Avant de revenir sur les différentes questions, ce graphique donne une vue exhaustive sur toutes mes transactions de l’année dans mon portefeuille IB, en distinguant les achats réguliers financés par des apports (en bleu) des achats opportunistes financés via la marge (en vert). On voit que j’ai abondamment utilisé la marge (pour un total d’environ 100k€) dans la jambe descendante du V, dans son creux et au début de la jambe ascendante (j’ai essentiellement arrêté mes achats via la marge dès le 6 avril, quand le S&P500 a dépassé 2600 points).
Note : la plupart des achats sont pour une taille de 1k$ ou 1k€, mais certains achats de valeurs de conviction financés via la marge ont été réalisés pour des montants beaucoup plus importants (7k$ pour Mastercard le 25 février, 20k$ pour Microsoft le 31 mars, 10k$ pour Visa le 1er juin). Je double typiquement ma calibration normale (de 1k$ à 2k$) lorsque j’achète de solides blue chips ; en revanche je peux réduire la calibration jusqu’à 500$ pour des valeurs que je juge plus risquées (par exemple des biotechs).
Je réfléchis de plus en plus en termes de stratégie "core-satellite" : l’idée est d’ajouter à une stratégie core purement passive des stratégies satellites plus actives.
En appliquant cette idée à mon portefeuille :
- ma stratégie core est bien passive, buy & hold et quasi indicielle (diversification extrême, 700 lignes), même si elle est appliquée par des titres vifs plutôt que par des ETF
- une 1ère stratégie satellite est la surpondération délibérée de certains facteurs (croissance, small caps) et la sous-pondération d’autres facteurs (value) ; idem pour l’approche sectorielle (surpondération de la technologie, de la santé, des systèmes de paiement, sous-pondération des télécoms, de l’énergie, des utilities…)
- une 2e stratégie satellite est l’utilisation contracyclique du levier - que j’ai abondamment mise en application pendant cette tempête boursière
- une 3e stratégie satellite pourrait consister à gérer quelques grosses lignes de conviction (par exemple Visa actuellement) de façon active, avec un horizon de gain à court-terme (j’expérimente mais je suis sceptique sur l’efficacité de cette approche)
@Rossox : Comme bien noté par Liberty84, la table indique la valeur nette des portefeuilles, c’est-à-dire la valeur brute (= total des titres détenus) moins l’utilisation de la marge. Je n’utilise du levier que pour mon portefeuille IB. Ce soir sa valeur nette est de 422k€ et l’utilisation de la marge de 161k€, soit une valeur brute de 583k€ et un levier de 583/422 = 1,38 pour ce seul portefeuille IB. Pour le portefeuille total, la valeur nette est de 916k€ et l’utilisation de la marge de 161k€, soit une valeur brute de 1076k€ et un levier de 1076/916 = 1,17.
Quand on utilise la marge, à l’instant "t" la valeur nette du portefeuille n’augmente pas : elle n’augmente que si les titres achetés via la marge s’apprécient (plus précisément : s’ils délivrent une performance totale supérieure au coût de la marge) : heureusement, c’est très nettement le cas pour mon portefeuille IB, pour le moment.
En revanche, quand on injecte de l’argent frais, la valeur nette du portefeuille augmente évidemment. Cette table permet de voir les contributions respectives des apports nets (105,1k€ - 24,6k€ = +80,5k€) et de la performance (+1,6k€) dans la croissance du portefeuille global depuis le début de l’année (+82,1k€). S’agissant du seul portefeuille IB, les apports nets ont été de +40,5k€ et la performance a été de +73,4k€ depuis le début de l’année.
@Liberty84 : J’aurais dû mettre "alpha" dans la table avec de gros guillemets, car il ne s’agit pas à proprement parler d’alpha mais de performance relative aux indices. Néanmoins, pour 4 des 5 poches (les portefeuilles français et européens) c’est sans doute une bonne approximation de l’alpha car je n’utilise aucun levier sur ces portefeuilles et j’investis de façon très diversifiée dans des titres souvent défensifs ou à faible volatilité (j’estime mon beta sur ces portefeuilles à environ 0,9-0,95).
S’agissant du portefeuille IB, en revanche, le beta a joué un rôle important dans la performance, en particulier cette année. A la grosse louche, mon estimation (cf. graphique plus haut sur les transactions via la marge) est la suivante : j’ai acheté environ 100k€ de titres via la marge IB, principalement entre mi février et début avril, avec une décote d’environ 20-25% sur les cours actuels (si j’essaie d’estimer le "barycentre" temporel de tous ces achats). Donc j’estime la contribution de ces achats financés via la marge à environ 20-25k€ sur une performance globale de ce portefeuille IB de 73k€. Donc je dirais que ma surperformance par rapport au S&P500 est due aux 2/3 à un bon positionnement factoriel et sectoriel (= de l’alpha) et à 1/3 à une utilisation opportuniste (contracyclique) de la marge (= du beta). (A la grosse louche, sur le 23 points de surperformance, environ 15 points seraient dus à l’alpha et 8 points au beta.)
Une approche sans doute plus rigoureuse consiste à regarder l’évolution de l’alpha et du beta, tels qu’évalués par IB par rapport au S&P500, cette année par rapport aux 2 années d’existence du portefeuille : on voit que si le beta a bien augmenté cette année (1,38 contre 1,25 en moyenne depuis les débuts du portefeuille), l’alpha a aussi nettement augmenté (d’ailleurs dans des proportions qui me surprennent un peu).
C’est peut-être un indice qui tend à confirmer mon impression d’effets d’apprentissage positifs pour la performance, mais à l’occasion j’essaierai de tester cette hypothèse de façon plus rigoureuse par l’analyse des performances relatives des cohortes successives (les performances de mes renforcements mensuels successifs par rapport aux indices).
@Peakykarl : Je vous donne une réponse un peu théorique avant d’aborder plus directement votre question. Je décompose la performance globale d’un portefeuille de la façon suivante :
Performance du portefeuille = performance indicielle + performance géographique + performance sectorielle + performance factorielle + performance idiosyncratique + performance lié au risque (beta) des titres vifs + performance liée au levier
La performance indicielle est celle d’un ETF Monde.
La performance géographique reflète la surperformance ou sous-performance résultant de sur- ou sous-pondérations géographiques par rapport à un ETF Monde.
La performance sectorielle reflète la surperformance ou sous-performance résultant de sur- ou sous-pondérations sectorielles par rapport à un ETF Monde.
La performance factorielle reflète la surperformance ou sous-performance résultant de sur- ou sous-pondérations factorielles (growth, value, momentum, taille, dividendes etc.) par rapport à un ETF Monde.
La performance idiosyncratique reflète la qualité du stock-picking dans un univers géographique / sectoriel / factoriel donné.
Dans le cas de mon portefeuille IB, avec 350 lignes, la performance idiosyncratique peut difficilement être un vrai facteur de performance, car même les plus grosses lignes sont fortement diluées, comme dans un ETF.
De même, le beta de mes titres vifs n’est pas significativement de celui des titres des indices, donc ce n’est pas vraiment un facteur de performance pour moi.
La performance relative à l’indice de ce portefeuille IB dépend surtout :
a) de la performance sectorielle : forte surpondération de la techno et de la santé, sous-pondération de l’énergie, des télécoms etc.
b) de la performance factorielle : très forte surpondération du facteur croissance, et à un moindre degré des small / mid caps, sous-pondération des facteurs value et dividendes
c) du levier (utilisation contracyclique).
Clairement ce sont les 3 principaux moteurs de mon portefeuille IB - les 2 premiers s’apparentant essentiellement à de l’alpha et le 3e à du beta.
Donc Shopify ne peut à elle seule expliquer la surperformance de mon portefeuille IB, même si c’est ma plus belle plus-value en pourcentage. Je trouvais cette valeur déjà chère lorsque je l’ai achetée fin 2018. Depuis son cours a quintuplé ! (et je n’ai jamais osé renforcer, donc cette ligne est devenue grande "toute seule", sans aucun nouvel apport)
Voici un récapitulatif des 30 premières lignes de ce portefeuille IB et des 30 plus grosses plus-values, en termes bruts et en pourcentage :
Depuis le début de l’année, les 12 premiers contributeurs à la performance de ce portefeuille sont, par ordre décroissant : Amazon, Microsoft, Shopify, Alphabet, Docusign, Okta, Peloton, Veeva, The Trade Desk, PayPal, Teladoc et JD.com. Gros plantage en revanche (perte quasi-totale) sur Luckin Coffee (fraude comptable).
Le "poids des lignes" n’est pas vraiment un souci pour moi : mon portefeuille ressemble beaucoup à un ETF. Je me contente de surpondérer certaines valeurs selon mes convictions. Quand j’estime qu’une valeur porte un risque plus important, je n’hésite pas à la sous-pondérer fortement, jusqu’à des tailles de 500$, même si l’on peut légitimement penser que c’est une taille trop petite pour ce portefeuille. Mais cela me suffit pour neutraliser le FOMO et pour suivre plus systématiquement une valeur qui m’intéresse mais sur laquelle je ne suis pas encore convaincu. J’aime construire mes lignes progressivement, brique après brique. Pour mes plus grandes convictions, j’ai des tailles cibles (par exemple 25-30k$ ou € pour des fortes convictions comme LVMH, Microsoft, Amazon, Visa, Mastercard etc.).
@Swantonbomb : Je n’ai pas forcément une discipline absolue en la matière (je fais les choses au feeling), mais en gros mes règles implicites pour la calibration des lignes sont les suivantes :
a) Premières prises de position :
- 1k€ ou $ en général pour la plupart des valeurs
- 2k€ ou $ pour de grosses blue chips de qualité (GAFAM, Johnson & Johnson etc.)
- 500€ ou $ pour des valeurs que je perçois comme particulièrement risquées
b) Renforcements en temps "normaux" :
- 1k€ ou $ pour la plupart des valeurs
- 2k€ ou $ pour des valeurs qui m’ont convaincu de leurs résultats
- 500€ ou $ sur des paris contrarians (couteaux qui tombent, où je suis en forte MV)
c) Renforcements en temps de (grosse) correction : ma calibration est alors très différente, car je vois ces corrections comme des opportunités de renforcer à bon prix mes valeurs préférées :
- 5 à 20k€ ou $ pour mes valeurs de conviction (c’est ce que j’ai fait pendant la crise du COVID pour Microsoft, Mastercard et Visa)
- 1 à 2k€ pour les autres valeurs
d) Tailles cibles :
- 25-30k€ ou $ pour mes blue chips préférées (LVMH, Microsoft, Amazon, Visa, Mastercard etc.)
- 10k€ ou $ pour des valeurs de grande qualité mais de moindre taille (Stryker, Edwards Lifesciences etc.)
- 2 à 5k€ ou $ pour les autres valeurs
- mais je ne coupe jamais mes positions si une valeur que j’ai sous-estimée dépasse ma taille cible (par exemple actuellement Shopify) : je les laisse croître sans les renforcer
@MetalFlakeGreen : Oui, l’utilisation contracyclique de la marge est bien une forme de market-timing, qui m’éloigne de la pure gestion passive. C’est une stratégie satellite, complémentaire à une stratégie core passive et quasi-indicielle.
Mais pour déclencher ces achats via la marge, je raisonne en niveau et jamais en tendance (par essence imprévisible). Je suis acheteur (avec mes apports réguliers) du S&P500 à 3000. S’il descend en dessous de 2600 (comme cela a été le cas en mars), alors je suis prêt à activer mon utilisation de la marge.
Je regarde aussi les tendances dans l’utilisation du levier par les investisseurs, en essayant d’avoir une approche contrarian lors des phases de débouclage de positions leveragées. Les statistiques mensuelles publiées par IB sur ses clients, par exemple, sont intéressantes :
Je n’utilise la marge qu’avec une relative prudence : j’ai commencé la crise avec un pouvoir d’achat IB de 800k€, j’en ai utilisé 100k€ entre février et avril, et au plus bas, le 23 mars, ce pouvoir d’achat a atteint 400k€ (effet ciseaux : le pouvoir d’achat baissait via le double effet de mon utilisation de la marge et de la dévalorisation de mes titres) ; le levier atteignait alors 1,6. Je n’étais pas alors totalement serein, je dois le reconnaître. Mais j’avais toutefois 3 "lignes de défense" supplémentaires :
a) la possibilité d’injecter mes apports mensuels réguliers (environ 15k€) sans les réinvestir
b) la possibilité de transférer une partie de mes portefeuilles français et européen (non leveragés) vers IB, faisant ainsi mécaniquement baisser le levier
c) la possibilité d’injecter du cash via des prélèvements sur mes fonds € (environ 350k€)
Heureusement, je n’ai pas eu besoin de ces stratagèmes pour réduire mon levier sur IB : mes apports mensuels, bien qu’étant entièrement investis, ont permis de faire mécaniquement baisser le levier, et surtout la forte remontée des cours a entraîné une forte croissance de mon pouvoir d’achat sur IB (désormais 920k€, soit bien supérieur à son niveau avant-crise).
Il y a une question stratégique clef dans l’ordre d’activation de ces différentes réserves : (a) apports réguliers, (b) transferts de titres de portefeuilles peu ou pas leveragés, (c) fonds € (ou autres liquidités) et (d) marge. J’ai fait le choix réfléchi d’utiliser la marge IB (dont le coût a fortement baissé grâce à la baisse des taux de la Fed) plutôt que de mobiliser mes fonds € (qui ont une autre fonction dans ma construction patrimoniale) ou de transférer des titres (ce qui m’aurait enquiquiné).
Aujourd’hui, mon levier est de 1,38 sur le portefeuille IB et de 1,17 sur le portefeuille global. Il baisse mécaniquement au fur et à mesure que (i) les cours remontent et (ii) je fais des apports, même en les investissant totalement. Evidemment, je serais encore plus serein sur ce levier si je pouvais de nouveau compter sur des apports mensuels importants, donc la clarification de ma situation professionnelle est un paramètre essentiel de ma gestion boursière.
Ce message se fait long et il se fait tard, donc je reviendrai plus tard sur les questions restantes.
Dernière modification par Scipion8 (04/06/2020 01h33)