@Fructif : Disons alors, pour être plus clair, qu’il y a des "évidences" au niveau macro :
- Il était "évident" (en 2000, 2005 ou 2010, selon la clairvoyance de l’investisseur - mais même en 2010 cela aurait été suffisant pour faire d’excellentes affaires !) qu’internet allait profonder changer les modes de consommation.
- Il est "évident" que la Chine va devenir une grande puissance économique, avec une très nombreuse classe moyenne / supérieure, dont les modes de consommation qui vont peu à peu s’embourgeoiser.
- Il est "évident" - et même certain - que la population mondiale (au moins Europe / USA / Chine / Japon) va subir un vieillissement accéléré qui va se traduire par une demande accrue de services à la personne, de soins médicaux etc.
Les questions plus difficiles ce sont :
1) Comment traduire ces paris macro de long-terme en investissement ?
2) Le marché price-t-il correctement ces tendances structurelles ?
Ma réponse perso à (1), c’est de parier de façon très diversifiée sur les secteurs qui devraient bénéficier des tendances de long-terme, en privilégiant les leaders sectoriels (car dans l’économie internet il y a souvent un first-mover advantage, lié aux effets de réseau). (Donc oui, j’aurais sans doute parié sur Altavista, Yahoo, mais aussi sur Google - et dans l’ensemble j’aurais été gagnant.)
Ma réflexion perso sur (2), c’est que le marché est un bon comptable mais un mauvais économiste, il est micro-efficient mais macro-inefficient, il est myope et ne discerne/price pas toujours bien les tendances de long-terme. Pourquoi ? Pas parce qu’il est bête ! Pas parce qu’il ne voit pas les "évidences" que j’identifie, moi. Mais parce qu’il a majoritairement un objectif de gain à court-terme :
- si un fonds d’investissement sous-performe pendant 1-2 ans, il doit souvent fermer, donc les gérants (aussi par leur mode de rémunération) visent la performance à court/moyen terme.
- la plupart des amateurs sont incapables de tenir une position perdante sur 1, 2, 3 ans : ils pensent qu’ils se sont trompés, il s’impatientent, et ils finissent par couper leur position.
Quand je me compare au marché, perso je considère que :
1) je ne suis pas meilleur "comptable" que le marché, donc sauf exception je ne me mets pas à la recherche d’éventuelles inefficiences de marché, je ne fais pas de deep value ;
2) je ne suis pas meilleur "trader" que le marché, donc je ne fais pas de gestion active de mes positions, de day-trading, de market timing etc. ;
3) je suis peut-être éventuellement meilleur économiste que le marché (à voir) ;
4) mais surtout, je n’ai pas de pression à court-terme : contrairement à la majorité des participants de marché je n’ai pas d’objectif de performance à court-terme.
(4) (et éventuellement, à un moindre degré, (3)) est donc mon avantage compétitif par rapport au marché. Je dois essayer d’en tirer avantage. C’est pour cela que j’investis sur la Chine et le secteur de la santé - pour moi 2 paris "évidents" à long-terme.
Chaque investisseur, selon son profil spécifique, doit essayer de trouver son avantage compétitif et d’en tirer parti.
@Gaspode et PoliticalAnimal : Oui, vos exemples sur Apple et Microsoft montrent bien que même sur une tendance haussière de long-terme, il y a, par effets de mode, épisodes de désamour, des fenêtres d’opportunité pour l’investisseur. Il "suffit" de distinguer ces désamours temporaires de vrais signaux d’alerte, de regarder l’évolution du business sans se laisser intoxiquer par le bruit du marché (plus simple à dire qu’à faire, évidemment).
Sur les GAFAM, je continue de penser qu’Apple et Microsoft sont les plus solides, mais en faisant tourner mon screener perso, les 5 performent très bien : tous dans les 30 premiers sur 600 valeurs US testées ! Amazon, Facebook et Google sont aussi des firmes extraordinaires. Du coup, j’ai profité de la correction sur les technos pour devenir actionnaire des 5, pour des mini-lignes pour le moment.
Ce que j’aime aussi chez les GAFAM c’est leurs investissements de type venture capital dans les start-ups technos prometteuses. J’essaie bien sûr de dénicher les futurs leaders tech (qui ont largement passé le stade start-up, cela dit), mais a priori les GAFAM ont une compétence largement supérieure à la mienne pour ce travail de recherche. J’espère juste qu’ils ne surpayent pas ces investissements… (pas sûr)
Ma thèse à long-terme sur les GAFAM, ce n’est pas qu’ils vont reproduire la performance explosive des 10-15 dernières années, mais qu’ils vont devenir peu à peu des vaches à lait pour l’actionnaire, des valeurs de rendement (sinon en dividendes, du moins en rachats d’actions). Cisco me semble un exemple réussi d’une telle transition.
@Gaspode : Sur le point général que vous faites sur les monopoles, perso je ne pense pas que ce soit une fatalité du capitalisme (ou en tout cas du capitalisme régulé qui existe en Europe et aux USA). Je pense que les effets de réseau spécifiques à l’économie internet jouent beaucoup.
Bien sûr, on pourrait aussi faire une critique politique "de gauche" (mais sans doute justifiée), en notant que la formation de ces quasi-monopoles se fait en même temps qu’un certain creusement des inégalités sociales. Donc on pourrait penser que ce ne sont pas seulement les effets de réseau, mais aussi une protection politique par les élites dominantes, qui permettent la formation de ces monopoles.
@Zeboulon : C’est vrai que la performance à long-terme des marchés actions chinois a été médiocre. Mon pari, c’est celui d’une normalisation / professionnalisation non seulement de l’économie chinoise, mais aussi des marchés financiers chinois. La nouvelle classe supérieure chinoise, avec des enfants parfois éduqués aux USA, voudra investir dans les marchés actions. Donc je parie sur une pression sociale / politique pour des marchés chinois fonctionnant mieux, avec une réduction graduelle des interférences politiques.