 2020) me fournit un signal clair que le marché est devenu déraisonnable dans sa panique, alors qu’un VIX en-dessous de 15 est difficile à interpréter : il ne signifie pas nécessairement une sous-estimation des risques - peut-être que les risques sont effectivement objectivement faibles. Et quand bien même il y aurait euphorie, elle peut durer très longtemps (contrairement à la panique). On pourrait vérifier par des backtests qu’une stratégie long avec un seuil de déclenchement VIX > x fonctionne beaucoup mieux, sur la durée, qu’une stratégie short avec un seuil de déclenchement VIX < y.

En complément du VIX, on pourrait utiliser la prime de risque du marché actions (equity risk premium, ERP). On aboutirait aux mêmes conclusions. Par exemple la prime de risque du marché actions US, qui a une moyenne de long-terme de 4,2%, avait quasiment atteint 8% en mars 2020 : pour moi, c’était un signal clair d’utiliser la marge pour acheter des actions US, leur risque étant alors 2 fois mieux rémunéré que la moyenne historique.

A contrario, la prime de risque du marché actions n’est pas toujours efficace pour anticiper des grosses corrections : certes, en 2000, l’existence d’une bulle était manifeste au vu d’une prime de risque du marché actions US à 2%, mais ce n’était pas le cas en 2007.

Prime de risque du marché actions US, 1960-2019 (source : Aswath Damodaran)

Prime de risque du marché actions US, 2020 (source : Aswath Damodaran)

Enfin, outre ces facteurs techniques, il est possible que par mon caractère (i) foncièrement optimiste et (ii) relativement calme face à l’adversité (relativement à la foule, hein, je ne suis pas un bonze), j’aie plus de facilité à identifier les paniques que les phases d’euphorie (à laquelle je peux succomber moi-même bcp plus facilement qu’à la panique).

5) Le cash est un actif risqué et (quasiment) non rémunéré. Quand on achète une action, on prend un risque de marché : le risque sur la valorisation de l’action : c’est un risque évident, qu’on peut suivre au jour le jour, et auquel on est sensible psychologiquement.

Beaucoup voient le cash comme la "sécurité". Ils parlent de la nécessité de "sécuriser ses plus-values".

Mais perso quand je vends une action je vois cela comme la conversion d’un actif risqué en un autre actif risqué. Techniquement, la forme la plus commune du cash est un prêt non collatéralisé à une banque (une entité opaque et très leveragée). Ce n’est pas du tout un actif sans risque. C’est un actif risqué (risque de crédit au-delà du plafond de garantie de 100k€ par déposant et par établissement bancaire) - mais ce risque (contrairement aux actions) n’est quasiment pas rémunéré !

Donc il est important pour moi (et ce sera plus encore le cas lorsque mon patrimoine sera plus important) de minimiser mon exposition au risque systémique (le risque bancaire). Je ne dis pas qu’il ne faut pas de cash, mais entre ce risque bien réel et le coût d’opportunité, je souhaite limiter ma détention de liquidités à un montant raisonnable (et en tout cas, rester en dessous du plafond de garantie).

Tous ces facteurs me conduisent à une forte préférence pour une stratégie structurellement long et passive sur les marchés actions, avec une minimisation des liquidités et une utilisation contracyclique de la marge uniquement pour tirer parti des phases de panique. Néanmoins, je n’exclus pas un jour de développer une petite poche short en complément, mais je doute que mon caractère s’y prête.

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 04h18)

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Favoris 7    13    #9 27/08/2020 01h55

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1) Perspective globale sur le portefeuille : A la faveur de la hausse des indices, mon portefeuille a désormais dépassé la cible ambitieuse que j’avais fixée pour fin 2020 : 1M€ - ce qui, compte tenu des autres "couches" de mon patrimoine (liquidités de précaution, fonds € et immobilier), est suffisant à mon sens pour une indépendance financière réelle.

Le portefeuille devance un ETF Monde d’une dizaine de points cette année, malgré un effet de change défavorable. Toutes les poches du portefeuille battent leurs benchmarks respectifs, à l’exception de mon CTO français (mon seul portefeuille de "rente", les autres poches étant orientées vers la capitalisation), plombé par les foncières.

La création de valeur de ce portefeuille (via l’appréciation des titres et les dividendes perçus) depuis que j’en ai pris en main la gestion fin 2016 est d’environ 200k€ - très concentrée sur mon portefeuille américain IB, créé il y a 2 ans (création de valeur d’environ 190k€). La création de valeur est légèrement positive sur mon portefeuille européen (lancé début 2018), et presque négligeable sur mon portefeuille français (le portefeuille précurseur). Rien ne dit qu’il en sera de même à l’avenir, mais en tout cas cela plaide vraiment pour la diversification géographique des portefeuilles boursiers !

2) Zoom sur mon portefeuille américain (IB) : Mon portefeuille américain (pour l’essentiel) continue de bien performer, même s’il n’a plus creusé l’écart sur les indices cet été. Il devance le S&P500 d’environ 30 points cette année.

Alors que son avance par rapport au S&P500 est claire, le match avec le NASDAQ est plus serré - mais toujours à l’avantage du portefeuille IB :


Sur le graphique suivant, on voit clairement que la surperformance du portefeuille IB par rapport au S&P500 a marqué le pas cet été.

En juillet, 2 facteurs m’ont pénalisé : (a) la (petite) respiration sur les actions technologiques, notamment celles du secteur du cloud/SaaS, qui avaient bien besoin de cette pause après une forte hausse ; (b) la dépréciation rapide du dollar face à l’euro. De mon point de vue, ces développements ne sont pas inquiétants : ils suggèrent que le marché conserve une faculté d’évaluation relative des titres et ne fonctionne pas en mode "bulle" (pour l’instant) ; par ailleurs, je considère la dépréciation du dollar presque comme créant un petit coussin de sécurité en cas de nouveau krach (conduisant habituellement à une appréciation du dollar). Ces derniers jours m’ont été très favorables et je suis assez confiant sur la capacité du portefeuille de conserver une avance sur le S&P500 d’ici la fin de l’année.

Un challenge pour moi dans la gestion de ce portefeuille IB est le poids croissant des valeurs technologiques : désormais environ 45%. Le tableau suivant montre que le poids des valeurs technologiques dans mon portefeuille IB n’a cessé de croître au cours du temps, pas simplement du fait de mon stock-picking, mais aussi de la forte performance des valeurs technologiques. Bien sûr, la surpondération des valeurs technologiques reflète un choix conscient de valeurs de croissance - mais je souhaite garder une diversification sectorielle suffisante. Il me faudra peut-être à l’avenir réfléchir à orienter un pourcentage minimum de mes renforcements vers des valeurs de qualité non technologiques.

3) Derniers renforcements : Alors que je suis sans activité professionnelle depuis juin (a priori je reprendrai vers octobre/novembre), j’ai eu quelques rentrées liées à mon dernier contrat (solde de congés). Afin de faire un peu baisser le levier de mon portefeuille IB, je ne les ai investies que partiellement, en complétant ma ligne Apple (augmentée de 18 à 30 titres) avant d’en faire une ligne important de fond de portefeuille (sans pour autant atteindre la taille, à peu près double, de mes valeurs préférées, comme Amazon ou Microsoft).

Par ailleurs, j’ai constitué une petite ligne BigCommerce après son IPO - un concurrent de Shopify (une ligne importante pour moi, qui a grossi "toute seule", malgré ma prudence initiale sur la valorisation) : très belle séance aujourd’hui (+33,5%).

4) Gestion du levier : Même si je suis globalement confiant sur les perspectives à moyen-terme pour les marchés boursiers, sur fond de sortie progressive de la pandémie et de QE massifs, je ne souhaite pas avoir un levier excessif, afin de pouvoir profiter d’une éventuelle correction, comme je l’avais fait lors du krach de février/mars 2020. Grâce à l’investissement partiel de mes revenus récents et à la montée des titres en portefeuille, le levier de mon portefeuille IB a baissé à 1,37 - plus très loin de ma cible de 1,30. Les autres poches de mon portefeuille ne sont pas leveragées et cela restera le cas.

Malgré mon utilisation de la marge IB pour 181k€, mon pouvoir d’achat IB a beaucoup augmenté ces dernières semaines : il est aujourd’hui de 1,02M€ - constituant une puissance de feu significative pour tirer parti d’éventuelles corrections. Pour comparaison il était d’environ 750k€ début février, avant le krach, et était tombé à 200k€ lors du point bas mi-mars. Cela va très vite - dans les 2 sens !

Dans les conditions actuelles de marché, je n’envisage pas d’augmenter significativement mon utilisation de la marge - j’attendrai plutôt le retour de mon épargne professionnelle en octobre / novembre pour investir activement. Mais en cas de correction importante (au moins -10%), je pourrais intervenir massivement sur des valeurs de qualité - particulièrement si les craintes sur les marché me semblent excessives (comme elles l’étaient en mars). Mon plan de bataille suivrait alors ma stratégie réussie de février/mars : un renforcement par paliers lors de la baisse ("défense en profondeur").

5) Zoom sur mon portefeuille européen (Binck) : Je parle assez peu de ce portefeuille, mais après avoir longtemps été dans le rouge (point d’entrée défavorable à sa création en mars 2018), il fait une belle année 2020, grâce à des renforcements sur des valeurs de qualité.

Parmi les meilleures performances, des valeurs de grande qualité : Lonza (Suisse, pharma), Nemetschek (Allemagne, logiciels d’architecture), Diasorin (Italie, diagnostics médicaux), Givaudan (Suisse, parfums), Temenos (Suisse, logiciels pour les banques), Moncler (Italie, doudounes)… On ne manque pas de valeurs de qualité en Europe, même s’il faut parfois un peu plus les chercher qu’aux USA !

Parmi les flops, quelques beaux plantages sur des couteaux qui tombent (Daimler, Deutsche Bank, Mondo TV), quelques timings catastrophiques (Aurelius Equity Opportunities, Barco), des biais professionnels malheureux (Koenig & Bauer, imprimeur allemand de billets), un focus excessif sur des hauts rendements (Lehto, Muenchmeyer Petersen Capital, Corestate Capital)… Mes quelques tentatives sur des fonds auront été de sacrés échecs (rassurant peut-être sur ma propre compétence de gestionnaire ?).

Globalement, le choix de valeurs de qualité et/ou de croissance aura bien mieux fonctionné sur cette poche (comme sur les autres) que mes tentatives sur des valeurs de rendement (souvent non pérenne) ou du value supposé (souvent plutôt des value traps).

6) Prochaine étapes : j’avais présenté sur cette file ma vision de la construction d’un patrimoine par "couches" successives, en cohérence avec la dimension psychologique de satisfaction de besoins changeants (pyramide de Maslow).

Désormais les 5 premières couches de ce patrimoine sont constituées :
- les liquidités de précaution
- l’immobilier d’usage
- les fonds €
- un portefeuille français diversifié et défensif, orienté pour une part vers la constitution d’une rente (CTO français) et pour l’autre part vers la capitalisation (PEA et PEA-PME)
- un portefeuille étranger diversifié et offensif, orienté vers la capitalisation sur le long-terme (valeurs de croissance)

Ce patrimoine suffit à mon sens à une pleine indépendance financière. Pour les prochaines couches j’avais envisagé de l’immobilier locatif ou des stratégies boursières plus risquées. N’ayant ni goût, ni compétence, ni disponibilité (expatriation prochaine probable) pour le premier, je m’oriente naturellement vers les secondes. Je prendrai mon temps pour élaborer ma stratégie pour cette nouvelle couche de patrimoine boursier, mais en principe elle sera plus offensive que ce que j’ai fait pour le moment.

Cette prise de risque pourrait prendre la forme de lignes plus grosses que mes petites "briques" habituelles, et/ou un levier plus important, et/ou un focus plus marqué sur des valeurs de croissance, voire des valeurs spéculatives, et/ou du market-timing (même si je suis assez sceptique sur la création de valeur par ce dernier moyen).

Mon objectif sera la constitution d’une nouvelle couche de 500k€ d’ici un peu plus de 2 ans (fin 2022), portant le portefeuille boursier à 1,5M€ et mon patrimoine total à 3M€. Évidemment, idéalement cela devrait se faire davantage par la création de valeur en bourse que par mon épargne professionnelle, mais aux niveaux de valorisation actuels et avec le risque d’une correction à moyen-terme, je préfère être prudent.

7) Valeurs du secteur de la santé : @Awacs : A l’occasion, je publierai peut-être une étude plus complète (quantitative) du secteur, mais pour vous répondre, pour mes investissements dans le secteur de la santé j’ai appliqué 2 principes simples :

- préférence pour les équipements médicaux et les firmes innovantes plutôt que pour les big pharmas, dans un contexte de disruption de la chaîne de valeur dans l’industrie pharmaceutique (par exemple émergence de CMO / Contract Manufacturing Organisations et de CRO / Contract Research Organisations toujours plus puissantes, au détriment des big pharmas)

- grande diversification, adéquate compte tenu de mon manque de connaissance de ce secteur très pointu

Je ne raisonne pas en termes de "point d’entrée" - je considère même que c’est une erreur de raisonner ainsi (je suis très différent des investisseurs value sur ce point). Si je trouve une entreprise de qualité, je veux en être actionnaire : ma première "louche" sur une valeur de ce type sera donc assez insensible à la valorisation. En revanche, mes louches suivantes de renforcement tiennent davantage compte de la valorisation.

Parmi les valeurs du secteur de la santé que j’ai et que j’apprécie (si j’en cite bcp, c’est que je pense qu’il faut que chacun fasse son marché, et qu’il faut diversifier ! les firmes sont US si ce n’est pas précisé) :

- 3 groupes (ultra) diversifiés de grande qualité : Abbott Laboratories, Danaher, Johnson & Johnson. Très bien à mon sens pour du fond de portefeuille.

- Parmi les équipementiers médicaux diversifiés, mon préféré est sans doute Edwards Lifesciences. Les autres que j’ai en portefeuille (Becton Dickinson, Boston Scientific, Medtronic, Cooper Companies, Steris, Stryker, Teleflex) me semblent aussi solides et pas particulièrement chers.

- Parmi les CMO, j’aime beaucoup le Suisse Lonza (peut-être l’une des toutes meilleures valeurs européennes au vu de son parcours boursier fantastique sur la durée). Regarder aussi les Américains Catalent et Baxter International.

- Parmi les CRO (secteur sans doute plus risqué), j’aime bien Icon Plc, IQVIA et PRA Health Sciences.

- Parmi les fournisseurs d’équipements et produits de laboratoires, 2 firmes excellentes : Thermo Fisher et le Français Sartorius Stedim (typiquement une valeur qui démontre le danger de la stratégie du "point d’entrée"). J’aime bien aussi l’Américain Repligen (fournisseur de protéines), le Suédois BioGaia et le Français Eurofins Scientific.

- Parmi les spécialistes des diagnostics - un secteur d’avenir mais qui s’est bien enflammé avec la crise du COVID-19 : Bio-Rad, Quidel (typiquement des "valeurs COVID", mais dont je pense qu’elles ont un avenir au-delà de la pandémie), Bio-Techne, NeoGenomics (pour la détection du cancer) et l’Italien Diasorin.

- Un sous-secteur prometteur (mais risqué - donc calibrer les positions avec prudence) : les tests génétiques : Natera, Invitae.

- Parmi les big pharmas, comme dit, c’est un sous-secteur que je sous-pondère, mais ma préférée est probablement l’Anglo-Suédoise AstraZeneca. Le Français Sanofi (en PEA) n’est pas si mal non plus.

- Dans l’assurance santé : UnitedHealth, Humana, Anthem, Molina Healthcare (rien de spectaculaire, mais c’est un sous-secteur que je pense utile dans un portefeuille diversifié).

- Les spécialistes des soins à domicile (un secteur d’avenir) ont bien monté mais je pense qu’il en faut en portefeuille : Amedisys, Chemed, LHC Group.

- Dans l’orthodontie : l’Américain Align Technology et le Suisse Straumann.

- J’investis aussi dans des firmes plus spécialisées, qui me semblent répondre à des besoins croissants, liés par exemple au vieillissement démographique et à la hausse de la prévalence de certaines maladies : par exemple le diabète (Dexcom, Insulet), les problèmes auditifs (l’Australien Cochlear, l’Italien Amplifon et le Danois GN Store Nord), l’apnée du sommeil (Inspire Medical Systems, ResMed), les troubles cardiaques (Myokardia) etc.

- Parmi mes valeurs préférées dans tout le secteur de la santé, des entreprises très innovantes qui pourraient révolutionner le secteur : cela dit, dans le contexte actuel des marchés, elles sont très (très) chères. Je suis ainsi actionnaire de Teladoc (télé-médecine) et Livongo (suivi des patients à maladie chronique), qui vont fusionner : incontournable ! Intuitive Surgical est le leader incontesté de la robotisation des interventions chirurgicales. Schrödinger et Simulations Plus fournissent des logiciels de simulation pour les biotechs. Veeva propose un SaaS pour analyser les données des patients. On peut piocher parmi ces firmes pour constituer une poche d’ultra-croissance (avec les risques que ça implique) au sein d’un portefeuille diversifié sur le secteur de la santé.

- J’aime aussi les entreprises qui répondent à des demandes sociétales croissantes, comme la fécondation in vitro (le Suédois Vitrolife) ou le suivi non invasif des patients (Masimo).

- Les produits vétérinaires sont l’un de mes sous-secteurs préférés, grâce à la croissance structurelle et une clientèle prête à tout pour ses toutous bien solvable : Idexx Laboratories, Zoetis

- Enfin, j’ai en portefeuille quelques couteaux qui tombent, mais sur lesquels je n’ai pas perdu espoir - à regarder éventuellement pour des esprits contrarian et qui n’auraient pas froid aux yeux : Cryolife (cryogénisation des transplants), Exact Sciences (tests des selles pour la détection du cancer colorectal), Abiomed (pompes cardiaques)

Vous l’aurez compris, mon portefeuille santé est majoritairement orienté vers les USA, même si on peut trouver quelques belles valeurs européennes dans ce secteur.

8) Actifs réels : @Caratheodory : a) L’INSEE définit les actifs comme les "biens  possédés  par  le  ménage,  qu’ils  soient  financiers,  immobiliers,  professionnels  ou  d’une autre nature (biens durables, véhicules, bijoux,  œuvres  d’art,  etc.),  soit  tout  ce  qui  relève du patrimoine matériel, négociable et transmissible des ménages".

Ma définition personnelle d’un actif serait peut-être plus économique : un actif est une chose qui crée de l’utilité pour son détenteur (une utilité financière, réelle, ou même psychologique). Je ne suis pas totalement convaincu que son caractère "négociable" et "transmissible" soit déterminant. Par exemple, le marteau de Thor lui est très utile, mais il est inutile à toute autre personne : il n’est pas donc vraiment négociable ni transmissible. Pourtant, pour moi, le marteau de Thor est un actif, car il crée une utilité bien réelle. (Mais je comprends que du point de vue de l’INSEE, on a besoin d’une définition plus circonscrite des actifs afin de ne pas devoir se perdre dans l’évaluation difficile des marteaux de Thor.)

b) Par actif réel, je n’entends pas nécessairement un actif tangible/matériel, mais plutôt un actif dont la valeur économique (la création d’utilité) sera relativement insensible aux événements monétaires. Une obligation peut perdre toute valeur du fait d’une catastrophe monétaire comme une hyper-inflation, alors qu’une action - titre de copropriété d’une entreprise créant une valeur bien réelle pour ses clients - y sera plus résiliente. Que l’euro existe ou non, je continuerai d’avoir x% de LVMH, dont les produits resteront attractifs pour ses clients quel que soit l’avenir monétaire de la France. (Je précise que ce n’est pas un scénario que j’envisage sérieusement, hein.)

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 04h19)

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Favoris 1    13    #10 21/11/2020 20h22

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Bonsoir,

Désolé pour mon manque de réactivité, mais ma reprise professionnelle est très prenante (j’y reviendrai), me laissant peu de temps pour les autres activités.

D’abord, un point d’étape sur le portefeuille : il a très bien traversé cette longue période de 5 mois (quasiment) sans renforcements (du fait de mon inactivité professionnelle forcée par la pandémie).

Malgré l’absence de munitions fraîches, j’ai réussi à tirer avantage de chaque décrochage en renforçant via la marge IB, tout en respectant ma cible de levier : le levier est actuellement de 1,41 sur le portefeuille IB et de 1,20 sur le portefeuille global (mon portefeuille IB est la seule poche leveragée sur les 5). Mon utilisation de la marge IB s’élève actuellement à 227k€, soit un peu plus d’une année de revenus professionnels, 68% de mes fonds € ou 52% de mes liquidités totales (fonds € + PEL + livrets).

Avec une performance YTD de +25,6%, le portefeuille global devance désormais un ETF Monde d’environ 16 points. Cette surperformance est largement due à mon portefeuille IB (USA + émergents), qui écrase son benchmark, le S&P500, de 43 points, grâce à de bons choix sectoriels et factoriels et une utilisation pertinente du levier (surtout lors du creux de février/mars). Mais je suis aussi très satisfait de la performance de mon portefeuille européen, qui bat son benchmark de 15 points. Le PEA-PME, orienté value, se débrouille aussi bien cette année.

3 de mes portefeuilles (USA/IB, Europe/Binck, PEA-PME France value/EasyBourse) sont à leur plus haut, et le PEA s’en rapproche. Le seul point négatif est la sous-performance du CTO France, la seule poche orientée dividendes - mais enfin c’est ce portefeuille qui me permet de vivre sans aucun autre revenu depuis 5 mois que ses dividendes, donc il accomplit sa tâche.

Avec le temps, je me suis habitué aux décrochages parfois violents de mon portefeuille IB, très offensif, à la fois par la surpondération des valeurs technologiques (qui pèsent désormais 367k€ sur une valeur totale des titres de 769k€, soit 48%) et par un levier assez agressif (1,41). Ainsi, l’annonce très heureuse du vaccin Pfizer/BioNTech a entraîné une baisse de ce portefeuille, mais cela a été compensé par une forte hausse sur mon portefeuille français, et après quelques jours de rotation sectorielle, mon portefeuille IB a repris sa marche en avant :

Depuis sa création il y a presque 2 ans et demi (juin 2018), ce portefeuille a généré une création de valeur totale d’environ +240k€, soit presque +100k€ / an, en partant de zéro. Je pense que d’ici 2 ans, ce portefeuille génèrera, à sa vitesse de croisière, une création de valeur supérieure à mes revenus professionnels.

Sa performance depuis le début est de +86%, soit 51 points de mieux que le S&P500, avec un beta de 1,22 (correspondant plus ou moins au levier moyen depuis la création du portefeuille) :

Sur cette période de 2 ans et demi, le ratio de Sortino est presque 2x celui du S&P500 :

Malgré l’absence d’apport d’argent frais, j’ai fait beaucoup d’achats ces dernières semaines sur mon portefeuille IB, car l’appréciation de mes titres m’"imposait" des achats afin de maintenir un levier constant (à 1,4), et par ailleurs je souhaitais profiter de décrochages à mon sens assez irrationnels dans un contexte très porteur pour les actions (fin prévisible de la pandémie + fort rebond économique alimenté par les stimuli budgétaires et monétaires + QE ad infinitum).

J’ai donc procédé aux achats suivants, en essayant de diversifier au-delà du secteur technologique (mais toujours majoritairement avec une optique croissance et innovation ; sauf précision, il s’agit de nouvelles lignes) :

- technologie : Qorvo, Trimble, TechTarget, SPS Commerce, JFrog, Datto Holding

- fintech : Lemonade (renforcement), PAR Technology, Root

- santé : Qiagen, Pulmonx, Addus Homecare, OptimizeRx, Medpace, Fulgent Genetics, SI-Bone, GoHealth, Nevro, Outset Medical, American Well, Penumbra, Acceleron Pharma, West Pharmaceutical, Inari Medical, Crispr Therapeutics

- loisirs : DraftKings, Electronic Arts, Collectors Universe

- énergies renouvelables : Innergex Renewable Energy, Ameresco

- luxe : Farfetch

- immobilier/construction/logement : D.R. Horton, Zillow Group, Floor & Decor, Rexford Industrial Realty

- chimie : FMC Corp

- consommation générale : Church & Dwight, Crocs, Nomad Foods

- or : Barrick Gold (renforcement)

- divers : Darling Ingredients, Trex, KKR

- Chine (l’élection de Joe Biden me semble une bonne nouvelle du point de vue des relations sino-américaines) : Pinduoduo, Alibaba (renforcement)

- En outre j’ai fait quelques allers-retours victorieux à très court-terme sur Visa et Microsoft (des lignes importantes et de fortes convictions chez moi), pour "me faire payer" la volatilité à mon sens excessive des marchés en octobre (VIX>30).

Avec ces achats, j’ai bien apuré ma watchlist américaine. Avec 450 valeurs américaines de qualité et/ou de croissance, je pense avoir celles qu’il faut en portefeuille, pour le long-terme. Je suis moins convaincu par la qualité de la centaine d’actions US qu’il me reste en watchlist. Je reste évidemment à l’affût des IPO intéressantes aux USA, mais j’envisage d’orienter mes prochains renforcements vers les pays émergents et vers l’Europe, notamment en Allemagne, en Suisse et en Scandinavie, où j’ai une watchlist étoffée et à mon sens de qualité supérieure à ce qu’il reste d’éventuellement intéressant aux USA.

Pour finir sur le portefeuille, je viens de réaliser le transfert de mon portefeuille Interactive Brokers, jusqu’ici localisé au Royaume-Uni, vers le Luxembourg, à l’invitation d’IB (conséquence du Brexit). Devenant bientôt résident fiscal américain, j’ignore si je devrai transférer à nouveau ce portefeuille IB, cette fois du Luxembourg vers les USA… De toute façon, pour des raisons de prudence, j’envisage d’alimenter ce portefeuille IB jusqu’à ce qu’il atteigne 1M€, puis de créer un nouveau portefeuille avec un courtier américain (selon mes informations, Charles Schwab serait un candidat sérieux).

La période de transfert vers le Luxembourg s’est traduite par quelques anomalies temporaires sur l’interface IB : certaines modalités de gestion et certains rapports sont devenus indisponibles, mais ça semble s’être normalisé. Mon "pouvoir d’achat" sur IB, déterminé par la valeur du portefeuille, a augmenté d’environ 1M€ à 1,9M€ - sans que je sache si c’est une anomalie temporaire ou un changement définitif (ce qui suggèrerait peut-être un contrôle des risques plus flexible chez IB Luxembourg que chez IB Royaume-Uni).
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@Chlorate : J’ai signé un contrat de 2 ans, renouvelable 2 ans, avec mon employeur, et j’ai repris le travail depuis une semaine, à un rythme très rapide : je commence d’entrée par une mission pour un petit pays d’Europe de l’Est (avec un décalage horaire d’une heure avec la France), tout en travaillant aux horaires de bureau de la côte Est américaine, avec mes collègues basés à Washington DC (avec un décalage horaire de 6 heures… dans l’autre sens). Donc ces 2 premières semaines, je travaille de 8 heures du matin à 1 heure du matin. Autant dire que la reprise a été dure, après 5 mois d’inactivité forcée.

Mais je suis très heureux de cette opportunité professionnelle, et pour la première fois depuis très longtemps, j’ai le sentiment d’être à ma place (même si mes difficiles missions africaines avaient d’autres charmes). Je ne suis plus isolé dans un lointain pays de mission, mais je travaille dans un département (très) technique de mon organisation internationale (3000 personnes au total), avec des collègues de très haut niveau : en gros 200 parmi les tout meilleurs experts mondiaux sur la politique monétaire, les marchés obligataires, la stabilité financière, la régulation bancaire… C’est passionnant pour moi de pouvoir apprendre auprès de gens aussi bons dans leur spécialité. Avec mon parcours Centrale+Sciences Po, je fais quasiment figure de "sous-diplômé", au milieu de PhD du MIT, Harvard, Oxford etc.

La grande diversité internationale des profils est un autre aspect intéressant. C’est un petit exploit pour moi d’être parvenu à intégrer les rangs de cette organisation sans soutien institutionnel (ayant rompu depuis longtemps tous les ponts avec la Banque de France et la BCE), "à la pédale", grâce à mon travail depuis 4 ans comme "mercenaire" pour cette organisation.

Il y a moins d’une dizaine de Français dans mon département (sur 300 personnes), peut-être une cinquantaine au total sur 3000 dans l’organisation. De façon amusante, je rejoins une division très "occitane", succédant à un ami aveyronnais (de ma vallée !) récemment parti à la retraite, sous les ordres d’un Lozérien, et en compagnie d’un jeune Tarnais. A croire que nous avons une compétence particulière dans notre région pour s’intéresser au "cœur" des banques centrales.

En effet, ma division s’occupe de tous les aspects opérationnels des banques centrales. Cela va des opérations de politique monétaire, à la gestion de la liquidité bancaire, aux monnaies digitales ou à la "solvabilité" des banques centrales. Autant dire que c’est la division la plus technique dans le département le plus technique de mon organisation.

Et dans cette équipe, je suis en charge du sujet peut-être le plus technique : le collatéral (les actifs que les banques centrales prennent en garantie quand elles prêtent à des banques) et la liquidité d’urgence (ELA, Emergency Liquidity Assistance) : ma passion et mon dada professionnel absolu, que j’ai pratiqué sur tous les terrains, de Chypre à 2013 à l’Afrique plus récemment. Je suis en charge de définir les bonnes pratiques et d’y préparer les banques centrales dans le monde entier. C’est un sujet crucial pour la stabilité financière mondiale. Il y a une demande très importante sur ce sujet actuellement, dans le contexte de la pandémie : après seulement une semaine de travail, je suis déjà booké pour 3 missions en Europe de l’Est, 1 en Asie Centrale, 1 dans l’Océan indien, 1 en Afrique et 1 dans les Antilles !

Mes missions ont des degrés de complexité très variables : cela peut aller de formations de base dans des pays pauvres (ce que j’ai fait essentiellement, ces dernières années), à des analyses bcp plus pointues pour des banques centrales plus avancées techniquement. J’ai carte blanche de mes chefs, et un budget important car la pandémie a ralenti les missions ces derniers mois. Je peux donc embaucher les experts les plus pointus dans le monde sur des missions de court-terme. Je suis très confiant et motivé pour aider les banques centrales sur ces sujets très complexes, partout dans le monde.

J’ai le sentiment d’avoir franchi un gros pallier dans ma carrière, et de ne plus être dans une "rat race" bureaucratique, car je n’ai pas d’ambitions de promotion dans une structure hiérarchique d’ailleurs très plate (je suis N-4 du top) et j’ai plutôt l’ambition de devenir un expert reconnu dans mon domaine et utile pour tout le monde, dans mon organisation et au-delà.

Pour revenir à des considérations plus basiques, mon salaire baisse par rapport à mes dangereuses missions africaines (j’avais des primes de risque), mais reste attractif : 157k$, probablement autour de 180-200k$ si l’on compte les primes d’expatriation et les primes de mission (ce n’est pas encore très clair pour moi). Le tout étant exempté d’imposition, c’est équivalent à un salaire d’environ 320k$ pour un salarié américain basé à Washington DC (je ne me rendais pas compte que l’imposition là-bas était aussi lourde sur les hauts revenus).

En termes de position dans la hiérarchie des revenus, ma "déchéance" est donc toute relative : je passe en gros du top 0,1% français (au temps de ma période financièrement faste des missions de court-terme) au top 1% américain, en termes de revenus salariaux.


Je m’attends à une baisse importante de mon taux d’épargne, en raison de dépenses de logement (j’estime mon loyer futur à Washington DC à 2,5k$ / mois) et de vie plus importantes aux USA. Pour l’instant, j’ai l’accord de mes chefs pour télétravailler depuis l’Aveyron, mais je pense m’installer à Washington DC vers janvier/février. Je suis impatient de découvrir un pays dont j’aime beaucoup la culture et la mentalité positive.

Je répondrai aux autres questions (notamment celle effectivement très intéressante de Carabistouilles) dans un autre message, pour ne pas rallonger encore plus celui-ci.

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 04h16)

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Favoris 1    15    #11 21/12/2020 02h57

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Bonsoir,

La performance de mon portefeuille IB franchit les +68% YTD, battant désormais le S&P500 de plus de 50 points et le NASDAQ de plus de 24 points :

Depuis la création de ce portefeuille IB il y a 2 ans et demi (juin 2018), sa performance dépasse désormais +100% : +103%, contre +41% pour un ETF S&P500 et +31% pour un ETF Monde :


La création de valeur depuis les débuts de ce portefeuille vient de franchir les +300k€, soit en moyenne +10k€ / mois, en partant de rien, mais évidemment avec des apports significatifs, puisque j’y ai affecté l’essentiel de mes flux d’épargne sur cette période (environ 300k€). Sur une période "courte" de 3-5 ans, je ne saurais dire si la création de valeur sur ce seul portefeuille IB pourra dépasser ma capacité d’épargne professionnelle, mais sur une durée plus longue (disons 10 ans), je pense très probable que ce portefeuille crée plus de valeur que mon travail, sans même considérer les apports probables.

Les autres poches de mon portefeuille se comportent de façon satisfaisante, avec notamment de belles superformances sur mon portefeuille européen (désormais chez Saxo) et sur mon PEA-PME, confirmant une très belle année pour les small caps value. Seul mon CTO France, mon ancien navire amiral orienté dividendes, sous-performe légèrement son benchmark. A près de +36% YTD, mon portefeuille global dépasse un ETF Monde de plus de 20 points :

Derniers renforcements : Grâce à ma reprise professionnelle, j’ai pu enfin reprendre les apports réguliers (à hauteur d’environ 12k$ / mois), ce qui est beaucoup plus confortable psychologiquement pour gérer la volatilité, car je sais que j’aurais quelques munitions fraîches pour en profiter.

J’ai une longue buylist en Europe (notamment en Allemagne, Suisse et Scandinavie), mais l’impossibilité de convertir les $ de mon salaire en € sur IB (en raison de mon utilisation de la marge, qui m’empêche de retirer des fonds depuis le transfert de mon compte à Luxembourg) limite ma capacité de mobilisation de mes apports sur mon portefeuille européen (Saxo). Je prévois de faire un virement significatif depuis ma banque américaine vers Saxo en janvier/février, mais les frais bancaires de change sont salés.

En Europe (Saxo), je me suis donc contenté de 3 nouvelles lignes :
- Envitec Biogas (biogaz, Allemagne)
- Musti Group (magasins pour animaux de compagnie, Finlande)
- Siegfried Holding (fabrication de médicaments, Suisse)

En France (EasyBourse), j’ai liquidé ma ligne HSBC compte tenu du retrait de la cote parisienne et j’ai reçu les fonds suite l’OPA de Worldline (dont je suis actionnaire) sur Ingenico. Cela m’a permis de générer quelques liquidités pour payer mes impôts.

Aux USA, j’ai ajouté un bon nombre de lignes orientées croissance, voire assez spéculatives, mais avec une calibration très prudente compte tenu des niveaux de valorisation et des comportements moutonniers assez caractéristiques d’une bulle en formation :
- AdaptHealth (équipements médicaux pour la maison)
- Appian (plateforme de programmation)
- Carvana (vente online de voitures d’occasion)
- Diodes (électronique/semi-conducteurs)
- Eargo (aides auditives)
- Novanta (optique/robotique pour la médecine)
- Novocure (traitement des tumeurs)
- Twist Bioscience (synthèse ADN)
- QuantumScape (batteries pour véhicules électriques)
- Arcturus (traitements mRNA)
- Corsair Gaming (équipements pour gamers)
- Celsius (boissons énergétiques)
- TTEC (CRM)
- Luminar Technologies (capteurs et software pour véhicules)
- AirBnb (j’ai dû fortement sous-calibrer ma ligne compte tenu du niveau déraisonnable de l’IPO)
- Maxeon Solar Technologies (panneaux solaires)

En Chine, j’ai acheté Anta Sports (vêtements de sport, unsponsored ADR).

Enfin, j’ai initié mi-novembre, avec un timing assez bon, une petite poche pour me couvrir d’un risque de bulle sur les cryptos, mais en évitant de m’y exposer directement (je pense que les cryptos anarchiques actuelles iront à zéro à plus ou moins long-terme, notamment en raison de l’émergence des CBDC, mais qu’un écosystème puisse survivre et se développer me semble possible) :
- Silvergate Capital (banque fintech/cryptos)
- MicroStrategy
- Grayscale Bitcoin Trust (là évidemment, je m’expose assez directement au Bitcoin malgré mon peu de conviction, ou plutôt ma conviction négative sur le long-terme)

Je préfère très clairement Silvergate Capital dans cette petite liste - elle colle bien avec l’idée d’un écosystème qui se développerait et survivrait à la fin des cryptos anarchiques actuelles. Cette petite poche cryptos pèse désormais 16k$ dans mon portefeuille, avec une PV de déjà 5k$, qui a contribué à dynamiser mon portefeuille ces dernières semaines.

Stratégie pour les prochains mois : La prime de risque du marché actions américain, à 5% selon l’estimation d’Aswath Damodaran (4,97% exactement au 1er décembre, 4,73% si l’on incorpore son ajustement pour le COVID), demeure supérieure à ma cote d’alerte (4%, soit le niveau pré-krach en 2007, à comparer avec 2% au pic de la bulle techno en 2000 et une moyenne de long-terme de 4,2%).

Mais les signaux d’alerte sur une bulle en formation se multiplient : à mon sens, on commence à dépasser l’étape de la multiplication de bulles locales (EV, énergies renouvelables, SaaS…), et on commence à voir un phénomène plus généralisé : je ne m’attendais pas à une IPO aussi folle sur une valeur relativement "mature" comme AirBnb, pour moi c’est un signal d’alarme clair.

Les indices comportementaux d’une bulle en formation sont aussi clairs, avec le succès des achats "à l’aveugle" (SPAC), sans aucune considération pour les fondamentaux, l’ignorance de toute valorisation (même sur des simples ratios P/S), la prolifération des discours sur un "nouveau paradigme", la croyance, doublement fausse, que les banques centrales peuvent et veulent éviter un éclatement de bulle, les comportements moutonniers, le trading à gogo sur les calls, l’évaporation progressive de toute gestion des risques etc.

Donc d’un côté, une prime de risque encore "raisonnable", de l’autre, des comportements qui le sont beaucoup moins, et qui seront sanctionnés dans la douleur, à plus ou moins brève échéance.

Dans ce contexte, ma stratégie ces prochains mois consistera à :

1) maintenir toutes mes lignes, avec une extrême diversification de mon portefeuille (900 lignes) et toujours une orientation croissance

2) me préparer psychologiquement à la perte momentanée de 500-600k€ (en mars j’avais essuyé une perte momentanée de 350k€, que j’avais globalement bien supportée, malgré la perte simultanée, mais aussi temporaire, de mon emploi)

3) réduire mon levier à 1,2-1,3 sur mon portefeuille IB (mon seul portefeuille leveragé) et à 1,1-1,2 sur mon portefeuille global : actuellement mon levier est de 1,38 sur mon portefeuille IB et de 1,19 sur mon portefeuille global. Pour comparaison, j’avais commencé le krach de février/mars 2020 avec un levier de 1,2 sur mon portefeuille IB et de 1,1 sur mon portefeuille global

4) allouer mes renforcements à des valeurs de qualité : mon mantra pour 2021 sera les fondamentaux, les fondamentaux, les fondamentaux : je vais plafonner mes investissements sur des valeurs d’ultra-croissance ne générant pas de profits, et donner la priorité à des firmes avec des avantages concurrentiels démontrés et une profitabilité forte et régulière (et bien sûr un potentiel de croissance)

5) augmenter mon exposition sur les marchés "sains" en Europe : la Suisse et la Scandinavie me semblent assez chères ; je crains le risque souverain en Italie et en France ; l’Allemagne me semble aujourd’hui le marché le plus intéressant, avec des small/mid caps de qualité à un coût bien moindre qu’aux USA, à qualité équivalente

6) préparer une stratégie de renforcements par paliers pour la prochaine grosse correction : malheureusement, les marchés ne savent pas ralentir en douceur, donc il me semble probable que l’on voie une correction assez forte, d’une ampleur de -20% ou plus, ces prochains mois. Je souhaite en tirer parti, comme je l’avais fait en février/mars 2020, via des renforcements graduels, par paliers, dès la jambe descendante du V, en ciblant des valeurs très solides

7) préparer une stratégie de gestion de bulle, si ce scénario se matérialise : si la prime de risque du marché actions US baisse sous les 4%, il faudra que je revienne à un levier de 1-1,1, donc réfléchir à des liquidations éventuelles de lignes (même si le levier baissera naturellement du fait de l’appréciation de mes titres)

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 04h17)

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Favoris 5    21    #12 21/12/2020 17h10

Membre (2017)
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Bonjour,

Je reviendrai un peu plus tard sur les questions sur mon portefeuille et sur le risque souverain. Dans ce message j’essaie de répondre (enfin !) aux questions de Carabistouilles sur l’or, l’argent et la monnaie fiduciaire (devises fiat), sous une perspective historique de (très) long-terme. On m’autorisera donc ici de longues digressions historiques (pour ceux que ça intéresse, comme moi) ; je développerai les conséquences pratiques pour l’investissement (de mon point de vue) dans le contexte actuel dans un autre message.

Quelques clarifications pour Carabistouilles en introduction :

- Évidemment, par mon travail, j’ai un biais positif sur la monnaie fiduciaire, puisque c’est ma mission d’aider les banques centrales à rendre leur monnaie plus crédible, plus efficace pour servir au mieux les économies nationales.

- Mais c’est à mon avis une illusion d’opposer diamétralement les devises fiat et les métaux précieux, que les banques centrales possèdent en masse. Historiquement, la transition entre des systèmes monétaires métalliques et les devises fiat a été très graduelle et pas toujours irréversible (j’y reviendrai dans ce message).

- "La main qui me nourrit", c’est aussi celle qui nourrit l’ensemble de la population : quand une monnaie s’effondre, c’est toute la population qui trinque. La monnaie n’est qu’un symbole de confiance de la société dans l’ordre politique. Quand elle tangue, c’est l’État qui est en danger, donc la sécurité physique de chacun… qu’il ait ou non stocké des boîtes de conserve dans sa cave et des Napoléons dans son coffre.

- Je ne suis pas un "insider" sur les perspectives pour la bourse, l’or ou l’argent. Je travaille sur des questions très techniques de tuyauterie monétaire. J’ai davantage d’informations sur la bourse en lisant les forums que par mon travail. Dans le cadre de mon emploi, j’ai des restrictions sur le trading à court-terme (moins de 6 mois) sur l’or et les devises, et évidemment la stricte interdiction d’utiliser toute information d’insider dans mes investissements. Mais quand je travaille sur les marchés monétaires en Afrique, je reçois assez peu d’informations utiles pour mes investissements ;-)

- Si je vous réponds avec retard, ce n’est pas parce que votre question me gênerait (j’ai maintes fois parlé de ma perspective sur l’or sur ce forum), mais parce que je voulais (pour les lecteurs que ça intéresse et aussi pour moi) creuser un peu la réflexion par rapport à mes messages habituels sur le sujet jusqu’ici, en y ajoutant une perspective historique - un élément de culture générale utile pour moi dans mon job. Je n’ai pas la science infuse, ça demande un peu de lecture et de réflexion, et je suis à peine au début de ce chantier (je viens tout juste de compléter ma bibliothèque en ligne sur l’histoire financière).

Sous une perspective historique, voici donc quelques réflexions personnelles sur l’or, l’argent et les monnaies fiduciaires :

1) La perception de la monnaie est une construction sociologique et politique : Le statut d’une forme particulière de monnaie dépend toujours de sa perception par la société. Ces perceptions peuvent être radicalement différentes d’une société à l’autre, et elles peuvent radicalement changer au cours du temps : rien n’est inscrit dans le marbre. La "valeur" de l’or ou de l’argent pas plus que celle d’une autre forme de monnaie.

Un exemple : à leur grande surprise des Européens, les tribus indiennes du Canada n’avait guère d’intérêt pour l’or des premiers colons et commerçants européens qui souhaitaient leur acheter des marchandises. Ces derniers ont donc ajusté leur système monétaire en conséquence : l’unité monétaire de référence dans leurs échanges avec les Indiens était la fourrure de castor, qui servait d’unité de compte pour toutes les marchandises.

2) Le troc n’est pas une option : C’est un long débat entre historiens et anthropologues, mais historiquement il semble qu’il n’y ait jamais eu de société humaine entièrement fondée sur le troc - en tout cas on n’en a pas la preuve. Historiquement, le troc était plutôt utilisé comme moyen d’échange entre tribus hostiles qu’entre "amis". Entre amis, on se met rapidement d’accord sur l’usage d’une monnaie pour faciliter les échanges. Donc, d’un point de vue historique, l’explication de l’émergence des monnaies comme permettant d’éviter les aspects pénibles du troc (portabilité, absence de standardisation etc.) ne serait que purement théorique.

La préférence des humains pour la monnaie par rapport au troc continue de se vérifier à chaque "expérience" :

- Dans les camps de prisonniers de la Seconde Guerre Mondiale, la cigarette était ainsi la monnaie de référence - largement préférée au troc pour les échanges. La Convention de Genève permet en effet de faire travailler des prisonniers de guerre, mais contre une "rémunération". Cette rémunération ne pouvant être en "monnaie" classique (cash, or, argent), utilisable pour faciliter les évasions, elle se faisait généralement par d’autres moyens, notamment les cigarettes - dès lors utilisables comme monnaie.

- Dans les prisons américaines, depuis l’interdiction des cigarettes en 2003, les prisonniers utilisent les boîtes de maquereaux distribuées par l’administration pénitentiaire comme unité de référence de leur système monétaire.

3) Les métaux précieux ne sont que la monnaie de commodité de préférence de l’Occident, mais sont loin d’être incontournables : des sociétés ont pu très longtemps opérer des systèmes monétaires sans métaux précieux et sans monnaie fiduciaire : historiquement, les métaux précieux se sont finalement imposés grâce à leur durabilité, portabilité, divisibilité, fongibilité, standardisation et facilité d’identification. Mais d’autres monnaies de commodité ont longtemps fonctionné avec succès, y compris à l’échelle internationale, par exemple :

- Les coquillages, notamment le cauri (porcelaine-monnaie, monetaria moneta), ont très longtemps (et jusqu’à aujourd’hui !) servi de monnaie de commodité dans une zone économique très étendue, s’étendant de l’Afrique, l’Océan Indien, l’Asie, au Pacifique et à l’Amérique. Le cauri a d’abord servi de monnaie de commodité entre les régions côtières de ces régions, avant de s’étendre à l’intérieur des continents (notamment en Afrique, où il a été utilisé comme monnaie jusqu’au début du 20e siècle). Les cauris restent utilisés aujourd’hui comme monnaie dans les Îles Salomon et sur l’île de Nouvelle-Bretagne orientale en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où ils sont convertibles dans la monnaie fiduciaire nationale (kiva).

- La manille (anneau ouvert en bronze, cuivre ou laiton) a été utilisée en Afrique de l’Ouest comme monnaie de commodité dans les échanges avec les Européens, notamment pour le commerce des esclaves. Elles étaient portées en collier par les femmes pour afficher la réussite de leurs époux. Dans les pays anglophones d’Afrique de l’Ouest les manilles ont été utilisées jusqu’à la fin des années 1940, quand elles ont été échangées par le colonisateur britannique contre la devise coloniales. Les manilles étaient encore utilisées au début des années 2000 comme monnaie dans des villages reculés du Burkina-Faso, mais elles servent désormais surtout de décorations.

Bien d’autres monnaies de commodité ont été utilisées historiquement - des céréales, du bétail, du sel, et même parfois des hommes (esclaves) - même s’ils ont des désavantages évidents de portabilité / standardisation par rapport aux métaux précieux.

4) La fonction d’unité de compte et de standard de paiement différé est peut-être plus cruciale, dans la formation d’une monnaie, que la fonction de réserve de valeur et de moyen d’échange : là encore, c’est un vaste débat entre historiens / anthropologues. La monnaie est-elle née du besoin de trouver un moyen d’échange pratique et standardisé pour éviter les embêtements du troc ? Ou est-elle née comme standard de paiement différé ?

Certains historiens considèrent que les sociétés primitives ont évolué graduellement de "sociétés du don", où la position sociale des individus était liée à leur générosité envers les autres, à des sociétés où chaque action positive pour la collectivité était assortie non plus seulement du "respect" (une gratification non monétaire), mais d’une dette, d’abord implicite puis explicite, par ceux qui bénéficiaient de cette action positive : une société du "je t*e dois". La monnaie n’aurait été qu’un moyen d’exprimer puis de standardiser ces dettes entre individus, c’est-à-dire un standard de paiement différé.

J’aime beaucoup cette thèse, qui me semble bien plus juste historiquement et plus fidèle à la nature sociable de l’homme que la thèse assez simpliste de la monnaie comme "joli métal qui brille" - qui ne semble pas universellement vérifiée quand on élargit le spectre de l’analyse en dehors de l’Occident.

L’une des formes les plus anciennes et universelles de monnaie - bien plus ancienne et universelle que l’or et l’argent - est le bâton de comptage (tally stick) : un bâton que l’on coupait en 2, l’une des parties allant au créditeur et l’autre au débiteur, qui pouvaient dès lors vérifier la correspondance parfaite à l’avenir. Un système de marques sur chaque bâton indiquait le "montant" de la dette. On trouve des exemplaires de bâtons de comptage vieux de 20 000 à 40 000 ans en Afrique, en Europe et en Asie. Et même en Occident, cette forme non-métallique de monnaie a été très longtemps utilisée : les bâtons de comptage étaient encore utilisés en Angleterre au début du 19e siècle !

5) Les systèmes monétaires entièrement fondés sur la confiance peuvent être plus solides et efficaces que les systèmes monétaires métalliques : une commodité (l’or ou l’argent, par exemple) est en réalité superflue pour faire fonctionner un système monétaire - en particulier dans une société où prévaut la logique de l’honneur. La fondation de ces systèmes monétaires peut dès lors être la confiance, sans avoir besoin d’aucune commodité sous-jacente. Par exemple :

- Dans le monde musulman, le système d’hawala permet des échanges monétaires internationaux sans avoir même besoin d’un effet de commerce ou d’une lettre de change, simplement sur la base d’un système d’honneur et de confiance, via un réseau d’halawadars reconnus par tous. Toute tricherie conduit à l’exclusion définitive du tricheur et à une "perte d’honneur" très coûteuse économiquement et socialement.

- Dans le monde chrétien, au 12e siècle les Chevaliers Templiers émettaient des billets à ordre pour les pèlerins en partance pour la Terre Sainte : les pèlerins déposaient leurs fonds dans une commanderie à leur départ d’Europe, ils recevaient un document indiquant la valeur de leur dépôt, et pouvaient ainsi retirer leurs fonds à leur arrivée en Terre Sainte. Là encore, la confiance était le fondement du système monétaire.

6) Les systèmes monétaires métalliques reposent aussi sur la confiance : J’avoue ne pas comprendre ceux qui opposent les systèmes monétaires reposant uniquement sur la confiance, comme les devises fiat, et ceux reposant sur les métaux précieux. Historiquement, les systèmes monétaires métalliques ne pouvaient pas non plus fonctionner sans confiance ! Je crains que l’or et l’argent ne soient donc qu’une protection très fragile pour ceux qui voient des complots, des effondrements et des Great Resets à chaque coin de rue ;-)

Ainsi, le système bancaire européen s’est largement développé via les orfèvres aux 16e-17e siècles, qui, en recevant des dépôts d’or, émettaient des lettres de change négociables au profit des déposants. Ceux-ci pouvaient utiliser ces lettres de change pour régler des échanges commerciaux. Tout ce système reposait sur la confiance dans le réseau de ces orfèvres ayant pignon sur rue.

La seule loi constante dans les rapports humains, c’est celle de la force. Si vous avez beaucoup d’or, rien au monde ne vous protègera s’il y a plus fort que vous, ou si la société adopte une loi qui protège la propriété privée : la fondation d’un système monétaire, métallique ou non, est donc bien la confiance, et certainement pas le degré de pureté ou de brillance d’un métal.

Le 5 avril 1933, Franklin D. Roosevelt signait l’Executive Order 6102, interdisant la thésaurisation d’or, quelle qu’en soit la forme (pièces, lingots ou certificats convertibles en or). Ce décret, établi sur la base du Trading with the Enemy Act de 1917 (une législation de guerre), s’imposait à tous sur le territoire américain, personnes physiques ou morales, américaines ou étrangères. Le décret laissait moins d’un mois pour remettre tout l’or à la Réserve Fédérale (excepté un faible montant autorisé), et les violations étaient punies d’une amende allant jusqu’à 10k$ (soit environ 200k$ actuellement) et jusqu’à 10 ans de prison. L’État américain achetait l’or à $20,67 l’once (soit $408 actuellement). Par le Gold Reserve Act, le prix de l’or a ensuite été fixé à $35 l’once (soit $691 actuellement, soit une dévaluation de 40%), permettant à l’Etat américain d’enregistrer un profit important, finançant un Exchange Stabilization Fund face à la crise économique. Les contrats entre particuliers qui avaient été établis auparavant en or devaient dès lors être réglés en monnaie papier - alors même que certains de ces contrats visaient précisément à se protéger contre le risque inflationniste.

Autre exemple : en 1966 au Royaume-Uni, le gouvernement Wilson a décrété des restriction sur la détention de pièces en or, afin d’empêcher la thésaurisation face à l’inflation. Les collectionneurs devaient obtenir une licence de la Banque d’Angleterre. Néanmoins ces restrictions furent inefficaces et abandonnées en 1970.

Plus près de chez nous : la campagne de récupération des métaux lancée à la fin de la Révolution française, avec "dons patriotiques", confiscation des biens des émigrés, fonte de la vaisselle royale et de l’argenterie et de l’orfèvrerie des églises et des abbayes, fonte de 30 000 cloches etc.

La protection offerte par l’or ou l’argent aux épargnants est donc très relative dans ce type de scénario - alors même que c’est précisément parce qu’ils ont des angoisses de ce type que certains accumulent de l’or…

7) La monnaie papier a aussi une très longue histoire : c’est assez faux d’opposer l’or et l’argent, monnaies "millénaires", et la monnaie papier, qui serait une création plus récente et assez "artificielle". La monnaie papier a aussi une histoire très longue et tout aussi universelle que l’or et l’argent.

Les billets à ordre émis dans le cadre de relations commerciales sont une forme de monnaie privée, apparue en Chine depuis au moins le 2e siècle avant JC (dynastie Han). Sous la dynastie Tang (618-907), l’"argent volant" (feiqian) était un billet à ordre utilisé comme monnaie par les marchands de thé dans leurs déplacements, avant de les convertir dans le capitales provinciales en "vraie" monnaie.

Au 11e siècle, la monnaie papier cesse d’exister uniquement sous forme de monnaie privée (billets à ordre), l’État chinois décrétant un monopole d’émission de monnaie papier (jiaozi), utilisée en parallèle des pièces métalliques et des lingots d’argent. Une émission excessive de monnaie papier a néanmoins conduit à une forte inflation, rendant les Chinois durablement méfiants face à cette monnaie papier.

Marco Polo a rapporté de ses voyages une description de l’usage de la monnaie papier en Chine, et très progressivement elle s’est aussi développée en Europe (d’abord sous la forme privée de lettres de change). La Suède a émis la première monnaie papier européenne en 1661 (suivie par la Hollande en 1683) : elle n’était pas convertible en or / argent, mais elle avait cours légal. [Il est amusant de constater qu’aujourd’hui la Riksbank est à nouveau précurseur dans le développement des devises digitales de banques centrales (CBDC, Central Bank Digital Currencies), avec l’e-krona et une "disparition du cash" plus rapide que dans les autres pays européens.] Mais là encore, la monnaie papier suédoise s’est vite dépréciée, forçant un retour de l’étalon-argent en 1776.

8) En temps de crise, la monnaie papier est la monnaie de préférence - pas l’or : Historiquement, dans la plupart des pays, l’émergence et la montée en puissance de la monnaie papier s’est faite à l’occasion des crises, autant économiques que politiques (notamment les guerres). Par exemple :

- En France, les guerres ruineuses conduites par Louis XIV ont mis les finances publiques en grande difficulté, forçant l’État en envisager d’autres moyens monétaires que l’or et l’argent. La première monnaie papier en France a ainsi été émise en 1701 et était libellée en livres tournoi. Là encore, les premières expériences ont été douloureuses, avec la faillite de la Banque Royale (héritière de la Banque Générale de John Law et l’un des émetteurs de cette nouvelle monnaie papier) en 1720. La monnaie papier est réapparue avec la Caisse d’Escompte en 1776, sous la forme d’actions au porteur, puis avec les assignats pendant la Révolution française : les émigrés ayant emporté avec eux leur or, la pénurie en or rendait incontournable la monnaie papier. On peut d’ailleurs interpréter les guerres napoléoniennes comme une entreprise (réussie) de la France pour rapatrier l’or ("rapatrier" étant un terme poli, "voler" étant sans doute plus exact).

- Mais la première monnaie papier française est apparue en Amérique, en Nouvelle-France : en 1685, dans un contexte de pénurie locale de monnaie française, il fallait d’urgence payer les soldats pour éviter une mutinerie. Les autorités ont décidé l’émission d’une monnaie papier, sous forme de cartes à jouer (monnaie de carte). Les cartes avaient une dénomination, étaient signées et remises comme paiement aux soldats. Au milieu du 18e siècle, tous les paiements en pièces métalliques étaient suspendus et seule la monnaie papier était utilisée, conduisant à une forte inflation.

- D’ailleurs le premier usage de la monnaie papier en Europe était dans un contexte de crise par excellence : les monnaies de siège (monnaies obsidionales) étaient frappées dès le 15e siècle dans les villes assiégées (d’abord en Espagne pendant la conquête de Grenade en 1482-1492, puis au 16e siècle en Italie, en France, aux Pays-Bas etc.) pour permettre la continuation d’une activité économique, l’or et l’argent étant alors souvent thésaurisés.

- Autre exemple : l’émission de billets particuliers (facilement identifiables) par l’armée américaine pour son usage en Europe et en Afrique du Nord pendant les campagnes militaires de la Seconde Guerre Mondiale : si les territoires libérés avaient été repris par les Allemands, il eût été facile de démonétiser ces billets. De même, lorsque les Japonais ont attaqué Pearl Harbor, les Américains ont émis des billets particuliers (Silver Certificates convertibles en argent) pour mise en circulation à Hawaii, de façon à pouvoir les démonétiser en cas d’invasion japonaise.

- Au-delà de ces situations particulières, l’histoire monétaire américaine reflète d’ailleurs l’émergence progressive de la monnaie papier à l’occasion des crises successives :

a) dans un contexte de "famine monétaire" (pénurie de monnaie britannique), les bills of credit étaient une forme primitive de devise dans les colonies américaines ; ces bills of credit étaient de qualité monétaire médiocre, perdant souvent très vite toute valeur ;

b) lors de la Guerre d’Indépendance, les Américains ont émis des Continentals, qui étaient théoriquement convertibles en argent, mais ne l’ont jamais été et avaient perdu 99% de leur valeur en 1790, malgré la victoire américaine (d’où l’expression "not worth a Continental") ;

c) après ces expériences négatives de monnaies papier très fragiles, la Constitution américaine interdisait aux États l’émission de bills of credit et donnait cours légal à l’or et à l’argent, initialement avec un taux de change flottant (puis avec un taux de change fixe de 15 par le Coinage Act de 1792, par le Secrétaire au Trésor Alexander Hamilton, passant à 16 en 1834) ;

d) mais dès 1812, à l’occasion d’une nouvelle guerre contre les Britanniques, les Américains émettaient des Treasury Notes pour financer l’effort de guerre ;

e) la monnaie papier s’est définitivement affirmée aux USA à l’occasion de la Guerre de Sécession : ne pouvant plus compter sur les recettes d’exportation des États du Sud, l’Union n’avait d’autre choix, pour financer ses immenses dépenses de guerre, que la suspension de la convertibilité de la monnaie en or et en argent et l’introduction d’une nouvelle monnaie papier, les United States Notes (greenbacks, dont $300 millions sont encore en circulation)

f) les Federal Reserve Bank Notes (1915-1934) furent ensuite introduits à l’occasion de la Première Guerre Mondiale. Les dollars actuels, les Federal Reserve Notes, sont émis depuis la création de la Fed en 1913.

- Même observation au Royaume-Uni : la monnaie papier s’est imposée au fil des crises et des guerres. Le Royaume-Uni a ainsi suspendu la convertibilité en or / argent de sa monnaie entre 1797 et 1819, dans le contexte des guerres napoléoniennes. Pendant la Première Guerre Mondiale, l’étalon-or a été de fait suspendu : même si la livre sterling restait convertible en or en théorie, le gouvernement britannique, faisant appel au "patriotisme" des citoyens pour qu’ils ne convertissent pas leurs devises.

Bien sûr, pendant ces périodes troublées, l’or et l’argent gardaient leur rôle de réserves de valeur, mais comme monnaies ils étaient remplacés de façon de plus en plus durable par la monnaie papier.

9) L’or est une excellente réserve de valeur, mais une monnaie médiocre : A mes yeux, le principal atout de l’or comme réserve de valeur - sa rareté naturelle, qui en fait une protection naturelle contre le risque d’inflation - est aussi son principal inconvénient comme monnaie : l’utilisation exclusive de l’or comme monnaie (système monétaire monométalliste) a généralement conduit à des "famines monétaires" à répétition, avec de graves conséquences économiques et politiques.

L’élargissement du système monétaire à l’argent (système monétaire bimétalliste) a permis d’atténuer ce problème de pénurie de monnaie, mais a conduit à d’autres problèmes d’instabilité chronique, en raison des évolutions différentes de la production mondiale d’or et d’argent.

2 problèmes habituels des systèmes monétaires métalliques :

a) L’évolution de la masse monétaire dépend de la production et de l’accumulation d’or, donc la politique monétaire ne peut pas être utilisée (comme c’est le cas actuellement avec le QE, par exemple) pour stabiliser l’économie face à une récession. Cela rend le cycle économique beaucoup plus violent, et destructeur économiquement et socialement (effets d’hystérèse d’un chômage prolongé, par exemple).

Ainsi, lors de la crise de 1929, l’étalon-or a empêché la Fed d’augmenter la masse monétaire pour stimuler l’économie : en effet le Federal Reserve Act (1913) imposait une détention d’or par la Fed d’au moins 40% de la masse monétaire pour émettre des billets (Federal Reserve Notes). Le système bancaire américain faisant alors face à une fuite massive d’or (crise de confiance), la Fed a dû imposer une politique monétaire restrictive et non accommodante comme il l’aurait fallu, aggravant ainsi la récession. Finalement l’étalon-or a été suspendu par Roosevelt en 1933, permettant enfin une politique monétaire anti-cyclique.

En fait, les pays qui ont résisté le mieux à la Grande Dépression de la fin des années 1920 et des années 1930 ont été ceux qui ont abandonné l’étalon-or précocement, notamment le Royaume-Uni, qui avait dû quitter "temporairement" l’étalon-or en 1931 en raison d’attaques spéculatives contre la livre. La meilleure résilience de l’économie britannique grâce à une politique monétaire plus flexible a grandement facilité l’acceptation par la population de l’abandon définitif de l’étalon-or.

b) Les systèmes monétaires fondés sur des métaux précieux par définition en quantité limitée sont fondamentalement déflationnistes, et sans doute peu adaptés à des sociétés démocratiques : La rareté de l’or (et à un moindre degré, de l’argent) exerce une forte contrainte sur la capacité de création monétaire. Cela présente un avantage évident comme réserve de valeur, mais des inconvénients majeurs comme monnaie.

L’étalon-or ne s’est imposé au 19e siècle, sans entraîner une déflation généralisée, que grâce à des progrès techniques constants dans les mines aurifères et par des découvertes régulières de gisements d’or massifs, avec les ruées vers l’or en Californie en 1848, en Australie en 1851, en Afrique du Sud en 1886 (Witwatersrand Gold Rush), et au Canada dans le Klondike en 1896.

Seul l’accroissement massif de la production mondiale d’or a permis à l’étalon-or de s’imposer, mais ce n’était pas sans mal : aux USA pendant la 2e moitié du 19e siècle, les riches et les grands industriels s’accommodaient sans peine d’un étalon-or qui ancrait leur domination sociale, mais les ménages endettés et les fermiers n’avaient de cesse de réclamer l’expansion de la masse monétaire, soit par le bimétallisme (Free Silver réclamé par les Silverites), soit par le maintien de la monnaie papier introduite pendant la Guerre de Sécession (réclamé par le Greenback Party puis par les Populistes).

Ces polémiques monétaires ont ainsi été au coeur du débat politique américain pendant des décennies. L’étalon-or était perçu comme le symbole de la classe capitaliste dominante de la Côte Est, représentée essentiellement par les élites Républicaines. La démonétisation de l’argent par le Fourth Coinage Act de 1873 était largement dénoncée par les classes populaires comme le "Crime de 73". Les polémiques sur le sujet étaient très violentes, illustrées par le fameux discours de la Croix d’Or du candidat démocrate William Jennings Bryan à l’élection présidentielle de 1896 (finalement perdue face au Républicain William McKinley) : "Vous ne crucifierez pas l’humanité sur une croix d’or".

Beaucoup d’économistes considèrent que l’étalon-or (établi de fait aux USA à partir de 1873, puis de jure par McKinley à partir de 1900) est responsable de la "Longue Dépression" entre 1873 et 1896, et des crises financières à répétition (notamment la Panique de 1893). Après la Première Guerre Mondiale, Keynes, conscient du caractère inflationniste de l’étalon-or, s’opposait avec raison à son rétablissement.

En parallèle de ces polémiques monétaires, la démocratie occidentale évoluait très progressivement vers une inclusion de toujours plus de citoyens (les ouvriers et les paysans par l’abandon du suffrage censitaire, les minorités raciales, les femmes…) - c’est-à-dire une démocratie réelle. Il me semble bien illusoire d’imaginer que l’on puisse un jour, dans une société démocratique et un système économique largement alimenté par le crédit, revenir à un système monétaire inégalitaire et déflationniste, fondé sur les métaux précieux. C’est un modèle simplement obsolète politiquement et économiquement, à mon avis.

10) L’argent, bien plus que l’or, a été le moyen d’échange métallique de préférence dans le monde : Pour réfléchir aux cours relatifs de l’or et de l’argent (le ratio entre les 2 est actuellement de 73), il me semble intéressant de réfléchir historiquement à leurs rôles respectifs.

Depuis l’émission des premières pièces en électrum (alliage naturel or/argent) dans l’Antiquité, l’or a été largement perçu comme le métal le plus précieux, donnant lieu à de premières manipulations monétaires via l’émission de pièces en électrum avec une faible teneur en or par les Phéniciens, et des complications inévitables dans les échanges. Ce problème a été réglé par les progrès techniques en matière d’affinage, permettant la frappe des premières pièces en or au 6e siècle avant JC par Crésus, roi de Lydie.

Mais la loi de Gresham ("la mauvaise monnaie chasse la bonne") a conduit à un modèle généralement dominant de thésaurisation de l’or (la meilleure monnaie) et de circulation de l’argent (la moins bonne des 2 monnaies métalliques) dans les échanges économiques.

L’argent a ainsi généralement été la devise métallique de référence dans les échanges internationaux, avec néanmoins des exceptions notables :

a) l’hyperpérion byzantin, héritier du solidus (aussi appelé bezant), était la devise préférée pour les échanges entre Byzance et l’Orient, et a longtemps été la devise de référence sur les 2 rives de la Méditerranée ;

b) face à ses difficultés financières, l’Empire byzantin a commencé à dégrader graduellement la pureté en or de l’hyperpérion ; afin d’avoir une devise crédible pour ses échanges avec l’Orient, Venise a alors émis le ducat (en or) à partir de 1284. Il a longtemps servi de "monnaie européenne", au même titre que le florin florentin (aussi en or) ; il avait par exemple cours légal dans l’Empire de Charles Quint ;

c) alors que l’Angleterre utilisait exclusivement une monnaie en argent jusqu’en 1344, elle a commencé à émettre des pièces en or (le noble d’or en 1344, la guinée en 1663, le souverain en 1821) les siècles suivants, amorçant une lente évolution vers l’étalon-or. C’est Isaac Newton, Master of the Royal Mint, qui a franchi une étape décisive dans cette évolution en introduisant en 1717 un ratio or/argent survalorisant l’or, ce qui conduisit le Royaume-Uni à importer massivement l’or et à exporter l’argent. L’étalon-or est consacré par le Bank Charter Act de 1844, qui relie les billets de la Bank of England avec l’or. Reflétant la puissance britannique, la livre sterling est alors utilisée largement en dehors du Commonwealth : ainsi, la journaliste américaine Nellie Bly, pour son tour du monde en 72 jours en 1889-1890 (pour répliquer l’exploit du Phileas Fogg de Jules Verne), avait pris avec elles des billets de la Banque d’Angleterre ;

d) la puissance commerciale de l’Empire britannique est telle qu’elle exerce une attraction sur les autres pays occidentaux, qui rejoignent les uns après les autres l’étalon-or : les USA en 1873 (de facto) puis en 1900 (de jure), l’Allemagne (introduction du mark en or en 1873, après avoir imposé une indemnité de guerre en or à la France, défaite en 1871), la France en 1878…

Ces exemples du rôle international majeur de monnaies en or influencent peut-être notre perception de ce métal précieux (biais de récence), mais sur longue période l’argent a joué un rôle encore plus grand dans les échanges internationaux, surtout si on élargit le spectre géographique :

a) la tétradrachme athénienne, en argent, a été la première devise internationale de référence, largement utilisée dans le commerce en Méditerranée. La découverte d’un gisement majeur d’argent à Laurium en 483 avant JC a permis l’expansion massive de la flotte militaire d’Athènes, consacrant son influence politique. La tétradrachme s’est ensuite étendue à l’Asia via les conquêtes d’Alexandre le Grand ;

b) le denarius (en argent) était la monnaie romaine de référence pendant plusieurs siècles, entre la Seconde Guerre Punique et le 3e siècle après JC ; il a fait l’objet de dévaluations progressives, d’abord sous la République, puis par les empereurs successifs, avant d’être remplacé par l’antoninianus (initialement en argent, puis en bronze avec de moins en moins d’argent) au 3e siècle après JC ;

c) Judas a trahi Jésus pour 30 pièces d’argent, probablement des tétradrachmes de Tyr, la monnaie requise par les prêtres pour payer le temple car ils étaient purs à 94% (contre seulement 80% pour les pièces romaines en argent de l’époque). Pour info, cela représente environ 200$ au cours actuel, ou le prix d’un esclave à l’époque, ou l’équivalent d’environ 120 jours de travail pour un paysan de l’époque ;

d) en 755, la réforme monétaire conduite en France par Pépin le Bref consacre le denier, une pièce en argent avec un degré de pureté élevé (0,94, augmenté à 0,95-0,96 par Charlemagne) comme la devise de référence. Ce n’est que bien après que l’écu d’or a été introduit par Louis IX (Saint Louis) en 1266, afin d’ancrer la suprématie de la monnaie royale face aux monnaies frappées (avec la permission du Roi) par les féodaux et évêques ;

e) le système monétaire carolingien a été copié dès le 8e siècle en Angleterre, par l’introduction du silver penny par le roi Offa de Mercie, et la monnaie anglaise était exclusivement en argent jusqu’à l’introduction du noble d’or en 1344 ;

f) des découvertes de gisements immenses d’argent au 16 siècle, à Joachimsthal en Bohème et à Potosi en Bolivie, ont consacré le rôle dominant de l’argent dans les échanges internationaux :

- le Saint-Empire romain germanique commence à émettre des Guldengroschen, aussi appelés Joachimsthalers, ou thalers (ce qui donnera les dollars en anglais), qui sera décliné par d’autres puissances économiques européennes, par exemple le leeuwendaalder hollandais (thaler au lion), qui devient l’une des principales devises commerciales dans le monde ;

- la piastre espagnole (la pièce de huit, real de a ocho, appelée Spanish dollar par les Anglo-Saxons) devient la devise internationale dominante dans les échanges commerciaux entre l’Europe, l’Amérique et l’Asie, pour près de 400 ans ;

g) dans un contexte de pénurie de devise britannique (en raison du bullionisme britannique, l’obsession de l’accumulation mercantiliste de métaux précieux), la pièce de huit espagnole devient la monnaie dominante dans les colonies américaines au moment de la Guerre d’Indépendance, et sert de base à l’étalon-argent américain défini en 1792. Le "Spanish dollar" garde même cours légal aux USA jusqu’en 1857 ;

h) en Chine, les lingots d’argents sont utilisés comme moyen d’échange depuis le 3e siècle avant JC, en parallèle de monnaies de cuivre. Même si les lingots d’argent deviennent ensuite surtout une réserve de valeur, les Chinois favorisent l’argent comme moyen d’échange avec les Européens (d’abord Portugais et Espagnols au 16e siècle). L’accumulation d’argent par l’Etat chinois est une priorité : par exemple la réforme fiscale de 1581 impose le paiement en argent de toutes les taxes. Pendant la dynastie Qing (1644-1911), les pièces de huit et dollars étrangers en argent, importés via le commerce international, circulent largement dans l’économie chinoise (le yuan, en argent, copié sur la pièce de huit, n’étant introduit qu’en 1910). L’argent est tellement incontournable dans le commerce avec la Chine que la pièce de huit espagnole fait place, après les indépendances latino-américaines, au peso mexicain (aussi en argent), puis au trade dollar américain (en argent), émis à partir de 1873 par les USA pour faciliter le commerce avec la Chine. La Chine garde son étalon-argent jusqu’en 1935 (alors que la plupart des pays avaient basculé vers l’étalon-or) ; elle doit alors l’abandonner sous la pression des achats massifs d’argent par les USA après leur abandon de l’étalon-or face à la Grande Dépression (Silver Purchase Program de 1933), entraînant une pénurie d’argent en Chine (par exemple via la ré-exportation des trade dollars vers les USA, où ils étaient pourtant peu appréciés en raison des marques d’authentification par les commerçants chinois) ;

i) autre illustration du rôle international de l’argent : le succès du Thaler de Marie-Thérèse, émis par l’Autriche à partir de 1741, dans le commerce international dans le Golfe Persique, en Afrique et en Asie du Sud-Est. Il est ainsi devenu la devise officielle de l’Empire éthiopien à partir de la fin du 18e siècle, jusqu’à l’invasion fasciste en 1935. Pour chasser les Italiens d’Ethiopie, les Britanniques ont émis des montants massifs de Thalers de Marie-Thérèse frappés à Bombay. De même les Américains ont contrefait ces Thalers pour soutenir la résistance anti-japonaise en Indonésie. Le Thaler de Marie-Thérèse était aussi la devise de référence en Arabie Saoudite, Oman, Yémen, etc. au point que certains marchands refusaient toute autre monnaie ;

j) en Inde, la roupie est historiquement une monnaie en argent (rupa signifie argent en Sanskrit), introduite au 16e siècle et longtemps dominante, jusqu’à l’adoption contrainte de l’étalon-or en 1898.

Si l’histoire a une influence sur les perceptions des valeurs, l’argent apparaît comme une monnaie plus universelle que l’or, même si l’or, par sa rareté, apparaît comme la meilleure réserve de valeur des 2.

11) Les systèmes monétaires métalliques n’échappent pas aux manipulations monétaires, bien au contraire : là encore, un coup d’oeil historique illustre à quel point l’opposition entre des systèmes monétaires métalliques "sains", "justes", et des monétaires fiduciaires forcément douteuses, car manipulables et contrôlées par des politiciens sans foi ni loi, est artificielle et fausse.

Les premières manipulations monétaires sont apparues presque dès l’introduction des premières pièces métalliques. Les Romains s’en sont fait une spécialité avec des dévalorisations incessantes de leurs pièces en argent. Les souverains français et anglais du Moyen-Âge de même, particulièrement quand les guerres mettaient en difficulté les finances publiques. En France, il a fallu attendre des réformes monétaires visant à assurer la qualité et la stabilité de la monnaie, d’abord par Louis XIII (mécanisation de la production de pièces, dès lors moins manipulables), puis en 1726 par le Cardinal Fleury, avec la mise en place d’un taux de conversion stricte or/argent de 14,4867. Mais les manipulations monétaires des monnaies métalliques n’ont jamais cessé.

L’Union latine, union monétaire créée en 1865 par la France, l’Italie, la Belgique et la Suisse, rejointes par la Grèce en 1868 (ça ne vous rappelle rien ?), en offre une illustration : initialement, l’Union latine appliquait un système bimétalliste et le même taux de change or/argent que la France (15,5 - à comparer avec 73 actuellement). Mais les Etats de l’Union latine ont commencé à émettre massivement des pièces en argent avec un moindre niveau de pureté, pour se financer. En particulier, le Trésor papal a émis des montants massifs de pièces en argent (équivalent au volume de la Belgique), conduisant à l’exclusion des Etats papaux de l’Union en 1870. La Grèce a été exclue de l’Union latine en 1908, avant d’y être à nouveau admise en 1910 - là aussi le Grexit était trop difficile ;-). Tout ceci a conduit l’Union latine à limiter l’émission monétaire en argent en 1874 puis à y mettre fin en 1878, abandonnant ainsi le bimétallisme au profit de l’étalon-or. Par ces démonétisations rampantes des pièces en argent, l’Union latine a ainsi facilité la domination mondiale de l’étalon-or - un système monétaire fondamentalement déflationniste et instable.

Bref, je ne suis pas sûr que ceux qui se plaignent aujourd’hui du QE de la BCE, supposée "manipulation" de l’euro, se soient réjouis des émissions monétaires en argent et à gogo de l’Union latine… L’Histoire n’est parfois qu’un éternel recommencement, et les métaux précieux ne sont certainement pas une garantie tous risques contre les manipulations monétaires ;-)

12) L’instabilité financière a souvent caractérisé les systèmes monétaires métalliques : ancrer la monnaie à un métal précieux expose l’Etat à des attaques spéculatives lorsque sa situation se dégrade. Evidemment, ce risque a l’avantage d’obliger l’Etat à une politique budgétaire responsable - mais à nouveau cela semble une illusion dans un cycle politique démocratique à haute fréquence, poussant les responsables politiques à un certain court-termisme. Et cette forte contrainte sur la détention suffisante de métaux précieux incite l’Etat à une politique procyclique, fondamentalement néfaste à l’économie.

Les systèmes bimétallistes, généralement dominants jusqu’à l’adoption de l’étalon-or par la plupart des pays occidentaux au 19e siècle, étaient fondamentalement instables, car ils subissaient les fluctuations des cours mondiaux de l’or et de l’argent.

Ainsi, la France avait établi par la loi, en 1803, un système bimétallique avec un taux fixe or/argent de 15,5. A l’époque ce taux était proche du ratio sur le marché mondial, mais pendant la première moitié du 19e siècle l’or s’est apprécié par rapport à l’argent sur le marché mondial, conduisant à une exportation de l’or français et à l’usage de l’argent dans l’économie nationale. La situation a changé avec la ruée vers l’or en Californie à partir de 1848, qui a fait baisser le taux de change argent/or sous 15,5 (jusqu’en 1866). La France a alors exporté son argent et a importé massivement de l’or. En vertu de la loi de Gresham, l’usage de l’or ou de l’argent dans l’économie changeait ainsi rapidement au fil du temps, selon les découvertes mondiales d’or ou d’argent, et selon le taux de change en vigueur dans les pays.

Cette instabilité fondamentale des systèmes bimétalliques a été sans doute encore accrue par l’avènement du système démocratique : ainsi, les débats incessants aux USA entre partisans de l’étalon-or (les riches de la Côte Est), défenseurs du Free Silver (les mineurs de l’Ouest) et adeptes des greenbacks (la monnaie papier, favorable aux ménages endettés), a conduit à une grande instabilité de la politique monétaire au fil des élections, avec pour résultat un "bimétallisme claudiquant" (limping bimetallism) et une instabilité financière. Ainsi, le Sherman Silver Purchase Act de 1890, qui imposait au Trésor américain d’acheter de l’argent chaque année (pour faire remonter le cours de l’argent et satisfaire les revendications des mineurs de l’Ouest) a entraîné une baisse des stocks d’or (dépensé pour ces achats), puis un bank run sur les réserves d’or, contribuant à la Panique de 1893 et à la décision du Président Grover Cleveland de mettre fin au Sherman Silver Purchase Act.

13) Les famines monétaires sont historiquement liées aux métaux précieux, conséquence de leur rareté : forme aggravée de déflation, les "famines monétaires" ont souvent eu de graves conséquences politiques. Un système monétaire métallique rend l’accès à la monnaie beaucoup plus difficile que la monnaie fiduciaire. Quelques exemples :

a) L’utilisation de "Spanish dollars" comme monnaie de référence par les colonies anglaises en Amérique, résultant de la pénurie de monnaie britannique (du fait de l’accumulation mercantile d’or et d’argent par Londres), a pu accentuer le sentiment indépendantiste des Américains.

b) En Nouvelle-Galles du Sud (Australie) à la fin du 18e siècle, le rhum était la monnaie utilisée par les premiers colons, du fait de la pénurie de monnaie. Une solution plus durable a été trouvée avec l’importation de "Spanish dollars" (là encore), au centre desquels on perçait un trou pour former des "holey dollars" et accroître à grand mal la masse monétaire. Mais le rhum a continué à circuler en contrebande, causant la Révolte du Rhum en 1808, les soldats déposant le gouverneur d’alors, le capitaine William Bligh - déjà débarqué par les mutins du Bounty… manifestement son style de leadership ne plaisait pas ;-)

14) Les systèmes monétaires métalliques sont propices aux conflits : Plus grave encore, le bullionisme, la vision de l’accumulation de métal précieux comme principal levier de la puissance économique, a conduit à maints conflits internationaux. Sans parler des massacres commis par les Conquistadors, un bon exemple de tensions internationales monétaires est le conflit entre le Royaume-Uni et la Chine autour du trafic de l’opium.

Les marchands chinois privilégiant l’usage exclusif de l’argent comme moyen de paiement dans les échanges commerciaux, les importations européennes de marchandises se traduisaient par une perte continue d’argent au profit de la Chine, conduisant beaucoup de pays européens à dévaluer sans cesse leurs pièces d’argent (en abaissant sans cesse leur degré de pureté). Dans son optique bullioniste, le Royaume-Uni ne pouvait l’accepter et a trouvé un moyen de faire ressortir de l’argent de Chine : le trafic d’opium. Son objectif était monétaire et "métallique", plus encore que financier. La volonté légitime de la Chine d’empêcher ce trafic a conduit à plusieurs conflits avec le Royaume-Uni, et l’acceptation forcée des conditions britanniques.

Autre exemple du rôle aggravant, pour les relations internationales, de la compétition pour les métaux précieux : l’Allemagne, qui avait dû suspendre l’étalon-or en 1914, n’a pas pu y retourner après 1918 en raison du coût énorme des réparations de guerre (à payer en or). Pour obtenir leur paiement, Poincaré décide l’occupation de la Ruhr (1923-1925) pour aller chercher « un gage productif ». Pendant l’occupation de la Ruhr par la France, la Reichsbank émet des montants énormes de marks non-convertibles pour soutenir les travailleurs en grève contre l’occupation française et pour acheter les devises étrangères pour les réparations de guerre, conduisant à une hyperinflation socialement et économiquement très destructrice (et à terme, à l’accession des Nazis au pouvoir en 1933).

Au moins avec les monnaies fiduciaires, chaque pays est responsable de sa monnaie. Il ne tient qu’à lui de rendre sa monnaie crédible par rapport aux autres, par une politique monétaire conduite par une banque centrale indépendante, une politique budgétaire responsable, une économie compétitive etc. Je n’idéalise toutefois pas le système fiduciaire international actuel, qui peut aussi générer des tensions internationales, par exemple à l’occasion de dévaluations compétitives (cf. la liste des "manipulateurs de monnaie" tenue par le Trésor américain).

15) Le lissage anti-cyclique des fluctuations économiques est une drogue à accoutumance : Je pense que les critiques actuelles des supposées "manipulations" monétaires par les banques centrales (taux négatifs, QE) attestent d’un gros manque de recul historique : on s’est tellement habitué à bénéficier de politiques monétaires et budgétaires anti-cycliques, c’est-à-dire qui aident l’économie face à des crises (la situation actuelle en est un bon exemple), que l’on oublie ce qu’est le cycle économique sans ce lissage anti-cyclique. Le cycle est alors beaucoup, beaucoup plus violent et destructeur. Il suffit d’imaginer ce que serait la situation économique de la France sans les mesures de l’Etat et de la BCE dans le contexte pandémique actuel.

Notre cadre économique actuel, particulièrement en France avec un Etat très (et peut-être trop) social, est riche de stabilisateurs automatiques, qui amortissent les chocs économiques : le système d’assurance chômage, les aides sociales, les prêts garantis par l’Etat… La politique monétaire de la BCE est l’un des stabilisateurs les plus efficaces. Il n’existe que parce que l’euro est une devise fiat : quand on le "manipule", c’est comme quand le chirurgien "manipule" le patient : c’est pour une bonne raison, et ne pas le faire aurait des conséquences - notamment pour les plus fragiles.

Je crois très illusoire de penser que l’on pourrait revenir un jour à des monnaies déflationnistes - qu’il s’agisse de l’or, de l’argent ou du Bitcoin - car l’Histoire offre, sur le temps long, une illustration claire des failles économiques de ces devises déflationnistes, et par ailleurs elles ne correspondent simplement pas à la volonté des peuples. Or, nous vivons heureusement en démocratie.

16) La stabilité des prix est un luxe qu’on aurait du mal à abandonner : là encore, croire qu’un système monétaire métallique offrirait de meilleures garanties pour une monnaie stable qu’une banque centrale indépendante, avec un mandat de stabilité de la monnaie définie par la loi (le Traité européen, s’agissant de la BCE), est une illusion.

L’Histoire, sur le temps long, montre une alternance incessante et instable (parfois simultanée) de différents systèmes monétaires, monométalliques, bimétalliques, fiduciaires ou autres, avec des transitions économiquement et politiquement très compliquées entre ces systèmes. Les conflits politiques aux USA à l’issue de la Guerre de Sécession (introduction des greenbacks, première forme généralisée de monnaie fiduciaire américaine) en offrent une bonne illustration.

Dans ce contexte monétaire instable, les prix étaient très instables - bien plus que maintenant !

Par exemple en France au 20e siècle :
- En 1920, le franc avait perdu près de 70% de sa valeur vis-à-vis du dollar par rapport à la parité d’avant-guerre.
- Doublement des prix entre 1925 et 1926, dans un contexte d’incertitude sur les réparations allemandes. Le franc est sauvé par Poincaré en 1926 par une opération de nantissement de l’or de la Banque de France pour emprunter des dollars et racheter du franc.
- Attaques spéculatives incessantes contre le franc en 1931 et 1934.
- Dévaluations de 35% et 25% du franc en 1936 et 1938, par le gouvernement du Front populaire.
- En 1939, le franc Poincaré avait perdu 75% de sa valeur depuis 1928.
- En 1940, l’occupant nazi impose un taux de convertibilité de 20 contre 1 entre le franc et le reichsmark (11 contre 1 en 1939).
- Les prix sont multipliés par 2,8 entre septembre 1939 et août 1944.
- Dévaluation du franc de 44,4% en janvier 1948.
- Inflation de 63% en 1946 et 60% en 1947.
- Dévaluation du franc de 22,3% en septembre 1949.
- Surchauffe inflationniste en 1950-1952.
- Dévaluation du franc de 20% en août 1957.
- Dévaluation du franc de 17,5% en 1958, avant la création du nouveau franc par Antoine Pinay.
- Dévaluation du franc de 11,1% en août 1969.
- Sortie du franc du serpent monétaire européen (qui limitait à +/- 2,25% les fluctuations entre les monnaies de la CEE) en mars 1976.
- Dévaluations du franc de 3% en octobre 1981, 5,75% en juin 1982, 2,25% en mars 1983, avant le "tournant de la rigueur" de Mauroy/Bérégovoy.
- Dévaluation de 3% en avril 1986.
- Attaques spéculatives contre le Système monétaire européen (SME) en 1992-1993, forçant la sortie de la lire, la livre sterling, la peseta et l’escudo. Le franc résiste, mais il faut élargir la bande de fluctuation au sein du SME à +/- 15% en août 1993.

Quand je vois certains se plaindre de l’euro, je rêve d’avoir une machine à remonter le temps pour leur montrer ce que veut dire l’instabilité monétaire… L’euro est une monnaie remarquablement stable, et une monnaie stable est la meilleure chose qu’une banque centrale puisse donner à l’économie nationale.

17) Le retour à des systèmes monétaires métalliques est une illusion dans une économie mondiale digitalisée : L’or demeure une réserve de valeur intéressante qui a sa place, à petite dose, dans un patrimoine diversifié (j’y reviendrai dans un prochain message), mais il n’a pas sa place comme monnaie dans une économie mondiale désormais largement digitalisée. A mon sens, les CBDC (Central Bank Digital Currencies, devises numériques de banques centrales) représentent une voie d’avenir très prometteuse, adaptée à ce nouveau monde. La combinaison entre l’institution - une banque centrale indépendante, focalisée sur la stabilité des prix - et la technique - les devises numériques - me semble aujourd’hui la meilleure configuration possible, mais bien sûr j’ai les biais de mon époque et la suite de l’Histoire monétaire me surprendra sans doute.

A noter qu’il y a eu maintes tentatives de digitaliser l’or, via les digital gold currencies (DGC), mais la plupart ont pitoyablement échoué (Pecunix, Liberty Reserve, OS-Gold, Standard Reserve, INTGold, e-gold, 1mdc, E-Bullion…) sur fond de faible protection des épargnants, manque de transparence sur la détention sous-jacente d’or physique, voire blanchiment d’argent.

18) Le choix d’un système monétaire est un choix politique, avec des gagnants et des perdants : Au-delà des aspects strictement économiques, le choix d’un système monétaire doit, en démocratie, satisfaire le plus grande nombre possible de citoyens, et leur permettre de planifier sereinement leur vie économique, leur travail, leur consommation, leurs investissements, leur épargne. L’étalon-or n’était favorable qu’aux plus riches, et donc très instable politiquement, a fortiori en démocratie. Son remplacement par un système fondé sur la confiance est un grand progrès politique, et le rééquilibrage sain d’un système capitaliste forcément propice à l’accumulation (et ce jugement ne vient pas d’un marxiste invétéré).

Il y aura toujours des insatisfaits et des inquiets, et évidemment toujours des interrogations face à ce qui peut être perçu comme des "manipulations" monétaires. Cela impose aux banques centrales un devoir de pédagogie et de transparence. Je pense que beaucoup de progrès ont été faits en la matière ces 10-20 dernières années, et à mon modeste niveau je prêche la bonne parole partout où je passe.

Aujourd’hui, malgré toutes ces inquiétudes et ces questions, le système monétaire fiduciaire n’est pas sérieusement contesté, et les citoyens de la zone euro sont globalement contents d’être payés en euros, de consommer en euros, d’investir en euros, d’épargner en euros… même s’ils se plaignent parfois en oubliant les failles tellement plus évidentes des anciennes monnaies nationales (en tout cas en France ; je reconnais qu’en Allemagne la nostalgie du mark est un peu plus légitime, mais pas vraiment justifiée tout de même).

19) Le ciblage de l’inflation par une banque centrale indépendante est le fruit d’un long compromis historique… et de l’échec (relatif) des autres modèles monétaires : Le modèle dominant actuel d’une banque centrale indépendante ciblant l’inflation sur la base d’un mandat légal est le fruit d’une très longue évolution, et des enseignements tirés de toutes les erreurs, parfois dramatiques, du passé. Ce modèle n’est peut-être pas parfait, mais c’est de loin le meilleur disponible sur la base des connaissances économiques actuelles. Il est en évolution et en amélioration permanentes, les CBDC en étant un exemple. ça me fait un peu rire quand je vois les adeptes du Bitcoin ou autre crypto anarchique penser improviser une monnaie plus crédible depuis leur PC ;-)

L’indépendance de la banque centrale et une cible d’inflation explicite sont deux éléments essentiels de ce modèle, qui garantissent son efficacité sur le long-terme… et le rapprochent d’ailleurs peut-être des modèles métallistes du passé : selon Alan Greenspan, en se focalisant sur une cible d’inflation, les banques centrales se comportent peu ou prou comme si l’on était dans un régime d’étalon-or (je ne suis pas d’accord avec lui, mais Greenspan était connu comme étant beaucoup plus favorable à l’or que la plupart des banquiers centraux orthodoxes).

Au final, nous avons la chance de vivre dans une époque de grande stabilité monétaire - assez exceptionnelle historiquement. Mais les banques centrales ont la tâche difficile d’empêcher une déflation dans un monde fondamentalement déflationniste (vieillissement démographique, mondialisation, digitalisation), et les risques politiques sont toujours présents. Comme pour tout le reste, je ne crois pas dans la thèse d’une "fin de l’Histoire" monétaire.
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Voilà, c’est un gros pavé, mais ça m’aura permis de synthétiser mes lectures et mes réflexions sur le sujet ; ce forum me sert aussi de bloc-notes, j’espère que ça intéressera les plus geeks en histoire financière ici. Pour les autres, un message bien plus simple sur ma perspective d’investisseur amateur sur l’or et l’argent suivra bientôt.

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 04h09)

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Favoris 12    15    #13 23/12/2020 02h06

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Bonsoir,

Un mot rapide sur le portefeuille avant de répondre aux questions sur la prime de risque du marché actions (je répondrai aux autres questions plus tard) : les inquiétudes liées à la propagation de la mutation du virus détectée au Royaume-Uni n’ont eu aucun effet notable sur mon portefeuille ; au contraire il tend à bénéficier des inquiétudes sur le COVID (alors qu’il peut parfois moins bien performer quand le marché anticipe une normalisation de la situation sanitaire - ce qui entraîne alors une rotation sectorielle défavorable aux valeurs de croissance, sur-représentées dans mon portefeuille).

Mon portefeuille IB gagne ainsi près de 2% aujourd’hui, contre -0,2% pour le S&P500 et +0,5% pour le NASDAQ. Il approche +74% YTD (+39% YTD pour le portefeuille global) ; ça va presque trop vite pour moi et je crains un retour de bâton violent dans les prochaines semaines ; ça ne me surprendrait pas que mon portefeuille rende une dizaine, voire une vingtaine, de points de surperformance par rapport au S&P500, sur les 55 gagnés depuis le début de l’année.

Aujourd’hui j’ai fait de nouveaux renforcements, en épuisant ma buylist de valeurs d’ultra-croissance, parfois (très) spéculatives, avec une calibration très prudente : ajout de lignes C3Ai, Editas, Beam Global, Ares Management, Nuance Communications, Blink Charging, Safehold, Chindata Group, Upstart, Desktop Metal, Pacific Biosciences of California, Fusion Fuel + des micro-lignes avec un profil encore plus spéculatif. Des valeurs souvent jeunes, à la valeur intrinsèque très incertaine, et généralement un cours très dynamique ces dernières semaines.

Mon raisonnement est de me placer sur ce genre de valeurs tant que le soleil brille :

- si la bulle continue à se former (pour moi on n’y est pas encore, mais on s’en approche), elles surferont sur la vague et me permettront de continuer à surperformer ;

- quand les marchés se retourneront, on verra bien celles qui survivront, ce sera un bon test ; j’ai sous-calibré ces lignes et je peux me permettre de lourdes pertes sur ce bataillon de "lemmings". Quand les marchés corrigeront sérieusement (ce qui va arriver, à plus ou moins courte échéance), je ne renforcerai pas ces valeurs fragiles (très difficile techniquement / psychologiquement), mais mes valeurs de conviction, beaucoup plus solides, comme j’ai bien su le faire pendant le krach de février/mars 2020. Et je ne vendrai jamais rien, quels que soient les gains ou les pertes (sauf circonstances exceptionnelles du type OPA/OPR).

Je ne sais pas si cette stratégie est optimale dans le contexte actuel, mais en tout cas elle colle à ma psychologie.

Je pense que j’ai désormais bien purgé ma watchlist des valeurs les plus spéculatives. Celles qui restent sur ma watchlist américaine ont a priori un profil bien plus "sage" : Agilent, Apollo Global Management, Bruker, Canadian Pacific Railway, Franklin Covey, Houlihan Lokey, McCormick, Nordson, Old Dominion Freight Line, Ritchie Bros Auctioneers, Saia, WD-40, Watsco, voire Ubiquiti (mais celle-là je ne comprends vraiment pas pourquoi elle monte tout le temps, ça fait des mois que je me pose la question ; dans ces cas-là, je finis souvent par un achat de capitulation).

Si la correction attendue ne se manifeste pas ces prochaines semaines, il est possible que j’oriente plutôt mes prochains renforcements vers l’Europe (pas la France, plutôt l’Allemagne, la Suisse, la Scandinavie), même si le niveau élevé de l’euro (je suis payé en dollars) et l’enquiquinement IB (me forçant à des frais bancaires de change, ce que je déteste) me freinent.
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@Serrure : Oui, Aswath Damodaran a une approche très quantitative de l’investissement boursier, mais c’est justement ce qui fait l’intérêt de son travail : on a grand besoin de ce genre d’analyse "objective" (autant que possible), a fortiori dans un contexte où beaucoup de participants de marché (je m’inclus dans le tas), portés par une vague de douce euphorie, tendent à oublier les fondamentaux des valorisations.

Son travail est donc précieux, mais son site n’est pas le plus ergonomique, je vous l’accorde. Il publie aussi sur Seeking Alpha (le même contenu).

Damodaran calcule mensuellement la prime de risque du marché actions américain (implied ERP = equity risk premium), c’est sur la page d’accueil de son site :

Aswath Damodaran a écrit :

Implied ERP on December 1, 2020= 4.97% (Trailing 12 month, with adjusted payout), 4.49% (Trailing 12 month cash yield); 5.46% (Average CF yield last 10 years); 4.60% (Net cash yield); 3.24% (Normalized Earnings & Payout); 4.73% (COVID Adjusted) (COVID ERP computed with 15% earnings drop in 2020 + 80% recovery by 2025+ Lower % returned in cash flows)

Implied ERP in previous month =5.35% (Trailing 12 month, with adjusted payout), 4.85% (Trailing 12 month cash yield); 5.90% (Average CF yield last 10 years); 4.44% (Net cash yield); 3.50% (Normalized Earnings & Payout); 5.02% (COVID Adjusted) (COVID ERP computed with 20% earnings drop in 2020 + 80% recovery by 2025+ Lower % returned in cash flows)

Vous voyez ainsi qu’en novembre (mois très haussier) la prime de risque du marché actions US a baissé de 38 points de base (0,38 point de pourcentage) : c’est très significatif. 3 mois de plus à ce rythme, et nous serions au début de ma zone d’alerte (4%, soit le niveau de la prime de risque juste avant le krach de 2007-2008).

Juste en-dessous, toujours sur la page d’accueil du site, vous pouvez télécharger sur Excel les séries historiques (Implied ERP by month for previous months, Implied ERP (annual) from 1960 to Current). Vraiment, il est généreux avec son travail et partage tout. Merci à lui.

Pour la méthodologie, je vous conseille de lire la série d’articles qu’il a publié en début d’année, où il explique en détaille la méthodologie. Pour trouver ces articles, ce n’est pas super simple : il faut aller à Writings -> Blog Posts : beaucoup d’articles intéressants, je vous conseille d’y naviguer. Pour la méthodologie de l’ERP, il faut remonter aux articles de janvier/février 2020 (sélectionner "Older Posts", plusieurs fois, en bas de la page) ; Damodaran l’explique en détail, en plusieurs articles (mais peut-être qu’il le fera à nouveau pour son estimation des ERP fin 2020, ces prochaines semaines).

La méthodologie pour déterminer la prime de risque du marché actions est résumée par ce schéma de Damodaran :

Je la résume ici en termes aussi peu techniques que possible, en 2 temps, pour ceux qui ne connaîtraient par la méthode DCF (Discounted Cash-Flows) (ceux qui la connaissent déjà peuvent zapper et passer à (2)) :

1) Pour estimer la valeur d’un actif, quel qu’il soit, on additionne les flux d’"utilité" (= de richesse, de valeur créée) qu’il génère, sur toue sa durée de vie.

Par exemple, si je dois valoriser une vache laitière, je vais essayer d’estimer les flux de valeur qu’elle va générer tout au long de sa vie, en les corrigeant par les dépenses qu’elle va me coûter pour son entretien (nourriture, entretien/chauffage de l’étable, robots de traite, vétérinaire etc.). Les flux de valeur générés par la vache sur son horizon de vie sont sa production laitière, les veaux qu’elle va éventuellement produire, et le prix de la viande à l’abattage. Ainsi, je peux valoriser une vache laitière sur la base de projections de revenus pour le prix du lait, le prix de la viande (pour une vieille vache laitière) et le prix des veaux, et de projections de dépenses pour la nourriture de la vache, les coûts d’entretien etc.

Le raisonnement est le même (en plus simple) pour une action, qui est une "vache" avec un seul produit, des flux de cash, et un horizon de vie infini (alors qu’une obligation non-perpétuelle a un horizon de vie fixe).

Je valorise donc une action sur la base de projections de ses flux de cash nets (i.e. ses profits).

Mais la valeur actuelle d’un flux de cash de 100€ (par exemple versement d’un dividende en année N) qui arrive aujourd’hui dans mon PEA n’est pas la même que celle d’un flux de cash de 100€ qui arrive dans un an (le dividende espéré en année N+1), car le versement de ce dividende futur est incertain. Et cette incertitude croît avec le temps : difficile de dire combien sera le dividende de LVMH dans 10 ans : d’un côté, j’espère qu’il va croître par rapport à celui de 2020 ; d’un autre, il y a une incertitude que je dois prendre en compte. Je dois donc actualiser les cash-flows futurs (d’où le nom de méthode des cash-flows actualisés, ou Discounted Cash-Flows, DCF).

On actualise donc les flux de cash-flows futurs à un taux d’intérêt que l’on estime comme la somme de 2 éléments :

- le taux sans risque : c’est le "loyer de l’argent", qui reflète simplement la préférence pour avoir du cash aujourd’hui plutôt que demain (sans aucune considération de risque). La banque centrale influence fortement ce taux sans risque (c’est d’ailleurs sa fonction principale) ; il peut même être négatif.

- la prime de risque : elle reflète le risque sur les cash-flows futurs.

La prime de risque (qui ne peut être qu’estimée et non observée) varie fortement d’un pays à l’autre, d’un secteur à l’autre, d’une entreprise à l’autre. Par exemple :

- Le risque pays du Venezuela est beaucoup plus élevé que celui de la Suisse (où l’environnement politique et légal est beaucoup plus stable) : donc la prime de risque pays pour le Venezuela sera beaucoup plus forte que pour la Suisse, c’est-à-dire que le rythme naturel de dégradation des cash-flows futurs dans le calcul DCF sera beaucoup plus rapide au Venezuela (forte incertitude sur l’avenir) qu’en Suisse (faible incertitude).

- Le risque sectoriel est plus élevé pour le gaz de schiste (une activité controversée, à l’avenir incertain) que pour les yaourts. Cela justifie une moindre prime de risque pour les firmes agroalimentaires, en général, que pour les producteurs de pétrole/gaz (a fortiori de schiste).

- Le risque idiosyncratique est plus élevé a priori pour une biotech en phase de recherche (à l’issue incertaine) que pour une firme établie avec une demande relativement prévisible et stable/croissante pour ses produits, comme LVMH.

L’estimation de la prime de risque est donc une étape clef lorsque l’on souhaite valoriser une action, c’est-à-dire estimer sa "valeur intrinsèque" pour la comparer au prix du marché. Pour valoriser une action, il ne suffit donc pas de faire des projections des cash-flows futurs, il faut aussi avoir une estimation appropriée de la prime de risque.

2) Ces clarifications sur la signification de la prime de risque dans la méthode DCF étant faites, je passe à l’estimation de la "prime de risque implicite" (implied equity risk premium, ERP) par Damodaran :

La prime de risque implicite du marché actions est celle qui égalise la valeur des cash-flows futurs des entreprises, selon les projections du consensus des analystes et le taux sans risque observé, et la capitalisation boursière de ces entreprises.

Dans une valorisation DCF, on estime (a) la valeur intrinsèque d’une action sur la base (b) de projections de cash-flows, (c) du taux sans risque observé, et (d) d’une prime de risque estimée (ce qui n’est pas forcément évident, comme expliqué plus haut).

Dans une estimation de prime de risque implicite, on estime (d) la prime de risque sur la base (a) des capitalisations boursières observées, (b) de projections de cash-flows, et (c) du taux sans risque observé.

C’est une estimation mathématique assez simple, mais il faut faire un gros travail de synthèse sur les inputs (c’est tout l’intérêt du travail de Damodaran) :

(a) il faut réunir les données sur les capitalisations boursières sur les différents marchés nationaux (c’est assez simple) ;

(b) il faut compiler les estimations des analystes pour les projections de cash-flows ;

(c) il faut estimer le taux sans risque : ce n’est pas si simple, car ce taux sans risque n’est pas directement observable. Ce n’est pas exactement le taux directeur de la banque centrale, car ce taux n’est pas fixe et sur l’horizon (infini) des cash-flows de nos entreprises, le marché peut anticiper des changements du taux de la banque centrale. On utilise généralement le taux souverain à 10 ans.

Sur ce dernier point, Damodaran a une approche élaborée du risque souverain, résumée dans ce schéma (bon, je n’élabore pas sur ce point) :

Cela lui permet d’estimer des primes de risques implicites du marché actions non seulement pour les USA, mais aussi pour tous les pays (annuellement, ici à fin 2019) :

3) Maintenant, le plus important pour nous investisseurs (à la limite, ce n’est pas très grave de ne pas tout comprendre dans la méthodologie) : la signification de la prime de risque du marché actions et son utilisation éventuelle dans nos stratégies boursières.

La prime de risque du marché actions représente la rémunération "offerte" par le niveau actuel des cours pour les investisseurs boursiers, par rapport à un placement "sans risque" (une obligation souveraine à 10 ans, par exemple).

L’investissement boursier est fondamentalement risqué : nous devons donc veiller à ce que ce risque (inévitable) soit correctement rémunéré. Si nous achetons nos actions à des cours déraisonnables, la prime de risque est trop basse et ne nous rémunère pas suffisamment le risque que nous prenons.

Nous pouvons donc comparer la prime de risque implicite du marché actions (telle que Damodaran l’estime, par exemple) avec son niveau historique.

Ce graphique de Damodaran montre la prime de risque du marché actions US entre 1960 et 2019 (il va bientôt l’actualiser avec la prime de risque à fin 2020, j’imagine) :

Vous voyez que sur cette longue période, la prime de risque moyenne du marché actions US est de 4,2%, contre 5% actuellement : c’est pour cela que je dis que, même si certains comportements observables en bourse actuellement (mouvements moutonniers, prise de risque excessive, flambée de valeurs très fragiles, mauvaise perception des risques, ignorance des fondamentaux etc.) me gênent, je ne pense pas que l’on puisse qualifier la situation actuelle de "bulle" pour le moment.

Par exemple, la prime de risque (actuellement à 5% aux USA) reste bien plus élevée que le plus bas historique (2%), observé fin 1999 juste avant l’éclatement de la bulle techno. Clairement, à l’époque les investisseurs auraient dû observer le niveau historiquement faible de la prime de risque et réduire leurs achats en conséquence (voire liquider leurs portefeuilles).

Néanmoins, le graphique montre aussi que fin 2006, juste avant le krach de 2007-2008, la prime de risque était à 4%, pas loin de sa moyenne de long-terme. Donc une très forte correction boursière peut aussi survenir quand la prime de risque est à 4% (voire un peu au-dessus), a fortiori si elle est déclenchée par des facteurs de risque hors bourse (comme c’était le cas en 2007-2008, avec des risques majeurs dans le système bancaire).

Ce graphique de Damodaran montre l’évolution de la prime de risque du marché actions US cette année :

On voit que la prime de risque avait monté jusqu’à 7,75% le 23 mars 2020 : un niveau jamais vu aux USA depuis 1960, et probablement depuis les années 1930. Cela signifie que le risque pris par les investisseurs actions n’avait jamais été aussi bien rémunéré, sur cette période très longue, qu’en mars 2020. C’était un clair signal d’achat, et évidemment j’ai considérablement renforcé mon portefeuille à ce moment-là, même si c’était difficile psychologiquement d’acheter quand les cours baissaient vite, en pleine tempête du COVID.

On est rapidement revenu à un niveau historiquement plus "normal" pour la prime de risque du marché actions US, mais si la baisse de la prime de risque devait continuer à ce rythme, on pourrait approcher assez vite de ma zone d’alerte (4%).

Cela dit, la prime de risque du marché actions n’est certainement pas un outil prédictif parfait. C’est juste un indicateur parmi d’autres - mais l’un des plus utiles à mes yeux pour apporter un peu de clarté dans la compréhension des fluctuations boursières. Il a un grand avantage par rapport aux ratios habituels de valorisation (par exemple moyennes de longue durée sur PER ou VE/EBITDA) : la prime de risque n’est pas affectée par les fluctuations du taux sans risque (c’est-à-dire des taux des banques centrales).

A mon sens, ceux qui se reposent exclusivement sur ces ratios de valorisation pour affirmer qu’il y a une bulle aujourd’hui risquent une erreur d’analyse, en ignorant la forte baisse des taux des banques centrales et le QE (qui fait aussi baisser les taux souverains longs).

Et ceux qui ignorent complètement les ratios de valorisation en croyant que le QE va porter les cours jusqu’au ciel font l’erreur d’analyse symétrique : les banques centrales ne sont pas toutes puissantes ; ce qui compte c’est la rémunération, appropriée ou non, du risque pris par les investisseurs en actions. Si elle est trop faible, alors QE ou pas, il y aura un krach.


La prime de risque du marché action permet de pallier ce problème, mais il ne faut pas l’utiliser comme unique grille d’analyse, mais plutôt comme un complément très utile aux ratios de valorisation et aux indicateurs comportementaux, pour évaluer les risques de surévaluation (ou sous-évaluation) massive des marchés boursiers.
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Je répondrai plus tard aux autres questions, notamment sur le risque souverain : mais je ne voulais pas sembler alarmiste ou catastrophiste sur la France (et évidemment aucun rapport avec mon job, je travaille sur des pays beaucoup moins favorisés !). Je crains une "italianisation" de la France, plutôt qu’un scénario à la grecque, heureusement improbable chez nous compte tenu des grandes richesses de nos entreprises et ménages (= une vaste base taxable). Mais un scénario à l’italienne serait déjà très néfaste pour la performance de nos portefeuilles français, j’y reviendrai plus tard.

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 04h10)

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Favoris 1    27    #14 25/12/2020 03h39

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Bonsoir,

Je réponds maintenant aux interrogations et commentaires sur le risque souverain en France (les interrogations sur la soutenabilité de la dette publique).

1) La crise du COVID a considérablement dégradé la situation financière de la France

Ce n’est pas un scoop, mais :

a) l’augmentation de la dette publique est encore plus marquée en France que dans tous les autres États européens. C’est le fameux "quoi qu’il en coûte" de Macron - perso je n’y serais pas forcément opposé (a) si la gestion des derniers publics avant cette crise avait été vertueuse (ce qui n’est pas le cas), et (b) si ces dépenses publiques s’étaient traduites par une efficacité réelle reflétée par un nombre de morts moindre que chez nos voisins (ce qui n’est pas le cas non plus) ;

b) l’endettement des entreprises a augmenté plus nettement en France pendant la crise que dans la plupart des autres pays européens.

C’est ce que montre ce graphique de la BCE (Revue de la Stabilité Financière) : le graphique de gauche montre que la position de la France se dégrade rapidement dans le mauvais "cadran" (ce n’est que pour le premier semestre 2020, l’évolution finale sur l’ensemble de la crise risque d’être bien pire) : à droite (endettement public élevé) et en haut (endettement des entreprises élevé). Nous sommes désormais dans une situation pire que l’Espagne, par exemple.

Note : EA = zone euro (euro area)

2) Si l’on considère l’ensemble des secteurs (ménages, entreprises financières et non-financières, administrations publiques), la France s’est considérablement enrichie ces 20 dernières années

Le patrimoine national net est passé de 5,1 fois le PIB en 2001 à 8,3 fois le PIB en 2019 : quand l’on additionne les patrimoines nets de tous les secteurs, nous avons donc gagné, en termes de patrimoine, plus de 3 ans de création de richesse, notamment grâce à l’enrichissement considérable des ménages (passés sur cette période de 5,6 à 8,8 années de revenus disponibles nets) et des entreprises non-financières (passées de 5,6 à 10,9 années de valeur ajoutée).
Cela relativise fortement les inquiétudes que l’on peut avoir au vu de la hausse de la dette publique : il s’agit en grande partie d’un transfert de richesse de la sphère publique à la sphère privée. (Je sais bien que tout ça va à l’encontre du discours médiatique, mais c’est juste la réalité des chiffres.)

Le volume certes important de la dette publique française ne représente qu’une fraction de la richesse nationale. En d’autres termes, la montée de l’endettement public français est largement le fruit d’un transfert vers le secteur privé, que l’on pourrait imaginer inverser compte tenu de l’importance de la base taxable. Serait-ce possible économiquement et politiquement, compte tenu de la mobilité du capital, du niveau déjà très élevé des prélèvements obligatoires en France et de la résistance désormais violente d’une partie de la population (Gilets Jaunes etc.), c’est une toute autre question.

Si l’on regarde les principaux déterminants de ces évolutions, depuis 2007 (j’entoure en vert les facteurs importants qui ont contribué à un enrichissement national, en rouge ceux qui ont contribué à un appauvrissement national) :

Les principaux facteurs qui ont contribué à l’enrichissement national depuis 2007 sont : (i) un effort régulier d’épargne des ménages, principalement orienté vers l’assurance-vie et les liquidités et (ii) l’appréciation des biens immobiliers des ménages, qui ont largement compensé (iii) la hausse assez dynamique de l’endettement des ménages, des entreprises non-financières et des administrations publiques.

En d’autres termes, la France est un pays de ménages économes et disciplinés dans leur effort d’épargne, qui gèrent leurs finances bien mieux que l’État. La forte préférence des Français pour devenir propriétaires de leur résidence principale contribue à cette discipline d’épargne, pour toutes les couches de la population.

C’est une situation très différente de celle de la Grèce ou du Portugal avant 2011 - des pays où l’endettement débordait dans tous les secteurs : non seulement État, mais aussi ménages et entreprises.

3) Malgré des fondamentaux budgétaires dégradés, la France continue de bénéficier de la confiance des marchés financiers… en partie grâce aux mesures de la BCE

Pour évaluer sur longue période la perception de la qualité de crédit d’un État, je regarde les CDS (Credit Default Swaps), par exemple ici sur une maturité de 5 ans (= la "prime d’assurance" payée par un émetteur désireux de se couvrir contre le risque d’un défaut à un horizon de 5 ans) - de préférence aux rendements obligataires souverains, qui sont influencés par le taux directeur de la banque centrale.

Le CDS souverain à 5 ans de la France est actuellement à 16 points de base, contre un pic à près de 250 points de base en 2012. La crise du COVID a fait monter le CDS souverain de la France à 50 points de base en mars, mais cette hausse n’a été que temporaire, et le CDS est revenu sur ses niveaux d’avant-crise, malgré un endettement public bien plus élevé.

Il est probable que les achats massifs d’obligations souveraines par la BCE, même s’ils ont pour objet l’expansion de la masse monétaire et non un soutien à la capacité de financement des États de la zone euro, influent (à tort ou à raison) sur les perceptions des marchés sur la capacité de la France (et des autres pays) à se refinancer. En outre, le taux négatif appliqué par la BCE sur sa facilité de dépôt contribue à abaisser significativement le coût de refinancement de la dette publique française, améliorant la perception de sa soutenabilité.

4) Avec la crise du COVID, la France se rapproche des fondamentaux budgétaires de l’Italie, un pays beaucoup plus vulnérable aux chocs économiques

Le CDS souverain à 5 ans de l’Italie est actuellement à 98 points de base, lui aussi bien en-deçà des pics de 2012 à plus de 550 points de base. Mais si l’on compare les réactions du CDS souverain italien aux chocs économiques qui surviennent régulièrement, on constate qu’elles sont nettement plus violentes que pour le CDS souverain français jusqu’à présent. A tel point que l’Italie s’approche parfois du seuil dangereux où un pays peut perdre son accès aux marchés obligataires (500 points de base sur le CDS 5 ans : ce n’est pas écrit dans le marbre, c’est juste mon observation empirique). Là encore, on peut légitimement penser que les diverses mesures de la BCE ont eu une influence importante sur la capacité de l’Italie à maintenir son accès aux marchés obligataires :

Ma crainte pour la France, bien plus qu’un scénario "à la grecque", c’est qu’elle bascule progressivement dans une situation proche de l’Italie, c’est-à-dire :

- une plus grande vulnérabilité aux chocs économiques (par exemple un choc inflationniste qui obligerait la BCE à suspendre son QE et/ou à remonter ses taux, ou un choc exogène de type pandémie ou choc politique)

- une augmentation du risque souverain, qui dégraderait rapidement (et de façon non-linéaire) l’équation de soutenabilité de la dette publique

- une augmentation du risque politique, lié à la résistance de la population aux efforts nécessaires pour rétablir les comptes publics, avec un impact négatif sur la perception du marché sur la dette publique française

- une dégradation des relations entre la France et nos voisins plus responsables budgétairement, l’Allemagne en premier lieu, en raison des promesses constamment violées envers nos partenaires et des risques de pressions politiques de la France sur la BCE (par exemple en cas de choc inflationniste)

- une perte graduelle de souveraineté lors des crises majeures, l’État ayant une capacité de réaction de plus en plus réduite et devenant donc dépendant de la solidarité de nos partenaires (via la BCE, le budget européen, l’émission d’Eurobonds, voire à terme le FMI)

La puissance, l’influence et la souveraineté d’un pays ne se perdent pas du jour et lendemain : c’est un processus lent et graduel, le prix de l’accumulation de renoncements, de lâchetés et d’irresponsabilité sur des décennies.

La France est un pays riche, mais elle semble incapable de gérer correctement ses comptes publics. Certains (outre-Rhin, notamment) diraient sans doute que c’est parce qu’elle peut se permettre (en partie grâce à l’euro et aux mesures de la BCE) cette irresponsabilité budgétaire constante qu’elle laisse ses fondamentaux budgétaires se dégrader : c’est la pente politiquement la plus douce, et jusqu’ici elle n’est pas punie économiquement (par une hausse des taux de refinancement sur le marché obligataire).

A terme, ça peut poser un dilemme à la BCE, par exemple, si elle faisait le constat que ses mesures non-conventionnelles ont plus d’effets secondaires pernicieux, sur le relâchement de la dette fiscale, que les effets positifs recherchés : c’est ce qu’on appelle "killing with kindness".

En tout cas, du point de vue de l’investissement boursier, tout cela crée un environnement assez malsain. Il suffit d’observer la performance médiocre de la bourse italienne sur la dernière décennie, pourtant très porteuse dans beaucoup de pays.

5) L’"expropriation" des épargnants français est très improbable (à un horizon prévisible), car politiquement beaucoup plus ardue que d’autres pistes

La base taxable est très large en France (et beaucoup plus aujourd’hui qu’il y a 20 ans, cf. le patrimoine national) : si on voulait rétablir les comptes publics, il suffirait de la taxer (par exemple un impôt à taux bas et assiette large, maintenu sur longue période), il n’est nul besoin d’exproprier qui que ce soit.

Bien sûr une hausse des prélèvements obligatoires, alors que nous en sommes déjà les champions du monde, se heurterait à de fortes résistances politiques, une fuite des capitaux les plus mobiles, et des impacts économiques négatifs dans un contexte déjà morose.

Tout le monde à la tête de l’État est d’accord sur ce qu’il faut faire : c’était déjà ce que m’enseignaient il y presque 20 ans mes profs Inspecteurs des Finances à Sciences Po : réduire la dépense publique, comme l’ont fait avec succès la Suède, le Canada, l’Allemagne, le Danemark - des États qui ont maintenu un niveau de services publics comparables au nôtre (avec une efficacité supérieure). C’est juste une question de volonté politique, et aujourd’hui elle est totalement absente (et quand on voit que les leaders de l’opposition s’appellent Le Pen et Mélenchon, on se dit que ce n’est pas demain la veille que les finances publiques seront gérées correctement).

Malheureusement, cette situation est aujourd’hui possible en raison du contexte déflationniste et du QE. Mais rien ne dit que cette situation perdurera, et ce jour-là je crains qu’il y ait une note salée à payer pour la France.

6) Non, le FMI ne recommande pas la ponction des comptes bancaires ou des assurances vie : c’est une fake news

@Ours, les articles que vous citez sur cette supposée "recommandation" du FMI datent d’octobre 2013. Il est toujours bon face à ce genre de news inquiétante de remonter à la source primaire. La source primaire dans le cas d’espèce, c’est le "Fiscal Monitor" d’octobre 2013, publié par le FMI, et plus particulièrement la "Box" 6 :

Tout part d’une mauvaise traduction / compréhension par un journaliste de la presse généraliste (Le Parisien), qui titre : "Le FMI préconise une super taxe de 10% sur l’épargne" (Le Parisien, 10 octobre 2013).

Pourtant, le FMI dit exactement le contraire : la Box 6 dit que les études empiriques sur les mesures de ponction sur l’épargne montrent qu’elles sont inefficaces pour abaisser l’endettement public, car elles conduisent à des fuites de capitaux et de l’inflation.

Ce journaliste a sans doute mal compris, de bonne foi (il est bien connu que la plupart des journalistes économiques français ne comprennent pas l’anglais, qui devrait pourtant être requis dans ce domaine compte tenu de son usage dans 99% des sources primaires).

Mais ensuite, il y a tout un réseau de spécialistes des fake news, vendeurs d’or, experts en camelote catastrophiste, qui prennent le relai et diffusent massivement cette fake news, y compris à la TV (j’ai vu par exemple Emmanuel Lechypre sur BFM-TV, relayer cette idiotie)… pendant des années.

Sans même devoir creuser les sources primaires pour débusquer les fake news, il y a un principe simple qui s’applique : quand la BCE ou le FMI ont quelque chose d’important à dire, alors c’est le chef qui le dit, pas un grouillot de base de mon genre dans une "Box" d’une obscure publication. ça devrait être évident pour tout le monde. Donc je pense qu’il y a beaucoup de mauvaise foi et de volonté de nuire dans la diffusion médiatique de ce genre de fake news anxiogènes.

J’en profite pour tuer (en tout cas, essayer de tuer, car elles ont la peau dure) 2 autres fake news diffusées par les mêmes idiots (car en général, les 3 vont ensemble).

7) Non, les déposants garantis (<100k€) n’ont pas été ponctionnés à Chypre : c’est une autre fake news

Cet article d’un blog du Monde explique que tous les déposants, y compris les dépôts garantis (<100k€ par déposant et par banque) ont été ponctionnés à Chypre en 2013. Il est diffusé massivement, depuis des années, sur les sites d’extrême-droite, anti-européens et/ou conspirationnistes.

C’est une fake news. Ici, l’entourloupe est double :

a) faire passer un article d’un blog du Monde (où l’auteur s’exprime librement, sans engager en rien le journal et sans vérification éditoriale) pour un article du Monde ;

b) l’article est daté du 17 mars 2013. Or, le programme UE/FMI et les mesures qui l’accompagnaient, dont le bail-in des dépôts de 2 banques systémiques du pays, ont été annoncés par les autorités chypriotes le 25 mars 2013 (voir par exemple le communiqué de la BCE).

Ici, les conspirationnistes jouent sur la première version du sauvetage de ces banques, envisagée par les Chypriotes : il s’agissait d’une taxe sur tous les dépôts (garantis et non garantis). Mais l’UE et la BCE n’étaient évidemment pas enthousiastes sur cette idée (car dès lors il y aurait pu avoir contagion sur les dépôts garantis dans d’autres pays européens), et elle a évidemment été rejetée : la garantie des dépôts de 100k€ a été strictement respectée à Chypre (et dans tous les pays de la zone euro), malgré une situation budgétaire extrêmement tendue à l’époque.

Donc là encore, le vrai message de l’UE est exactement l’opposé de celui que font circuler les vendeurs d’or, anti-Européens, experts en effondrement et autres neuneus : le message, c’est qu’en Europe, la garantie des dépôts est sacrée et sera toujours respectée - même dans les circonstances les plus difficiles.

8) Non, les élites mondiales ne préparent pas un "Grand Reset" pour voler les petits épargnants : c’est encore une fake news

Des leaders comme le chef du World Economic Forum (WEF) et la directrice générale du FMI ont parlé de "Great Reset". Les vendeurs d’or et les collapsologues ont immédiatement sauté sur leurs claviers pour annoncer la fin des devises fiat et une expropriation massive des épargnants… sans même prendre le temps de regarder ce qui avait été dit (car là encore, leur objectif c’est de faire peur, pas de dire la vérité).

La réalité, c’est ça :

Le "Grand Reset", pour le FMI ou le WEF, c’est l’idée de rendre la croissance mondiale plus "verte" et plus "sociale" - en rupture avec le modèle ultra-consumériste dominant jusqu’à présent. C’est-à-dire de regarder la qualité et la soutenabilité de la croissance économique, et non simplement son volume.

Franchement, je connais des idées plus controversées que ça. Perso, ça me fait plutôt penser à une bouillotte tiède qu’à un désastre imminent. Mais là encore, peu importe la réalité pour les spécialistes des fake news.

En résumé : il n’y a nulle part de plans cachés contre notre épargne ; la vraie menace, c’est la continuation indéfinie de l’irresponsabilité budgétaire qui domine en France depuis des décennies, avec l’assentiment des électeurs, à chaque fois qu’ils ont l’opportunité de voter. C’est ça le risque, et ce risque se matérialisera par des impôts toujours plus pesants, une dégradation de la compétitivité de notre économie, et à terme une souveraineté de plus en plus relative. Uniquement par notre propre faute, comme citoyens/électeurs - et pas par celle d’"élites" technocratiques machiavéliques, qui n’existent nulle part ailleurs que dans l’imagination de ceux qui trouvent plus facile de chercher des coupables que de s’interroger sur leurs errements et leurs responsabilités.

Joyeux Noël à tous !

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 04h11)

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Favoris 2    17    #15 01/01/2021 23h27

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Bonsoir,

Je publie une série de messages sur cette file avec :
1) le compte-rendu de ma performance boursière en 2020
2) le portefeuille complet (ses 5 poches) - ça risque de nécessiter plusieurs messages compte tenu du nombre de lignes (près de 900)
3) mon point de vue sur les perspectives boursières en 2021

Je commence ici par le compte-rendu de ma performance boursière en 2020.

Mon navire amiral, mon portefeuille IB, avec une performance 2020 de +70% (TWR = time-weighted return) bat le S&P500 de 51,5 points et le NASDAQ 100 de 22 points. Le TRI 2020 (MWR = money-weighted return) est à +75%.



[En passant : à la lecture de certaines files de portefeuille, j’ai parfois de gros doutes sur la mesure des performances : les 2 mesures standard, ce sont le TWR et le MWR/TRI. Je ne suis pas sûr de la façon de calculer la "valeur de la part", mais enfin si on y intègre les apports, ce n’est évidemment pas une mesure de performance.]

Ce portefeuille IB, qui représente désormais 51% du portefeuille global (contre 37% au début de l’année 2020), tire évidemment la performance du portefeuille global : +37,5% en 2020, soit 21 points de plus qu’un ETF Monde en USD, malgré un effet de change très défavorable.

Mon portefeuille européen (Saxo) a aussi très bien performé, battant son indice de référence de 22 points en 2020.

En France, mon ancien navire amiral, mon CTO France orienté rendement, sous-performe légèrement son benchmark, alors que le PEA a performé correctement, et le PEA-PME, orienté small caps value, a très bien performé en 2020, comme on le voit sur le forum dans plusieurs files de portefeuilles d’investisseurs value.

Au total, le portefeuille global aura gagné +387k€ en 2020 (après +338k€ en 2019), dont +117k€ en apports nets et +270k€ en création de valeur (dont +251k€ sur le seul portefeuille IB). Financièrement, 2020 aura donc été pour moi une année très positive, surtout compte tenu du handicap de 5 mois d’inactivité professionnelle forcée en raison de la pandémie, qui m’aura empêché de renforcer mon portefeuille pendant toute cette période (et m’aura même obligé à faire des prélèvements, en l’absence de tout autre revenu).

Depuis sa création en juin 2018 (2 ans et demi), le portefeuille IB a progressé de près de +105% (TWR). La période d’observation reste trop courte pour tirer des conclusions définitives (je ne suis pas à l’abri d’un retour de bâton sur les valeurs de croissance), mais c’est un début très encourageant. Je reste convaincu que l’environnement économique et monétaire (risque déflationniste persistant) va conduire les banques centrales à maintenir des taux bas et à conduire des QE à répétition sur longue période, donnant un avantage structurel aux valeurs de croissance. Pour 2021, je pense néanmoins possible une grosse correction sur les secteurs les mieux valorisés (j’y reviendrai dans le message dédié).



La valorisation des titres de ce portefeuille IB a désormais dépassé 850k€, pour une utilisation de la marge de 233k€ (en 4 devises : USD, EUR, CAD et AUD). Cette utilisation de la marge, qui a beaucoup augmenté en 2020 (notamment pendant le krach), représente environ la moitié de mes fonds € et liquidités de précaution (environ 450k€) et plus d’un an de salaire : c’est donc significatif, mais pas déraisonnable à mon sens. Néanmoins, au fur et à mesure que mon portefeuille boursier grossit, se pose la question du risque de disproportion avec mes revenus professionnels et mes placements sécurisés - 2 mécanismes de "coupe-feu" essentiels. A terme, cela devrait a priori me conduire à un pilotage plus prudent du levier (par exemple un plafond de 1,3 hors grosse correction).

A l’occasion de mon dernier apport de cash de 2020, j’ai fait baisser le levier de ce portefeuille IB à 1,37 : dans la perspective d’une probable correction, je vise un levier de 1,2-1,3 en début de correction, afin de pouvoir renforcer pendant la baisse, comme je l’ai fait en février/mars 2020. Les autres portefeuilles n’ont aucun levier (et je n’ai aucun autre endettement - ni personnel, ni immobilier).

Malgré la forte croissance des valeurs technologiques en 2020, j’ai réussi à empêcher une concentration excessive de mon portefeuille IB sur le secteur technologique, qui n’en représente "que" 44% - une proportion à peu près stable ces derniers mois. J’ai en effet orienté une large part de mes renforcements vers d’autres secteurs - notamment la santé. Je vais continuer sur cette voie en 2021, car je crains une correction d’ampleur sur les valeurs technologiques. De ce point de vue, je suis beaucoup plus à l’aise avec mon portefeuille IB bien diversifié sectoriellement (même s’il a une forte pondération technologique) qu’avec un ETF NASDAQ avec un levier équivalent.

Ce portefeuille IB est aussi (un peu) diversifié géographiquement, n’étant américain "qu’à" 84%. Je vais continuer à renforcer cette diversification géographique, via des renforcements orientés vers les pays émergents et l’Australie dans ce portefeuille (et bien sûr via des renforcements de mes autres portefeuilles, notamment mon portefeuille européen).

Les 25 premières lignes de ce portefeuille IB (sa composition complète dans l’ordre alphabétique des tickers est plus bas) :

Les indicateurs de performance et de risque de ce portefeuille IB montrent que l’alpha et le beta (1,36, soit plus ou moins le levier moyen sur l’année) ont tous les 2 contribué à son excellente performance en 2020, avec des ratios Sharpe et Sortino doubles de ceux du S&P500. En revanche, le maximum drawdown, à -42%, a été pire que celui de l’indice (-34%), reflétant le caractère offensif de ce portefeuille. Le portefeuille global est beaucoup plus équilibré, en raison de mon stock-picking globalement défensif en France.

Les mêmes indicateurs de performance et de risque depuis la création du portefeuille (juin 2018) suggèrent que 2020 est dans la continuité des bonnes performances de ce portefeuille depuis ses débuts, même si le beta a augmenté en 2020.

Un point technique qui intéressera peut-être les utilisateurs d’IB en attente du transfert de leur portefeuille du Royaume-Uni vers la zone euro (Irlande ou Luxembourg) : ce transfert conduit à un nouveau numéro de compte IB (seul le premier chiffre change). Les rapports automatiques d’IB agrègent l’ancien compte (Royaume-Uni) et le nouveau compte (zone euro), en les distinguant, comme ci-dessous. C’est clair et bien fait, aucun problème à ce niveau (même si ça m’a un peu perturbé au début). Je reste très mécontent de l’impossibilité de retirer des fonds de mon portefeuille IB tant que ma position cash est négative (et dans mon cas, elle l’est beaucoup, à -233k€, et avec mon style buy & hold je peux difficilement revenir rapidement à une position cash positive - transformant de fait mon CTO IB en quasi PEA bloqué).

Je publie maintenant la composition exhaustive de mon portefeuille IB.

Quelques avertissements :

- La calibration des lignes est plus importante, dans mon approche, que le choix des valeurs : j’ai beaucoup de valeurs très risquées (par exemple Nikola, en forte moins-value), mais je les calibre prudemment (parfois ma mise initiale n’est que de 500$, sur des valeurs que je juge risquées). En revanche, je calibre fortement les valeurs dans lesquelles je crois, parfois dès l’initiation des lignes.

- De même, je suis exigeant sur mes renforcements : je les destine à des entreprises qui performent bien sur le plan fondamental, et je suis extrêmement prudent dans mes renforcements à la baisse : je préfère renforcer à la baisse à l’occasion de corrections générales.

- J’ai déjà expliqué sur ce forum ma construction de patrimoine par "couches" (suivant la pyramide de Maslow), avec une prise de risque plus importante à chaque couche successive. Je peux me permettre aujourd’hui d’investir dans des valeurs risquées parce que mon patrimoine est bien diversifié (ce portefeuille IB représente moins d’un quart de mon patrimoine, je ferai un point dans ma file de présentation).

- Ce portefeuille a très bien performé jusqu’ici (depuis sa création mi-2018), mais il est fortement exposé au facteur croissance, aujourd’hui très bien valorisé aux USA. Il y a un risque important de correction sur ces valeurs, à mon avis (j’y reviendrai dans mon message sur les perspectives pour 2021).

- Bien comprendre qu’il s’agit là d’une forme quasi-indicielle de gestion boursière, où je raisonne de façon probabiliste : je n’ai pas besoin d’avoir raison à tous les coups ; il me faut simplement avoir un nombre de paris réussis (surperformant l’indice) > x% et orienter mes renforcements de façon rigoureuse pour battre l’indice. Je peux donc parfois me permettre des paris particulièrement risqués, qu’il serait mal avisé de copier dans un portefeuille concentré.

Donc ne pas "répliquer" ce portefeuille (ou y "piocher" dedans) "à l’aveugle", sans faire le travail nécessaire de (1) stratégie patrimoniale, (2) stratégie boursière, et (3) analyse fondamentale (les 2 premiers aspects variant fortement d’une personne à l’autre).






















Dans le message suivant je publierai mes autres portefeuilles (France et Europe).

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 04h12)

Hors ligne Hors ligne

 

Favoris 1    14    #16 02/01/2021 20h39

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Bonjour,

Dans ce message, je donne mon point de vue sur les perspectives boursières 2021, je publie mon portefeuille européen (Saxo) et je reviens sur les questions techniques (TRI vs. TWR et questions de Peakykarl).

1) Perspectives boursières 2021 : risques, scénarios et stratégie

D’un point de vue économique, les pays occidentaux traversent une récession violente, conséquence directe de la pandémie et des mesures pour limiter ses dégâts humains. Mais de mon point de vue, malgré la violence assez exceptionnelle de cette récession, elle ne devrait pas durer : c’est le cas, généralement, des récessions liées à des facteurs exogènes, par exemple une catastrophe naturelle. C’est ce qu’on observe généralement, pour des raisons diverses :

a) Un facteur exogène causant une crise économique est généralement plus facilement identifiable/compréhensible pour les agents économiques qu’un facteur endogène, et la confiance des agents économiques revient dès qu’il disparaît (et cette pandémie, d’une façon ou d’une autre, sera réglée à plus ou moins court-terme). Par exemple, il est plus facile pour une entreprise de planifier des investissements après une pandémie que d’évaluer la durée de l’apurement des bilans bancaires après une crise comme celle de 2008.

b) Les périodes post-guerre (par exemple après les 2 guerres mondiales) ou post-catastrophe naturelle (par exemple après le tsunami au Japon en 2011) sont généralement marquées par un fort rebond de l’activité en raison (i) d’un retour rapide de la confiance (soulagement, volonté redoublée de profiter de la vie) et (ii) d’une forte réponse budgétaire et monétaire par les autorités, que les conditions dramatiques vécues par la population incitent à maintenir durablement (à tel point qu’un risque inflationniste peut apparaître en conséquence d’un "surdosage" budgétaire et/ou monétaire).

c) Contrairement à la crise systémique de 2008 ou la crise de la dette souveraine de 2011-2012 dans la zone euro, la crise actuelle (comme celle de 2000) n’est pas la conséquence d’un endettement excessif. Les crises résultant d’une accumulation excessive de dette (par les États, les entreprises et/ou les ménages) nécessitent souvent un deleveraging très graduel et douloureux, qui explique pourquoi les crises endogènes sont souvent plus durables que les crises liées à des déclencheurs exogènes.

Aujourd’hui beaucoup d’États occidentaux ont un endettement important, mais aucun souci d’accès au marché obligataire. Les banques ont globalement des bilans relativement sains, conséquence d’un deleveraging massif et d’un resserrement considérable de la régulation bancaire depuis 2008. Les ménages américains et européens se sont globalement enrichis sur la dernière décennie  - même si les inégalités créent des risques sociaux et politiques. L’endettement des entreprises peut éventuellement poser question mais (i) les entreprises technologiques désormais dominantes sont souvent cash-rich et (ii) il n’y a pas aujourd’hui de problème d’accès au marché obligataire pour les entreprises qui ont recours à l’endettement. Bref, tout n’est pas rose et nous verrons peut-être (et même sans doute) un jour une nouvelle crise résultant d’un excès de dette, mais de mon point de vue, ce n’est pas pour maintenant.

Dans ce contexte, quels sont donc aujourd’hui les principaux risques pour les marchés boursiers ?

Les réponses des investisseurs aux enquêtes donnent éventuellement une indication de ce qui est pricé :

Cette enquête menée par Deutsche Bank en décembre suggère que les principales inquiétudes des investisseurs restent liées à la pandémie : (a) le risque de mutations du virus rendant les vaccins inefficaces, (b) le risque que les vaccins aient des effets secondaires sérieusement néfastes, et (c) le risque qu’une proportion trop importante de la population refuse de se vacciner, prolongeant ainsi la pandémie. De ces 3 risques, on peut dire a priori que le marché, peu compétent en la matière, doit sans doute les pricer de façon assez aléatoire et imprécise.

De mon point de vue (et évidemment sans plus de compétence que l’investisseur lambda), cela me suggère que la dissipation (probable ?) de ces 3 risques pourrait continuer à soutenir les marchés boursiers pendant la phase finale de la pandémie.

D’autres risques dans cette liste m’inquiètent beaucoup moins que les investisseurs :

d) le risque que les banques centrales et les États retirent leur soutien à l’économie trop vite : pour le coup, je suis a priori un peu plus expert sur ce point, et je serais très surpris de voir les banques centrales manquer à leurs engagements de maintenir les taux ultra-bas et de continuer le QE tant que l’économie souffre ;

e) le risque d’un Brexit désordonné a enfin disparu (à peu près ?) depuis l’accord trouvé ces derniers jours ;

f) le risque d’une polarisation politique aux USA conduisant à de sérieux troubles sociaux me semble exagéré ; Biden est un centriste manifestement soucieux de réconcilier le peuple américain, le Parti Républicain va se débarrasser du clan Trump discrédité plus encore par sa défaite que par son comportement, et les extrémistes des 2 bords, s’ils sont vraiment décidés à causer du désordre, iront à la case prison ;

g) le risque que les Démocrates remportent la majorité au Sénat via un succès électoral en Géorgie est important (apparemment c’est du 50/50 pour le moment), mais cela ne m’inquiète guère : d’une part, cela placera l’aile droite du parti démocrate (au moins autant pro-business que les Républicains) en contrôle du Sénat, l’aile gauche restant marginalisée ; d’autre part, le système politique américain est bien fait et toute déviation excessive à gauche du pouvoir démocrate serait lourdement sanctionnée lors des mid-terms dans 2 ans, alors que les Démocrates auront de nombreux sièges dans la balance.

Bref, sur ces 7 des 9 risques principaux, je suis plutôt confiant - en tout cas bien plus que le marché.

Il reste 2 risques principaux, plus sérieux à mon sens :

h) le risque d’un rebond surprise de l’inflation, conséquence de la politique monétaire ultra-accommodante des banques centrales : je suis a priori très sceptique sur ce scénario, car je considère l’environnement mondial fondamentalement déflationniste (vieillissement démographique, mondialisation et digitalisation de l’économie, contrôle des processus démocratiques par la bourgeoisie). Je suis donc convaincu que les banques centrales vont (très) durablement maintenir des taux bas et des QE. Mais comme on dit vulgairement, inflation is a bitch, et une surprise inflationniste est toujours possible. Pour mon portefeuille orienté croissance (un style très favorisé par les taux bas et le QE), ce serait un contre-pied complet, avec des conséquences potentiellement dévastatrices. Je pourrais être aussi touché sur mon portefeuille français, moins orienté croissance, car un choc inflationniste obligerait la BCE à remonter ses taux d’intérêt et à arrêter son QE, avec comme conséquence probable une hausse brutale des coûts de refinancement de l’État français et une dégradation soudaine de l’équation de soutenabilité de la dette publique. Les actions françaises ne seraient sans doute pas immunes à de tels développements. En bref, ce risque est de mon point de vue à faible probabilité mais à très fort impact sur mon portefeuille.

i) le risque d’un éclatement de la (supposée) bulle sur les valeurs technologiques : de mon point de vue, il n’y a pas aujourd’hui de "bulle" à proprement parler, mais la "distance" à un tel scénario se réduit rapidement :

- la prime de risque du marché actions US (évaluée par exemple par Aswath Damodaran) est passée de quasiment 8% en mars 2020 (un niveau historiquement élevé) à 5% actuellement : cela reste au-dessus de la moyenne de long-terme (4,2%), mais si elle baisse sous les 4% (ce qui, à ce rythme, pourrait être le cas dans quelques mois), ce serait pour moi un clair signal d’alerte ;

- les comportements typiques de toutes les bulles se multiplient rapidement : discours sur de "nouveaux paradigmes" justifiant des valorisations absurdes, succès d’actifs à la valeur incertaine très douteuse (cryptos) ou au minimum incertaine (certaines entreprises des secteurs verts et SaaS sans perspective crédible de profitabilité), achat d’entreprises "à l’aveugle" (SPAC), rejet des approches habituelles de valorisation (alors que je pense que mes ancêtres gaulois utilisaient déjà le DCF pour valoriser les vaches sur le marché), trading massif sur les options à très court-terme, entrée massive d’amateurs inexpérimentés sur le marché boursier (à l’occasion du krach de février/mars 2020 et du confinement)…

Bref, de mon point de vue, la casserole ne déborde pas encore, mais elle commence à bouillonner sérieusement. Cela dit, elle peut encore bouillonner un bon moment - la fin de la partie dépendra d’un déclencheur aujourd’hui inconnu (mais en toute probabilité, ce ne sera pas les banques centrales, de mon point de vue).

De mon point de vue, le risque d’un violent retour de bâton sur les valeurs technologiques, entraînant avec elles l’essentiel de la cote, est un risque à probabilité élevée et à impact modéré sur mon portefeuille : l’impact sur mon portefeuille devrait être important au moment du choc, mais il devrait graduellement se résorber, si mon analyse fondamentale quant à la qualité des entreprises se vérifie (ma calibration prudente des lignes les plus risquées devrait aider).

Outre ces risques identifiés par les participants de marché (les known unknown de Rumsfeld), il y a tous les risques aujourd’hui inconnus (les unknown unknown).

Globalement, je perçois donc 2021 comme une année boursière dangereuse, malgré les nuages macro qui se dissipent (pandémie, Trump etc.).

Quels scénarios boursiers pour 2021 ?

Sur la base de mon appréciation (personnelle) des risques, je définis différents scénarios typiques, avec des probabilités différentes pour chacun. Il ne s’agit pas de prévision mais d’une structuration de l’avenir possible pour ""stress-tester" le portefeuille et réfléchir à la stratégie :

- Scénario A : une bulle se forme, prolongeant les tendances des dernières années très favorables aux valeurs de croissance : un principe important de mon point de vue, autant dans le contexte de la pandémie (malheureusement) que pour la bourse, est la loi de Hofstadter :

It always takes longer than you expect, even when you take into account Hofstadter’s Law.

Il faut toujours plus de temps que prévu, même en tenant compte de la loi de Hofstadter.


Entre le moment où l’on commence à parler de bulle et le moment où elle éclate, l’attente peut être très, très longue (je m’en souviens distinctement en 1998-2000, quand j’étais élève ingénieur). La formation de la bulle pourrait être favorisée par la fin de la pandémie, le maintien (probable) de taux ultra-bas et des QE, en l’absence de toute surprise inflationniste. C’est un scénario clairement possible à mes yeux : probabilité 40%.

Dans ce scénario, on pourrait (et même devrait) voir des corrections de l’ordre de -10% à -20% (du type de la correction du 4e trimestre 2018), mais pas de nature à stopper la tendance haussière. Au contraire, chaque correction surmontée renforcerait la tendance des investisseurs à "acheter le creux" (buy the dip - une stratégie déjà gagnante en 2018 et 2020), accélérant la formation de la bulle. La prime de risque du marché actions US baisse à 3%, le VIX baisse sous les 15% et le S&P500 dépasse les 5000 points en 2021.

- Scénario B : une correction majeure met fin à la tendance haussière, initiant une période volatile: pour mettre fin à la mentalité "buy the dip" aujourd’hui très prévalente et "rincer" définitivement ceux qui surfent aujourd’hui sur les secteurs "bullesques" du marché (EV, énergies renouvelables, SPAC, SaaS, cryptos), il faudrait de mon point de vue une correction très sévère. Si elle ne l’est pas, la tendance haussière reprendra rapidement, comme on l’a vu depuis mars/avril 2020 (pourtant dans un contexte de pandémie !).

Toute la question est de savoir si une telle correction (de l’ordre de -30/-40%) est possible sans déclencheur spécifique. De mon point de vue, sans déclencheur "sérieux", une telle correction est improbable sur les niveaux actuels. Il faudrait (i) soit un déclencheur très sérieux (plus sérieux qu’une pandémie…) pour "casser" la mentalité haussière aujourd’hui très dominante, (ii) soit des niveaux de valorisation beaucoup plus élevés qu’aujourd’hui.

Par définition, je ne peux aujourd’hui imaginer un déclencheur sérieux (unknown unknown) pour une telle correction - car si je pouvais l’imaginer, alors sans doute d’autres investisseurs aussi et il serait partiellement pricé.

J’ai tendance à voir une telle correction plutôt pour le 2e semestre, car pour le 1er semestre, la fin de la pandémie, les QE encore à plein régime, combinés à des niveaux de valorisation encore "raisonnables", ne me semble pas vraiment propice à une correction aussi violente.

De mon point de vue, le niveau de valorisation des marchés (par exemple la prime de risque) reflète le degré d’aridité de la forêt. Plus elle est aride, plus il devient probable que la moindre étincelle mette le feu à la forêt. Aujourd’hui, seuls quelques secteurs de la forêt sont très secs. Mais si la tendance actuelle continue, cela pourrait rapidement changer, et la forêt pourrait alors s’enflammer. Pour 2021, je donne à ce scénario une probabilité de 30%.

- Scénario C : les marchés boursiers ralentissent naturellement, via des "respirations" régulières : dans ce scénario les marchés "s’assagissent" après 2 très belles années pour les valeurs de croissance (2019-2020). On voit des corrections / respirations de l’ordre de -10/-15% (du type de celle du 4e trimestre 2018). Le VIX se maintient autour de 20%, reflétant la prudence des participants de marché sur les risques d’hiver. Les bulles "locales" (SaaS, EV, cryptos etc.) éclatent, mais sans entraîner vraiment l’ensemble de la cote. On voit une rotation sectorielle et une "normalisation", avec un retour du value et des valeurs de rendement, au détriment des valeurs de croissance.

Le S&P500 fait une performance annuelle 2021 entre -15% et +5%. L’année boursière 2021 ressemblerait ainsi à 2018 ou 2015.

Ce scénario, qui, sur le papier, semble le plus "raisonnable", me semble moins probable que les scénarios A et B, parce que les marchés ne savent généralement pas freiner "en douceur", surtout quand des comportements "bullesques" se multiplient. Je donne donc à ce scénario pourtant "raisonnable" une probabilité de 20%.

- Scénario D : un risque macro (choc inflationniste, repricing du risque souverain) cause un choc boursier majeur : ce serait une variante du scénario B, mais avec un déclencheur connu (known unknown), comme le risque d’un choc inflationniste (craint par certains investisseurs en raison des QE massifs) ou une crise de dette souveraine, "après-choc" de la pandémie, comme en 2011-2012 dans la zone euro.

Perso je suis moins inquiet sur l’inflation que sur le risque souverain, mais pour des raisons liées notamment à la politique monétaire de la Fed et de la BCE, ce genre de scénario me semble prématuré pour 2021. (A plus long-terme, c’est différent, comme expliqué dans mon message précédent sur le risque souverain en France.) Pour 2021, je ne donne donc à ce scénario qu’une probabilité de 10%.

Comment performerait mon portefeuille dans ces différents scénarios ? Des ajustements à ma stratégie sont-ils nécessaires ?

- Le scénario A serait très favorable à mon portefeuille IB, lourdement chargé en valeurs de croissance. Malgré mon jugement très défavorable sur l’avenir des cryptos "anarchiques" actuelles, j’ai même pris quelques positions indirectes sur cet univers (MicroStrategy, GBTC, Silvergate Capital) afin de me "couvrir" contre un risque de bulle. J’ai aussi pris quelques SPAC (avec des calibrations très prudentes). Pas besoin d’autres ajustements dans ce scénario, mon portefeuille devrait s’envoler s’il se concrétise.

- Le scénario B serait fortement défavorable pour mon portefeuille IB, alors que mes autres portefeuilles (France, Europe) résisteraient un peu mieux : afin de réduire un peu l’impact de ce scénario sur mon portefeuille, je pourrais limiter mes futurs investissements sur des valeurs d’ultra-croissance (risque important de surévaluation) et au contraire renforcer des investissements GARP + qualité, a priori plus résilients dans ce type de scénario, et value, plus décorrélés des indices.

Surtout, pour me préparer à ce scénario, il me faut baisser le levier sur mon portefeuille IB de 1,37 actuellement à 1,2-1,3. Je suis confiant dans ma capacité technique et psychologique à gérer une correction majeure avec un levier 1,2 (c’était le cas pour moi début février 2020) - beaucoup moins serein au-delà.

- Le scénario C pénaliserait aussi mon portefeuille IB, mais profiterait à mes portefeuilles français, fortement pondérés sur des valeurs de rendement : je suis assez serein face à ce scénario, quelques renforcements vers des valeurs de rendement et du value devraient suffire. Mon portefeuille global est en effet bien plus équilibré que mon portefeuille IB (très offensif).

- Le scénario D serait le plus dévastateur pour mon portefeuille, car il me pénaliserait à la fois aux USA (valeurs de croissance) et en France (risque souverain) : face à ce risque à faible probabilité mais fort impact, il n’y a pas 36 couvertures possibles : je vais augmenter (raisonnablement) mon allocation or, sous diverses formes (ETF, minières - mais pas d’or physique, pour des raisons de sécurité).

En bref, ma stratégie pour 2021 consistera à diversifier mes renforcements, sans vendre aucune ligne existante : mon portefeuille gardera ainsi sa nette orientation croissance - car c’est justifié par l’environnement de taux ultra-bas - mais j’augmenterai le poids des valeurs GARP (Growth at Reasonable Price) et qualité, c’est-à-dire que je serai plus exigeant sur les fondamentaux et les valorisations. Je continuerai à investir sur des valeurs de croissance, mais avec plus de modération (en % de mes renforcements) et d’exigence (sur les fondamentaux). Je réduirai mon usage du levier. Enfin, je renforcerai mes petits "moteurs auxiliaires" value et or, au cas où les moteurs principaux de mon avion (croissance et qualité) s’éteignent.

Évidemment, la définition de la stratégie boursière sera différente pour chaque personne, selon son portefeuille de départ, sa tolérance au risque, et son appréciation des risques. Mais je pense opportun pour chacun de réfléchir en termes de scénarios et de tester sa résilience technique et psychologique aux scénarios les plus critiques.
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Je publie maintenant l’intégralité de mon portefeuille européen (Saxo).

Sa composition est assez originale, car il a été construit par "vagues" irrégulières : d’abord début 2018, avec une méthode de stock-picking assez originale (une sorte d’approche value + dividendes qui a donné des résultats assez mitigés, voire parfois désastreux), puis en 2020 avec une approche croissance qui a beaucoup mieux fonctionné. Globalement je suis satisfait de sa performance, surtout en 2020. Je ne vends jamais rien, donc toutes les lignes restent. Il faut donc vraiment se méfier si l’on veut y piocher des idées, car mon stock-picking début 2018 était assez olé-olé (j’espère avoir progressé depuis).

Ce portefeuille comprend aussi quelques OPCVM, avec des résultats très mitigés (le point d’entrée était certes très défavorable), qui justifient ma préférence pour faire le travail de stock-picking moi-même.








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@JeromeLeivrek : Merci, je ne savais pas que la performance de la "valeur de la part" et le TWR étaient la même chose, ça clarifie les choses. (Bon, je vais continuer à parler de TWR - time-weighted return, je trouve ça plus clair.)

@Carignan : Comme dit par JeromeLeivrek, les 2 mesures (MWR = TRI et TWR = valeur de la part) sont intéressantes, et complémentaires.

Je préfère le TWR sur une base infra-annuelle (et c’est l’indicateur que je rapporte sur ce forum en général). Car :

- sur une base infra-annuelle, les résultats de TRI.PAIEMENTS sont parfois un peu surprenants, je trouve

- beaucoup de gens calculent des TRI annualisés sur une base infra-annuelle et perso, je n’y comprends plus rien (alors que je suis censé maîtriser les bases mathématiques) : quand je vois des TRI annualisés (sur base infra-annuelle) stratosphériques, je me pose des questions existentielles sur la méthode d’annualisation utilisée…

Perso, je déteste ça (ça trouble toutes les comparaisons), et je n’utilise l’annualisation que sur des périodes pluri-annuelles.

Sur une base infra-annuelle, je préfère donc le TWR. Cette préférence pour le TWR est justifiée la plupart du temps pour moi, car je suis toujours 100% investi, généralement avec un rythme d’investissement régulier ("DCA"). Je n’ai pas de gros bonus à investir.

Mais les 2 sont utiles. Je trouve intéressant de comparer le TWR et le MWR (TRI) en fin d’année. Pour moi en 2020, le TRI est supérieur au TWR car j’ai beaucoup renforcé dans le creux en février/mars 2020, puis je n’ai plus pu renforcer en juin-octobre, quand les marchés étaient plus hauts, faute de revenus professionnels.

Cette comparaison TWR/TRI est encore plus pertinente pour ceux qui gardent des liquidités et les gèrent de façon dynamique.
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@Peakykarl : 1) Je n’ai pas trouvé le fonds JPMorgan que vous mentionnez sur le site que j’utilise pour comparer les performances des fonds. Je l’ai remplacé par un fonds Goldman Sachs a priori comparable :

En 2020, mon portefeuille IB (+70%) bat nettement les 2 fonds (Morgan Stanley +55% et Goldman Sachs +46%), mais c’est largement dû à l’utilisation de levier.

Si j’applique le beta moyen en 2020 sur mon portefeuille IB (1,36 - qui correspond peu ou prou au levier moyen) à la performance du S&P500 en 2020, cela me donne (à la grosse louche) la décomposition suivante de ma performance annuelle (+70%) : +25% pour la performance indicielle amplifiée par le beta, et +45% pour l’alpha. (L’alpha par rapport au NASDAQ serait évidemment bien moindre.)

Cela dit, mon portefeuille IB est en EUR, alors que le S&P500 et les 2 fonds sont en USD. L’effet de change a été très négatif pour moi en 2020 (environ -9%), ce qui compense en partie l’impact du levier.

Donc globalement, je dirais qu’il y a eu match en 2020 entre mon portefeuille IB et ces 2 fonds, mais (après compensation des effets du levier et du change) je pense être devant. Les mesures de risque (maximum drawdown) et de performance ajustée du risque (ratios Sharpe et Shapiro) ne sont pas vraiment comparables, car celles que me donnent IB sont sur la base de données journalières, alors que celles données par le site de comparaison de fonds sont sur la base de données mensuelles, ce qui atténue significativement la violence du krach de février/mars 2020.

2) Je dois passer en moyenne 1 heure par jour sur la "recherche" boursière, mais ce n’est pas de la recherche à proprement parler, mais plutôt la consultation aléatoire de différentes sources (presse financières, forums, Seeking Alpha etc.), qui me permet de mettre à jour un fichier Excel de stock-picking, sur lequel j’ai une simple liste d’environ 3000 actions américaines et quelques centaines d’actions européennes.

Si je lis quelque chose d’intéressant sur une valeur (par exemple un article très positif, de bons résultats publiés, ou un investisseur de référence qui l’a achetée), je l’indique par un code couleur : par exemple une valeur passe de "blanche" (neutre) à "jaune" (intéressant). Si une autre nouvelle positive survient plus tard, je la passe de jaune à orange. Puis de orange à rouge. En revanche, si un signal négatif à mes yeux survient, la valeur passe de jaune à beige, puis à blanc (= elle ne m’intéresse plus).

Quand je dois faire un renforcement (chaque mois), je regarde ma liste de valeurs "rouges". Pour chacune, je regarde rapidement les fondamentaux, l’évolution du cours, les dernières nouvelles, et je prends une décision rapidement, avec une calibration plus ou moins prudente selon mon degré de conviction. ça me prend 10 minutes par action, en moyenne.

Mais j’ai désormais bien quadrillé la cote américaine. Sur 3000 valeurs, j’en ai éliminé plus de 2000 et celles-là, sauf très rares exceptions, je ne m’y intéresserai plus, elles ne correspondent pas à ce que je recherche. J’ai 500 valeurs américaines en portefeuille, que je ne suis pas vraiment, sauf quand le cours décroche brutalement dans un sens ou dans l’autre. Mon attention se porte principalement sur la "watchlist" de valeurs jaunes/oranges/rouges dans mon fichier Excel : "seulement" 150 aux USA et 200 en Europe, donc un champ très réduit par rapport à mon univers initial d’investissement.

A côté de ce monitoring quotidien (mais assez aléatoire), je conduis annuellement (ou au maximum 2 fois par an) un exercice de screening, qui me prend plus de temps, mais connaissant désormais mieux la cote, je pense que l’utilité marginale de nouveaux screenings se réduit au fil du temps.

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 03h56)

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Favoris 3    8    #17 03/01/2021 15h20

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Bonjour,

Dans ce dernier message de ma série de posts de début d’année sur cette file (je publierai le point d’étape sur mon évolution patrimoniale sur ma file de présentation), je fais un zoom sur l’univers d’investissement value en France en ce début 2021 et je publie l’intégralité de mon portefeuille français (CTO, PEA et PEA-PME).

Comme ceux qui me lisent le savent, je ne suis pas un grand fan de l’approche value, mais je me soigne je reconnais qu’avoir une poche value dans un portefeuille orienté croissance/qualité comme le mien apporte une diversification factorielle bienvenue et utile, sur le long-terme.

Pour identifier les actions éventuellement sous-valorisées en raison d’"inefficiences de marché" (même si au fond j’ai un doute sur leur importance, considérant les marchés comme plutôt efficients la plupart du temps, sauf exceptions), je regarde les portefeuilles de divers investisseurs value, qui me servent de "chaluts" : chacun est un "filet" ; si un "poisson" (une action sous-valorisée) passe au travers d’un filet, il a a priori peu de chances d’échapper à une dizaine de filets bien placés.

Pour cette pêche value du début d’année 2021, j’ai utilisé les files de portefeuilles sur ce forum, le sondage sur les 5 valeurs préférées pour 2021, les sélections du Jeu The Bull et divers blogs (ici et ), ainsi que les derniers rapports mensuels de 2 fonds value français de référence, Indépendance & Expansion et HMG Découvertes.

Évidemment, il est probable que les niveaux d’efficacité de ces filets soient très variables (comme le sont les niveaux d’expérience dans ce style d’investissement), mais dans un but de détection de dossiers, cet outil me semble suffisant.

Je marque d’une simple croix les dossiers qui sont en portefeuille au 31 décembre 2020, mais j’invite ceux qui veulent creuser les dossiers à étudier les sources primaires, les pondérations des lignes et les explications fournies apportant une valeur ajoutée certaine.

Ma sélection de sources value est évidemment assez arbitraire et loin d’être exhaustive. J’ajouterai éventuellement d’autres sources au fur et à mesure de la publication des portefeuilles. Pour I&E et HMG, j’ai utilisé les derniers rapports disponibles. Pour I&E, l’ensemble des lignes sont indiquées, alors que pour HMG, uniquement le top 10 et les valeurs mentionnées dans le dernier rapport de gestion.

Je calcule un score de "popularité" dans cet échantillon d’investisseurs value, sur la base du nombre d’investisseurs dans cet échantillon qui détiennent une valeur (mais bon, ce n’est pas un concours de beauté…).

Dans cette sélection "value", on retrouve des valeurs que perso je n’appellerais pas "value", comme Unibail, Solutions 30, Prosus ou Eurofins, mais peu importe les étiquettes. On retrouve au fil des ans souvent la même grosse centaine de valeurs appréciées par les investisseurs au style "value" plus ou moins marqué.

Pour chaque ligne, j’indique ensuite ma position (nombre de titres, valeur, PRU, PV/MV) et l’enveloppe de détention (certaines lignes sont détenues dans plusieurs enveloppes, par exemple je détiens Delta Plus dans 3 enveloppes différentes).

Voici ce que ça donne :




Désolé par avance s’il y a des erreurs, merci de me les signaler.

Quelques observations :

- Mon exposition globale à cet univers d’investissement est importante : 105k€, soit 8,5% de mon portefeuille total (c’est plus que ce que je pensais).

- Ma performance sur une durée assez longue de détention de ces valeurs (la plupart achetées en 2017) est médiocre : -4,8k€ (-4%). Cette MV exclut néanmoins les dividendes reçus, qui approcheraient la performance totale de l’équilibre. Par ailleurs, ma grosse perte sur Unibail (une valeur que je n’appellerais pas "value"… en tout cas à 200€ l’action…) est largement responsable de cette mauvaise performance.

- Il y a aussi un problème de point d’entrée : j’ai construit la plupart de ces positions en 2017, quand les small caps value et/ou cycliques étaient à la mode ; beaucoup ont ensuite souffert en 2018-2019, avant de se reprendre en 2020.

- Il y a aussi un aspect de sélection adverse : certaines valeurs sont populaires aujourd’hui chez ces investisseurs value précisément parce qu’elles ont beaucoup baissé ces dernières années.

- Cela dit, si on voulait analyser la performance de l’univers value français depuis 3 ans, il faudrait aussi tenir compte du biais du survivant : certaines anciennes actions populaires chez les investisseurs "value" ont disparu de cet univers parce qu’elles se sont effondrées (par exemple CNIM, sur laquelle je fais -88%… il y a des valeurs discrètes qui gagneraient à ne pas être connues du tout).

- Ma conclusion générale est assez tautologique : l’investissement value fonctionne mieux quand on le pratique selon un style de gestion value, c’est-à-dire en achetant pas cher (ce que j’ai essayé de faire, mais manifestement de façon incompétente) et en revendant plus cher (ce que je ne fais jamais, car je n’aime pas vendre).

- Donc pour mon style de gestion passif (strict buy & hold), il faut sans doute que je sois plus exigeant sur les niveaux d’entrée sur les actions value et/ou cycliques.

- Parmi les actions value françaises aujourd’hui les plus populaires, malgré mon approche "tapis de bombes" du stock-picking, j’ai réussi à louper Hipay, qui a bien performé cette année (mais je n’ai jamais été convaincu chaque fois que j’ai regardé le dossier). Je suis aussi absent des dossiers Gévelot, Txcom, Cofidur, Malteries Franco-Belges, Partouche, Samse et Vicat (par manque d’intérêt pour ces dossiers) et LDC (pour raisons éthiques). Il faut que je me penche sur MG International.

- Malgré une performance médiocre sur cet univers, j’ai quand même enregistré quelques beaux succès, comme Piscines Desjoyaux, Delfingen, Guillin, LDLC, Moulinvest, Trigano, Réalités, Albioma, Delta Plus, Somfy.

- De façon générale, j’ai une préférence pour les dossiers value "higgonsiens" - avec une approche quantitative qui intègre des indicateurs de qualité (rentabilité notamment) - car je crains toujours de récupérer des valeurs médiocres par l’application d’un simple filtre value (sélection adverse).

- Cela dit, je vais peut-être renforcer des dossiers appréciés par des investisseurs davantage deep value, c’est-à-dire très exigeants sur la "décote" (supposée), comme Larbinator. Je vais ainsi peut-être renforcer Burelle.

Au final, je reste convaincu de l’utilité d’un petit "moteur auxiliaire" value pour mon portefeuille, mais je ne prévois pas d’augmenter sa taille dans mon portefeuille global (8,5% actuellement, un peu moins si je nettoie cette sélection de titres que je ne considère pas comme vraiment value).
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Je publie maintenant l’intégralité de mon portefeuille français (EasyBourse), avec ses 3 poches : CTO, PEA et PEA-PME. (Il y a quelques valeurs belges, néerlandaises ou luxembourgeoises - dans ma sélection value aussi, d’ailleurs.)

1) Mon CTO France (300,5k€) est mon portefeuille "historique", créé vers 2010 même si je ne l’ai pris personnellement en main (en y injectant alors 160k€) qu’à la fin de 2016. Air Liquide, BNP, EDF et les OPCVM La Banque Postale sont les lignes historiques. La plupart des autres lignes datent de fin 2016 et 2017, avec très peu de renforcements (hors réinvestissement des dividendes) depuis lors.

Ce portefeuille a une certaine orientation rendement, car il me sert à générer des revenus en € pour couvrir mes frais fixes en France et financer mes dépenses de vie quand je suis sans activité professionnelle (comme pendant 5 mois en 2020). D’où l’importance des foncières, banques, assurances et autres valeurs matures. Évidemment cela a pesé sur la performance récente.

Par ailleurs, depuis mi-2018, j’ai fait le choix stratégique d’orienter l’essentiel de mes flux d’épargne vers mon portefeuille américain (IB). Cela a été le cas aussi pendant le krach de février/mars 2020 : ainsi, je n’ai pas pu saisir cette opportunité pour améliorer mes PRU sur mes portefeuilles français (mais a posteriori c’était le bon choix stratégique).

Globalement, je regrette de ne pas avoir été plus sélectif en 2017 pour ce CTO France, même si l’orientation rendement, délibérée et nécessaire compte tenu de ma situation personnelle d’alors, le justifiait.











2) Mon PEA (116k€) est encore tout jeune : il a été créé à l’été 2017. Il n’a pas d’orientation factorielle ou sectorielle marquée, il manque un peu de "personnalité". Il a beaucoup souffert en 2018, et s’est correctement comporté en 2020. Globalement sa performance est moyenne, proche de celle de l’indice.

Pour mes prochains renforcements sur ce PEA, je vais essayer d’affirmer mes préférences croissance (même si elle est rare sur la cote française) et qualité.






3) Mon PEA-PME (46k€) a le même âge que le PEA (créé à l’été 2017) et a une orientation majoritairement value. Il comprend néanmoins quelques locomotives croissance (Esker), et de jolies valeurs appréciées par tous types d’investisseurs (Thermador, Moulinvest, SII, Delta Plus)… et aussi quelques plantages majeurs (Ymagis).

J’envisage d’effectuer bientôt un renforcement orienté value sur ce PEA-PME, d’où l’exercice de "pêche au chalut" ci-dessus.



Bonne Année 2021 à tous !

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 03h57)

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Favoris 1    59    #18 07/03/2021 03h38

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Merci à tous pour les messages de sympathie et de soutien. Franchement, j’étais (et je reste) écœuré par le comportement de certains ici : je trouve ceux qui se sont réjouis des insultes, leur ont attribué des "+1", plus médiocres encore que celui qui les a proférées. Ceux-là peuvent aussi m’oublier définitivement et s’abstenir d’intervenir sur mes files - j’ai bonne mémoire, et jamais je ne les aiderai, jamais je ne répondrai à leurs questions. Pour tout dire, ça me gêne de publier des contenus éventuellement utiles surtout parce que ces personnes tellement médiocres y auront accès.

L’attitude hypocrite d’IH et de GBL, tellement intransigeants envers toute critique quand elle les touche, et tellement indulgents envers les insultes contre autrui, ne vaut pas beaucoup mieux à mes yeux. La neutralité est immorale quand elle présente comme juste l’équidistance entre l’offenseur et l’offensé. Pour ma part, au-delà des inévitables divergences de vues, j’ai toujours été d’une loyauté sans faille envers ceux dont je trouve qu’ils apportent quelque chose d’utile à la communauté (c’est le cas d’IH par la mise en place de ce forum et de GBL par ses apports et son travail de modération), je marche à la loyauté, dans tous les domaines de ma vie, et je méprise ceux qui ne comprennent pas le concept (ou font semblant de ne pas le comprendre).

Chapitre clos, les choses sont dites et claires, je ne souhaite pas en discuter davantage.

Dans ce contexte, j’ai préféré réduire mes apports ici, d’autant plus que j’ai beaucoup de travail. Cela continuera sans doute d’être le cas à l’avenir, mes contributions seront plus épisodiques. Si c’est possible techniquement, j’essaierai de republier mes messages effacés, car certains m’avaient effectivement demandé pas mal de travail.
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@MrDividende : Le contexte de marché est effectivement intéressant. Je commence par un point sur (1) mon portefeuille, avant de (2) me poser la question si la hausse du taux sans risque aux USA est totalement reflétée ou non par les indices, (3) comparer les anticipations de politique monétaire du marché par rapport à celles de la Fed, et (4) réfléchir à la stratégie boursière dans ce contexte.

1) Point d’étape sur le portefeuille :

Comme vous l’avez bien compris, l’impact de la rotation sectorielle en cours sur mon portefeuille américain IB, fortement orienté croissance et technologie, a été très brutal : en 3 semaines, il a perdu plus de 16%, effaçant presque totalement sa très bonne performance du début d’année. Heureusement, mon portefeuille français, beaucoup plus défensif, a joué son rôle habituel d’amortisseur. Au total, depuis les plus hauts de mi-février, le portefeuille global a perdu 10% et -140k€, alors qu’il avait accumulé +160k€ de plus-values depuis le début de l’année… il n’en reste donc plus que +20k€. Le portefeuille global, à +1,7% YTD, sous-performe légèrement un ETF World :

Mon portefeuille IB a perdu toute sa belle avance du début d’année sur le S&P500 et le NASDAQ :

Je n’ai fait aucun apport depuis le début de l’année, car le rythme de la croissance des marchés américains me semblait excessif et j’anticipais une correction significative. J’ai donc accumulé mes flux d’épargne professionnelle sur mon compte bancaire US (environ 25k€ actuellement), afin de constituer une force de frappe si la correction devait s’accentuer (sans devoir mobiliser mes fonds €, qui n’ont pas pour vocation d’intervenir en soutien de mon portefeuille boursier).

Je vais continuer d’accumuler des liquidités en prévision d’une correction plus sévère. Même si cette poche de liquidité augmente rapidement (environ +6k€ tous les 15 jours), elle reste en effet modeste en comparaison de mon levier important sur mon portefeuille IB : j’utilise la marge pour 290k€ actuellement.

La dépréciation de mes titres (surtout évidemment dans le secteur technologique) a fait mécaniquement augmenter le levier de mon portefeuille IB, de 1,37 à 1,46 actuellement (1,23 sur le portefeuille global). Le levier joue évidemment son rôle d’accélérateur, à la baisse comme à la hausse. Si j’injectais ma poche de liquidités, cela ferait baisser instantanément le levier à 1,42. Pour l’instant je suis assez serein, car un scénario de correction graduelle ou de bear market m’est bien plus favorable qu’une baisse très brutale comme celle de février/mars 2020 (j’avais alors perdu jusqu’à 350k€, sur un portefeuille nettement plus petit qu’aujourd’hui), en raison de ma capacité à injecter régulièrement des liquidités si besoin (j’ai une visibilité bien meilleure sur le plan professionnel aujourd’hui).

Pour l’instant, je juge la correction beaucoup trop modérée pour renforcer significativement mon portefeuille : je garde donc ma poudre au sec et j’attends que l’ennemi se rapproche beaucoup plus de ma tranchée avant d’ouvrir le feu (j’y reviendrai plus bas dans la discussion sur la stratégie).

2) La hausse du taux sans risque américain est-elle déjà reflétée par les marchés boursiers ?

Comme vous le notez MrDividende, il est clair que la hausse des rendements obligataires souverains américains est l’élément déclencheur majeur pour la correction boursière. Il faut à mon avis distinguer 2 questions :
- Cette hausse des rendements obligataires souverains américains est-elle justifiée par le contexte économique et monétaire ?
- A quel point cette hausse des rendements obligataires souverains américains est-elle déjà prise en compte (ou non) par les marchés boursiers ?

Je commence par la seconde question (et je ne fais que retracer ma réflexion, sans évidemment prétendre apporter une réponse définitive ou une vérité incontestable).

Perspective empirique : Comme d’habitude, Ploutos, sur SeekingAlpha, apporte des éléments intéressants, dans cet article : il compile toutes les hausses d’au moins 100 points de base (= 1 point de pourcentage) du rendement obligataire à 10 ans américain et il regarde l’évolution des indices boursiers américains sur la période immédiatement suivante :

Il trouve qu’en moyenne, sur tous ces épisodes de hausse significative des rendements obligataires US, les marchés boursiers US ont progressé dans la période immédiatement suivante. Il n’y aurait donc pas un lien systématique entre une hausse des rendements obligataires entraînant nécessairement une baisse des marchés boursiers.

Perspective "théorique" : J’utilise la formule très simple de Gordon-Shapiro (une simplification de l’approche DCF, avec un rythme constant de croissance des cash-flows) pour évaluer "l’élasticité" des valorisations intrinsèques à un "choc" sur les rendements obligataires.

Je trouve qu’aux niveaux actuels du taux sans risque et de la prime de risque du marché actions US (telle qu’estimée par Aswath Damodaran), et avec une hypothèse à mes yeux réaliste sur le taux de croissance perpétuelle des profits, une hausse de 100 points de base du rendement obligataire à 10 ans américain devrait faire baisser le S&P500 d’environ -23%, toutes choses égales par ailleurs : on en est très loin !

Dans la réalité, la hausse du rendement obligataire à 10 ans américain depuis septembre s’est accompagnée d’une baisse de la prime de risque du marché actions US, qui en a absorbé une bonne partie (la moitié, en gros), et probablement d’une révision à la hausse de l’anticipation du marché pour la croissance perpétuelle des profits.

Note : ERP = equity risk premium = prime de risque du marché actions US (S&P500), estimée par Aswath Damodaran

Dès lors se posent 2 questions :

a) La prime de risque du marché actions US est-elle trop basse ? A 4,6% (selon Damodaran), elle reste supérieure à sa moyenne de très long-terme (4,2%), ce qui tend à invalider la thèse d’une "bulle" (même si on en voit de nombreux indices comportementaux depuis plusieurs mois). Mais ce niveau ne protège certainement pas l’investisseur contre le risque d’une forte baisse des marchés actions : début 2007, la prime du marché actions US était à 4%, avant une correction très significative - mais avec un déclencheur majeur, la crise des subprimes s’étendant au système bancaire mondial.

b) L’anticipation du marché pour la croissance des bénéfices est-elle trop optimiste ? C’est ce que suggère (à mon avis) l’écart entre le niveau actuel des PER américains (27,8 pour le S&P500, 34,8 pour le NASDAQ 100) et celui que j’estime quand j’applique un taux de croissance perpétuelle des profits égal à la croissance potentielle du PIB américain (environ 2%) : environ 24. Cela correspond à une surévaluation d’environ 14% du S&P500, si l’on considère (a) la prime de risque actuelle et (b) le niveau actuel du taux sans risque comme appropriés.

Autant le niveau actuel de la prime de risque ne me choque pas particulièrement, compte tenu de l’environnement économique et politique mondial (bien au-delà de la pandémie), autant on peut s’interroger sur le niveau des rendements obligataires souverains US. C’est la question suivante.

3) La hausse des rendements obligataires souverains américains est-elle justifiée par le contexte économique et monétaire ?

Jusqu’à présent, nous avons considéré le rendement obligataire américain à 10 ans comme variable exogène dans notre évaluation des valeurs intrinsèques. Mais on peut éventuellement s’interroger sur la pertinence du niveau actuel, compte tenu de l’ampleur de la hausse observée ces derniers mois.

Je vais surtout me focaliser sur les anticipations du marché pour la politique monétaire de la Fed, qui sont un déterminant essentiel (mais pas le seul !) pour les rendements obligataires souverains américains.

Pour évaluer les anticipations du marché pour les taux directeurs de la Fed, je regarde les futures Eurodollar, qui sont des contrats qui permettent de prendre position sur le niveau futur des taux monétaires américains. Le prix du contrat reflète, pour chaque maturité, l’équilibre du marché, c’est-à-dire le résultat des anticipations moyennes du marché pour les taux monétaires américains. En comparant les prix des contrats à différentes dates par rapport au premier contrat (qui reflète les taux directeurs actuels de la Fed), je peux déduire le timing des mouvements de taux de la Fed, tels qu’ils sont anticipés par les participants de marché (en moyenne). (Quand le prix du contrat baisse de 25 points de base, c’est que le marché anticipe une hausse de 25 points de base du taux monétaire sous-jacent.)

Voilà ce que cela donne :

Les marchés anticipent 3 hausses et demie de 25 points de base chacune, par la Fed, d’ici début 2024.

Comparons ces anticipations du marché avec les anticipations des dirigeants de la Fed - les membres du FOMC (Federal Open Market Committee) :

Dans leur grande majorité, les membres du FOMC n’anticipent aucune hausse des taux directeurs de la Fed avant 2024 !

Il y a donc un écart considérable dans les anticipations de hausse de taux par le marché et par la Fed. L’un des 2 se trompe, et pas qu’un peu. Il s’agit de prévision macroéconomique : en la matière, ni le marché obligataire ni la Fed ne sont infaillibles. Mais j’ai tendance à penser que le marché, excité par la fin prochaine de la pandémie, a peut-être chaussé un peu trop vite ses lunettes roses s’agissant de la conjoncture économique.

Voici ce que la Fed dit à propos des facteurs qui vont guider ses décisions futures sur ses taux directeurs :

A mes yeux il y a là 2 facteurs majeurs qui vont nécessairement retarder la hausse des taux de la Fed :

a) La Fed va délibérément laisser l’inflation dépasser sa cible de 2% pendant un certain temps, afin de compenser la période d’inflation faible. A mes yeux, le marché sous-estime la détermination de la Fed et sa volonté de combattre le risque déflationniste - bien plus dangereux dans l’environnement actuel que le risque inflationniste. (Les banques centrales sont structurellement bien mieux équipées pour faire face à une inflation excessive qu’une déflation.)

b) La Fed va attendre un retour au plein emploi avant de remonter ses taux : un choc économique majeur comme la pandémie, entraînant des changements structurels sur le marché de l’emploi (changements des modes de consommation et de travail etc.), va nécessairement avoir des effets durables sur le marché de l’emploi ("effets d’hystérèse") : certains travailleurs vont par exemple devoir se réorienter professionnellement, développer de nouvelles compétences (jobs en ligne, freelance etc.) - cela va prendre du temps.

A ces raisons économiques s’ajoutent des considérations politiques (même si en théorie cela ne devrait pas influencer la Fed) : dans 2 ans auront lieu les mid-terms. Avec une société américaine durablement impactée (>500k morts, chômage massif) par la pandémie, j’ai du mal à croire à un scénario de hausse rapide des taux de la Fed.

Donc perso, pour ces raisons-là, je penche nettement pour le scénario de la Fed (pas de hausse avant 2024) plutôt que pour celui du marché (3,5 hausses avant 2024).

Ainsi, le marché boursier a-t-il peut-être raison de n’intégrer que très partiellement la hausse des rendements obligataires souverains, si le marché obligataire devait corriger son erreur (éventuelle) et se rapprocher du scénario de la Fed. Cela dit, il est toujours dangereux de penser que le marché (obligataire, en l’occurrence) se trompe, et une surprise inflationniste est toujours possible.

4) Stratégie boursière :

Perso, je reste sceptique sur le scénario d’une poussée inflationniste et d’une remontée assez rapide des taux des banques centrales. J’ai plutôt tendance à penser que le marché se laisse guider par une euphorie excessive liée aux progrès rapides de la vaccination, et surestime fortement la rapidité d’un retour à la normale.

Je maintiens mon scénario principal de long-terme - le maintien de taux durablement bas, pour des raisons économiques (pressions déflationnistes persistantes), mais aussi politiques (endettement public massif). Cet environnement devrait être structurellement favorable aux valeurs de croissance.

Cela dit, les valorisations des valeurs de croissance étaient excessives, le rythme de hausse était clairement insoutenable, et il y avait (et il y a toujours) des signes évidents de comportements de bulle. Donc la correction sur les valeurs de croissance est parfaitement justifiée, et plutôt saine. Je pense qu’elle pourrait s’amplifier car les niveaux de valorisation des valeurs technologiques restent très élevés et il y a un besoin d’assainissement du marché (par l’élimination des acteurs aux comportements les plus risqués).

Par conséquent :

- Je maintiens toutes mes positions et l’orientation croissance de mon portefeuille.

- Je constitue une poche de liquidités pour faire baisser mon levier d’un coup si nécessaire, et pour tirer avantage des opportunités éventuelles en cas de correction plus prononcée.

- A priori je n’envisage pas de renforcement de mon portefeuille tant que le S&P500 reste au-dessus de 3500. Mon estimation (grossière) de la valeur intrinsèque du S&P500 est d’environ 3300. La zone 3200-3500 correspondra donc à ma zone d’intervention (massive) en cas de correction plus significative.

- Pour ces renforcements, je ciblerais des valeurs de qualité/GARP pour rééquilibrer (un peu) mon portefeuille. Sur ma liste : Alphabet, Abbott Labs, Sherwin-Williams, Berkshire Hathaway, Caterpillar, Northrop Grumman, Prologis, American Tower, UnitedHealth, Dollar General, Deere, S&P Global, Merck, Home Depot, Lowe’s, Fastenal (je suis déjà actionnaire de la plupart).

- Si je me trompe et que cette correction plus significative n’a pas lieu, ce n’est pas grave : avec un levier de 1,46 sur mon portefeuille IB (1,23 sur le portefeuille global) je profiterais pleinement d’un retour de la hausse.

- Je ne crois pas a priori à un élargissement de l’écart déjà très grand entre le marché obligataire et la Fed, s’agissant de la trajectoire des taux de la Fed. Au contraire, j’anticipe une convergence, ce qui devrait aider les valeurs de croissance.


Jusqu’à présent, j’ai donc été très passif face à cette petite correction. Je considère que c’est une rotation sectorielle temporaire, comme on en a connu plusieurs ces dernières années (par exemple lors de l’annonce des vaccins en octobre 2020).

Le seul renforcement que j’ai fait ces derniers jours (je n’en suis pas fier) a été l’achat de 200 parts du Grayscale Bitcoin Trust (GBTC), pour porter ma position à 700 parts (valorisées actuellement 30k$). Quoique sceptique sur le long-terme sur le Bitcoin et les autres cryptos "anarchiques", j’ai voulu tirer parti d’une prime exceptionnellement négative entre la part GBTC (qui représente actuellement 0,00094680 BTC) et le Bitcoin : cette prime est descendue jusqu’à -12% vendredi, alors qu’elle tourne habituellement autour de +10/+20% : en d’autres termes, on se fait payer pour détenir du BTC via ce fonds plutôt que directement !

J’y ai vu l’opportunité d’acheter du BTC à bon compte, car j’anticipe un retour de la prime à son niveau historique à plus ou moins long-terme. (L’une des raisons pour cette prime négative serait l’introduction d’ETF Bitcoin au Canada, qui a encouragé certains investisseurs à y réorienter leurs positions BTC.)

Cette poche de BTC dans mon portefeuille me permet aussi d’avoir une poche de "liquidités" (certes très volatiles) dans mon portefeuille IB, que je pourrais liquider rapidement sans remords en cas de besoin (car je ne crois pas à ce produit sur le long-terme, alors que j’ai foi dans la plupart de mes entreprises en portefeuille). Mais je n’encourage certainement personne à faire cela - je m’autorise des paris spéculatifs parce que la diversification de mon patrimoine et de mon portefeuille me le permet.

Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 11h00)

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Favoris 1    11    #19 02/05/2021 02h26

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Bonjour à tous,

Rien de très spectaculaire dans l’évolution de mon portefeuille : à +11% YTD, il évolue à peu près en ligne avec les indices. Dans le détail, je sous-performe légèrement en Europe et aux USA, tandis que mon PEA-PME, orienté value, surperforme légèrement son indice de référence.

La prime de risque du marché actions américain étant désormais proche de ma cote d’alerte de 4%, je n’ai toujours pas effectué d’apports cette année, préférant stocker des liquidités sur mon compte bancaire aux USA (désormais 50k$), dans l’attente d’une éventuelle correction. Si cette correction n’arrive pas, ce n’est pas très grave : garder des liquidités est une manière de faire baisser indirectement mon levier (mon utilisation de la marge IB étant désormais de 317k€).

J’ai dû liquider quelques actions AXA (à l’équilibre) sur mon CTO France pour financer mes dépenses de vie, le timing de mes flux de dividendes n’étant pas optimal (et je ne souhaite pas virer de l’argent des USA vers la France). Mais je vis essentiellement comme "rentier" sur mes dividendes français, alors que mes revenus professionnels sont épargnés intégralement et conservés aux USA dans l’attente de la prochaine bataille.

Sur mon PEA, j’ai renforcé (à l’occasion d’un réinvestissement de dividendes) ma position sur Burelle, une valeur à la fois cyclique et value, pour profiter de l’éventuel retour en vogue (temporaire) de ces facteurs cette année sur fond de sortie de récession.

Sur mon CTO Europe, j’ai réinvesti mes dividendes en créant une petite ligne Evolution Gaming (je rentre très tardivement sur la valeur).

Aux USA (CTO IB), je continue d’orienter mes renforcements principalement vers des valeurs de croissance, mais en essayant de diversifier sectoriellement, notamment en ciblant l’industrie traditionnelle : WD-40, Silgan Holdings, Aptiv, Mettler-Toledo, Arcosa, Automatic Data Processing, Conmed, CSW Industrials, Dover, Ensign Group, ESCO Technologies, Fabrinet, Helen of Troy, Rush Enterprises, National Storage Affiliates, Old Dominion Freight Line, Houlihan Lokey, Apollo Global Management, LPL Financial, Kirkland Lake Gold (renforcement), Trimble (renforcement). Toujours bien sûr des valeurs d’ultra-croissance (avec les risques que ça implique) : ThredUp, Coursera, Futu Holdings, SelectQuote, BioNano Genomics, PyroGenesis Canada, Olo, Roblox, Coupang, ContextLogic, Bloom Energy, Butterfly Network, Intrusion, Coinbase.

J’ai financé ces achats par la marge IB. J’essaie de maintenir un levier à peu près constant sur ce portefeuille IB, entre 1,3 et 1,4, dans le contexte macroéconomique actuel de sortie de récession sur fond de très fort stimulus budgétaire et monétaire. Mais si la prime de risque du marché actions américain devait descendre nettement en deçà de 4%, je réajusterais ma cible de levier à 1,2, voire 1,1.

Actuellement mon levier est de 1,46 sur mon portefeuille IB et 1,23 sur mon portefeuille global. Si j’intègre mes liquidités américaines, le levier tombe à 1,36 sur le portefeuille IB (soit à peu près ma cible) et 1,19 sur le portefeuille global.

Donc ma gestion de ce portefeuille quasi-indiciel et buy & hold est très simple (presque ennuyeuse) : je vais continuer à accumuler des liquidités aux USA pour piloter mon levier autour de sa cible, et j’ajuste simplement cette cible selon le niveau de la prime de risque du marché actions.

Je suis "agnostique" quant à la direction des marchés : s’ils continuent à monter, tant mieux ; s’ils évoluent dans un range, ça me permet d’accumuler des liquidités pour le grand jour ; s’ils corrigent, je serai prêt à agir comme je l’ai fait lors du krach de février/mars 2020.

De façon générale, je suis de plus en plus convaincu que c’est bien lors des krachs et corrections majeures que l’on peut s’enrichir : cela a été clairement le cas pour moi, lors de mon entrée massive sur les valeurs américaines du SaaS lors de la correction du 4e trimestre 2018, et lors de mes renforcements massifs dans la jambe descendante du "V" en février/mars 2020. Mon plan est de répliquer exactement cette stratégie ad infinitum, en ajustant évidemment le plan de renforcement selon ma compréhension macro. Si je peux faire une performance similaire à l’indice le reste du temps (quand le soleil brille, comme actuellement), ça me va très bien. C’est lors des krachs et grosses corrections que je peux battre nettement l’indice.

Un petit zoom sur la performance de mon portefeuille IB, en comparaison avec le S&P500 "total return" (SPXTR), le NASDAQ Composite (COMP) et un ETF World (VT) :

Cette année, après un début fantastique, mon portefeuille IB a subi de plein fouet la forte correction sur les valeurs spéculatives d’ultra-croissance et la rotation vers des valeurs plus solides, à partir de mi-février. Il a remonté la pente depuis, mais reste bien en-deçà de ses plus hauts (pas loin de 70k€ encore à rattraper !). Je vois cela comme une saine correction après une année 2020 incroyable sur les valeurs de croissance. Ce genre de corrections permet de "nettoyer" les portefeuilles et de séparer le bon grain de l’ivraie. J’ai eu pas mal de déchet sur mon stock-picking de fin 2020 / début 2021, mais j’ai au moins la satisfaction d’avoir bien calibré mes positions sur ces valeurs spéculatives.

Depuis les débuts de ce portefeuille IB en juin 2021, sa surperformance face aux indices (y compris le NASDAQ) reste très nette. Pas loin de 350k€ de valeur créée en moins de 3 ans.
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@Peakykarl : Mon scénario macro est simple :

1) Les tendances économiques de fond entamées au début des années 2000 - digitalisation, globalisation des échanges etc. - ont été accélérées par la pandémie et elles sont là pour rester. Ces tendances structurelles sont déflationnistes.

2) La pandémie a renforcé d’autres forces déflationnistes : notamment le vieillissement démographique (cf. le récent recensement américain qui montre un net ralentissement de la croissance démographique américaine et une baisse du taux de fécondité à 1,84 enfant / femme, en dessous de la France).

3) La forte augmentation de la dette publique à l’occasion de la pandémie peut aussi être un facteur déflationniste (ça se discute) - en tout cas c’est un facteur qui risque de contribuer au maintien ad infinitum de QE par les banques centrales.

4) A court-terme (6 mois / 1 an), l’inflation remonte naturellement, en raison du retour de la confiance en sortie de pandémie et du très fort stimulus monétaire et budgétaire. Mais les anticipations d’inflation devraient rester bien ancrées, dans ce contexte structurellement déflationniste.

5) Les marchés financiers ont un biais systématique à être trop optimistes en sortie de récession, et à anticiper beaucoup trop des hausses de taux par les banques centrales. Cela a été le cas en 2001-2002 et en 2009-2010 : le marché a eu tort en croyant à des montées de taux rapides par les banques centrales. Beaucoup de participants de marché croient à tort que les banques centrales réagissent à l’inflation (naturellement volatile), alors qu’elles sont focalisées sur les anticipations d’inflation (qui elles, sont beaucoup plus stables). Je pense que le marché fait exactement la même erreur aujourd’hui, et qu’avec un US Treasury à 1,63% (soit +115 points de base par rapport aux plus bas de 2020), le marché price déjà des hausses de taux précoces - qui n’auront pas lieu.

Donc ma stratégie boursière dans ce contexte est de :

a) Continuer à renforcer mes valeurs de croissance, portées par de forts vents structurels, en utilisant à mon avantage les trous d’air qui ne manqueront pas de se présenter (comme en février 2021), sur fond de valorisations élevées. Les valeurs de croissance bénéficient structurellement d’un environnement déflationniste, où la croissance est rare (donc chère) et où les taux d’intérêt sont bas (ce qui permet un moindre lissage des cash-flows de long-terme dans les valorisations DCF). Néanmoins ces valorisations parfois très optimistes doivent me conduire à plus de sélectivité dans mes choix et une plus grande diversification sectorielle.

b) Renforcer avec modération mes valeurs cycliques et value, qui bénéficient temporairement de la rotation. Mais là aussi en essayant d’être sélectif, donc plutôt GARP que value.

c) Piloter mon levier selon le niveau de la prime de risque du marché actions US (cf. explications ci-dessus).

Le contexte boursier me rappelle à la fois 2010 (sortie de récession, fort stimulus monétaire/budgétaire, surperformance temporaire du value) et 1998 (climat de bulle en formation). C’est l’évolution de la prime de risque du marché actions US qui va déterminer quel sera le scénario : 2011-2013 ou bien 1999-2001. Ce sont mes 2 scénarios principaux :

- Scénario "2011-2013" : les marchés boursiers continuent de progresser, mais de façon "raisonnable", avec des violentes corrections en réponse à des surchauffes "localisées" (comme la correction de février 2021 sur les SPAC). La prime de risque du marché actions US se stabilise autour de 4%, c’est-à-dire que le principal facteur de la croissance des indices devrait être les résultats des entreprises (et non une hausse des multiples de valorisation déjà élevés). Probabilité 60%. Dans ce cas-là ma stratégie décrite plus haut devrait bien fonctionner (avec un levier cible autour de 1,3).

- Scénario "1999-2001" : les bulles localisées (actions "vertes", cryptos, SPAC etc.) se multiplient et les multiples de valorisation s’envolent. La prime de risque du marché actions US baisse à 2-3%. Probabilité 30%. Dans ce cas-là, il me faudrait abaisser ma cible de levier à 1,2, puis 1,1, voire 1 (voire moins).

- Scénario inflationniste : c’est le scénario où je me trompe sur l’environnement macroéconomique. Des pressions inflationnistes forcent les banques centrales à cesser leurs QE et à remonter leurs taux d’intérêt. Les États trop endettés rentrent en crise. Probabilité 10%. Dans ce cas-là, je ne crois pas qu’une simple stratégie value soit suffisante, il faut aussi avoir des couvertures contre l’inflation, comme l’or.

Ma conclusion, c’est que des investisseurs exposés aux (bonnes) valeurs de croissance ne doivent pas trop s’alarmer de la rotation sectorielle, et qu’il faut raison garder dans la réorientation vers les valeurs cycliques, les matières premières et le value. Dans l’environnement actuel de valorisations élevées, les valeurs "pas chères" ont toutes les chances d’être des entreprises sans avenir.
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Quelques nouvelles : je traverse une période professionnellement très chargée (et très intéressante), je n’avais plus travaillé autant depuis la crise de la dette souveraine de la zone euro en 2011-2015 ! Mes "clients" sont au 4 coins du monde, ce qui m’oblige à des journées de travail à rallonge. Par exemple, cette semaine, j’ai travaillé pour une banque centrale en Europe de l’Est (Paris +2 heures) et une autre en Amérique Centrale (Paris -8 heures), tout en collaborant évidemment avec mes collègues à Washington DC (Paris -6 heures)… Épuisant ! Il me tarde de pouvoir reprendre les missions sur le terrain, qui me laisseront au moins quelques moyens de "pause" dans les vols long-courrier (et me permettront aussi des échanges plus chaleureux avec mes collègues locaux).

Je suis toujours en Aveyron (encore non vacciné, j’étais assez réticent à voyager en pleine vague épidémique en France), mais je viens de me porter volontaire pour faire partie de la première "vague" de retours au bureau pour mon organisation, donc il est bien possible que je m’installe enfin à Washington DC ce mois-ci. En attendant, comme beaucoup de confinés, ma vie sociale est absolument trépidante, comme en témoigne cette photo du point culminant de ces 13 mois épouvantables :

Bref, vivement le retour à une vie normale !
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@Etzanas : je répondrai à votre question dans un autre message.

Dernière modification par Scipion8 (02/05/2021 04h03)

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Favoris 1    17    #20 08/05/2021 11h09

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@Carabistouilles : Je vous réponds en détail sur l’inflation car les mêmes interrogations/angoisses reviennent souvent.

1) La première question à se poser est : Pourquoi la stabilité des prix est importante ? Tout le reste découle de ça.

La stabilité des prix est cruciale parce qu’une monnaie instable perturberait de façon significative les choix de consommation et d’investissement des agents économiques :
- stockage de denrées dont on anticiperait des hausses de prix importantes
- surconsommation à court-terme (puisqu’on anticiperait que la monnaie perd continuellement son pouvoir d’achat)
- surpondération des couvertures (réelles ou supposées) contre l’inflation (l’or, par exemple) dans les portefeuilles d’investissement, au détriment des investissements productifs dans l’économie
- renchérissement des conditions financières des prêts aux entreprises et aux ménages, pour intégrer une prime de risque reflétant le risque inflationniste auquel s’expose le prêteur ; ce renchérissement conduirait (toutes choses égales par ailleurs) à l’exclusion de projets pourtant productifs pour l’économie

Tout cela conduirait à une situation économiquement très sous-optimale de (a) sous-investissement dans l’économie réelle, (b) un surinvestissement dans des actifs improductifs, (c) surconsommation de biens parfois superflus - au détriment du long-terme.

Ce n’est pas une situation théorique : c’est ce que doivent affronter chaque jour beaucoup de pays pauvres dans le monde. (C’est pour ça qu’on paie des experts comme moi pour essayer peu à peu de rendre leurs monnaies plus solides, plus crédibles.) Il y aurait énormément de projets productifs en Afrique (par exemple) mais ils ne sont pas financés pour cause de prime de risque trop importante - notamment pour des raisons d’inflation.

2) Ce sont les anticipations d’inflation qui influent sur les choix des agents économiques - pas l’inflation courante. Quand vous conduisez votre voiture, vous regardez la route devant vous, les virages à venir, les obstacles éventuels etc. ; vous ne placez pas un miroir sous votre voiture pour examiner la route sous votre voiture. C’est pareil pour les agents économiques : ce qui détermine leurs choix de consommation et d’investissement, ce sont leurs anticipations d’inflation, pas l’inflation courante !

Donc la banque centrale (dont l’objectif est d’assurer une stabilité monétaire propice à un bon fonctionnement de l’économie) est focalisée sur les anticipations d’inflation, bien plus que sur l’inflation courante (naturellement volatile).

Imaginez une banque centrale qui suive à la trace les prix du pétrole, du blé ou du palladium : sa politique monétaire serait absolument instable, illisible, difficilement prévisible (autant que ces marchés de matières premières) et contribuerait à créer une prime de risque dans l’économie, avec les mêmes effets délétères que l’inflation !

Les banques centrales se focalisent donc sur les anticipations d’inflation à moyen-terme. Elles croisent plusieurs mesures pour cela : le pricing de l’inflation par les produits financiers indexés sur l’inflation future (OATi/TIPS, swaps d’inflation), des enquêtes auprès des agents économiques, des prévisions économiques. Par exemple la Fed regarde particulièrement l’inflation à 5 ans dans 5 ans, c’est-à-dire l’inflation pricée sur la période 2026-2031 (actuellement) par les TIPS et swaps d’inflation.

3) L’objectif essentiel de la banque centrale, c’est "l’ancrage" des anticipations d’inflation de moyen/long-terme à un niveau proche de sa cible. Dans la zone euro, cette cible est définie par la BCE comme une inflation annuelle harmonisée (HICP) inférieure à, mais proche de, 2%.

Tant que les anticipations d’inflation à moyen-terme restent ancrées à un niveau suffisamment proche de cette cible, la BCE va considérer que la stabilité des prix n’est pas en risque. La politique monétaire de la BCE vise à essayer d’équilibrer, avec un horizon de moyen-terme, les risques inflationnistes et les risques déflationnistes - un peu comme le capitaine d’un gros navire essaie de définir le cap optimal pour rester à égale distance de Charybde et Scylla (sauf qu’en l’occurrence pour la banque centrale, il ne s’agit pas d’un détroit, mais d’un couloir sans fin entre ces 2 risques).

4) L’inflation courante n’est pertinente que dans la mesure où elle influe sur les anticipations d’inflation. C’est généralement le cas, mais cette transmission de l’inflation courante aux anticipations d’inflation se fait très progressivement : par exemple les anticipations d’inflation à moyen-terme dans la zone euro semblent suivre la moyenne de l’inflation passée sur les 25 dernières années (cf. mon post précédent sur cette file) : donc un choc inflationniste temporaire (comme la petite poussée actuelle) a un impact généralement très atténué sur les anticipations d’inflation à moyen-terme.

5) Les hausses de prix sur les matières premières ont généralement une transmission très limitée aux anticipations d’inflation à moyen-terme.

Les cours de beaucoup de matières premières sont très volatils : ils peuvent s’effondrer en cas de récession, et s’envoler (comme actuellement) au moindre rebond de l’économie.

Cette volatilité reflète l’équilibre délicat entre offre et demande sur chaque matière première, et surtout la rigidité de l’offre face aux évolutions de la demande : ça prend du temps et de l’argent de trouver et d’exploiter un gisement de palladium ou de pétrole, ça ne se fait pas en 2 minutes.

Un autre facteur de volatilité des cours de matières premières, c’est leur substituabilité limitée : on peut parfois substituer le pétrole (par exemple) par une autre source d’énergie, mais là encore, ça prend du temps et de l’argent de faire les ajustements.

Pendant cette période transitoire où l’offre s’adapte à la demande et/où la demande s’adapte à l’offre, l’ajustement se fait par une fluctuation souvent prononcée du cours de la matière première. Mais il s’agit bien d’une phase transitoire, et tous les agents économiques, et donc naturellement la banque centrale aussi, le savent bien. Une fois cette phase transitoire d’ajustement terminée, les cours des différentes matières premières convergent vers leur nouvel équilibre, avant le prochain choc d’offre ou de demande.

C’est la raison pour laquelle les fluctuations des cours des matières premières ont généralement très, très peu d’impact sur les anticipations d’inflation, et donc sur la conduite de la politique monétaire.

Beaucoup de banques centrales se focalisent d’ailleurs sur des mesures d’inflation excluant les cours de l’alimentation et de l’énergie (comme le "Core CPI" très important pour la Fed), afin d’éliminer le "bruit" lié à la volatilité des cours des matières premières. Si vous vous focalisez uniquement sur le bruit, forcément vous n’allez jamais être d’accord avec les choix de la Fed ou de la BCE…

La BCE a des économistes qui suivent les évolutions des matières premières, mais le cœur de leur travail est d’évaluer la transmission (passthrough) de ces évolutions à l’économie réelle (par exemple, dans quelle mesure une hausse des cours du pétrole se transmet-elle aux salaires ?). C’est cette transmission, bien plus que les fluctuations des cours, qui va éventuellement avoir un impact sur la politique monétaire de la BCE.

6) D’ailleurs, les anticipations d’inflation à moyen terme dans la zone euro sont très stables - et pour certaines mesures nettement en-dessous de la cible de la BCE.

En témoigne par exemple l’enquête trimestrielle de la BCE auprès des prévisionnistes (ECB Survey of Professional Forecasters) (on pourrait regarder les anticipations d’inflation pricées par le marché - qui confirment aussi cette stabilité) :


Vous voyez que :
- la tendance de long-terme est à la baisse des anticipations d’inflation de long-terme dans la zone euro…
- … avec un risque déflationniste bien réel : un désancrage à la baisse des anticipations d’inflation de long-terme, bien en-deçà de la cible de la BCE

Cela justifie une politique monétaire très accommodante de la BCE, donc un taux directeur très bas (0% actuellement) et une poursuite du QE. C’est ça la réalité économique de la zone euro, pas ce que vous lisez dans les gazettes.

Là encore, la déflation n’est pas une situation théorique : un scénario à la japonaise est un risque bien réel pour la zone euro (certains le pensent même inévitable - comme vous le voyez sur l’enquête qui montrent que 40% des prévisionnistes anticipent un désancrage important à la baisse de l’inflation : < 1,5%).

7) Les "bulles" sont un effet secondaire des taux bas et du QE ; leur importance est de tout, tout second ordre par rapport à l’objectif de stabilité de prix. Une bulle est un jeu à sommes nulles qui accélère simplement le transfert de richesse des investisseurs imprudents/impatients vers les investisseurs plus prudents - c’est dommage pour ceux qui s’appauvrissent dans ce processus, mais quelque part c’est mérité (c’est la sélection naturelle, appliquée au domaine financier). C’est la responsabilité de chaque investisseur de maîtriser correctement son risque, et d’analyser la réalité et la qualité des actifs. Nous vivons dans une société libérale où le principe de responsabilité doit s’imposer. Je pense qu’il y a suffisamment d’avertissements sur les bulles en cours (cryptos, SPACs) ; les adultes raisonnables doivent a priori les comprendre, les autres apprendront avec le temps.

Compte tenu de la détention limitée d’actifs spéculatifs dans la zone euro - on parle de moins de 10% de la population qui joue sur les actions et les cryptos - ces bubulles opèrent un transfert monétaire entre bourgeois (les bourgeois les plus malins s’enrichissent au détriment des plus naïfs). Ce jeu redistributif entre bourgeois qui y participent volontairement et en toute responsabilité n’est pas un enjeu de politique publique.

L’enjeu de la politique monétaire est beaucoup plus important : c’est la stabilité de la monnaie. C’est un objectif important pour 100% des agents économiques - ménages et entreprises. C’est à la seule aune de la stabilité monétaire que l’on doit juger une banque centrale : pour l’instant la BCE fait correctement le job, mais il y a un risque déflationniste bien réel - qui justifie a priori de faire davantage (et pas moins !).

8) L’impact éventuellement inégalitaire du QE, via le gonflement des prix des actifs (dont la détention dans la population est très inégale), est en revanche un enjeu de politique publique. C’est à l’État de s’en occuper, notamment par la fiscalité: par exemple une fiscalité plus lourde sur les revenus du patrimoine, à l’image de ce qu’envisage Biden et à l’inverse de ce qu’a fait Macron, serait logique en période de QE. La banque centrale n’a ni le mandat, ni la légitimité démocratique, ni les outils pour faire de la redistribution. C’est le rôle de l’État.

9) Le risque inflationniste est bien plus réel dans les pays "jeunes", pauvres ou émergents, que dans notre vieille Europe. On voit effectivement des pressions inflationnistes dans certains pays émergents - sans commune mesure avec la zone euro. Les banques centrales prennent donc les mesures appropriées (hausses des taux directeurs, levée des mesures de soutien prises pendant la pandémie etc.).

Je conseille actuellement plusieurs banques centrales dans ces pays pour leur stratégie d’"exit" des mesures de politique monétaire non-conventionnelle prises pendant la pandémie, précisément parce que l’inflation remonte (avec un impact sur les anticipations d’inflation) et ces banques centrales doivent ajuster leur cap. C’est assez compliqué techniquement, car la pandémie n’est pas terminée (plus encore dans ces pays malheureusement victimes d’un accès limité aux vaccins), et elle fait peser une menace sur la reprise économique. Mais en fin de compte c’est l’objectif de stabilité des prix qui doit déterminer les décisions de politique monétaire.

10) Les particuliers - et notamment ceux qui ont les moyens d’investir - ont une compréhension économique asymétrique, beaucoup plus sensible au risque d’inflation qu’à celui de déflation ; la banque centrale doit en revanche avoir une attitude symétrique.

Après avoir un peu trop forcé sur les vidéos Youtube anxiogènes, l’épargnant inquiet regarde fiévreusement ses euros dans son portefeuille en se demandant ce qu’ils vaudront demain, dans ce nouveau monde où la "planche à billets" fonctionne à plein régime.

Il est aveugle aux grandes forces structurelles qui, depuis des décennies voire des siècles, poussent irrésistiblement le taux d’intérêt naturel de l’économie (celui qui équilibre offre d’épargne et demande d’investissement de façon non inflationniste et avec le plein emploi) de plus en plus bas, et désormais à des niveaux négatifs dans la zone euro. Ces forces structurelles déflationnistes sont la démocratie moderne, le capitalisme, le vieillissement démographique, la technologie, la mondialisation. Ce ne sont pas de petits détails, et ces facteurs expliquent pourquoi le principal danger reste aujourd’hui la déflation alors même que les "experts" de Youtube hurlent à un danger inflationniste imminent depuis 20 ans…

Une déflation est très destructrice, presque autant qu’une hyper-inflation, mais ses effets se font ressentir graduellement : un salaire qui n’évolue plus du tout au fil de la carrière (j’ai discuté avec des banquiers japonais, c’est déprimant), une multiplication des entreprises zombies, une perte de sens du travail, un déclassement international, une accentuation des inégalités, et une "génération perdue", comme au Japon… La déflation à laquelle certains bourgeois ne trouvent, bien égoïstement, que des avantages, n’est une proposition désirable pour aucun pays.

Si le particulier a souvent des angoisses asymétriques, la banque centrale doit avoir une réponse symétrique aux risques monétaires. En particulier, si la banque centrale est incapable de suivre la baisse structurelle du taux d’intérêt naturel de l’économie (désormais cela veut dire des QE à répétition, voire permanents), c’est la déflation assurée.

C’est un exercice compliqué pour la banque centrale : une mesure comme le QE a des effets secondaires sur la discipline budgétaire, la prise de risques sur les marchés financiers, etc. Certains peuvent être traités (par la banque centrale ou par l’État), d’autres non. L’exemple du Japon montre à quel point il est dangereux pour une banque centrale de laisser une déflation s’installer (les anticipations déflationnistes sont auto-réalisatrices et s’enracinent toujours plus au fil du temps), si elle répond de façon trop timide.

11) En revanche, les banques centrales sont très, très bien outillées pour tuer dans l’œuf tout risque d’hyper-inflation. La lutte contre l’inflation est le bread & butter de tout banquier central, et depuis les années 1980 avec Paul Volcker à la Fed, on a le manuel. On a des dizaines et des dizaines d’exemples réussis de "ré-ancrage" de l’inflation, on sait faire. Évidemment, on applique régulièrement ces recettes au niveau mondial : si la volonté politique est là, on trouve toujours des solutions face à une inflation excessive.

Le grand public ignore les jeux internes à la BCE, mais pour en faire une sociologie très simplifiée et un peu caricaturale, il y a à la BCE :

- d’un côté, des "opérationnels" (comme moi) qui ont un intérêt de "geek" pour la politique monétaire non-conventionnelle (notamment le QE), et ont (peut-être) tendance à souligner le danger déflationniste (perso j’ai fait un long stage sur le QE à la BoJ, ça m’a évidemment bcp marqué) ;

- de l’autre, des macroéconomistes plus orthodoxes (et qui vous expliqueraient bien mieux que moi les tenants et aboutissants de l’inflation), et qui attendent l’hydre de l’inflation comme les soldats du fort attendent un ennemi qui n’arrive jamais dans Le Désert des Tartares.

Les biais nationaux peuvent jouer : les Franco-italiens s’inquiètent de la déflation, les Allemands bien davantage de l’inflation. Ces 10 dernières années, les "stars" à la BCE (jusqu’alors dominée en interne par des économistes largement allemands) ont été les opérationnels - en raison du QE et de toutes les autres mesures non-standard face aux crises successives.

Mais si un jour le monstre de l’inflation lève à nouveau sa tête hideuse en Europe, alors n’ayez nulle crainte : une valeureuse légion de chevaliers teutoniques n’attend que ça pour enfin dégainer leurs glaives (je le dis avec ironie, mais en tout cas ils sont très compétents, j’ai beaucoup appris au contact de mes collègues allemands).

Bon, moi, personnellement, quand je pense au risque inflationniste dans la zone euro, c’est surtout Le Désert des Tartares et Zangra qui me viennent à l’esprit (même si dans les 2 cas, l’ennemi finit par arriver après une très, très longue attente).

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Dernière modification par Scipion8 (08/05/2021 11h51)

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Favoris 2    18    #21 02/07/2021 02h00

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Bonsoir Bastien et Peakykarl,

Dans le contexte actuel de (i) fort soutien budgétaire et monétaire à l’économie donc aux marchés, (ii) sortie graduelle de la pandémie, et (iii) valorisation des marchés boursiers certes élevée mais pas bullesque (prime de risque du marché actions US, estimée par Aswath Damodaran, à 4,3%, en ligne avec la moyenne depuis 1960, à 4,2%), je maintiens toutes mes positions et je pense que ce serait une erreur stratégique d’être sous-investi.

On peut toujours trouver de bonnes raisons de s’inquiéter, et il y en a aujourd’hui d’excellentes (variant delta, remontée de l’inflation donc à terme des taux directeurs des banques centrales, effets sociaux/politiques de la pandémie, hausse insoutenable de la dette publique…) mais agir sur la base de ces risques, ce serait oublier à mon sens l’essentiel : une reprise économique graduelle et un soutien des banques centrales qui risque de se prolonger.

A mon sens, nous suivons un scénario très comparable à celui de 2009-2010 (c’est particulièrement net lorsqu’on regarde l’évolution du VIX sur longue période) : une sortie de récession et un soutien durable des banques centrales qui permettent l’ascension des marchés boursiers, avec des chocs épisodiques de volatilité causés par des facteurs de risques perçus (comme l’inflation scare du printemps, et espérons-le, le variant delta) ou réels (comme la crise de la dette souveraine de la zone euro commençant en Grèce en 2011).

Aujourd’hui, comme en 2009-2010, je pense qu’il faut rester investi en bourse, avec :
(i) une allocation patrimoniale raisonnable tenant compte de la tolérance au risque de chacun (= il faut être prêt à encaisser une correction de -40/-50% en gardant le sourire),
(ii) une bonne diversification, notamment géographique (je pense qu’il ne faut pas être surinvesti en France, dans un contexte politique 2022 peut-être plus incertain qu’un 2nd tour Macron/Le Pen = une victoire de Macron, qui semblait inévitable avant les régionales)
(iii) un levier raisonnable, car les valorisations sont quand même élevées (nettement plus qu’en 2009-2010)

Le scénario qui s’est matérialisé pour l’instant cette année est une synthèse de mes scénarios de début d’année : une période vraiment bullesque jusqu’à la mi-février, suivie par une correction violente (et saine) sur les valeurs technologiques, une rotation sectorielle (sur fond de craintes inflationnistes à mon sens exagérées) au profit du value et des valeurs de rendement qui s’est poursuivie jusqu’en mai avant de s’inverser en partie en juin.

Même si ce scénario m’a été assez défavorable (la rotation sectorielle m’a coûté près de 200k€ sur mon portefeuille IB orienté croissance/techno, perte heureusement compensée par mes autres poches plus sages, puis largement rattrapée en juin), il me semble plutôt sain : les pires excès du marché ont été violemment punis (SPACs, bulle verte), même si certains subsistent encore en partie (cryptos, meme stocks). Il y a eu un nettoyage assez violent sur les technos (les bonnes remontent, les mauvaises restent au fond du trou = une saine sélection). Je suis plus à l’aise pour investir en bourse aujourd’hui qu’en début d’année dans un contexte plus malsain.

Dans ce contexte, ma performance globale a été moyenne, en gros en ligne avec les ETF Monde (un peu en-dessus ou un peu en-dessous selon celui qu’on prend pour référence…), à +16,3% YTD :

Mon stock-picking sur mon portefeuille IB focalisé sur les valeurs américaines de croissance a été assez mauvais pendant l’hiver 2020-2021, et j’en ai payé le prix pendant tout le printemps à l’occasion de la violente rotation sectorielle. C’est une bonne leçon pour moi : il me faut apprendre à résister aux modes (pas toujours facile quand on est orienté croissance…) et à conserver un minimum d’exigence sur les fondamentaux.

Après un mois de mai assez catastrophique pour mon portefeuille IB (le faisant temporairement passer dans le rouge sur l’année), le mois de juin a été formidable, lui permettant de repasser devant le S&P500 (à +15,7% YTD) et les indices :

En comparaison avec la progression imperturbable du S&P500, la grande nervosité de mon portefeuille IB (sous le triple effet du levier, de sa concentration sectorielle sur les technos, et d’un stock-picking assez médiocre pendant l’hiver) apparaît nettement sur ce graphique (du point de vue de la performance ajustée de la volatilité, ma performance cette année est donc assez médiocre) :

La "distance" de mon portefeuille IB par rapport au NASDAQ est évidemment plus faible :

J’ai limité mes investissements sur ce portefeuille IB, afin de faire baisser le levier. J’ai néanmoins réinvesti mes gains sur le Grayscale Bitcoin Trust (GBTC, allégé de moitié après le tweet d’Elon Musk "révélant" le caractère très polluant du Bitcoin) en renforçant massivement ma ligne Berkshire Hathaway - avec un mauvais timing, mais en opérant ainsi un rééquilibrage efficace de ce portefeuille IB. C’est désormais ma 2e ligne en taille, après Microsoft :

J’ai par ailleurs renforcé ma ligne Bumble (app de rencontres) et constitué des lignes Jabil, The Honest Company, AtriCure, Redfin, HyreCar, Latham Group - avec des calibrations prudentes compte tenu des profils assez risqués de ces valeurs de croissance.

La principale innovation stylistique dans ma gestion de ce portefeuille IB a été l’achat expérimental de calls sur des valeurs de croissance et de conviction pour moi (Etsy, Palantir, Teladoc, Facebook), à l’occasion du 2e lavage sur les valeurs de croissance (alors exagéré à mes yeux), en mai. Stratégie couronnée de succès, avec un gain moyen de 66% en un mois et demi :

Je pense réitérer ces achats de calls, avec des calibrations plus agressives, à l’occasion de prochaines corrections, si elles me semblent exagérées (comme l’était celle de mai résultant d’une inflation scare).

Cette stratégie d’achats de calls présente plusieurs avantages du point de vue de ma gestion boursière globale :
1) elle me permet de prendre davantage de risques, ce que justifie à mes yeux l’augmentation de mon patrimoine globale
2) pour une prise de risque comparable, elle permet une moindre consommation de la marge (avantage crucial à mes yeux, le levier étant incorporé dans les options)
3) elle me permet d’exprimer mes convictions plus nettement, au sein d’un portefeuille quasi-indiciel
4) elle me permet de tirer avantage des fluctuations des cours, au sein d’un portefeuille essentiellement buy & hold

Bref, je pense que c’est une diversification stylistique justifiée et utile du point de vue de ma stratégie globale. Je pense focaliser cette poche de calls sur une cinquantaine de valeurs de conviction, en essayant de diversifier un peu les maturités (avec néanmoins une préférence pour les horizons longs) et les strikes (out of the money, mais pas trop).

Cette gestion plus économe sur la marge, combinée au réinvestissement partiel de mes apports et à la forte remontée des valeurs de croissance en juin, a permis de faire baisser le levier sur ce portefeuille IB à 1,38, après avoir frôlé les 1,60 lors de la rotation sectorielle du printemps. C’est ma principale satisfaction de ce premier semestre assez moyen sur ce portefeuille IB (après une année 2020 exceptionnelle, à +70%).

Ma performance sur mon CTO EasyBourse France a été moyenne (+16,1% YTD), légèrement en-deçà de son benchmark. Mais ce portefeuille continue de faire son travail : payer mes frais fixes en euros via les dividendes échus (environ 5k€ de retraits YTD). En voici les 15 premières lignes :

La performance du PEA EasyBourse a été carrément mauvaise (+14,3% YTD), avec 3 points perdus sur son benchmark. En voici les 15 premières lignes (la grosse MV sur Compagnie des Alpes est en fait moindre du fait de ma vente des droits de souscription pour un peu plus de 2k€, à l’occasion de la récente augmentation de capital) :

En revanche, mon PEA-PME EasyBourse a surperformé nettement au premier semestre (+30,2% YTD), grâce à son orientation value, style à la fête en ce début d’année (comme d’habitude en sortie de récession… mais en général ça ne dure pas). En voici les 15 premières lignes :

Mon portefeuille Saxo Europe, dont l’orientation reflète une agrégation de couches initialement value/rendement puis croissance/qualité, a légèrement battu son benchmark (+15,5% YTD). En voici les plus grosses lignes :

Globalement (et c’est le plus important !), le portefeuille a grossi de 251k€ depuis le début de l’année, dont seulement 19% via mes apports : cela devrait être la pente naturelle de ce portefeuille si ma stratégie fonctionne : à l’avenir, sa croissance devrait être de moins en moins tributaire de mes apports, et se faire naturellement par l’effet "boule de neige" (me permettant de consommer davantage mes revenus professionnels, i.e. de vivre plus bourgeoisement). Cette table reflète la variation annuelle du portefeuille global et de ses différentes poches, en distinguant apports et performance :

Je trouve assez remarquable d’être en avance sur mes "temps de passage" de 2020, qui avait été une année boursière exceptionnelle pour moi grâce à ma bonne gestion du krach de février-mars 2020 (j’avais bien anticipé le "V"), alors que ma performance 2021 est beaucoup plus moyenne s’agissant de ma qualité de gestion. Mais c’est l’avantage d’un portefeuille qui grossit : il garde une dynamique même si je deviens mauvais (en espérant que cela ne soit pas la pente naturelle pour mes neurones !).
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A part ça, tout va bien pour moi ici à Washington DC. Je me suis porté volontaire pour faire partie des premiers 5% du staff de mon organisation retournant au bureau (nous serons 25% en juillet), et je m’en porte mieux. J’ai énormément de travail et des responsabilités assez écrasantes : près d’une vingtaine de banques centrales à accompagner actuellement, en raison d’une forte demande sur mes domaines de spécialité (politique monétaire non-conventionnelle, collatéral, prêteur en dernier ressort) sur fond de pandémie. Mais c’est en souffrant qu’on devient vraiment bon professionnellement. Mon organisation m’a aussi nommé pour prendre en main le dossier crucial du "verdissement" des banques centrales.

J’ai décidé de rester à l’hôtel pour au moins quelques mois (impersonnel mais pratique, c’est un appart-hôtel très central), tirant parti d’un faible différentiel entre le tarif préférentiel sur longue durée accordé par mon hôtel (79$ / nuit, tout de même) et les loyers très élevés pour les meublés au centre-ville de Washington DC. J’en profite pour aller au travail à pied et visiter les quartiers environnants, plutôt sympas (Georgetown, DuPont, Logan). Washington DC s’est beaucoup gentrifiée ces dernières années. J’en profite pour réactiver aussi une vie sociale, ce qui est beaucoup plus facile ici (à l’aide des apps idoines) qu’à Paris.

Je regarde moins à la dépense, donc mon taux d’épargne va baisser. Mais si l’argent ne sert pas à offrir un bon repas à une jolie femme, à quoi donc ? Je prévois de visiter les USA une fois cette maudite pandémie derrière nous, même si mon travail ne m’en laisse pas le loisir jusqu’à présent (je n’ai pas encore pris de congé depuis ma prise de fonction en novembre 2020, alors que je dois en prendre au minimum 20 jours par an). Mon organisation va bientôt reprendre les missions sur le terrain : lassé de Zoom et de Webex, je m’en réjouis beaucoup, même si la plupart de mes "clients" restent classés "rouges" (pays peu vaccinés, avec une épidémie encore dynamique). Je vais prendre des cours d’espagnol au sein de mon organisation pour travailler plus efficacement avec nos amis latino-américains.

Mon filleul et aîné de mes neveux vient d’être admis en seconde à Louis-le-Grand - une grande fierté pour toute ma famille. L’ascenseur social continue à fonctionner en France, il "suffit" de 3 générations ;-) Puisqu’il tient sa "feuille de route", il me faudra tenir la mienne et partir à la recherche d’un studio étudiant au centre de Paris dans l’optique de ses études supérieures (puis celles de ses 3 frères). Là encore, c’est cher, mais c’est à ça que sert l’argent d’un oncle d’Amérique ;-)

Dernière modification par Scipion8 (02/07/2021 04h23)

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9    #22 03/09/2021 19h09

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Bonjour,

Alors que s’achève pour moi une courte semaine en France (en Aveyron, après une belle découverte de Besançon), un point sur mon portefeuille :

Tout se passe correctement pour mon portefeuille cette année (+23,2% YTD) - sans plus, mais je ne me plains pas après une année 2020 exceptionnelle. Les différentes poches de mon portefeuille battent leurs indices de références respectifs, à l’exception de mon CTO France (légèrement orienté rendement, +19,5% YTD).

Le style en vogue cette année est clairement le value, ce qui permet une belle surperformance à mon PEA-PME (+45,5% YTD), qui a cette orientation factorielle. Je suis très satisfait de la performance de mon portefeuille européen Saxo (+25,4% YTD), que je prévois de renforcer significativement ces prochains mois.

Mon portefeuille américain IB (+22,8% YTD) ne bat le S&P500 et le NASDAQ que de peu, malgré son levier. En gros, les lourdes pertes que j’ai essuyées sur beaucoup de valeurs technologiques à l’occasion de la rotation sectorielle de février-mai 2021 ont été peu à peu épongées par l’effet d’accélération du levier lors des phases de rattrapage. La performance ajustée du risque pour 2021 va être médiocre, mais je vois cela comme une correction normale après une grosse surperformance de ce portefeuille orienté croissance l’an dernier.


Le levier de ce portefeuille IB a baissé à 1,37, à la fois grâce à l’investissement partiel des renforcements en liquidités, et à la hausse des valorisations. Ce niveau de levier me semble approprié dans la perspective d’une correction possible cet automne, qui me semblerait dans l’ordre des choses après une hausse assez linéaire des indices depuis la fin mars 2020.
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Renforcements en juillet-août :

J’ai ajouté un bon nombre de lignes à mon portefeuille IB en juillet-août, afin d’épuiser presque complètement ma watchlist américaine : SentinelOne (cybersécurité), LegalZoom (digitalisation de services juridiques), EastGroup Properties (REIT industriel), Global-e Online (plateforme israélienne d’e-commerce), IDEX Corp (systèmes hydrauliques), Middlesex (eau), Novavax (vaccins), Skyworks Solutions (semiconducteurs), VTEX (e-commerce en Amérique Latine), CD Disco (digitalisation de services juridiques), Doximity (réseau pour les médecins), Comfort Systems (installation / réparation de climatiseurs), T-Mobile US (leader sur la 5G aux USA), Perkin-Elmer (diagnostics et tests), Cryoport (logistique, chaîne du froid), 1-800-Flowers.com (livraison de fleurs), 1stdibs (puces en ligne), Clear Secure (biométrie), Confluent (plateforme pour le développement de solutions logicielles pour les entreprises), Agilysys (software pour le secteur hôtelier), Torrid Holdings (vêtements pour femmes curvy), Robinhood (plateforme low-cost de trading), Manhattan Associates (solutions pour les chaînes d’approvisionnement), Marqeta (cartes de paiement), Sight Sciences (équipements pour les ophtalmos), Tattoed Chef (plats préparés vegan), Monday.com (plateforme pour le développement d’apps professionnelles), Progyny (solutions pour les problèmes de fertilité), Duckhorn (vins californiens), Pentair (traitement des eaux / fluides).

Donc beaucoup de jeunes valeurs de croissance avec un profil assez risqué - j’ai calibré ces lignes en conséquence.

Par ailleurs j’ai renforcé Danaher, une valeur très solide dont je souhaite faire un pilier de mon portefeuille.

J’ai vendu Talend (OPA par Thoma Bravo).

En Chine, j’ai constitué des lignes Zai Lab (biotech) et Yum China (fast food), et renforcé mes lignes Alibaba et Tencent, à l’occasion des lourdes chutes dues aux interférences du pouvoir politique chinois. Sur le long-terme, je reste confiant sur la Chine, et je pense renforcer mes lignes chinoises précisément pendant les phases de pessimisme/scepticisme du marché.

En Europe, j’ai constitué des lignes Talenom (Finlande, services juridiques), SeSa SpA (Italie, services IT aux entreprises), Oatly (Suède, lait d’avoine et aliments vegan).

En Belgique (valeurs logées dans mon portefeuille français), j’ai initié des positions sur Warehouses de Pauw, Banque Nationale de Belgique, Xior Student Housing et Brederode.

En France, j’ai renforcé Delfingen.

Enfin, j’ai renforcé avec profit ma position sur Grayscale Bitcoin Trust (GBTC) (que j’avais précédemment allégée) dès que la "banque centrale" des cryptos, Bitfinex/Tether, a repris son impression d’USDT (non collatéralisés malgré les promesses vides de Tether - cela fait plusieurs années qu’ils sont incapables de faire auditer leurs réserves). L’impression de Tether semble être en effet le premier déterminant des fluctuations du Bitcoin.
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Prochaines étapes :

3 facteurs me conduisent à changer ma stratégie géographique, au moins jusqu’à la fin de l’année (voire jusqu’à la fin du premier trimestre 2022) : je vais basculer l’essentiel de mes renforcements vers l’Europe, alors que depuis 3 ans les USA était mon marché cible préféré :

1) La gestion chaotique des conséquences du Brexit par Interactive Brokers (avec un double transfert qui m’a été imposé, d’abord du Royaume-Uni vers le Luxembourg, puis maintenant vers la Hongrie, avec des changements de règles pénalisants au passage) et le fait que mon exposition sur ce broker approche du million € et 29% de mon patrimoine total, me conduisent à une certaine prudence sur IB - a fortiori dans le contexte réglementaire hongrois. Je ne souhaite donc pas apporter de fonds nouveaux à IB-CE (Central Europe) ; je vais laisser ce portefeuille IB vivre sa vie (je ne ferai des renforcements que si le levier monte de façon dangereuse). Il restera un moteur important de ma croissance patrimoniale.

2) En analysant la qualité respective des dossiers de mes watchlists américaine et européenne, il est devenu clair pour moi que j’ai désormais largement épuisé ma liste américaine. Les dossiers qui y restent me semblent de qualité clairement inférieure à la qualité moyenne de mon portefeuille américain. En revanche, je trouve de nombreuses belles opportunités en Europe (dont beaucoup que j’avais identifiées depuis longtemps et qui se sont bien envolées entre-temps, malheureusement).

3) J’anticipe un resserrement monétaire (tapering du QE puis relèvement des taux) anticipé aux USA par rapport à l’Europe. Ceci est déjà largement pricé, bien sûr. Je suis désormais bien exposé aux marchés américains, notamment à leurs segments les plus dynamiques. Je vais être plus prudent dans mes renforcements américains futurs, en privilégiant la qualité des dossiers.

Donc pour au moins les 4 prochains mois, j’allouerai la quasi totalité de mes flux d’épargne à des renforcements en Europe, sur mon portefeuille Saxo, afin que celui-ci gagne progressivement une capacité d’"effet boule de neige" respectable, à l’image de mon portefeuille IB.

Il s’agira ensuite pour moi de créer un nouveau portefeuille avec un broker américain, d’ici la fin de l’année ou en 2022.
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@IH : A 1,37 actuellement, je ne trouve pas mon levier déraisonnable sur ce portefeuille IB. Il faut apprécier le levier à l’échelle du patrimoine global :

- je n’ai pas d’autre endettement que cette utilisation de la marge IB pour 309k€, pour un patrimoine global approchant les 3m€ : beaucoup trouveraient cette utilisation globale du levier insuffisamment agressive dans ma situation, et ils auraient sans doute raison

- mes autres portefeuilles ne sont pas leveragés, donc je pourrais faire baisser mon levier sur le portefeuille IB en y transférant des titres si besoin

- mes revenus sont corrects et relativement prévisibles (pour au moins 3-4 ans), ce qui me donne un autre moyen de faire baisser le levier assez rapidement

- j’ai quelques lignes sur lesquelles je n’ai aucune conviction (par exemple GBTC), que je pourrais liquider du jour au lendemain si besoin, pour faire baisser le levier

- enfin, j’ai un mécanisme de coupe-feu, mes fonds €, dont le montant dépasse encore mon utilisation de la marge IB. Donc je pourrais éliminer totalement cette utilisation de la marge IB en quelques jours, si le besoin s’en manifestait.

Il est clair que mon portefeuille IB orienté croissance / technologie est vulnérable au risque d’un gros choc inflationniste aux USA (scénario auquel je ne crois pas). Mais sur le long-terme, sur un portefeuille bien diversifié, et tant que le niveau de risque est maîtrisé (notamment le levier), le risque lié à la politique monétaire de la Fed ne doit pas être exagéré : ce qui compte davantage sur un horizon long, c’est la qualité intrinsèque des entreprises en portefeuille, et sur ce point je suis assez confiant.
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@Bibike : Pour le calcul de la surperformance, il vaut mieux faire l’addition de la surperformance estimée de chaque poche, car la surperformance estimée sur le portefeuille globale est imprécise du fait que (i) le benchmark sur le portefeuille global n’est pas exactement la moyenne pondérée des benchmarks utilisés pour les différentes poches, et (ii) les apports et retraits, différents selon les poches, introduisent des biais (le TRI du portefeuille global est différent de la moyenne pondérée des TRI des différentes poches).
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@Peakykarl : Sur l’inflation, j’ai posté récemment un message . Je ne crois pas à un risque d’inflation élevée en Europe. Aux USA ça se discute davantage, mais les anticipations d’inflation restent très bien ancrées. Charles Gave a fait son temps et n’est pas compétent sur ces sujets macro, il n’a aucune expérience en politique monétaire. Je reviendrai éventuellement plus en détail sur l’inflation dans un autre message.

Dernière modification par Scipion8 (04/09/2021 00h39)

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19    #23 06/02/2022 23h38

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Bonsoir,

Je présente une mise à jour de mon portefeuille mais avant une clarification :

Si je publie mon portefeuille ici, c’est d’abord pour moi – pour marquer les étapes dans ma construction patrimoniale, pour prendre du recul et réfléchir à ma stratégie, pour me faire plaisir – pas pour satisfaire la Schadenfreude mal dissimulée de quelques-uns, si j’en crois certains commentaires en réputation. J’ai beaucoup de loisirs mais le masochisme n’en fait pas partie : je n’aime pas me flageller, même si je comprends que ça puisse être une distraction pour d’autres.

De même que je préfère exhiber mon corps d’athlète sur la plage après un régime draconien qu’après m’être goinfré d’aligot, je préfère naturellement publier mon portefeuille en temps normal, quand il progresse gentiment par l’effet de composition, qu’en plein cœur d’une correction (comme aujourd’hui). Je préfère publier un communiqué de presse à l’issue de la bataille, plutôt que sous la mitraille.

Je suis l’un des plus transparents sur mon portefeuille ici (avec IH et quelques autres) – je m’étonne que certains m’accusent de manque de transparence quand leur propre file de portefeuille est d’un hermétisme à peu près total (par exemple l’information la plus basique manque souvent : le montant du portefeuille… comme si on gérait de la même façon un portefeuille de 5k€ ou de 5 millions €). Bref…

D’abord un point rapide sur l’année 2021 : le portefeuille progresse de 369k€, dont 289k€ en performance et 80k€ en apports. C’est à peu près comparable à 2020 (+386k€). C’est une étape de plus dans ma construction patrimoniale.

La performance 2021 est moyenne, à +23,4%. Mon CTO France et mon PEA performent en gros comme leur benchmark, alors que mon PEA-PME orienté value et tiré par Moulinvest, enregistre un joli +56% et bat très nettement son indice de référence. Mon portefeuille européen Saxo, orienté croissance, bat légèrement son benchmark. En revanche, mon navire amiral, mon portefeuille IB sous-performe le S&P500 de 8 points en 2021 en raison de la rotation sectorielle technos -> brick & mortar et factorielle growth -> value, qui avait commencé en février 2021 et s’est nettement accélérée en novembre 2021.

Une année 2021 moyenne donc, mais je ne me plains pas car c’est un juste retour des choses après une année 2020 exceptionnelle pour moi (+37,5%), notamment grâce à mon portefeuille IB orienté croissance et leveragé (+70%).

Un zoom sur les 15 premières lignes de mon PEA-PME (évidemment il y a aussi beaucoup de lignes rouges dans ce PEA-PME) :

La performance 2022 YTD du portefeuille global est de -10,0% -13,5%, en ligne avec pire que le NASDAQ : en gros, l’effet aggravant de mon utilisation importante du levier sur mon portefeuille IB orienté croissance n’est que partiellement compensé par l’effet atténuateur de la diversification géographique et sectorielle des autres poches (mes portefeuilles français jouent leur rôle habituel d’amortisseurs).

Cette correction entamée à la mi-novembre 2021 a un impact important sur mon portefeuille : plus de 300k€ perdus depuis les plus hauts, principalement sur mon portefeuille IB (double effet accélérateur : levier + surpondération des valeurs de croissance) et aussi mon portefeuille européen Saxo également orienté croissance.

Si je compare le maximum drawdown de cette correction entre le point haut mi-novembre 2021 et le point bas (jusqu’ici) fin janvier 2022, il est comparable en termes bruts à la perte encaissée lors du krach COVID de février-mars 2020 (mais sur un portefeuille alors nettement plus petit) : environ 350k€.

Je récapitule mes mouvements sur les différentes poches de mon portefeuille depuis la précédente mise à jour début septembre 2021.

En France : c’est très calme. Mon CTO (orienté qualité / rendement) et mon PEA (sans orientation particulière) se comportent comme d’habitude, restant proches de leur benchmark. Ils atténuent utilement la volatilité sur le portefeuille global.

Je souhaite renforcer (dès que la bataille en cours sera terminée) mon PEA-PME orienté value, afin de renforcer un peu ce moteur auxiliaire également utile dans ma stratégie factorielle. Je m’interroge entre sélectionner des titres vifs (j’ai identifié une dizaine de valeurs intéressantes en France) et constituer une grosse ligne I&E (car sur des valeurs cycliques, mon approche buy & hold ne semble pas optimale).

J’investis les dividendes de mon CTO France quand je ne les consomme pas pour mes frais fixes en France. J’ai ainsi renforcé ma position sur Odet.

En Europe : le renforcement de mon portefeuille Saxo par des valeurs européennes de qualité était ma priorité lors du semestre 2022, avant le déclenchement du maëlstrom sur les valeurs technologiques à partir de la mi-novembre 2021.

En septembre – octobre 2021, j’ai ainsi constitué de nouvelles lignes en Italie (Digital Value, Be Shaping the Future, Reply, Wiit), Allemagne (Dermapharm, Verbio, PVA TePla), Finlande (QT Group, Etteplan), Danemark (ChemoMetec, Netcompany), Suisse (Sonova, Geberit, Tecan Group, VAT Group), Royaume-Uni (Liontrust Asset Management).

Evidemment, le timing de ces achats n’aura pas été très heureux au vu la correction sur les valeurs de croissance à partir de novembre 2021, mais sur le long-terme je suis confiant sur la qualité de ces entreprises. Je pense qu’il y a aujourd’hui beaucoup de belles opportunités sur les valeurs de qualité en Europe après cette correction, et a priori j’y orienterai l’essentiel de mes apports cette année une fois la bataille terminée. (Evidemment, je préfèrerais acheter ces valeurs dès à présent, mais la bataille en cours aux USA mobilise toutes mes ressources pour le moment.)

Mes pertes YTD les plus importantes sur ce portefeuille Saxo sont sur des valeurs de grande qualité (par exemple Nemetschek, Givaudan, Marimekko, ASM International, Lonza, Adyen , Diasorin, Straumann, ASML), ce qui me conforte dans l’idée que tôt ou tard la marche en avant de ces entreprises reprendra en bourse et que l’on reviendra vers les plus hauts.

Un zoom sur les plus grosses lignes de ce portefeuille Saxo :

Dans les pays émergents : j’ai renforcé Alibaba, même si cet environnement politique est vraiment très compliqué pour l’investisseur. Pour le reste j’ai cessé de renforcer mes valeurs chinoises après de nombreuses déceptions, même si je reste confiant sur le long-terme sur les opportunités dans ce pays pour l’investisseur diversifié de long-terme. Je réfléchis à ma stratégie sur la Chine et les pays émergents – je dois tirer les leçons d’un stock-picking difficile mais je reste sceptique sur les ETF.

Aux USA : évidemment, compte tenu du levier important sur mon portefeuille IB et de la forte correction sur les valeurs technologiques, ce marché a focalisé toute mon attention ces derniers mois. Très exposé aux valeurs technologiques d’ultra-croissance sur lesquelles je suis rentré dès fin 2018 avec (très) grand profit, face à la correction entamée sur ce segment dès février 2021, puis son accélération à partir de novembre 2021, j’ai procédé à des ajustements successifs de ma stratégie.

J’ai dû trancher un dilemme cornélien : (1) alléger mes expositions aux valeurs technologiques d’ultra-croissance (avec un coût fiscal immédiat important et un risque évident de moins m’exposer à de futurs champions) ou bien (2) conserver toutes mes positions sur les valeurs d’ultra-croissance, tout en utilisant la marge pour renforcer des valeurs plus solides.

J’ai choisi l’option 2, au prix évidemment d’une augmentation significative du levier, et « the jury is out » quant à la question de savoir si cette stratégie risquée va fonctionner ou pas. (D’où mon peu d’enthousiasme à publier mon portefeuille ici alors que la bataille fait rage.)

Dans l’ordre chronologique, les ajustements stratégiques, financés essentiellement par la marge IB, auxquels j’ai procédé sont les suivants :

1)    En octobre 2021, renforcement significatif de mes positions sur les GAFAM (Amazon, Alphabet, Microsoft, Facebook – pas Apple que je trouve toujours cher), et sur des valeurs technologiques de grande qualité (profitables et toujours en croissance), comme Adobe, MorningStar, Etsy, Netflix. Ainsi que quelques petits renforcements sur des valeurs de croissance plus risquées comme Coinbase, Snowflake, Unity Software. Et aussi Twitter, qui ne m’a jamais bien convaincu et auquel j’ai fini par céder (peut-être à tort).

2)    En novembre 2021, renforcement de mes positions sur le secteur des semi-conducteurs, par l’ajout de nouvelles lignes : Axcelis Technologies, Aehr Test Systems, Himax Technologies, Navitas Semiconductor, NXP Semiconductor, Kulicke & Soffa, ON Semiconductor.

3)    Toujours en novembre 2021, ajout de valeurs de croissance (pour le coup ce n’était pas un ajustement stratégique… et ce n’était sans doute pas non plus l’idée du siècle) : Backblaze, Boot Barn, Calix, Cadre Holdings, Darling Ingredients, FactSet, Karuna Therapeutics, Archaea Energy, Power Integrations. Ainsi que des renforcements sur SS&C Technologies et TetraTech.

4)    A partir de la mi-novembre 2021, prenant conscience que la rotation sectorielle (à mon désavantage) s’amplifiait et risquait de durer, j’ai constitué une grosse position Discovery afin d’apporter de la décorrélation à mon portefeuille orienté croissance. Elle fait bien son job d’amortisseur de la volatilité, même si pour l’instant la performance est modeste.

5)    En décembre 2021 / janvier 2022, j’ai poursuivi dans cette voie : j’ai ajouté de nouvelles lignes orienté value (ou en tout cas matures) pour réduire le beta de mon portefeuille : il y a là un arbitrage compliqué : en utilisant le levier, on augmente le beta, mais si on l’utilise pour acheter des valeurs inversement corrélées au reste du portefeuille, alors le beta peut baisser. J’ai ainsi acheté Berry Global (emballages), Eli Lilly (pharma), Signet Jewelers (commerce de détail en diamants), Ingersoll Rand (traitement des fluides), Middleby (équipements de cuisine), Murphy USA (stations-services), PRA Group (recouvrement de créances), Service Corporation International (soins funéraires), First Industrial Realty Trust (REIT industrie).

6)    En complément j’ai même acheté quelques actions deep value, très loin de la philosophie majoritaire de mon portefeuille IB : Franchise Group, Green Brick Partners.

7)    Toujours dans un objectif de décorrélation et de réduction du beta, et pour mieux protéger mon portefeuille orienté croissance face aux pressions inflationnistes, j’ai ajouté une grosse ligne Archer Daniels Midland (trading de matières premières), ainsi que des petites lignes Glencore, Rio Tinto, Bunge et ZIM Integrated Shipping, dans les secteurs liés aux matières premières. Mais en regardant les boîtes du secteur des matières premières, je peine vraiment à trouver des valeurs de qualité, donc je ne pense pas renforcer davantage cette poche.

8)    En janvier, constatant la décorrélation régulière entre ma ligne Berkshire Hathaway et le reste de mon portefeuille, j’ai renforcé massivement cette ligne en la portant de 130 à 430 BRK.B – pour l’instant avec succès : cela a servi d’amortisseur pendant la correction de janvier. C’est désormais de loin la première ligne de mon portefeuille. Là encore, la décision d’augmenter massivement cette ligne au prix d’une augmentation du levier (donc d’une augmentation de la volatilité de mon portefeuille en pleine tempête) n’était pas facile, psychologiquement et techniquement.

9)    Dans la même logique de décorrélation (mais avec moins de succès), j’ai significativement renforcé mes lignes JPMorgan et Goldman Sachs, dont je pense / j’espère qu’elles profiteront d’un environnement de taux plus élevés.

10)    Récemment j’ai renforcé des valeurs de croissance injustement massacrées à mes yeux : Amazon, Facebook, Netflix, Etsy, Paypal.

11)    Pour finir, début février j’ai constitué une très grosse ligne CW8 – toujours avec cette logique de réduire la corrélation au sein de mon portefeuille et de me rapprocher de l’indice. Un ETF Monde au sein d’un portefeuille américain leveragé me semble pertinent en cas de sous-performance des marchés US par rapport aux autres marchés mondiaux (même si les USA restent mon marché préféré). Une autre considération, plus périphérique, est que je ne pourrais être imposé aux USA que sur mes revenus de source américaine (pas sur mon travail au sein d’une organisation internationale). De ce point de vue, je pourrais à mon sens revendre à profit cette ligne CW8 sans générer de fiscalité américaine – ce qui pourrait m’être utile en cas de besoin de deleveraging rapide.

Au total tous ces renforcements depuis septembre 2021 représentent 281k€ (dont 121k€ jusqu’ici en 2022), essentiellement financés par la marge – car j’accumule les liquidités sur mon compte bancaire américain comme « réserve stratégique », en attente d’une orientation vers les USA (s’il y a un incendie à éteindre) ou vers l’Europe (ce que je préfèrerais, car j’y ai une buylist encore longue).

Une seule vente sur toute cette période : Zix Corporation, vendue avec profit après une OPA par OpenText.

Les 170 premières lignes (par taille) de mon portefeuille IB :



Les circonstances de marché défavorables pour mon style qualité / croissance depuis novembre 2021 m’auront donc conduit à ces ajustements stratégiques importants et pas évidents à décider, car ils ont conduit à une forte augmentation du levier (la baisse de mes valeurs de croissance en portefeuille étant un autre facteur d’augmentation du levier).

Mon utilisation de la marge IB s’élève actuellement à 630k€, soit un levier de 1,95 sur mon portefeuille IB et de 1,45 sur mon portefeuille global.

C’est plus que ce que je voudrais : idéalement, je viserais un levier de 2 au creux de la correction – disons quand la prime de risque du marché actions US atteint 6% (contre 5,4% actuellement).

Ma stratégie est donc risquée et je ne la conseille pas à d’autres.

Dans mon cas personnel, cette prise de risque doit être mise en balance avec :
a)    l’ultra-diversification de mon portefeuille
b)    la forte surpondération (désormais) de valeurs de grande qualité, comme BRK.B, Amazon, Alphabet, Microsoft, LVMH etc. : le temps joue pour moi
c)    le fait que pour l’heure je n’ai fait donner ni la cavalerie (mes liquidités bancaires aux USA), ni la Garde (mes fonds €), ni le régiment des Immortels (mon PEL), ni réorienté des ressources de mes portefeuilles non leveragés en France et en Europe vers les USA
d)    le fait que j’ai une bonne capacité d’épargne qui me permet d’apporter du cash régulièrement (les renforts)
e)    le fait que cette stratégie risquée concerne une couche désormais confortable de mon patrimoine (la couche entre 2,5 et 3 millions €). Comme je l’ai expliqué dans ma file de présentation, je considère logique d’augmenter la prise de risque à chaque couche supplémentaire de patrimoine (cela dit, je préfèrerais avoir ma prise de risque actuelle au niveau de la couche 3-3,5 millions €).

Nous verrons bien l’évolution des marchés. Après tous ces ajustements stratégiques, je pense avoir une stratégie essentiellement attentiste. Mon niveau de levier me permettra de largement profiter du retour des indices (notamment le NASDAQ) vers leurs plus hauts.

Mes 2 scénarios de référence pour cette correction en cours sont la respiration de marché du 4e trimestre 2018 (que j’avais opportunément utilisée pour rentrer en force sur le secteur du SaaS américain) et, dans un registre plus lent / plus long, l’année boursière compliquée du 2e semestre 2015 au 1er semestre 2016. Dans les 2 cas les indices avaient fini par regagner les sommets – je pense que ce sera à nouveau le cas cette fois-ci.

Je parie sur une remontée graduelle des taux de la Fed, qui ne voudra pas « brutaliser » les marchés. Historiquement des resserrements monétaires sur fond de reprise économique n’ont pas suscité de krach – je ne vois pas pourquoi ce serait le cas cette fois-ci. Mais je reconnais que dans ce contexte il faut sélectionner attentivement des valeurs de qualité.

Pour finir, une illustration militaire de ma stratégie de gestion :

Les premières lignes souffrent, mais mon aile droite tient bien le choc et mes réserves restent pour l’heure inutilisées. La Garde ne se rend pas, mais espérons qu’elle ne meure pas, cette fois-ci ;-)

Note : La surface des rectangles sur ces graphiques est proportionnelle aux montants des différentes poches et aux pertes latentes constatées.

Ce message étant déjà très long, je répondrai aux autres questions (notamment celles de Serrure) dans un autre post.

EDIT : Correction de la table sur la performance 2022, les pourcentages de la table précédemment publiée correspondaient à la performance au 1er février 2022 (alors que les montants étaient au 6 février 2022). La table corrigée montre la performance au 6 février 2022. Le texte a été ajusté en conséquence.

Dernière modification par Scipion8 (07/02/2022 13h06)

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11    #24 07/02/2022 08h34

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ISTJ

Bonjour Scipion,

Merci pour la mise à jour.

Contrairement à ce que vous pensez, de mon point de vue c’est au contraire le meilleur moment pour mettre à jour une file portefeuille : quand ça sent le roussi. Ce n’est pas de l’autoflagellation et ça répond parfaitement à votre propre objectif je vous cite :

Scipion8 a écrit :

Si je publie mon portefeuille ici, c’est d’abord pour moi – pour marquer les étapes dans ma construction patrimoniale, pour prendre du recul et réfléchir à ma stratégie.

Honnêtement quand notre portefeuille monte en ligne droite, à part prendre la grosse tête on n’apprend pas grand chose, on ne tire pas de leçons de nos succès, on ne réfléchit pas à ce qu’on peut améliorer puisqu’on gagne ! C’est ce qui rend peu instructive l’introspection dans ces phases (de mon point de vue).

Après bien sûr que quand on est en difficulté, ça fait rire les oiseaux, mais vous accordez peut-être un peu trop d’importance au jugement d’inconnus sur le web (?).

Ma stratégie est très différente de la votre mais j’apprécie lire votre file justement pour sa différence et voir comment évoluent nos chemins respectifs dans différentes phases du marché.

Je suis étonné par votre non achat d’Apple pour cause de valorisation. Vous avez maintes fois répété ne pas vous soucier de la valorisation, et cela se voit sur certains de vos achats growth US, mais vous traitez Apple différemment, malgré le moat éprouvé de l’entreprise. Pourquoi cette différence ?

Souvenir de Peter Lynch a écrit :

Service Corporation International (soins funéraires)

La poche CW8 contient 60% d’US quelque chose comme ça, si l’objectif est de vous rapprocher de l’indice et de désensibiliser votre portefeuille à votre exposition US, pourquoi ne pas être plus tranché et prendre un ETF Européen ou même Japonais ?

Effectivement votre niveau de levier + facteurs exposés est élevé mais vous avez largement de quoi éteindre l’incendie. Par contre, regardez quand même dans la FAQ IB ce qu’ils font en cas d’appel de marge. De mémoire Degiro nous laisse 48 heures pour éteindre les premières flammes, il me semble qu’IB est beaucoup moins sympa et procède très rapidement à des liquidations forcées (choses que vous voulez à tout prix éviter il me semble).

PS : sur votre critique envers ceux qui ne publient pas le montant de leur portefeuille, n’oubliez pas que nous sommes en France, dans une communauté d’extra terrestres (ou de sorcières à brûler sur un rond point) et sur un forum public très bien référencé. S’il n’y a aucune gène entre geeks de la gestion patrimoniale/indépendance financière, le forum est consulté par certaines personnes, IRL, qui ont un certain pouvoir de nuisance. Certains sont obligés de changer de pseudo, d’autres préfèrent ne plus parler montant. Malheureusement nous n’avons pas tous un entourage "américain" bienveillant. wink


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12    #25 09/02/2022 05h29

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@Flower : Chacun peut définir l’épaisseur de ses "couches" de patrimoine selon ses contraintes et objectifs personnels - chaque couche peut faire 50k€, 100k€, 200k€, 500k€ (dans mon cas) ou davantage. J’imagine que pour Bernard Arnault elles sont quelque peu plus épaisses ;-)

L’important à mon sens est de définir un patrimoine cible et de réfléchir à la progression régulière vers cette cible, chaque couche de patrimoine ayant un objectif spécifique :
(1) usage (par exemple RP),
(2) précaution / sécurité (par exemple livrets, PEL, fonds €),
(3) capitalisation (par exemple ETF capitalisant, jeune PEA, valeurs de croissance etc.),
(4) rente (par exemple ETF distribuant, valeurs de rendement, immo locatif etc.)

Il s’agit ensuite de réfléchir à la stratégie optimale de constitution de ces couches : par exemple, un tout jeune actif privilégiera typiquement la constitution d’une petite poche de précaution et doit ensuite réfléchir à l’allocation entre usage et capitalisation (qu’il convient de lancer le plus tôt possible) - alors qu’une rente est a priori inutile et fiscalement sous-optimale dans son cas.

Selon l’âge, la situation professionnelle et familiale, la capacité d’épargne, les objectifs de vie (prendre une retraite anticipée, avoir un complément de revenus, optimiser la fiscalité, préparer une transmission etc.), chacun calibrera son allocation de patrimoine différemment.

S’agissant de la calibration de l’épargne de précaution, chacun aura son approche personnelle selon sa situation : on conseille souvent d’avoir au moins 6 mois de dépenses de vie en épargne de précaution - ça me semble approprié pour la plupart des gens. Evidemment, avoir une épargne de précaution excessive présente un gros coût d’opportunité sur la durée.

Perso, mes fonds € sont plutôt calibrés pour servir d’apport à l’achat d’une résidence principale (a priori à Washington DC) - en supposant un apport de 20% (habituel ici) : en supposant un prix d’achat de 1,5 millions $ (les maisons sont très chères ici), cela donne 300k$ en fonds € (j’ai un peu plus).

@Flower / Serrure : Je vous réponds en même temps sur la relative "modestie" de mes revenus professionnels et sur mon adaptation à la vie américaine (toujours principalement sous un angle financier / patrimonial), car les 2 questions sont liées.

D’abord Flower, oui, j’ai bien conscience d’être privilégié. Bon, j’ai beaucoup travaillé pour ça, donc pour moi c’est surtout un motif de fierté - mais bien sûr statistiquement vous avez raison, ma situation patrimoniale s’explique largement par de bons revenus professionnels (et une forte capacité d’épargne).

Un point technique avant de passer aux USA : même si mes revenus professionnels sont corrects, ils sont de plus en plus faibles par rapport à mon patrimoine financier, c’est-à-dire que mon épargne professionnelle est de moins en moins le moteur de mon évolution patrimoniale, étant désormais assez petite par rapport à la volatilité de mon portefeuille boursier. Ces 3 dernières années, mon effort d’épargne représente une part de plus en plus petite, et désormais clairement minoritaire, de mon évolution patrimoniale annuelle, et cela devrait s’accentuer à l’avenir. C’est en ce sens que je dis que ma prise de risque est désormais un moteur d’enrichissement plus important que mes revenus professionnels et mon effort d’épargne.

Maintenant je passe outre Atlantique : vous considérez votre référentiel français (et c’est bien normal), Flower, mais j’ai désormais changé de référentiel. Je vis aux USA depuis mai 2021 et a priori j’y suis pour longtemps. Je réfléchis à un achat d’une résidence principale (une maison, idéalement) une fois mon contrat avec mon employeur devenu permanent.

La société américaine est considérablement plus riche que la société française. Par exemple :
- pour rentrer dans le dernier décile des patrimoines nets, il faut 550k€ en France et 1,2 million $ aux USA
- le 95e centile des patrimoines nets est à 800k€ en France et 2,6 millions $ aux USA
- le 99e centile des patrimoines nets est à 1,7 million € en France et 11 millions $ aux USA

Donc mon passage outre Atlantique se traduit par un déclassement social - tout relatif, Flower, je vous l’accorde, c’est bien un problème de riche :
- en termes de revenus, j’étais dans le top 0,2% en France (0,1% en termes de niveau de vie) ; désormais aux USA, 10 fois plus gens (un peu plus de 2%) me passent devant


- en termes de patrimoine net, j’étais dans le top 0,3% en France ; désormais aux USA, un peu plus de 10 fois plus de gens (environ 4%) me passent devant aussi


Ce n’est pas bien grave, je vous l’accorde, mais cela a des implications concrètes pour moi : ici à Washington DC, je recule encore bien davantage dans les centiles, car c’est une ville riche - à côté des employés du secteur public comme moi, beaucoup d’avocats, de lobbyistes, de consultants etc. bien mieux payés. Par conséquent, le coût de la vie ici est élevé (plus qu’à Paris je pense) et l’immobilier est cher. Je dois revoir à la hausse mon budget prévu pour l’achat d’une résidence principale - je ne pense pas pouvoir trouver quelque chose de correct sous 1 million $ alors que c’était plutôt ma fourchette haute.

Ici un "public sector job" est synonyme de revenus modestes et attire le plus souvent un regard de pitié… quand bien même je considère mon salaire tout à fait correct (et au demeurant je ne demande pas plus, notre échelle salariale étant plus ou moins calée sur le salaire du Président américain pour le sommet de notre hiérarchie !).

Bref, les échelles ne sont pas du tout les mêmes qu’en France, et je le ressens dans mon panier de consommation autant que dans mes relations sociales. Même chose bien sûr pour mes collègues (de tous pays) payés aussi "modestement" que moi - la mode dans mon milieu professionnel étant de faire quelques années de "mercenariat" sous des cieux plus généreux (par exemple dans le Golfe Persique) pour pouvoir s’acheter une belle maison ici.

En termes de perceptions extérieures, mon style de vie assez frugal (même si je vis actuellement à l’hôtel, pour un loyer de 2,6k$ / mois) me fait facilement passer pour un radin… J’ai dû exprimer à une amie ma profession de foi d’Aveyronnais rejetant le consumérisme stérile des Américains pour lui préférer l’effort d’épargne discipliné. C’est assez mal vu… Notamment pour le logement : apparemment ce serait inconvenant pour quelqu’un de mon âge et avec mon statut professionnel d’avoir autre chose qu’une maison ici (alors qu’un studio me suffirait). Restant à l’hôtel depuis des mois (dans un appart’ hôtel bien plus confortable que mes logements africains), on me regarde comme un extra-terrestre…

Bon, je ne vais pas abandonner mes principes de vie pour un consumérisme que je méprise, de toute façon je ne serai jamais fashionable ;-) Je vais continuer mon parcours patrimonial pour essayer de monter peu à peu dans les centiles de cette société compétitive, comme je l’ai fait en France, tout en faisant de mon mieux pour construire un bon parcours professionnel et une bonne réputation d’expert dans mon environnement professionnel (même si j’ai peu de perspectives de promotion, dans une organisation où la structure hiérarchique est plate et les nominations assez politiques). Je vois ça comme un challenge qui me motive. Je me donne 10 ans pour rentrer dans le 1er centile de la distribution des patrimoines (même si 20 ans serait sans doute plus raisonnable ?).

Sur le plan privé, je suis depuis quelques mois en couple avec une charmante Américaine d’origine iranienne (arrivée aux USA il y a 10 ans, elle est devenue "citizen" il y a quelques années). Ayant dû s’adapter elle-même au Nouveau Monde, elle facilite beaucoup ma compréhension de la société américaine et mon intégration. Très américaine dans son dynamisme pour ses projets (elle est très active sur le marché immobilier ici), elle a heureusement gardé son côté iranien plus traditionnel, qui colle bien avec ma conception assez traditionnelle du couple. J’apprécie le partage de sa culture : j’apprends un peu le persan et je découvre les spécialités culinaires de son pays. Nous verrons bien si elle arrive à supporter longtemps mon caractère assez idiosyncratique (malheureusement, je crains que ça ne s’arrange pas avec l’âge et les longues périodes de célibat autarcique).

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