1 3 #326 04/03/2012 13h37
Ma démarche reste identique : je formule quelques remarques pour essayer de vous aider dans vos réflexions, en tout humilité. N’y voyez aucune volonté de pinaillage ou de vous présenter « la » méthode parfaite. Chacun a son expérience et sa sensibilité.
- Pour revenir sur les investissements : justement, l’EBITDA sert à les financer et il n’y a pas les amortissements dans l’EBITDA. Il faut donc regarder le rapport entre les investissements (moyenne du passé, évaluation du futur…) et l’EBITDA. On touche ainsi à la notion de FCF (Free Cash Flow) et cela soulève la problématique des industriels et des cycliques pour lesquels les investissements ne sont pas constants (je pense à Michelin en 2011 ou à Vallourec en 2012 par exemple).
L’autre point, c’est les dividendes. Au regard de la pression exercée par les marchés et de l’évolution du cours de l’action quand un dividende est annoncé en baisse ou supprimé, je considère pour ma part, en qualité d’investisseur, cette dépense comme une dépense contrainte.
- Le ratio (total de bilan - capitaux propres) / CAF.
1 - La CAF : c’est un serpent de mer. Aucune définition officielle, surtout depuis le passage en IFRS. S’agit-il de la CAF avant ou après frais financiers ? / S’agit-il de la CAF avant ou après impôt ? / Quelle différence entre la CAF et l’EBITDA ?
2 - ce ratio revient à considérer que tout ce qui n’est pas des capitaux propres est de la dette. Malheureusement, c’est le raccourci que fait l’IH pour le calcul de VE dans ses tableaux (il nette ensuite de la trésorerie active). Je ne suis pas du tout d’accord avec cette façon de voir les choses. Voici mes arguments :
- ce n’est pas exact : il y a notamment les provisions qui ne sont pas de la dette.
- cela induit un gros biais entre les sociétés de différents pays du fait des plans de retraite qui sont traités de manière différentes en fonction des législations.
- la dette fournisseur : j’analyse l’augmentation de cette dette comme un élément positif. Elle permet de réduire le BFR. Soit la société arrive à négocier un délai fournisseur plus long (c’est positif), soit son activité augmente et son volume d’affaire augmente aussi d’où un encours fournisseur plus élevé d’une année sur l’autre. Ce n’est pas un mauvais signe (sauf si finalement les marchandises achetées finissent en stock et ne sont pas vendues).
- Dette financière à court terme / long terme. A mes yeux, c’est la seule « vraie » dette. Notons qu’il y a deux sortes de dette : la dette court terme qui est en fait une dette qui ne se rembourse jamais et la dette long terme qu’il faut impérativement rembourser sinon c’est le défaut de paiement. Le problème de la présentation des bilans c’est qu’elle sépare la dette > un an (pas de problème : c’est de la dette long terme) et la dette < 1 an et dans cette partie, il y a la dette court terme (qu’il n’est pas nécessaire de rembourser) et la part à moins de un an de la dette à terme (qu’il faut impérativement rembourser).
- capitaux propres : ca ne veut plus rien dire. Les capitaux propres vous indiquent simplement qu’il y a eu un jour des sous dans la société mais si en face, il y a une énorme goodwill cet argent est parti depuis bien longtemps. Comparons deux sociétés identiques : l’une qui a grandit par croissance organique et l’autre par acquisition. La deuxième aura des capitaux propres bien supérieurs à la première. C’était juste un aparté pour vous indiquer qu’il faut bien se méfier du ratio de gearing : Long Debt / Equity (Dette long terme/ capitaux propres) qui ne veut absolument plus rien dire, amha.
En synthèse, je retiendrais :
- Les flux ne mentent jamais.
- Pour aller vite, il y a deux choses à regarder dans un bilan : le montant de la dette financière au passif et le tableau des flux (ou des « cash-flows ») pour récupérer le « flux généré » par l’activité, le montant des investissements et celui des dividendes.
- il ne faut pas ajouter des choux et des patates. On règle le problème du BFR (soit des variations, de la dette fournisseur, des stocks, des créances clients) en utilisant le « flux généré par l’activité » et en regardant son évolution sur plusieurs années.
- Un ratio pertinent me semble être le levier (« leverage ») soit Flux généré par l’activité / Dette financière < X. avec X = 3 sauf pour certains secteurs particuliers (utilities, cycliques suivant la position dans le cycle, immobilier détenu en propre ou non…). A vous de voire si vous préférez raisonner en dette brute ou en dette nette (de la trésorerie active). Pour ma part, je préfère la dette nette et toutes les sociétés communiquent en net.
- Pour comparer les sociétés d’un même secteur, il est claire que EV / EBITDA est un excellent ratio. Mais d’une part, le calcul de l’EV ("Entreprise Value") est compliqué : à mon sens c’est capitalisation boursière - dette financière nette et d’autre part, je remplacerais EBITDA par "Flux généré par l’activité" du tableau des flux.
- Méfiance par rapport au « window dressing » notamment l’affacturage qui a un impact direct sur la trésorerie et donc sur le calcul de la dette nette (et donc sur celui du leverage et de l’EV).
À la bourse tu as deux choix: t'enrichir lentement ou t'appauvrir rapidement. Benjamin Graham
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