gunday a écrit :
Donc non sans espèce ne voudra pas non plus dire à la merci des taux négatifs!
D’ailleurs pour être polémique, je dirais même que les taux négatifs sur les comptes courants ce serait une excellente chose!
Ca dissuaderait la thésaurisation sur le compte courant! (car avoir des montant à 6 chiffres sur son compte courant, c’est peu performant!)
C’est intéressant cette tendance à non seulement accepter mais chercher un point positif à un environnement hostile et surtout artificiellement créé. J’imagine que les aztèques devaient avoir ce genre de réflexions "OK, chaque mois on sacrifie aléatoirement 2-3 jeunes gens, dont je pourrais faire partie, mais le point positif c’est que Huitzilopotchli est satisfait : le soleil se lève bien chaque matin !".
La mort du cash et les taux négatifs, c’est la touche finale de l’asservissement de chacun au système financier.
Pendant des siècles, un individu simple et travailleur pouvait mettre de côté une partie de ses revenus (parfois au prix de sacrifices difficiles) et avoir une relative certitude de pouvoir utiliser ce bas de laine pour améliorer son existence plus tard (s’acheter un toit, une éducation, un outil de production…).
Avec les taux négatifs (et le Yuan électronique a mieux encore : une date d’expiration programmable…), vous devez dépenser cet argent dans un temps imparti ou subir des pertes partielles ou totales. Comme le dit @gunday, les plus malins convertiront leur cash en produits financiers mais ce faisant paieront d’autres frais et surtout deviennent plus faciles à tondre.
L’histoire du XXème siècle, c’est celle de la financiarisation de la société. Les femmes ont été mises au travail non pas pour d’aimables raisons de justice sociale, mais surtout pour mettre un prix sur le travail domestique et donc le rendre taxable. Comparez une femme du XIXème siècle qui cousait une chemise à son mari modeste ouvrier, cuisinait les repas et gardait les enfants et une femme du XXème siècle qui travaille 8 heures par jour et certes gagne un salaire (soumis à l’impôt sur le revenu) mais dont le foyer dépense de l’argent pour acheter une chemise (20% de TVA), déjeuner au restaurant (TVA réduite mais toujours là), et doit payer une nounou. L’une ne rapporte strictement rien à l’état ou un intermédiaire financier, tandis qu’on extrait le labeur et l’argent de l’autre comme on presse un citron.
Au fur et à mesure que le nombre de foyers modestes touchant deux salaires se multiplie, leur pouvoir d’achat s’accroît mais est rapidement rejoint par une augmentation commensurable des prix. Percevoir deux salaires n’est plus un choix, mais devient une nécessité. Bientôt, la majorité de la population active devient taxable.
Les prix continuent d’augmenter et bientôt deux salaires ne suffisent plus : il faut emprunter pour maintenir son train de vie. C’est la réalité de toute une partie de la classe moyenne au bord du déclassement. Voilà leurs revenus grevés de nouveaux coûts : les intérêts élevés de crédits à la consommation.
Le foyer maintenant endetté, nos deux travailleurs qui jusqu’ici ne s’étaient pas privés de claquer la porte d’un mauvais travail vivent maintenant dans la peur de se faire virer. Comment paieront-ils leurs mensualités ?
Admettons que nos deux travailleurs aient la fortitude morale d’avoir résisté aux sirènes de la publicité dans laquelle ils sont immergés toute la journée (que ça soit via le journal, la TV, les placards dans les transports, vantardise ou accusation de radinerie des collègues, les enfants qui réclament des céréales spéciales et des vêtements de marque…) et soient parvenus à mettre de l’argent de côté. Sans éducation financière, ils l’auraient gardé sur leur Livret A, ou pour certains sur les conseils de leur banquier, en obligations d’état (fonds euros) qui jusqu’il y a peu avaient encore un beau rendement (autour de 5%).
Maintenant le rendement de ces deux produits sans risques est nul. Nos deux travailleurs se retrouvent contraints, comme le dit @gunday, d’investir en bourse s’ils veulent avoir un rendement supérieur à l’inflation, avec des risques considérablement plus élevés. Aux uns, les promoteurs refourgueront des Pinel mal construits et sans demande locative. Aux autres, on peut désormais vendre des produits complexes et opaques, comme des Mortgage Backed Securities notées AAA, et leur expliquer que c’est le jeu ma pauvre Lucette lorsque tout explose, ils avaient signé pour en baver.
La pression financière et sociale incitant à participer à ces jeux du cirque dont ils ne connaissent pas les risques ne va faire que s’accroître avec les taux négatifs - et les grandes tontes comme en 2008 aussi.
Et la disparition du cash, anonyme et difficilement traçable, c’est la cerise sur le gâteau : absolument toutes leurs dépenses sont désormais analysables, et sujettes à l’approbation de leur établissement financier.
Vous vous rappelez de ça : «Achat refusé: vous avez dépassé votre plafond de CO2 autorisé» ?
Alors certes nous ne pouvons rien y faire, et de toute façon nous sommes ici entre gladiateurs avertis, mais je crois qu’il est bon de se rappeler parfois de la cruauté qu’il existe à faire rentrer M. et Mme Michu dans cette arène. Et nous-même, un jour nous ne pourrons plus suivre. Qu’est-ce qui nous fera finalement déposer les armes ? Est-ce que ce sera notre ADN trop imparfait qui nous trahira (cf l’étude pour le Parlement Européen plus haut) ? Le refus de subir une augmentation technologique pour rester compétitif sur un marché du travail toujours moins humain et toujours plus robotisé ? Et que ferons nous lorsque, épuisés, impuissants et devenus aussi "bêtes" que M. Michu aux yeux des autres, nous aurons atteint notre date limite de consommation ?
Un bouleversement radical de nos repères anthropologiques et des conditions de la moralité : le déclin ou la fin de l?exception humaine ?
Dernière modification par doubletrouble (08/06/2021 08h24)
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