Véhicule Autonome : d’un vert à l’autre.
A l’occasion des annonces de Renault - et inspiré par le Barjo - j’ai décidé de mettre en ordre mes notes sur les VA (Véhicules autonomes).
Point de vue écologique ou « Les androides rêvent-ils de moutons électriques ? »
Malgré des polémiques récurrentes et sensationnalistes, il est établi que les (VE) véhicules électriques sont verts (en termes de bilan carbone d’abord, mais aussi de pollution, construction comprise).
Par contre, ils sont souvent associés à la notion de VA, or il n’y a pas de rapport clair entre les deux ! Au contraire, les VE ont une autonomie limitée alors que les VA, pour être utiles commenceront par être des transports de marchandises, des véhicules partagés ou des taxis destinés à rouler toute la journée. Les VA pourraient donc commencer par être des véhicules hybrides…
Parmi les avantages annoncés des VA, il y a bien sur la réduction des accidents. Mais les VA ont-ils une valeur ajoutée verte?
VERT :
Mode de conduite optimisé donc économe en carburant.
Réduction du nombre de voitures personnelles (une voiture par famille, ou véhicules partagés).
Pas de problèmes de parking (GPS et communication avec l’environnement) ou de maraude. Réduction des embouteillages.
PAS VERT :
Augmentation considérable des équipementsdans la voiture (électronique) et en dehors (transmetteurs, infrastuctures adaptées).
Croissance exponentielle des données (40 Teraoctets pour huit heures de trajet) et donc de l’énergie nécessaire pour son traitement (mais les dernières études limite la perte à moins de 4 %).
Facilité de conduite d’où peut-être un usage plus fréquent, et extension à des usager non conducteurs (enfants, personnes âgés, …).
Les trajets n’étant plus du temps perdu (on peut travailler ou se distraire pendant que le véhicule conduit) ils pourraient être volontiers plus longs (habitation plus éloignée du lieu de travail par exemple).
Conduite plus sure donc éventuellement à plus grande vitesse et donc plus consommatrice.
Bref : Ecologiquement, on ne sait pas si les VA seront verts… Les usages qui en seront fait en décideront…
Point de vue technique : ou «En attendant l’année dernière»
Les composants spécifiques d’un véhicule autonome sont :
1) Des capteurs de l’environnement immédiat : caméras, radars, lidars (mesures laser) et la mise en forme des données mesurées.
Etant donné leur complémentarité, la plupart des systèmes intégrés de VA combinent ces trois types de capteurs (voire d’autres plus spécifiques : IR, audio, etc.). Quelques uns essaient de se passer de LIDARs (Tesla).
2) Un système de communication permettant aux véhicules d’échanger des informations entre eux.
avec les infrastructures et les piétons: Vehicle-to-Everything (V2X) et CVIS (Cooperative Vehicle Infrastructure System).
3) Des processeurs permettant de traiter ces ensembles de données en temps réel.
4) Un logiciel embarqué qui utilise l’ensemble de ces données pour faciliter (ADAS : aide à la conduite), voire prendre en charge la conduite.
Il va sans dire que le développement des VA à son stade ultime pose de nombreux problèmes :
Technologiques, bien sur, et la complexité (et les investissements nécessaires) seront exponentiels avec le niveau d’autonomie.
Réglementaires : A partir du niveau 3, La législation doit évoluer. C’est commencé aux USA et en Chine, essentiellement pour l’instant sur les autorisations de tests.
Pratiques : Les infrastructures routières devront être adaptées, voire à terme la structure urbaine, ce qui représente un cout considérable.
Commerciaux : Outre d’obtenir la confiance des consommateurs, le surcout actuel de 50 000€ nécessaire pour autonomiser une voiture devra être énormément réduit.
Les accidents de Tesla et de Uber en 2018 ont passablement rafraichi les enthousiasmes et les évolutions sont devenues plus prudentes.
D’ores et déjà, les investissements ont flambés, même les plus riches sont obligés de lever des fonds (Alphabet a ouvert le capital de Waymo il y a un an) et les constructeurs se regroupent ce plus en plus.
Enfin, la crise sanitaire a mis en pause un certain nombre de projets de développement.
Il semble que pour les voitures particulières, les constructeurs risquent d’en rester pendant longtemps à des aides à la conduite de plus en plus sophistiquées, le marché du 100 % autonome semblant réservé à des véhicules exploités par des entreprises de transport.
Bref : Techniquement, pour les VA, tous les feux ne sont pas au vert.
Point de vue financier : ou « Le bal des schizos»
L’AV n’est peut-être pas écologique, mais son écosystème est riche !
Et encore ce schéma est partiel et date de de plus d’un an, ce qui est beaucoup dans ce domaine aux mutations, rachats, et fusions très rapides.
On pourrait aussi étendre l’écosystème aux acteurs Chinois (qui interagissent aussi avec les occidentaux).
Mais s’il y a autant d’acteurs, c’est que le marché semble considérable, dépassant les 1000 milliards d’euros en 2040.
Et le mieux, c’est que ça pourrait être gagnant-gagnant!
Bref : Les VA, à défaut d’être verts, pourraient rapporter beaucoup de billets verts (de 100€ bien sur!).
Points de vue boursier ou « Les joueurs de Titan»
VISION :
Ambarella (AMBA) a racheté VisLab en 2015
Novanta (NOVT)
Himax Technologies (HIMX) Fabricant de puces taiwanais, créateur de composants de vision et visualisation pour la plupart des smartphones et lunettes 3D.
LightPath Technologies (LPTH), composants optiques de la vision par ordinateur.
Cognex Corp. (CGNX), acteur historique de la vision par ordinateur.
CyberOptics Corp (CYBE), ses solutions de contrôle de fabrication sont très répandus parmi les fabricants de puces variés.
Sony (SNE) développe des caméras avec AI intégrée.
Et du non (plus) coté : Omnivision Group, racheté par Will Semiconductors (SHA:603501) ;
Movidius racheté par Intel ; Perceptron vient d’être racheté par le suedois Atlas Copco (ATCO) ; Nauto.ai ; AIMotive, …
A noter que les acteur de la vision sont souvent aussi impliqués dans des projets de biométrie. Ainsi ils peuvent être controversés et sont en train de perdre leurs clients chinois (Hangzhou Hikvision, Dahua, …) à cause des embargos américains sur les investissements sensibles.
RADARS :
Essentiellement des entreprises privées, dont : Arbe Robotics, Echodyne, Smart Radar System, ou Astyx, allemand du radar, privé (45 % détenu par ZF), collaboration avec Analog Devices.
LIDARS :
C’est dans le domaine des Lidars que l’on trouve le plus grand nombre d’entreprises et les plus gros investissements, car ce sont les technologies les plus récentes et on peut y choisir un grand nombre d’options de développement différentes (longueurs d’onde, mécanismes de balayage, types de formes d’onde, options laser, modalités de détection).
Velodyne lidar (VLDR) après fusion avec la SPAC GRAF Industrtial corp., Baidu compte parmi ses investisseurs. Contrats avec Ford et Hyundai. A déjà un activité LIDAR sur des robots.
Luminar (LAZR) après fusion avec la SPAC GMHI, partenariat avec Volvo.
Innoviz (INVZ), Lidar israélien qui va être coté par fusion avec la SPAC Collective Growth Corp (CGRO), a parmi ses investisseurs SoftBank, Magna et Aptiv. Contrat avec BMW.
Aeva (AEVA), bientôt fusionné avec la SPAC Interprivate Acquisition corp. (IPV). Contrat avec Porsche, VW, et ZF.
Ouster va fusionner avec la SPAC Colonnade Acquisition Corp. (CLA).
Indie Semiconductors (INDI) bientôt fusionnée avec la SPAC Thunder Bridge Acquisition II (THBR).
TriLumina, racheté en novembre par Lumentum Technologies (LITE), qui collabore avec Apple.
Je citerai également des sociétés privés qui pourraient bien devenir cotées vu l’engouement pour ces technologies chez les SPACs : Aurora, AEye, Quanergy, Kodiak Robotics, Ike Robotics, Robosense, Cepton Technologies et Hesai (investisseur principal : Baidu) en Chine.
Uber (qui avait racheté Otto) a revendu sa branche VA à Aurora (privée) en contrepartie de 25 % de la société. Aurora a également acheté Blackmore et développe son propre Lidar.
Yandex : LIDAR développés en interne, partenariats avec Hyundai et Uber.
Zoox (racheté par Amazon) utilise des LIDARs de tierce parties
Waymo (Google) LIDAR développés en interne.
Cruise Automation (devenu filiale de General Motors) a acheté Strobe et essayé de piquer Zoox à Amazon
Argo-AI, qui a acheté Princeton Lightwave a été racheté par Ford et Volkswagen a égalité.
EQUIPEMENTIERS AUTOMOBILES :
Certains ont un développement de LIDAR en cours, mais la plupart sont surtout des intégrateurs qui utilisent des capteurs et technologies tierces et les assemblent sous leur couche logicielle :
Continental AG (ETR:CON), investisseur dans AEye
Denso Corp (TYO :6902, DNZOY) investisseur dans TriLumina
Valeo (FR), qui est commercialement le plus avancé puisqu’il diffuse déjà en quantité son propre lidar.
Aptiv (APTV) spinoff de Delphi Technologies, joint venture Motional avec Hyundai,
Bosch (BOSH) : Collaboration avec Daimler et Nvidia.
Magna (MGA) Equipementier géant canadien qui a développé un système basé sur les LIDAR Innoviz et de la vision par ordinateur développée en interne
Veoneer (VNE) équipementier auto suédois spécialisé VA (spin off de l’équipementier Autoliv), Collaborations avec Velodyne et Qualcomm. Contrats avec Geely et Volvo (joint venture Zenuity).
Visteon Corp. (VC)
Mobileye (systèmes avancés d’assistance à la conduite : ADAS) a été racheté par Intel (INTC) qui l’associe avec le fabricant de puces de vision par ordinateur Movidius pour son système intégré. Contrats avec BMW, Fiat Chrysler, Nissan et Nio.
V2X :
Pour ce qui est des technologies V2X, elles sont partiellement dépendantes du déploiement de la 5G et des IoT. Plus spécifiquement, les acteurs sont des géants des télécommunication et du numériques AT&T, Intel, IBM, Qualcomm, Verizon, Alphabet… ainsi que des startups non cotées (Cohda Wireless, V2X Network, …). On pourrait citer également des sociétés de services à distance comme Sirius XM Holdings (SIRI)
Un autre enjeu important du V2X est la constitution et la mise à disposition en temps réel de contenus. C’est en particulier le cas de la cartographie (GIS : Geographic Information Systems) dont les acteurs cotés sont : Trimble (TRMB), TomTom NV (AMS:TOM2), NavInfo (002405.SZ), Alphabet, Microsoft, Apple, Intel,… Les non cotés : The Sanborn Map Co., Civil Maps, CARMERA Inc., Civil Maps, DeepMap Inc., HERE Global BV (racheté par Daimler, BMW et Audi).
SEMICONDUCTEURS :
Des fabricants de semiconducteurs développent des puces et systèmes dédiés aux VA :
Des grands pluralistes : Qualcomm (QCOM), Nvidia (NVDA), Intel (INTC), Analog Devices (ADI), Infineon (ETR:IFX).
Et des plus petits et plus spécialisés :
NXP Semiconductors (NXPI) : processeurs et systèmes intégrés de radars et radio IoT, ADAS
12 % du marché radar. 48 % de ses activités consacrées à l’automobile.
ON Semiconductors (ON) 30 % de son activité pour l’automobile. Collaboration avec la startup coréenne SOS Lab dans les Lidars.
Renesas Electronics corp. (TYO:6723, RNECF) majoritairement dans l’automobile.
Et enfin des développeurs de puces d’intelligence artificielle embarquée comme Brainchip (fournit Valeo) ,…
Sans oublier la connectique adaptée, avec TE Connectivity (TEL, qui a racheté l’allemand First Sensor) en particulier :
VEHICULES SPECIALISES :
Pour les véhicules individuels, on a vu les investissements et contrats de la plupart des constructeurs automobiles (OEM).
Pour les navettes, curieusement, les seuls indépendants que j’ai trouvé sont les petits français Navya (NAVYA, capteurs Velodyne) et Gaussin (ALGAU, également des utilitaires). Plus des non cotés, au cas où… : Easymile, Milla, Ridecell. Local Motors (projet collaboratif), et 2Getthere (acheté par l’équipementier Allemand privé ZF Friedrishafen que l’on retrouve souvent dans le domaine…). Nuro.ai. Qui a développé un vehicule de livraison autonome
Pour les camions : Embark, Kodiak, Gatik, TuSimple et Plus (camions autonomes chinois) pour les indépendants non cotés et des projets chez Aurora, Waymo (Alphabet), Amazon, UPS, FedEx, Daimler, Volvo et Navistar.
POINT DE VUE UBIK’ITAIRE : « LES MACHINES A ILLUSIONS ».
En point d’orgue, j’ajoute le petit point de vue paranoïaque qui semble indispensable aujourd’hui dans toute problématique : Les géants du numérique et les VA.
« On » veut nous faire croire qu’adopter le VA est un pari pascalien gagnant-gagnant. Le raisonnement est à l’évidence biaisé, on l’a vu au début : dire à la fois que la productivité des travailleurs va augmenter (en travaillant pendant le trajet) et que l’on va économiser du carburant est simplement contradictoire, par exemple.
Mais plus largement, en fait, la mutation annoncée du modèle de l’industrie automobile n’est pas tant liée au changement de carburant vers l’électrique comme on le dit souvent (en liant toujours VE et VA) qu’à l’imposition comme d’une évidence du modèle technologique, même si l’on devait ne jamais arriver au 5 ème niveau…
Et la transformation des OEM en entreprises technologiques a plus de chances de se faire au bénéfice des GAFAMT qu’au leur propre puisqu’ils vont leur déléguer ce qu’ils ne savent pas faire.
Qu’il finisse par être ou non autonome, le véhicule va d’abord être « simplement » connecté, ce qui implique d’être un peu plus encore lié aux réseaux d’infotainment des géants du numérique, puis plus généralement à leurs écosystèmes (medias, payement, localisation, identification, communication, etc…). Le pied dans la porte ; le smartphone au carré. Et finalement la domination sur la MaaS (Mobility as a Service) comme sur les autres aaS. Et la même chose en Chine : Baidu, Alibaba, Tencent, avec un contrôle étatique accru…
Personnellement, je crois que le concept de VA est superflu. Mais du point de vue du petit investisseur, comme du géant ubiquitaire, il va être juteux.
Je suis tenté de revenir sur Navya (et regrette de ne pas avoir cru en Gaussin), mais surtout j’aimerais créer une poche spéculative VA avec Ambarella, Himax Technologies, IPV (Aeva), CGRO (Innoviz), Lumentum Technologies, NXP Semiconductors, ON Semiconductors, Renesas Electronics, Aptiv, et peut-être Valeo et Veoneer.
EDIT : Ce jour 19 janvier :
Reuters a écrit :
Le constructeur automobile américain General Motors (GM) et sa filiale Cruise ont conclu un partenariat stratégique de long terme avec Microsoft , destiné à accélérer la commercialisation de véhicules autonomes.
Le groupe informatique va investir plus de 2 milliards de dollars (1,65 milliard d’euros) dans Cruise, valorisant la division spécialisée dans la voiture autonome de General Motors à 30 milliards de dollars.
La filiale d’Alphabet , Waymo, qui travaille à la conception de ce type de véhicule, est valorisée à un peu plus de 30 milliards de dollars, selon le site PitchBook, et Argo AI, la start-up soutenue par Ford Motor et Volkswagen , à 7,25 milliards de dollars.
Cruise compte utiliser la plate-forme d’informatique dématérialisée Azure de Microsoft pour ses véhicules.
En Bourse, GM gagnait 7,08% à 53,51 dollars vers 15h25 GMT après un pic historique à 54,42.
L’action du constructeur automobile s’était distinguée mardi dernier avec un gain de 6,3% après avoir annoncé son entrée dans le secteur en pleine croissance des véhicules de livraison électriques.
Dernière modification par CroissanceVerte (19/01/2021 16h51)