@PeterParker : Le principal problème dans le dialogue avec mon père, c’est sa très (trop) grande aversion au risque, et sa trop grande sensibilité aux fluctuations du marché. Donc son stress est plutôt une source de perturbation pour moi, mais avec de la pédagogie sur l’investissement boursier à long-terme et (je l’espère) une progression régulière du portefeuille sur la durée, ça devrait aller, je pense. Ma copine s’intéresse aussi à l’investissement (l’immo locatif, pour l’instant), mais pour l’instant nous en discutons assez peu.
J’ai sans doute un biais comme professionnel de la finance (même dans une branche éloignée de la gestion patrimoniale), j’ai tendance à avoir une vision bien arrêtée de ma stratégie et je me laisse assez peu influencer par mes proches (j’ai plutôt tendance à vouloir les convaincre).
@Gog : De mes racines aveyronnaises je tiens une approche assez rigoureuse (je pense) de la gestion patrimoniale, et de ma famille l’idée qu’un homme ne dépense pas, il investit. Mon père n’a presque rien dépensé pour lui (il faut le traîner par le col pour qu’il aille au cinéma ou pour des voyages), son plaisir a été de construire ou de rénover des maisons, de valoriser des terrains (défrichage, aménagement d’accès pour les rendre constructibles un jour), et de construire pas à pas un beau patrimoine (compte-tenu de son seul salaire de prof) pour sa famille. Je suis peu dépensier (mes seules grosses dépenses sont pour les voyages avec ma copine), et je prends plaisir au stock-picking mensuel comme si c’était un acte de consommation… alors que c’est un acte d’épargne ;-)
Un autre aspect de l’approche aveyronnaise de la gestion patrimoniale, à mon avis, c’est un certain goût pour l’entrepreneuriat et l’aventure loin du pays, l’idée qu’"il faut aller chercher l’argent où il se trouve". En témoigne le réseau étendu des restaurants et bistrots parisiens contrôlés par les Aveyronnais. J’ai aussi adopté cette philosophie : résigné depuis toujours à être un émigré (peu d’opportunités pour un profil comme le mien en Aveyron…), j’accepte bien la mobilité géographique et je m’adapte assez bien à des environnements différents. En début de carrière, mes chefs à Paris étaient étonnés de mon enthousiasme pour un exil à Francfort… à un salaire double, alors que tous mes collègues préféraient rester dans le nid douillet (certains, bien sûr, pour des raisons familiales). Pour moi, Paris, Francfort, Phnom-Penh ou N’Djamena : peu m’importe, tout cela se vaut puisque ce n’est pas chez moi, ce n’est pas l’Aveyron ;-)
Sur la discrétion sur le patrimoine, vous avez raison. Je me souviens d’avoir assisté, enfant, à une discussion fascinante entre mon père et un de ses cousins éloignés, éleveur de bovins. Mon père essayait de savoir la prospérité de la ferme, le nombre de bovins, etc. Ce paysan, sans jamais répondre par la négative aux questions de mon père, a par maintes ruses réussi à maintenir le secret ;-)
Et oui, les mariages de mes grands-parents (des 2 côtés) ont été arrangés et motivés par des raisons patrimoniales : la logique des parcelles plutôt que celle du coeur. Dans un pays pauvre comme l’Aveyron c’était alors une nécessité. Du côté de ma mère il s’agissait même d’une alliance familiale (une soeur et un frère qui épousent un frère et une soeur).
@Cat : Bien sûr je gère mon portefeuille en ligne, mais tout n’est pas dématérialisé et ma banque et mes courtiers continuent d’envoyer des documents papier chez moi. Et pour certaines opérations, je ne peux pas tout faire depuis l’Afrique (par exemple je viens d’acheter un appartement à Montpellier), donc la procuration à mon père est nécessaire.
Sur la Chine, oui, sur le long-terme la plupart des économistes sont comme moi optimistes. Mais cela n’est pas pricé dans les cours à mon avis - parfois pour de bonnes raisons : risques politiques, contraintes pour l’investisseur étranger…
Surtout : "le marché" n’est que l’agrégation de participants de marché dont beaucoup - la très grande majorité à mon sens - ont des objectifs de performance à court-terme. "Le marché" n’est ni omniscient ni infaillible : il a ses biais, ses contraintes, son horizon d’investissement. La Chine est à mon sens un excellent investissement de long-terme, mais à un horizon de court/moyen terme de 1/2/3 ans je suis bien incapable de dire si c’est un bon investissement. Et la plupart des investisseurs (professionnels et amateurs) raisonnent sur un horizon de ce genre. Cela crée une opportunité pour les investisseurs à long-terme comme moi.
Au-delà des Alibaba et Tencent, la plupart des grandes entreprises chinoises (l’assureur Ping An, les banques…) sont quasiment ignorées des investisseurs occidentaux (cf. par exemple le nombre de "suiveurs" sur Seeking Alpha).
Bien sûr d’autres grands pays asiatiques comme l’Inde ou l’Indonésie pourraient offrir de belles opportunités pour l’investisseur. J’ai commencé à construire une watchlist indienne (Infosys, Wipro).
Cela dit, la puissance économique est indissociable de la puissance politique. Je pense que la Chine a une grande ambition à tous les niveaux, la volonté de protéger son marché, de faire grandir des champions nationaux pouvant à terme rivaliser avec les leaders US. Aujourd’hui le pouvoir chinois est plus un risque qu’un atout pour les firmes chinoises. Mon pari, c’est que peu à peu, pour des raisons autant politiques qu’économiques, le pouvoir chinois voudra faciliter l’accès des firmes chinoises aux marchés internationaux de capitaux, et sera plus attentif à ne pas faire obstacle à leur expansion.
Je parle de probabilités car je pense probable (i) que la croissance chinoise soit plus grande ces 20-30 prochaines années qu’en Europe ou aux USA, et (ii) que les marchés financiers chinois se développent plus vite que ceux d’Europe ou des USA. Des scénarios alternatifs de retour en arrière, de fermeture du pays aux échanges, me semblent de plus en plus improbables. Mon scénario pour la Chine c’est celui d’une intégration toujours plus étroite au système économique et financier mondial, de la montée en puissance de la consommation domestique, d’une montée en gamme des entreprises chinoises, évoluant du low cost vers toujours plus d’innovation. Ces tendances me semblent clairement observables, mais en partie ignorées (pour des raisons aujourd’hui en partie légitimes) par les investisseurs occidentaux. C’est donc une opportunité.
@Chlorate / Jctrader : Aucun HS, bien au contraire ;-) J’envisage aussi d’investir en Afrique. A mon sens, le principal problème des ETF Afrique, c’est une concentration excessive sur l’Afrique du Sud, qui est un marché "à part" en Afrique, à double titre :
- beaucoup plus prospère que le reste du continent (PIB nominal par habitant >6000$ contre 500-3000 $ pour la plupart des pays africains)
- importance des firmes minières et forte sensibilité de la devise aux matières premières (ce que je cherche plutôt à éviter, perso)
Perso, ce qui m’intéresse c’est de parier sur le développement de la consommation domestique en Afrique subsaharienne. Je m’intéresse donc aux secteurs de la banque (que je connais professionnellement) et des télécoms, et notamment aux firmes avec une présence panafricaine.
Pour les télécoms, MTN (une entreprise sud-africaine mais très active dans toute l’Afrique) pourrait éventuellement m’intéresser : grosse correction du cours depuis 3 ans, rendement de 7%.
Pour les banques, il faut veiller à choisir des pays où il y a une supervision bancaire suffisamment professionnelle (malheureusement pas partout, en Afrique). Par ailleurs il y a toujours un risque politique pour les banques (un banquier peut être perçu, à tort ou à raison, comme une menace potentielle pour le pouvoir en place, certains sont envoyés en prison dans les pays où je travaille, pour des raisons plus ou moins légitimes). Les banques nigérianes, par exemple, sont actives dans de nombreux pays africains mais je ne les trouve pas très sécurisantes.
Mes banques africaines (cotées) préférées sont :
- Attijariwafa et BMCE, au Maroc : elles ont du personnel de qualité et une stratégie panafricaine affirmée (ces dernières années, elles ont racheté de nombreuses filiales africaines d’autres banques, notamment françaises) ;
- Ecobank, basée au Togo, s’affiche comme "la banque panafricaine" et forme des banquiers de bon niveau (très rare, pour des banques 100% subsahariennes).
Bon, même en choisissant bien les banques, il s’agit d’un investissement risqué.
Dernière modification par Scipion8 (25/11/2018 16h44)