Pour rebondir sur les propos de JesterInvest et au vue des quelques échos que j’ai eu sur Scor en interne (Je ne travaille pas chez Scor mais ça papote parfois dans le monde de l’assurance):
- Les dérives autocratiques de Denis Kessler se sont diffusées en cascade aux différentes strates hiérarchiques de Scor.
- L’apparence (voire l’apparat?) est plus importante que le fond. Chez Scor, on veut montrer qu’on est les plus forts et les plus beaux.
A contrario, les équipes de souscription non-vie semblent être compétentes et ont su maintenir un certain niveau de marge. Si on regarde sur un horizon de cinq ans, les activités non-vie ont été non-profitables en 2017 seulement. Alors que la période 2013-2016 a été une période faste (un ratio combiné oscillant entre 91% et 93% soit une marge technique de 7 à 9%), 2017 et 2018 ont été des années plus sombres, avec un ratio combiné de 103.7% en 2017 et 99.4% en 2018.
Les résultats H1 2019 sur la partie non-vie sont de bonne facture, malgré une légère dégradation du ratio combiné par rapport à la situation H1 2018. A mon sens, Scor mise beaucoup sur le développement de ses activités de réassurance vie et santé, qui étaient presque inexistantes il y a presque 15 ans (en 2005, Scor Life était un nain avec 1 milliard de primes brutes émises). Le développement des activités vie s’est fait à coup d’acquisitions et de développement commercial.
En 2013, les primes acquises de Scor en vie et non-vie étaient de l’ordre de 9 milliards d’euros, avec une répartition quasi égale (4.2 pour la non-vie, 4.8 pour la vie). En 2018, nous étions à 13.6 milliards de primes acquises, réparties comme suit : 8.4 milliards pour la vie, 5.2 milliards pour la non vie.
La marge en vie est restée quasiment stable (de l’ordre de 7%) et Scor a profité de l’acquisition de Generali US (en 2013 si je ne m’abuse) pour renforcer sa position en réassurance-vie. De façon, plus général, le marché U.S. semble être l’un des marchés-cible de Scor, tant en vie qu’en non-vie.
En réassurance non-vie, Scor espère devenir le 7/8ème plus gros réassureur du marché américain à horizon 2021, alors qu’actuellement le réassureur français se positionne à la 10ème place. En vie, Scor serait le plus gros réassureur-vie de la place. Je reste au conditionnel car (1) je me base sur les informations fournies par divers sites (dont le site investisseurs de Scor) et (2) je n’ai pas refait tous les calculs pour vérifier les dires des dits-sites.
Le développement aux U.S. sur le marché de la réassurance-vie s’est d’ailleurs fait à coup d’acquisitions (Revios en 2006, Converium en 2007, un portefeuille de Transamerica Re en 2011, puis Generali U.S. en 2013).
Au niveau du portefeuille d’investissement, je n’ai pas tout analysé comme l’a pu faire JesterInvest, mais il est sûr que la pression à la baisse sur les taux ne va pas aider les assureurs et les réassureurs (notamment en vie). A mon avis, dans un contexte de taux bas, la meilleure approche est de se focaliser sur des assureurs aux reins solides ou qui bénéficient d’une réelle expertise se traduisant par des marges techniques élevées.
Depuis plusieurs années, le secteur de la réassurance a été affecté par des baisses de taux de prime, vu que le marché était en surcapacité et qu’il y avait peu de sinistres élevés. Même après Irma, la hausse des taux de primes est restée contenue.
Est-ce que cela va changer ? (Je parle surtout en non-vie). Tout dépendra des lignes de métiers et des zones géographiques. L’Amérique du Nord et le Japon devraient subir des hausses de primes significatives, même si l’ouragan Dorian ne devrait pas changer la donne. D’ailleurs, les assureurs exposés à la Floride ont dû remercier Saint Yves, le Saint Patron des assureurs ; eh oui même les bandits ont le droit à leur Saint Patron !
Certaines lignes de métier, comme l’aviation, devraient aussi être impactées par des hausses de tarif. Est-ce que cela sera suffisant pour contrebalancer la baisse des revenus financiers liés à la baisse des taux ? Malheureusement, je n’ai pas de boule de cristal.
En conclusion, Scor reste un acteur moyen/gros de la réassurance, avec une position bâtarde. Trop grand pour être spécialisé dans un marché de niche. Trop petit pour être considéré comme un géant, tel que Hannover Re, Swiss Re ou Munich Re. Pour rappel, Munich Re, c’est trois fois la taille de Scor en termes de primes nettes acquises ; si j’exclue Ergo, la division assurance de Munich Re, on tombe à ratio 1 pour 2. Certes, l’écart tend à diminuer et Scor pourra sûrement prétendre un jour à la considération des plus gros, mais la route est encore longue.
D’ailleurs, tant que Kessler sera aux manettes, la société essaiera de garder son indépendance. Pour les investisseurs individuels que nous sommes, cela peut représenter une opportunité en fonction du prix payé. A l’heure actuelle la société cote une 1.15 fois sa book value.
Personnellement, je trouve ça un peu cher, pour un RoE un peu faiblard et une croissance anémique de la book value. Je conçois que les goûts et les couleurs ça ne se discute pas et que Scor pourrait intéresser des investisseurs en quête de compagnies d’assurance françaises à mettre en PEA. Le dividende est là, croît presque chaque année et est couvert par le résultat net, presque chaque année.
Dernière modification par LaFourgale (27/09/2019 17h13)