@Cricri : Je mentionnais un ETF world synthétique à Fructif pour dire qu’on ne pouvait pas conseiller n’importe quel ETF world à un investisseur, et qu’il faut réfléchir en termes d’émetteurs, de types de réplication, et de diversification.
Chaque stratégie a ses risques - aucun actif, aucune stratégie n’est sans risque. Pour comparer les 2 stratégies que vous mentionnez :
- Une portefeuille d’aristocrates de dividendes vous expose à un risque important de sous-performance systématique par rapport à l’indice. Mieux vous choisirez ces aristocrates, plus ce risque sera réduit - mais jamais éliminé, à mon avis. Perso je n’aime pas ce genre de stratégies car en ayant l’oeil dans le rétroviseur (= en étant focalisé sur l’historique des dividendes), on peut se retrouver avec essentiellement des valeurs matures, certes d’excellente qualité, mais avec peu de potentiel de croissance. Dans un contexte d’innovation permanente, de changements des modes de consommation, et d’économie compétitive, ces belles valeurs matures peuvent même être condamnées à perdre peu à peu des parts de marché, du chiffre d’affaires, et, à terme, à verser moins de dividendes. Dans mon portefeuille j’essaie donc d’équilibrer les valeurs de rendement avec des valeurs de croissance.
- Un ETF monde (même physique) associe naturellement et efficacement rendement et croissance (sans que vous vous en souciez), mais vous expose à un risque faible, et difficilement mesurable, de scénario catastrophe. Cet ETF monde aura toutes les chances de battre régulièrement le portefeuille d’aristocrates de dividendes. Le prix à payer pour cette surperformance (outre les frais de l’ETF, évidemment) c’est le risque (faible mais non nul) d’un accident sur l’émetteur. Une réponse saine, logique et efficace face à ce risque c’est une diversification entre émetteurs d’ETF.
Donc je pense que les ETF sont tout à fait adaptés à la plupart des investisseurs en bourse, mais le fait que l’ETF règle le risque de concentration ne doit pas dispenser l’investisseur de réfléchir aux autres risques, et de les régler selon sa tolérance au risque, son patrimoine, etc. par de une diversification adaptée entre types de réplication et émetteurs. Je considère un ETF généralement bien supérieur à un portefeuille de titres vifs peu diversifié et/ou géré activement (c’est-à-dire n’importe comment, pour bcp d’amateurs).
Supposons un jeune investisseur qui a un patrimoine de 1M€ avec 700k€ en patrimoine financier et 300k€ en RP, une tolérance au risque assez haute, et pas de temps, pas d’intérêt, et/ou pas de compétence (psychologique, technique) pour le stock-picking. En excluant d’emblée tout stock-picking, une répartition de ce type me semblerait raisonnable :
PEA 150k€ en ETF World synthétiques : 60k€ sur l’émetteur A, 50k€ sur l’émetteur B, 40k€ sur l’émetteur Cs
CTO 300k€ en ETF World physiques : 120k€ sur l’émetteur A, 100k€ sur l’émetteur B, 80k€ sur l’émetteur C
A, B et C étant 3 émetteurs d’ETF de première qualité et A étant considéré plus solide que B et C (et B plus solide que C)
Autres (fonds € / foncières / SCPI…) : 250k€
Je considèrerais une répartition de ce type (les proportions ne sont pas importantes - elle dépendent surtout de la tolérance de l’investisseur au risque boursier) bien préférable, du point de vue de la gestion des risques, à un all-in de 700k€ sur un seul ETF World.
Perso, j’aurais tendance à diversifier sur plus de 3 émetteurs, mais il faut faire attention à ne pas trop descendre dans la liste, car on risque alors de se retrouver avec des émetteurs moins solides et des ETF moins liquides.
De façon générale, perso ma préférence va vers une combinaison d’ETF (diversifiés) et de titres vifs (très diversifiés).
@Treffon : Bien sûr vous avez raison sur mon biais professionnel. Mon job c’est (entre autres) de retaper des banques en difficulté de liquidité (en gros je gère l’infirmerie et la cure d’amaigrissement)… et celui de ma copine c’est quand cela ne suffit pas, la résolution des banques (la chirurgie lourde) ;-) J’ai bien sûr la maladie de Sachs, mais parfois le médecin (en l’occurrence l’infirmier) a raison d’alerter sur les risques pour la santé d’un patient.
Cela dit :
1) Les cycles boom and bust sont profondément inscrits dans la psychologie humaine et dans l’ADN du capitalisme, et l’investisseur doit en tenir compte. L’économie, et avec elle les banques et autres institutions financières, ne fonctionnent pas linéairement. Comme chacun, comme les investisseurs, comme les entrepreneurs, les banquiers connaissent les phases d’enthousiasme et de prise de risque excessive, et des phases de peur et de retrait. (D’ailleurs cette alternance est souvent accentuée par leur mode de rémunération variable.) Nous vivons dans une économie schumpeterienne : la destruction créatrice est permanente, avec ses avantages et ses risques. Elle concerne aussi les banques. Notre système bancaire actuel est très différent de celui d’il y a 30 ans, et sans doute très différent de celui dans 30 ans.
2) Les banques et autres institutions financières ne vivent que par leur réputation, et sont donc fragiles. Une banque même avec un bilan d’apparence solide ne survivrait pas longtemps à la perte de confiance de ses déposants et créditeurs. Donc pour tout investissement il faut réfléchir à la nature du produit : inclut-il oui ou non du risque bancaire ? à quel niveau ? comment ce risque peut-il se matérialiser ? Ces risques sont difficiles à appréhender même pour des experts - face à cette incertitude la diversification (entre classes d’actifs, et au sein des classes d’actifs) est un remède efficace.
3) La survenue de cygnes noirs (ou gris) devient probable sur un horizon d’investissement long. A mon avis c’est l’angle mort dans votre analyse : ici on parle d’investissement buy-and-hold (à perpétuité). Cricri (par exemple) est jeune : l’horizon d’investissement sur lequel on raisonne est de 90 ans (ou même plus, je le souhaite !). Franchement, je serais surpris si dans 90 ans BlackRock, Vanguard, Invesco, Charles Schwab, BNP Paribas, SocGen/Lyxor et Amundi existaient tous encore, en aillant traversé sans encombres toutes les crises - politiques, financières, environnementales et autres - sur un horizon aussi long. Sur cet horizon, il y aura des cygnes noirs, il y aura des victimes dans la sphère financière, et il y aura des pertes pour les investisseurs exposés. Le seul remède : la diversification. (Et je rappelle que je suis généralement parmi les optimistes sur la résilience du "système".)
4) Les risques ne sont pas dangereux uniquement par leur matérialisation, mais aussi par leur perception. Sur les 90 ans de l’horizon d’investissement de Cricri, il y aura plusieurs occasions où on annoncera la fin du capitalisme, l’élection prochaine d’un dirigeant populiste hostile (réellement ou prétendument) aux investisseurs, l’effondrement prochain d’un grand gestionnaire d’actifs / émetteur d’ETF (avec effets de contagion sur les autres) etc. L’investisseur amateur est peu armé pour apprécier la réalité de ces risques. S’il est trop exposé, il aura toutes les chances de faire de erreurs. Le seul remède : la diversification.
5) Les frais sont inférieurs avec un portefeuille diversifié de titres vifs géré passivement que pour un ETF. Les frais de transaction sont en gros proportionnel au volume d’achat (au-dessus d’un seuil minimum), donc que vous achetiez 1 ETF pour 100k€ ou 50 actions pour 2k€ chacune, je ne pense pas que les frais de transaction diffèrent matériellement. En revanche, sur les 100k€ d’ETF vous payez chaque année des frais de gestion - ce qui n’est pas le cas pour le portefeuille de titres vifs. En faisant l’hypothèse que l’ETF de 100k€ croît de 5% par an (ce qui serait bien), qu’il n’y a aucune consommation (ce qui serait un peu dommage), et que les frais de l’ETF sont de 0,2% par an, sur 90 ans on aura payé 335k€ en frais. Mais je reconnais bien volontiers que ces frais sont la rémunération du travail efficace du gestionnaire de l’ETF, qui va faire vivre sa composition au fil du temps pour optimiser la performance.
6) L’avantage fiscal des ETF vs. titres vifs dépend de la situation spécifique de l’investisseur. Je comprends bien l’avantage fiscal des ETF capitalisants en CTO, en phase de capitalisation. Mais en phase de consommation, il faut les vendre donc on est bien imposé, non ? On peut aussi optimiser le frottement fiscal des titres vifs par une gestion intelligente des enveloppes (PEA/CTO), l’affectation des valeurs de rendement et de croissance dans ces enveloppes, l’expatriation en phase de consommation (cf. Sissi) etc. Donc l’avantage fiscal des ETF capitalisants dépend de la situation de chacun. (Bon, là aussi j’ai des biais liés à ma situation personnelle.)
Pour votre cas personnel (sur la base de votre file de portefeuille), 100k€ en ETF Amundi ne me choque pas particulièrement, car votre patrimoine financier est diversifié (bon, 100k€ uniquement en synthétiques, perso je ne ferais pas). Pour ces ETF comme pour vos obligations bancaires, perso j’aurais tendance à diversifier un peu entre émetteurs (mais pour les obligations je comprends que votre configuration spécifique ne le permet pas forcément). Mais comme ce message l’explicite, j’ai une forte tendance à la diversification - entre classes d’actifs et au sein des classes d’actifs, car idéalement je ne veux à aucun moment avoir des gros soucis liés à un problème idiosyncratique sur une entreprise ou une institution financière. (Je diversifie aussi mes courtiers pour mes portefeuilles de titres vifs.)
PS : Je suis largement d’accord avec l’analyse de Fructif plus haut.
Dernière modification par Scipion8 (26/10/2018 09h59)