5 #1 05/08/2012 21h03
- thomz
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Je finis a peine l’excellent Une brève Histoire Des Crises Financières, Des Tulipes Aux Subprimes de Christian Chavagneux, et ne peux guère résister au plaisir de partager avec le lectorat des forums de l’Investisseur Heureux quelques passages savoureux du bouquin.
J’en profite pour souligner que ce travail de recherche compact, agréablement écrit et remarquablement objectif évite l’écueil habituel de la "technicisation" à outrance; l’auteur a manifestement privilégié la clarté, ce dont nous lui sommes fort reconnaissants - et après tout, ce qui se conçoit bien doit s’énoncer clairement.
Toute ressemblance avec des évènements ou personnages contemporains ne seraient que pure coincidence. Chaque "paragraphe" ci-dessous est une transcription exacte du texte tel qu’imprimé dans l’ouvrage. Pour creuser les sujets évoqués, rendez-vous à la FNAC de chez vous.
note: j’ai ajouté quelques annotations et, dans un souci de compréhension, pris de petites libertés avec la transcription - que l’auteur, si un jour il atterit ici, ne m’en tienne pas rigueur.
Hollande, 1634 - La folie des tulipes
- Comme ceux de Genes deux siecles plus tot, les commercants hollandais profiterent d’une periode de grande prosperite pour delaisser leurs activites traditionelles et pour se concentrer exclusivement sur la finance.
[…]
- Le marché des tulipes change rapidement de visage; d’un marché de produits physiques, les bulbes, il est devenu un marché financier, ouvert toute l’année, où s’echange des "billets a effets" [NDLR: l’équivalent de nos "options"]. L’enguouement pour le commerce des tulipes s’en est trouvé accru et les prix ont commence a grimper.
[…]
- Dans une societé hollandaise qui tirait sa fortune du commerce, les liens de confiance et le respect des contrats constituaient le pilier de l’ordre social; […] la societé traditionelle fut de fait grandement choquée par le fait qu’un certain nombre de ses membres aient manifestement décidé de s’enrichir non par le travail mais par la spéculation. […] La littérature pamphlétaire de l’époque a voulu marquer le public en dénoncant avec force la cupidité de ces derniers […] la peinture fut aussi de la partie, lorsque LeJeune représenta les fleuristes en assemblée de macaques fous.
France, 1715 - Le système de Law
Voltaire, 1719 a écrit :
Law est-il un Dieu, un fripon, ou un charlatan qui s’empoisonne de la drogue qu’il distribue au monde? Se contente-t-on vraiment de richesses imaginaires?
[…]
- Pour comprendre comment le système de Law [NDLR; première monnaie papier indexée sur la creation de richesse marchande] fut rendu possible, il faut revenir au principal problème de l’époque, la dette. Au début du XVIII eme siècle, la monarchie francaise est en effet confrontée a un grave problème de surendettement. Les dépenses extravagantes de l’Etat [NDLR: guerres et luxe sous Louis XIV] sont d’autant plus difficiles a gérer que les recettes ne suivent pas.
[…]
- Le Duc de Noailles, premier ministre des finances du régent Phillipe d’Orléans, en 1715: "Le trésor est absolument vide et les avances faites par les receveurs generaux sont telles que l’Etat leur appartient tout entier".
[…]
- Au fil des ans, Law affine son projet, lequel devient de plus en plus séduisant. Il affirme qu’avec une activité économique plus dynamique, les recettes fiscales pourraient croitre, les deficits et la dette se reduire. Law propose ainsi de regler le problème de la dette non par l’austerité mais en relancant la croissance [NDLR: toute ressemble avec un personnage contemporain ne serait que…]. Comment? A ses yeux l’activité est en panne car les économies sont en manque de financement. "Il faut plus de monnaie pour employer plus de monde", écrit Law […] Il décidera donc d’inonder le pays de liquidités [NDLR: politiques actuelles de la FED et de la BCE]
[…]
- Banquier moderne avant l’heure, Law ne cessera d’inventer, d’innover sur le plan financier. […] Sa première idée, révolutionnaire pour l’époque, est de créer une banque qui émettra des billets, de la monnaie de papier, et pour une valeur bien plus importante que ce qu’elle pourra détenir de métaux precieux dans ses coffres, en distribuant des crédits nécessaires au financement de l’économie [NDLR: c’est la raison d’être de la FED contemporaine]. Pour garantir sa solvabilité, la banque devra être une banque d’Etat [NDLR: Comme la FED, fédérale, et comme la BCE demain].
[…]
- Devenu un banquier reconnu, […] Law propose la création d’une compagnie de commerce dont l’objectif ultime n’est rien de moins que de racheter la totalite de la dette publique francaise. [NDLR: faire payer la croissance publique par les profits de l’activite privee] Ainsi est cree la Compagnie du Mississipi, qui mettra la main sur le commerce de tabac, d’esclaves, ainsi que sur les Compagnie de l’Inde et de la Compagnie de la Chine. La compagnie devient d’ailleurs la Compagnie des Indes. […] Enfin, ultime coup d’éclat de Law: en 1719, déjà a la tête de la banque royale et de la Compagnie des Indes, Law rachète le privilège de la fabrication de monnaie!
[…]
- Louis XIV eut dit "L’Etat, c’est moi". Law aurait pu dire "l’économie, c’est moi!"
[…]
- En 1720, le systeme de Law est devenu si complexe que personne n’y comprend plus rien.
USA, 1907 - Panique bancaire et création de la FED
- Ce début de XXeme siecle est a l’époque décrit par l’économiste suédois Knut Wicksell comme celui d’une "sur-spéculation". Parallèlement, jamais les inégalites sociales n’ont ete si marquées. L’économiste Rockoff demontre que la période est marquée par une forte augmentation des revenus allant aux plus riches. Kevin Phillips parle a l’époque d’une "grande promenade pour les riches".
[…]
- Si depuis quelques années le débat post-subprimes porte sur les établissements "trop gros pour faire faillite", a l’époque le principal facteur d’instabilité du systeme bancaire est que ses banques sont… trop petites! Atomisé, le système devient impossible a réguler et la fraude est endémique.
[…]
- La crise viendra en fait des "trusts" [NDLR: assurance vie], établissements a tout faire, aussi bien présents dans la banque de dépôt et de crédit que dans la gestion de fortune et la spéculation sur les marchés financiers.
[…]
Les trusts se lancèrent dans des activités risquées [NDLR: de type, prêter a la Grèce?:-)]. Moins contraints que les banques en terme de couts reglementaires et pouvant davantage spéculer, ils en profiteront pour faire concurrence aux banquiers traditionnels, offrant des rendements plus élevés. [NDLR: Comme aujourd’hui]
- Selon Alexander Noyes, ces années précédant 1907 sont "une situation économique nouvelle, où les paniques commerciales et financières de type de celles de 1893, 1873, 1857 ne seraient plus possibles."
[…]
- Des le début de la panique, le refus de soutenir la Knickerbocker aura les memes conséquences que le refus de soutenir Lehman Brothers en 2008. La confiance entre institutions s’évapore et la panique s’intalle.
[…]
- Des le début de la crise, les hommes politiques ont rapidement voulu donner l’impression qu’ils réagissaient. […] Les banquiers, voyant le vent de la regulation se lever, prefèrent participer au débat et marquer leur accord sur la necessité de nouvelles regles plutot que de se les voir imposer.
[…]
- Le célèbre juriste Louis Brandeis en fera son miel, et affirme "L’élement dormant de notre oligarchie est le banquier d’affaires."
[…]
- En 1912, les banquiers présentent leur projet au président des Etats Unis Woodrow Wilson. Après les avoir ecouté, ce dernier rétorque "Lequel d’entre vous, messieurs, pourrait m’indiquer dans quel pays civilise de cette planète on trouve des commissions de controle au sein desquelles les intérêts privés sont ainsi representés?" L’entretien etait clos.
[NDLR: S’ensuit toutefois la creation de la FED].
USA, 1929 - La crise qui changea la face du monde
- L’accumulation de richesses par une minorité s’est accompagnée d’une forte collusion entre les pouvoirs politiques et financiers. Les deux présidences de Calvin Coolidge, de 1921 a 1929, sont celles d’un dirigeant proche des milieux d’affaires qui n’aura cessé de derèglementer l’économie pour laisser plus de place aux marchés. [NDLR: Comme Reagan]
[…]
- L’ecrivain Paul Claudel, alors ambassadeur de France a Washington, écrit le 4 decembre 1928, "dans le mouvement actuel, il y a entre 10% et 20% de placements sains, et entre 80 et 90% de spéculation."
[…]
- Contrairement a une légende tenace, la réserve féderale de NY intervient immédiatement en abaissant son taux d’interet de 6% a 2,5%. Dans le meme temps, elle fournit de l’argent frais au marché en accroissant le rythme de ses achats de bons du trésor. [NDLR: Comme la FED aujourd’hui].
[…]
- La crise devient internationale [NDLR: Comme celle de 2008…. UK, Irlande, Islande, PIIGS, UE… qui sera le prochain?]. Le gouverment autrichien doit recapitaliser son systeme bancaire pour un montant equivlant a 10% de son PIB. Le sauvetage est tres contesté par la population, d’autant qu’une partie de l’argent est effectivement distribué d’une manière douteuse, ce dont le parti nazi saura faire son miel.
[…]
- En 1933 [NDLR: en pleine depression], Isaac Joshua résume ainsi la situation: "il ya deux facons pour l’économie mondiale de mourir, et aucune d’entre elle n’est particuliemernet agréable. S’en tenir a l’etalon or, et en payer le prix en terme d’activité (NDLR: limiter le credit au stock d’argent métal reduirait dramatiquement ce dernier); ou suivre le mouvement general de depréciation, et refiler la pelote empoisonée a son voisin [NDLR: ce que font justement les USA!] en une spirale sans fin qui tire le monde entier vers le bas. [NDLR: Ceci est le meilleur argument pour soutenir la thèse de la monnaie unique et de l’union politique européenne, pouvoir affirmer notre indépendance vis-a-vis du dollar, ne plus payer les pots casses de la politique monétaire US].
[…]
Finalement, c’est la seconde guerre mondiale, la relance par l’économie de guerre et la reconstruction de l’Europe anéantie qui sortiront le monde de la depression.
Mark Twain a écrit :
L’histoire ne se répète pas; elle rime.
Proverbe populaire français a écrit :
Plus ca change, plus c’est pareil.
Dernière modification par thomz (05/08/2012 21h23)
Mots-clés : chavagneux, christian, crises, financières, histoire, économiques
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