Thermador affiche les salaires des employés et de leur patron
VINCENT CHARBONNIER / CORRESPONDANT A LYON | LE 20/08 A 07:00
Chez Thermador , on joue la transparence sur les résultats financiers.
Rituel mensuel bien huilé. Les salariés de Jetly sont réunis en ce lundi de juillet après la pause déjeuner pour découvrir les résultats de leur groupe et de leur société. En avant-première. Avant même leur publication officielle. L’ambiance est studieuse. La présentation du tableau de bord du distributeur de matériels d’arrosage, de filtration et de stockage d’eau de piscine n’est guère perturbée que par deux sonneries de téléphone portable. Tour à tour, le président du groupe coté, le directeur général, le directeur commercial et la directrice administrative de sa filiale passent en revue le chiffre d’affaires semestriel, les résultats par client et par grande famille de produit, analysent l’évolution de la marge et des charges.
Aucun chiffre n’est tabou. Le fléchissement de l’activité sur quatre des six premiers mois de l’année ne suscite guère de réactions, d’interrogations de la salle. Laquelle apprend sans émoi la prochaine augmentation de capital de la part de l’un des 133 salariés actionnaires du groupe. Aucune interrogation n’a également émergé sur les 24 millions d’euros déboursés pour l’acquisition de la société Mecafer à Valence, dans un contexte de gel des salaires. « Lors de ces réunions, les salariés ont des informations que les actionnaires n’ont pas », souligne Guillaume Robin, président-directeur général du groupe Thermador (206 millions d’euros de chiffre d’affaires, 278 personnes), sur le niveau de marge notamment.
Mais, en contrepartie de cette transparence, ils se doivent d’observer une stricte discipline et ne pas intervenir n’importe quand dans leur portefeuille boursier. Des règles qui sont rappelées dans la charte boursière qu’ils ont signée.
Inquiétudes
« Plus vous cachez, plus vous créez de la suspicion. » Guillaume Robin reprend à son compte la philosophie du fondateur de ce groupe de distribution spécialisée, Guy Vincent, qui, dans un éditorial de la gazette interne de la société, écrivait à destination des salariés : « Vous avez le droit - et le devoir - de connaître et de comprendre la politique, les objectifs, la stratégie de la filiale dans laquelle vous travaillez, et plus généralement de l’ensemble du groupe. »
Dès la création de Thermador en 1968, il choisit de partager le capital et les bénéfices de la société avec ses dirigeants, puis avec les salariés, devançant la loi sur la participation et l’intéressement. Il instaure également l’affichage, une fois par an, des salaires mensuels et annuels de tous les employés, y compris des directeurs de chaque filiale. Un rituel qui présente « l’énorme avantage, selon Marylène Boyer, directeur général délégué, de limiter la propagation d’idées fausses, et de tous nous contraindre à une grande cohérence ». En 2014, la fourchette des rémunérations s’est établie entre 24.000 euros et 269.000 euros, entre celle d’un jeune magasinier recruté récemment et celle du patron du groupe. « Pour des postes équivalents, à formation et expérience équivalentes, hommes et femmes bénéficient du même traitement », observe Guillaume Robin. Dans l’une des filiales, Sferaco, les femmes gagnent en moyenne même davantage que les hommes.
Cette transparence et cette parité revendiquées n’empêchent pas certaines inquiétudes de s’exprimer, surtout dans les réunions de service, en plus petit comité, où la parole se libère plus aisément. Le gel inhabituel de la partie fixe des salaires suscite des questions qui tiennent autant à la conjoncture qu’à l’évolution de l’activité de la société. Ces interrogations pourraient être levées en fin d’année, lorsque sera connu le niveau de participation et d’intéressement : la partie variable du salaire annuel représente jusqu’à présent chez Jetly le quart de la rémunération.