C’est une discussion intéressante. J’ai plutôt tendance à être du même avis que Louis Pirson même si je reconnais la validité des arguments de bed43fr. Je ne suis pas expert de la politique monétaire mais en parallèle à la hausse des taux directeurs qui semble très en retard, le QT ne s’est toujours pas matérialisé au niveau du bilan de la Fed pour des raisons qu’il me semble difficile à expliquer alors que nous sommes fin juillet.
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Le rallye post-FOMC a déjà été longuement débattu donc pas la peine d’en remettre une couche, ceci dit j’aimerais ajouter quelques points et expliquer mon positionnement tactique récent et la stratégie mise en place pour les semaines à venir.
Contexte
Dans ce message du 2 juillet et le message suivant du 4 juillet, j’expliquais pourquoi je pensais que le pic d’inflation était en cours ou déjà passé (c’est le consensus aujourd’hui), je soulignais surtout le positionnement extrêmement bearish des hedge funds et des particuliers, alors même que les commercial hedgers étaient long leveragé, au maximum depuis mars 2020.
J’annonçais également que j’allais déployer le reste de mes importantes liquidités (suite à la vente de biens immobiliers) sur des repli intradays. Les 5 et 14 juillet, je suis passé à l’attaque et j’ai finalisé le déploiement de mes liquidités que j’avais initié les 22 juin et 30 juin.
Pour mémoire, j’écrivais :
lopazz, le 27 juin 2022 a écrit :
Je suis très optimiste sur les actions, sans toutefois exclure une reprise de la volatilité. Les niveaux de valorisation des indices me paraissent particulièrement attractifs et les craintes des acteurs de marché, très exagérées.
En effet, lorsque le positionnement est tellement bearish, que tout le monde est short sauf le "smart money", le gros de la chute est souvent passé et un rallye est facilement prévisible lorsqu’on suit les bons indicateurs.
Perspective
Aujourd’hui, je constate comme prévu un rallye contrarien, qui a débuté sur un sentiment extrêmement mauvais et un positionnement bearish. Les flux vers les actions et les couvertures de short me semblent majoritairement techniques/mécaniques et provoqués notamment par la reprise des rachats d’actions (souligné ici la semaine dernière), l’envolée d’Amazon qui a propulsé tout le marché et, conséquence, les CTA, acteurs "purs momentum", qui repassent à l’achat (triggers à 3941, 4069 et prochain à 4135). Cela semble visiblement peser plus lourd dans la balance, que les résultats catastrophiques des boîtes de consommation courante comme P&G et Church&Dwight. Bref, l’archétype même du "bear market rally".
Les actifs les plus spéculatifs (et les plus shortés) sont ceux qui ont le plus progressé cette semaine. Le sentiment du retail a complètement viré de bord (l’euphorie est désormais palpable) et il semble que pas mal de bears aient jeté l’éponge vendredi. Certainement pas tous : les indicateurs "vérifiables" dont je dispose s’arrêtent à mardi soir et indiquent toujours un niveau record de shorts parmi les hedge funds et le retail, les indicateurs "non vérifiables" arrêtés à vendredi me donnent un chiffre à peine différent. Il y aurait donc encore énormément de positions short ouvertes--j’en profite pour un rappel utile, toutes les données que je partage et auxquelles je fais référence sont fournies à titre purement indicatives et je vous prie de bien vouloir les traiter comme telles, ne vous basez jamais sur des propos tenus sur par un anonyme sur un forum internet pour prendre des décisions patrimoniales.
Bien que positionné dans le bon sens, avec un hedge partiel au cas où le FOMC aurait mal tourné, j’ai été comme beaucoup de monde surpris par la violence de ce krach haussier. Je pense que Powell est en réalité bien plus hawkish que ce que le marché veut bien croire, et je ne pense pas que ce rallye multi-assets soit tout à fait à son goût.
Le 22 juillet, alors que le marché n’avait pas encore entamé son hyperbole, je disais que si le rallye continuait, Powell allait sûrement nous envoyer ses membres les plus dovish tenir des propos hawkish sur les ondes. Et bien ça n’aura pas duré longtemps, devinez qui nous envoie Powell vendredi à la cloture des marchés :
Mais oui, c’est bien Kashkari, son sous-fifre le plus "monétairement accommodant", qui vient nous expliquer dans le NY Times qu’il y a comme un malentendu : "I’m surprised by markets’ interpretation". Et je pense que ses petits copains vont faire de même la semaine prochaine, au risque de mettre un terme à cette fête improvisée 🚀🚀🚀
Pour résumer, je pense que la Fed va chercher à mettre un terme à ce rallye qui en plus d’être terriblement contreproductif, n’aide certainement pas à rétablir sa crédibilité. Or, ceux qui me lisent depuis un certain temps connaissent déjà l’un de mes adages préférés : don’t fight the Fed. Les tensions avec la Chine, bien entendu, n’arrangent rien.
Stratégie
Mon but est de protéger la plus-value latente sur mes récents achats opportunistes, dans un marché qui me paraît ponctuellement suracheté.
Pour éviter l’imposition de la plus-value sur certaines positions récentes, le spread sur certaines small caps illiquides, et les frais de courtage sur actions et ETF, j’ai choisi la flexibilité des futures qui cotent 23/24h, 5/7j avec des frais de transactions particulièrement faibles (environ 2 USD par tranche de 200k USD chez IBKR).
Je suis donc passé market neutral vendredi sur l’intégralité du portefeuille actions via un short sur les futures ES/NQ dans une proportion 4/1, ce qui correspond +/- au beta de mon portefeuille. Compte tenu de l’exposition conséquente à hedger, j’ai préféré les futures plutôt que les options (theta), un short ETF (borrowing fees) ou encore un ETF bear leveragé (beta-slippage). J’avoue avoir été tenté d’acheter, en guise de cerise sur le gâteau, un lot de puts Tesla (889 USD à la cloture) mais ma discipline m’en empêche.
Je lèverai progressivement le hedge en rachetant mes contrats futures. Mon premier objectif se situe à 3950 ce qui correspond +/- au niveau du SP500 avant le FOMC. Selon les conditions de marché, je rachèterai environ la moitié de la position. J’ai un deuxième objectif à 3900 qui correspond à un support clé, sur lequel je ferai sauter 25 à 50% de la position. Il me restera donc peut-être 25% à tenir jusqu’à 3800 ou à racheter avant. En dessous de 3800, je ne suis plus hedgé. A noter que les ordres ne sont pas placés, donc je profiterai le cas échéant d’une "bonne surprise", comme une chute soudaine pendant la nuit (Taïwan ?).
Compte tenu du positionnement toujours très bearish des acteurs de marché, à moins d’un élément exogène et/ou imprévisible, il me semble peu probable que se produise à nouveau un krach comme celui du 9 au 16 juin. Cependant, une correction de 200 à 300 points sur le SP500 (soit 5 à 7%) me parait très envisageable, et même relativement probable.
Je limite ce trade non pas sur un niveau, mais plutôt dans le temps : fin septembre, après le FOMC du 21. Si les niveaux que je vise ne sont pas atteints d’ici là, je lèverai progressivement les hedges sur SMA5 (daily).
Risques
En étant market-neutral, le risque principal est de passer à côté d’une poursuite de cette hausse hyperbolique. C’est un risque que j’accepte de prendre. Si le marché stagne, je ne perds ni ne gagne rien. Dans tous les cas, ma plus-value latente est verrouillée ce qui correspond à mon objectif.
J’ai présenté la thèse bearish mais je vois également plusieurs éléments bullish dans le marché actuel. Biden vient de faire voter un plan de relance à 280 milliards (Chips and Science Act), la forte inflation favorise la hausse du prix des actifs (il faut raisonner en valorisation réelle plutôt qu’en nominale), les US paraissent le seul pays ’investissable’ à l’heure actuelle d’où, peut-être, cette prime à la valorisation et peut être des afflux supplémentaires de capitaux étrangers. Par analogie avec le point bearish cité plus haut, un évènement exogène pourrait également propulser les marchés à court terme. Comme les acheteurs ne semblent pas encore épuisés, je ne serai pas non plus choqué qu’à court terme, ce rallye puisse continuer jusqu’à 4200/4300.
Divers
Alibaba nous rappelle encore une fois que la Chine n’est pas investissable ("L’action d’Alibaba s’effondre, les actions risquent d’être retirées de la cote").
Comme évoqué, l’or squeeze avec le reste des actifs. Je pense là aussi qu’on peut aller potentiellement beaucoup plus haut si le mouvement n’est pas interrompu par la Fed.
Je n’ai pas encore ouvert de position sur le Japon ni sur les small caps US.
Même si je ne suis pas très enthousiaste sur l’avenir de l’Europe à long terme, je pense toujours que le dollar risque de faiblir ces prochains mois.
Dans un post séparé, je vous présente l’une des sociétés que je détiens en portefeuille, qui représente à l’heure actuelle ma plus grosse position (hors ETF) : ça se passe par ici.