Bilan du début d’année et leçons apprises de la crise
Les marchés boursiers sont extrêmement complexes. Je considère donc que nous avons toujours à apprendre, quel que soit notre niveau de connaissance, et cela chaque année. Ceci est vrai pour tout le monde.
Je pense donc qu’il faut constamment faire preuve d’humilité et d’esprit critique pour se remettre en question et continuer de progresser.
Ce début d’année a été riche en apprentissage pour moi et je souhaite partager ici ce que j’ai appris, à travers 6 points.
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1)Choisir les bonnes entreprises
Tout d’abord, je me sens bien plus à l’aise avec mon picking actuel que celui d’avant la crise.
Celui-ci était initialement très axé sur la France (pour des raisons fiscales avec le PEA) et sur des entreprises avec des rendements plus ou moins élevés. En y réfléchissant bien maintenant, c’est tout ce qu’il ne faut pas faire, surtout lorsqu’on est jeune.
-> la fiscalité ne doit jamais être le choix n°1 lors d’un investissement. Il faut privilégier la qualité ainsi que l’espérance de gain, puis ensuite regarder la fiscalité. Il vaut clairement mieux payer 30% de fiscalité sur 100% de gain que 0% sur un gain de 20%…
-> le rendement du dividende ne doit jamais motiver l’achat d’une entreprise (en phase de capitalisation en tout cas). Ce qui explique la hausse des actions (et dans une moindre mesure celle des dividendes) est la croissance des profits et la qualité des fondamentaux. C’est donc la seule chose à laquelle il faut prêter attention lorsqu’on analyse une entreprise.
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2)Performance globale du portefeuille
Ensuite, d’un point de vue performance, je constate que mon portefeuille PEA fait bien mieux que le CAC40 et que les indices Européens.
Cela renforce mon opinion qu’en faisant preuve d’un bon stock picking vers des entreprises de qualité et de croissance, l’Europe est une zone géographique facile à battre.
En effet, c’est une zone où l’économie est assez mature et avec une faible croissance. En surpondérant la qualité et la croissance, il est possible de faire mieux que le marché à la hausse ainsi qu’à la baisse.
Néanmoins, cela me semble bien plus compliqué aux US. Mon portefeuille fait globalement jeu égal avec le S&P500. La bourse Américaine me semble donc beaucoup plus difficile à battre. Cela s’explique justement (à l’inverse de l’Europe) par le poids très important des entreprises de croissance dans leurs indices.
On voit d’ailleurs dans le MSCI USA que les tech représentent 25% de l’indice (en réalité 35% si l’on rajoute Amazon en consumer discretionary et Alphabet/Facebook en telecom), alors qu’en Europe c’est 7%. Les bancaires, l’énergie, l’industrie… représentent également un poids plus important en Europe.
MSCI USA :
MSCI Europe :
On peut aussi imaginer que le marché Américain est beaucoup plus efficient car le nombre d’intervenants y est bien plus élevé.
Il serait donc « logique » de faire du stock picking pour la partie Europe, et de prendre un ETF pour la partie US (mais je continue d’espérer qu’il est possible de faire mieux, time will tell).
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3)Ne surtout pas sous pondérer les US
Ce point découle du précédent mais me semble très important.
Beaucoup de portefeuilles (dont le mien) sous performent le MSCI World non par car le stock picking est mauvais, mais parce que quasiment tout le monde sous pondère les US et les GAFAM. C’est une grave erreur de parier contre les US car malgré tout, cela reste le pays de la finance, du dollar et de la création de valeur. Cela devient de plus en plus vrai avec le développement de l’informatique et d’internet.
Avec les taux bas, les valeurs de croissance vont continuer de survoler le marché. Comme tous les calculs de valorisation (DCF etc..) sont basés sur des actualisations liées aux taux d’intérêts, une baisse des taux entraîne une meilleure valorisation des actions de qualité et de croissance.
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4)Attention au PER
Le PER est un faux ami. Lorsqu’on le regarde, il est toujours trop élevé pour les belles entreprises ce qui nous pousse à ne jamais les acheter. Néanmoins, il a un gros biais car il ne prend pas en compte les fondamentaux de l’entreprise. C’est pour cela que je regarde maintenant le PEG (Price Earnings Growth) inventé par Peter Lynch.
Ce ratio se calcule en divisant le PER par le taux de croissance annuel moyen d’une entreprise. Par exemple une entreprise avec un PER de 20 qui croit de 10% par an a un PEG = 20/10 = 2
Il vaut donc mieux avoir une entreprise avec un PER de 20 et une croissance de 10% (PEG = 2) qu’une entreprise avec un PER de 15 et une croissance de 5% (PEG = 3).
Peter Lynch considérait qu’une entreprise devait avoir un PEG <1 pour ne pas être trop chère. Autrement dit PER doit être inférieur ou égal à la croissance : une entreprise qui croit de 5% (soit plus de 50% des boites en Europe) devrait donc avoir un PER < 5.
C’est globalement irréaliste à notre époque, je pense que la baseline devrait être autour de 3 actuellement (une entreprise qui croit à 5% devrait avoir un PER de 15, une entreprise qui croit à 10% devrait avoir un PER de 30…).
Toujours est-il que ce ratio est intéressant pour comparer les entreprises. Comme évoqué dans l’exemple plus haut, un PER élevé n’est pas toujours signe de cherté.
Voici un exemple venant de mon screener :
On peut voir que Worldline et ASML Holding ont un PER bien plus élevé que L’Oréal, mais leur croissance est bien plus forte. En terme de PEG elles sont moins chères.
Téléperformance et L’Oréal ont globalement le même PER mais pas du tout le même PEG.
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5)Se concentrer sur les secteurs d’avenir et défensifs
Le buy&hold nécessite comme son nom l’indique de conserver sa position tout en accompagnant au fil des années la croissance d’une entreprise pour espérer obtenir à la longue obtenir une bonne PV.
Il faut donc que sur un cycle complet et un grand nombre d’années, l’entreprise en question arrive à croitre et à augmenter ses bénéfices. Or pour les cycliques, on revient à chaque crise 10 ans en arrière ! Ce n’est clairement pas possible en buy&hold. À la limite pour jouer un rebond CT ok, mais vraiment pas en buy&hold.
Il faut donc concentrer son portefeuille sur les secteurs peu cycliques et d’avenir, ceux qui fonctionneront quel que soit le cycle économique.
Jusqu’à maintenant, ces secteurs étaient pour moi la santé et la consommation de base (consumer staples).
La grande révélation pour moi de cette année est que la technologie est clairement devenue un secteur défensif. Non seulement elle occupe une place de plus en plus grande dans nos vies, mais devient maintenant un besoin primaire. Nous avons autant besoin d’internet que de manger (ou presque).
J’ai récemment eu une coupure internet de plusieurs jours, et cela implique beaucoup de choses : plus de recherches web, plus de télétravail, plus de netflix, plus de téléphone (très peu de 3g chez moi)…
Avec cette crise, on voit clairement que tous les business qui ont du mal sont ceux liés aux produits physiques, alors que ce qui cartonne est le dématériel, les services.
Pour ceux qui avaient du mal à croire au e-commerce, je pense que c’est maintenant difficile de revenir en arrière. Idem pour le télétravail, le cloud etc…
On constate également, pour prendre l’exemple des GAFAM, que leur croissance se moque du chômage. En effet, celles-ci arrivent à créer une richesse énorme mais avec très peu d’employés.
Si on prend Google, Facebook, Apple et Microsoft (j’exclue volontairement Amazon à cause de ses entrepôts), cela fait au total 430 000 employés pour une capitalisation de 4500 milliards $ (soit plus de 2 fois le PIB de la France uniquement réalisé par une ville de la taille de Lyon.
À l’inverse, une entreprise comme Sodexo a 470 000 employés (comme les 4 entreprises) pour une capitalisation de 10 milliards €…
Autrement dit, la richesse du 21e siècle est loin d’être proportionnelle au nombre d’employés. Évidemment si tout le monde est au chômage les pubs Google et les achats Amazon baisseront, mais vous comprenez l’idée.
Bref, tout cela pour dire que la technologie est devenue maintenant un secteur défensif qui a très peu baissé avec le covid, et qu’il faut donc avoir les principaux acteurs en portefeuille.
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6)Placer son cash sur des supports liquides même s’ils ne rapportent rien
Le cash a deux rôles très importants à jouer. D’une part, il sert évidemment de réserve de sécurité en cas d’imprévus. Cela évite de sortir de l’argent de ses actifs pour faire des dépenses.
Ensuite et surtout, il sert également à être rapidement investi pour profiter des baisses de la bourse. Lorsque la bourse chute fortement, il est intéressant et recommandé d’utiliser une partie du cash disponible pour investir à bon prix.
C’est sur ce deuxième point que j’ai des regrets. J’avais une bonne réserve en AV sur des supports immobiliers (OPCI) pas ultra liquides, surtout si l’on rajoute les temps de traitement assez longs des assureurs. Au plus bas de la crise (fin Mars) je voulais faire un gros apport en débloquant l’AV mais les fonds ont été très longs à arriver (presque 3 semaines). J’estime la perte à environ 15-20%, ce qui est assez énorme. Tout ça pour avoir voulu gratter 3-4% par an sur le cash sur des supports au final relativement peu rémunérateurs.
Conclusion : mieux vaut laisser son cash sur des supports très liquides (livrets etc) même si peu rémunérateurs. Le manque à gagner en cas de baisse des marchés est sinon trop élevé pour le maigre gain espéré ailleurs.
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Voilà pour ce que j’ai appris sur ce début d’année, je vous conseille à tous de faire ce genre de liste et de la regarder de temps à temps afin de faire le point, de progresser, et de ne pas refaire les mêmes erreurs.
Après tout, se tromper n’est pas grave si cela enseigne quelque chose. Commettre plusieurs fois la même erreur est en revanche inacceptable.