3 #126 06/04/2022 12h55
- Ursule
- Membre (2019)
Top 10 Année 2022
Top 10 Finance/Économie - Réputation : 216
Bonjour à tous,
@Selden, Mercure, L1vestisseur, Nemesis. C’est dit sans méchanceté, mais il me semble que vous sur-estimez vos capacités respectives à interpréter le marché ou que vous sous-estimez celles des gros acteurs (banques d’investissement, traders, fonds). Pour que l’on s’entende, il me semble que vous essayez de faire aussi bien voire mieux que le marché.
De ce que je comprends, votre thèse est qu’avec un peu d’apprentissage (quelques années, à raison de quelques heures par semaine au mieux), vous saurez interpréter quels sont les "bons dossiers" et quels sont les "mauvais dossiers". Il faudrait donc que vous ayez la capacité de juger ces dossiers selon une méthode aussi bonne voire meilleure que celle de vos concurrents. Observons donc celle des concurrents et surtout… qui sont vos concurrents ?
Vos concurrents sont majoritairement des fonds de pension, des banques d’investissement, des hedge funds… c’est à dire des entreprises dont l’objectif premier est la performance financière de leurs placements (cette affirmation est discutable, il s’agit parfois principalement de lever des fonds…). Cela veut dire que vous vous battez contre des équipes de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de personnes qui œuvrent dans le même but : sur-performer (au mieux), réduire la volatilité à moindre coût, ou égaler le marché (moins les frais). Si vous avez déjà mis la main sur une étude d’analyste en banque concernant une seule action, vous savez que ces documents font parfois plus de 100 pages (j’ai reçu ceux de HSBC pendant quelques années, ce sont parfois des énormes pavés). C’est à dire qu’une équipe entière s’est penchée sur une seule action pour produire un document de recommandation au sujet de cette action. Voir vous ce qu’ils n’ont pas vu eux me semble assez peu probable.
Votre ambition est donc, individuellement, seul chez vous, avec un savoir appris sur le net, essayer de faire la même chose ou mieux que des équipes spécialisées, dont c’est la profession depuis des années, qui y ont passé des dizaines de milliers d’heures et disposent d’un historique plusieurs milliers de fois supérieur au vôtre. Leurs coûts opérationnels sont extrêmement bas (économies d’échelle), ils disposent d’outils de productivité dont vous ne disposez pas (Bloomberg, Reuters, des outils internes, des tableurs ou du code qui tourne en continue…) et des abonnements à des bases de données et des revues spécialisées qui coûtent parfois plus d’une centaine de milliers d’euros par tête.
Je m’amuse parfois (avec bienveillance) de lire que telle ou telle action a un ratio X de 7 ou un ratio Y de 28 et que "c’est vraiment pas cher". Ce que vous affirmez en disant cela, c’est que le marché, les milliers de personnes qui travaillent au quotidien sur ces mêmes actions et qui dépensent des millions pour les étudier n’ont pas spotté cette opportunité, ou qu’ils ne sont pas assez qualifiés pour se rendre compte que "c’est vraiment pas cher". En pratique, ces ratios sont calculés dans les minutes qui suivent les publications soit par une armée de stagiaires, soit par un programme, et des lignes de code tournent toute la journée pour identifier des opportunités.
Autre approche, il existe un organisme appelé la SFAF (Société Française des Analystes Financiers) qui organise des réunions entre le management et les analystes adhérents, ce qui permet d’en savoir plus sur ledit management, de le tester et de juger de sa crédibilité. Certaines banques ont un accès direct au management pour poser des questions via leurs analystes.
Je pense donc que vous n’avez (nous n’avons) ni les moyens, ni l’expérience, ni les compétences nécessaires à sur-performer le marché sans augmenter le risque au vu des moyens de la concurrence. Dire le contraire ne me semble pas très réaliste. Dès lors, il faut effectivement choisir sa bataille et mesurer son coût ; toute tentative de "rattraper" ses pertes ne sera probablement qu’une augmentation du risque qui pourra tout aussi bien creuser l’écart. Ne pas investir dans un ETF en n’étant pas professionnel (et bon professionnel qui plus est) me parait être une activité coûteuse (mais c’est un choix qui se défend, comme n’importe quelle activité).
Nemesis a écrit :
Une fois que l’on a fait le constat que l’on sous performe le marché par rapport à un indice large, je trouve que ce qui serait intéressant, ce serait d’analyser les facteurs expliquant cette sous performance: quelles erreurs ont été commises, comment auraient elles pu être évitées, et surtout comment ne pas les reproduire à l’avenir.
Cette phrase est pleine de bon sens, mais savez-vous seulement si votre interprétation des erreurs que vous pensez avoir commises est correcte ? Vous n’aurez jamais de feedback du marché pour vous expliquer ce que vous avez eu faux et très peu d’éléments tangibles pour vous dire que vous pourriez avoir pris une autre décision au moment de celle-ci. Autrement dit, vous ferez du backtrading pour voir ce qui a raté : avec des éléments que vous n’aviez pas encore au moment de la prise de décision (la chute du cours par exemple), vous allez vous dire que vous auriez pu le voir venir. Vous jugerez donc avec des informations que vous n’aviez pas avant. Les décisions que vous avez prises à l’époque étaient peut-être les bonnes, mais rappelez vous que regarder un document financier est à des années lumières de savoir ce qu’il se passe vraiment dans une entreprise.
L’1vestisseur a écrit :
"Si vous mettez aujourd’hui 1.000$ sur dix actions triées sur le volet et les conservez dans un coffre fort durant 20 ou 30 ans, vous aurez certainement de belles surprises à la fin. Certaines de ces actions ne feront pas grand chose. Vos 1.000$ resteront 1.000$, voire se déprécieront à 500$. Quelques actions feront fois dix et vous rapporteront 10.000$. Ainsi, une seule de ces actions suffit à rembourser votre investissement initial. Puis si vous avez de la chance, vous aurez une ou deux actions qui feront fois cent.
Ce qui est génial avec cette stratégie, c’est que même si 9 de vos actions ont une performance égale à celle du marché à long terme (10% sur le S&P 500), il vous suffit d’un seul multibagger pour surperformer largement le marché. 10.000$ investis dans un portefeuille équipondéré de 10 actions qui réalise une performance égale au marché à 10% par an, sauf une action multibagger qui va faire fois dix en dix ans, ce qui n’est pas si rare que ça sur les marchés, vous rapporteront 33.300$ au bout de 10 ans. Bien mieux que les 25.900$ d’un ETF S&P 500. Avoir raison sur une seule valeur suffit à vous permettre d’avoir une performance moyenne sur les neuf autres et au passage à vous faire passer pour un investisseur brillant à Wall Street."
En ce qui concerne le "triées sur le volet" je vous renvoie à mon explication ci-dessus concernant ladite capaciter à "trier sur le volet" dont on fait le plus souvent preuve lorsque l’on est amateur. D’ailleurs, il me semble que tout l’argument que vous citez est statistiquement complètement erroné au mieux, et fallacieux au pire : "si vous choisissez une boite qui fait x10, vous gagnerez de l’argent". Oui, certes. Mais quelle est votre probabilité de choisir une action qui fait x10 ? Cette personne a-t-elle fait le calcul pour affirmer que "ce n’est pas si rare que ça", et si oui peut-elle nous renvoyer à son étude ou à l’étude qu’elle cite ? Si vous regardez aujourd’hui dans le le MSCI World les sociétés qui ont fait x10 en 10 ans, étaient-elles dans le MSCI World il y a 10 ans ? Même chose pour chaque indice ? Les auriez vous choisies à l’époque si elles n’étaient pas dans un indice connu ?
Selden a écrit :
Cela devient compliqué quand vous voulez créer comme moi votre propre ETF orienté qualité à prix raisonnable. Le IS3Q d’Ishares compte par ex/ 300 lignes..
Si vous persistez dans cette approche, vous aurez plus vite fait d’acheter un ETF, d’identifier les "nanards" et de les shorter (en respectant la pondération avec le temps). Cela vous coûtera bien moins cher et vous évitera une grosse partie de la sous-performance. Au moins, vous profiterez de la performance de tout le marché, sauf de quelques "nanards", et non pas de la performance de peu de titres pour éviter quelques "nanards".
Selden a écrit :
Oui et non. A moins de matérialiser ses PV, cela ne vous a rien coûté encore. Jusqu’au 1er janvier 2022, beaucoup était riches…virtuellement.
Ceci me semble plus qu’erroné. Cela n’a rien de virtuel. Si vous avez une MV ou une PV latente, c’est parce que l’actif que vous possédez vaut plus ou moins que ce que vous l’avez acheté. Vous avez donc déjà perdu ou déjà gagné, ce n’est juste pas apparu sur votre compte en banque. On ne peut pas se dire "pas vendu pas perdu"…
A mon sens, vous serez bien mieux lotis dans 20 ans si vous investissez dès maintenant dans des ETF de votre choix et que vous vous entrainez de manière fictive pour votre stock-picking.
Amicalement,
Ursule
Hors ligne