REVUE DU S&P500 13/01/2023
(EN PRINCIPE, JE RÉDIGE CETTE REVUE TOUTES LES 3 SEMAINES)
PREAMBULE
Ce qui est exposé ci-après représente une "mise à plat" de mes réflexions concernant le marché boursier US. Je ne prétends absolument pas déterminer l’orientation du marché et, d’ailleurs, pour mes propres opérations boursières, je peux parfois prendre le contrepied de ce qui est présenté ci-dessous.
La principale utilité de ce travail est de poser des garde-fous qui m’éviteraient de prendre des décisions trop radicales en nuançant la vision que pourrait avoir l’indécrottable bull que je suis depuis toujours.
Enfin, je rappelle que je suis un investisseur "value" qui, s’il trouve des opportunités, les achètera quelles que soient les conditions de marché. Je ne peux plus pratiquer le DCA car l’épargne sur mes revenus professionnelles est devenue symbolique par rapport à la taille de mon patrimoine. Des investissements réguliers n’ont plus beaucoup d’impact pour permettre de "moyenner". De là découle mon obligation de tenter de "timer" un tant soit peu le marché.
CONTEXTE, STRATEGIE ET REFLEXION PERSONNELLE
Comme on pourra le lire ci-dessous, il semble que le marché s’attende, de manière générale, à un soft landing en 2023. Il semble aussi estimer que le point bas a été atteint en octobre et que 2023 marque le retour de l’argent facile.
Il me semble que c’est oublier qu’historiquement, chaque période de forte inflation se termine par une récession et qu’on n’est jamais sorti d’une telle période par un soft landing.
Pour 2023, je vois 2 possibilités :
- soit l’économique reste forte, la situation de plein emploi actuelle se poursuit et, dans ce cas, le marché qui anticipe un pivot rapide de la Fed devra revoir ses prévisions. Les taux resteront élevés et le poids de ceux-ci sur les finances des consommateurs et des entreprises entraînera une récession mais plus tard, peut-être en 2024 ou 2025
- soit l’économie américaine ralentit fortement, les bénéfices des entreprises baissent et le chômage repart au nord. La Fed pivote plus vite qu’annoncé.
Quoi qu’il en soit, le niveau actuel de prix ne me semble pas tenir la route qu’on se base sur le 1er ou le 2e scénario. Dans le premier cas, les taux d’actualisation des profits est trop élevé. Dans le second cas, les profits anticipés sont trop élevés.
Pour ma part, je conserve une grosse part de liquidités car quel que soit le scénario (1 ou 2), le cash ne sera pas une mauvaise option. Seul le scénario du soft landing pénaliserait la performance de mon portefeuille.
Le reste de ma stratégie repose sur les hypothèses suivantes :
- le marché actions US sous performera les autres marchés actions dans les mois (années ?) qui viennent
- En cas de scénario 1, j’investis dans les commodities hors énergie qui risquent d’être très demandées surtout en cas de redémarrage "définitif" de la Chine
- En cas de scénario 2, je dispose d’une poche obligataire US et chinoises qui devrait compenser partiellement la baisse de la partie "actions" de mon portefeuille.
- A plus long terme, je pense que nous allons connaître un cycle au cours duquel le "value" surperformera le "growth".
Une attention particulière sur les anticipations d’inflation et de baisse des taux. Si j’ai souligné hier que la partie "loyer" reprise dans l’indice était sans doute retardée et que l’inflation réelle était probablement un peu plus bas que ce que le CPI officiel annonce, il faut souligner que "l’inflation collante" (celle portant sur les biens dont les prix sont lents à changer) est toujours en hausse. La Fed surveille particulièrement ce type d’inflation.
RESUME DE LA REVUE DES INDICATEURS
Tendance de marché : légèrement bearish (anciennement "bearish")
Récession : bearish mais marché de l’emploi toujours solide
Valorisation du marché : bearish
Sentiment du marché : neutre
Sentiment des analystes : légèrement bearish
Bilan de la Fed : bearish
Smart Money : légèrement bearish
Les valorisations générales me semblent toujours bien trop élevées, que l’on se place dans un scénario de récession … mais même un scénario sans récession.
La tendance du marché à court terme, même si elle est toujours baissière, semble en voie de stabilisation et la solidité du marché de l’emploi n’indique pas une récession imminente (pas avant la fin du 1er semestre comme je l’ai timé précédemment)
I. TENDANCE DU MARCHE
1. le placement des moyennes mobiles à 50 et à 200 jours
Quand la MM50 se situe au-dessus de la MM200, nous sommes en marché haussier. Quand elle se situe en dessous, nous sommes en marché baissier. Ca ne signifie pas que j’achète ou je vends en fonction de ce critère, ça signifie juste qu’il faut éviter de prendre des positions franches contre la tendance. Ce qui n’empêche pas de se montrer raisonnablement contrarian comme en mars 2002 ou en novembre 2008.
Aujourd’hui, la MM50 se situe sous la MM200. Même si elles ont tendance à se rapprocher, de mon point de vue, nous sommes toujours en marché baissier. (inchangé par rapport au 23/12/2022)
2. L’indicateur On Balance Volume
L’OBV reflète le volume des transactions et l’influence qu’exerce le volume sur les prix, à la hausse à la baisse. Il permet donc de vérifier si la tendance des cours est confirmée par des volumes ou non.
Contrairement aux 2 points précédents, le rebond actuel est, cette fois, confirmé par les volumes.
II. RECESSION ?
1. Courbe des taux 2 ans et 10 ans :
Déjà fréquemment abordé. Je ne détaille plus si ce n’est que c’est cet évènement qui me fait anticiper une récession dont j’avais "timé" le début dans une fourchette allant du 01/10/2022 au 05/01/2024.
2. Courbe des taux 3 mois et 10 ans :
Ici l’inversion a eu lieu brièvement le 18/10 et durablement depuis le 25/10. Historiquement, j’ai constaté qu’une récession se produisait entre 8 et 14 mois après ce phénomène. Ce qui ferait théoriquement démarrer la récession entre le 18 juin 2023 et le 25 mars 2024.
==> la période possible de récession, si récession il y a, se situerait donc dans la fourchette commune aux 2 périodes d’inversion des taux, soit entre le 18/06/2023 et le 05/01/2024.
3. Truck Tonnage Index :
Par le passé, cet indicateur était presque parfaitement corrélé avec le S&P500. Aujourd’hui, la divergence entre l’indice boursier et l’indice "camions" reste importante. Après avoir connu une hausse presqu’ininterrompue depuis août 2021, le "TTI" a entamé une tendance baissière depuis octobre et se décorrèle encore un peu plus du S&P500 (inchangé par rapport au point du 24/12 : le chiffre de décembre n’étant pas encore disponible)
4. ISM "New Orders" :
Il s’agit d’une des composantes du célèbre ISM Manufacturier. Si l’ISM manufacturier représente, en lui-même, un indicateur avancé de l’activité économique permettant, souvent, d’anticiper les récessions, l’ISM "new orders" est, quant à lui, un indicateur avancé … de l’indicateur avancé. Il permet d’anticiper la tendance de l’ISM Manufacturier.
Sur le graphique ci-dessous, j’ai repris la moyenne à 4 mois de l’ISM new orders (pour éviter les faux signaux qu’un indicateur passant brièvement sous les 50 pourrait envoyer).
Et c’est assez troublant : chaque fois que la moyenne à 4 mois est passée sous le seuil des 50, ce fut un bon timing pour vendre.
Je note que la baisse tant de l’index que de sa moyenne à 4 mois se poursuit.
5. ISM Manufacturier :
C’est l’indicateur avancé de la santé économique. Un ISM sous 50 traduit une contraction économique. Il est en diminution constante et est passé sous le seuil des 50 pour le 2e mois consécutif.
6. Baltic Dry Index :
Il mesure le coût de transport par bateau dans le monde entier. On constate qu’il est en tendance baissière depuis une bonne année et que son niveau actuel n’est plus très éloigné des coûts de fret en vigueur au plus fort de la crise du covid et presqu’au niveau de novembre 2001 et octobre 2008.
7. Confiance du consommateur :
On constate que chaque récession a été précédée d’une perte de confiance du consommateur américain. Cet indicateur est en tendance baissière depuis la période "pré covid" (ce qui démontre, une fois de plus, le caractère "bullesque" de la hausse de 2021).
Le rebond initié en juillet semble avoir été stoppé et l’indicateur est reparti à la baisse depuis octobre. A noter que les chiffres de décembre ne sont pas encore disponibles.
Je note aussi que le moral des consommateur américain n’a jamais été aussi mauvais dans l’histoire récente que ce soit au moment de l’éclatement de la bulle techno, de la crise des subprimes, de la crise de l’euro ou de la crise du covid.
8. Case shiller index :
L’économie américaine est dépendante du consommateur mais aussi de son marché immobilier (lui aussi en situation bullesque en 2021). Les prix confirment leur courbe descendante (données arrêtées à fin octobre)
9. Pouvoir d’achat immobilier des ménages américains :
Le graphique présente un historique un peu court mais il confirme que le pouvoir d’achat immobilier des ménages a baissé de plus de 40 % depuis les plus haut. En toute logique, les prix devraient, eux aussi, baisser dans la même proportion.
Les données n’ont pas été actualisées depuis octobre.
Je ne vais pas détailler les données du marché de l’emploi, je l’ai fait il y a quelques jours. Voici juste une synthèse.
10. Travail intérimaire : récessionniste
11. Demandes initiales de chômage : pas récessionniste
12. Temps partiels pour raison économique : pas récessionniste
13. Emploi chez les camionneurs : pas récessionniste
14. Nombre total d’heures de travail prestées : pas récessionniste
III. VALORISATION DU MARCHE AMERICAIN
1. Price to book : 3,98
Repères :
Moyenne 2000-2022 : 2,95
Plus bas crise covid (mars 2020) : 2,92
Plus bas crise de l’euro (août 2011) : 1,85
Plus bas crise des subprimes (mars 2009) : 1,78
Plus bas éclatement bulle internet (septembre 2002) : 2.43
2. PER de Shiller : 29,13
On peut constater sur ce graphique que, malgré la correction de 2022, le per de Shiller se situe toujours au-dessus de sa droite de régression à très long terme. Clairement, le marché n’anticipe pas de récession.
Repères :
Moyenne 2000-2022 : 26,99
Plus bas crise covid (mars 2020) : 24,82
Plus bas crise de l’euro (août 2011) : 19,70
Plus bas crise des subprimes (mars 2009) : 13,32
Plus bas éclatement bulle internet (septembre 2002) : 21,96
Plus bas 1ere guerre du golf (octobre 1990) : 14,82
Plus bas « choc Volker » (aout 1982): 6,64
Plus bas stagflation année 70 et choc pétrolier (décembre 1974) : 8,29
3. Prime de risque (per de Shiller inversé – taux des t-bond 10 y) : 0 %
Avec la hausse récente du cours des obligations, la prime de risque est passée de négative à 0.
Repères :
Moyenne 2000-2022 : 0,70 %
Plus bas crise covid (mars 2020) : 3,20 %
Plus bas crise de l’euro (août 2011) : 2,12 %
Plus bas crise des subprimes (mars 2009) : 1,78 %
Plus bas éclatement bulle internet (septembre 2002) : 0,61 %
4. "Buffet Indicator corrigé"
(capitalisation boursière US - bilan Fed / PIB) : 120,9 %
Repères :
Plus bas crise covid (mars 2020) : 95.8 %
Plus bas crise de l’euro (août 2011) : 57.7 %
Plus bas crise des subprimes (mars 2009) : 37.5 %
Plus bas éclatement bulle internet (septembre 2002) : 64.5 %
Début du grand bull market 1982-2000 (août 1982) : 31,16 %
IV. PSYCHOLOGIE DES INVESTISSEURS
1. Ratio S&P500/WTI : 50.84
L’économie est de l’énergie transformée, quand le pétrole est cher (la courbe brune vers le bas) par rapport aux actions, on anticipe un ralentissement futur et donc le marché n’est pas trop euphorique. Pour le moment, le niveau du ratio est relativement élevé et il confirme la rupture de son canal descendant. La bourse et le pétrole envoient donc des signaux contradictoires et la "zénitude" semble toujours présente.
Moyenne 2000-2022 : 34,47
Plus bas crise covid (mars 2020) : 86,95
Plus bas crise de l’euro (août 2011) : 14,90
Plus bas crise des subprimes (mars 2009) : 17,57
Plus bas éclatement bulle internet (septembre 2002) : 26,77
Plus bas marché baissier actuel (28/06): 34,22
2. Ratio S&P500/Gold : 2,09
Quand l’or est chère, les investisseurs ont peur et privilégie la sécurité. Le marché n’est alors pas trop euphorique. Le ratio reste proche de sa moyenne historique n’indiquant ni crainte de l’avenir, ni confiance aveugle pour le futur.
Repères
Moyenne 2000-2022 : 2,11
Plus bas crise covid (mars 2020) : 1,62
Plus bas crise de l’euro (août 2011) : 0,68
Plus bas crise des subprimes (mars 2009) : 0,75
Plus bas éclatement bulle internet (septembre 2002) : 2,52
Plus bas marché baissier actuel (16/06) : 1,98
3. Ratio S&P500/consummer staples (comparaison de l’évolution du S&P500 avec le secteur le plus défensif de la quote, le secteur des produits de consommation de base (parmi les poids lourds de ce secteur, on trouve Procter and Gamble, Coca Cola, Pepsico, Walmart, Costco, Philip Morris, …) : 5,33
La tendance baissière commencée début 2022 s’est arrêtée et le ratio se stabilise à un niveau supérieur à sa moyenne long terme. Il n’y a plus, pour l’instant, de "fly to quality" et le marché semble moins craintif.
Repères
Moyenne 1998-2022 : 4,78
Plus bas crise covid (mars 2020) : 5,06
Plus bas crise de l’euro (août 2011) : 4,03
Plus bas crise des subprimes (mars 2009) : 3,54
Plus bas éclatement bulle internet (septembre 2002) : 4,13
Plus bas marché baissier actuel (16/05) : 5,17
4. Ratio junk bonds/obligations sans risque (attrait du risque) : 0,88
Comme pour le ratio spy/xlp, on constate ici aussi que la "perte d’attrait du risque" s’est stabilisée.
Repères :
Moyenne 2007-2022 : 0,97
Plus bas crise covid (mars 2020) : 0,51
Plus bas crise de l’euro (août 2011) : 0,86
Plus bas crise des subprimes (mars 2009) : 0,75
Plus bas marché baissier actuel (04/03) : 0,73
5. EPCR 5 jours (mesure le rapport entre les options put et les options call) : 0,64
Plus haut atteint depuis le début de ce marché baissier (22/12) : 1,20
Un 4e"pic" a été atteint le 22/12 qui marque à nouveau un plus haut jamais atteint sur cet indicateur même aux pires moments de paniques de la crise de 2008-2009. Un tel niveau aurait dû indiquer une période de capitulation finale dans un marché baissier violent … ce qui, manifestement n’est pas le cas.
Aujourd’hui, cet indicateur …n’indique plus rien du tout. Je continue à le suivre malgré tout pour tenter de trouver des points d’entrée notamment lorsqu’un ratio élevé coïncidera avec un vix élevé (ce qui n’est pas le cas pour le moment)
Repères :
Plus haut crise de l’euro : 0.93
Plus haut crise du covid : 1.48
Marché baissier 2008-2009 :
Pic le 22/01/08 : 0,93
Pic 17/03/09 : 1.01
Pic 16/07/08 : 0.91
Pic 17/09/08 : 0.97
Pic 10/10/08 : 0.98
Pic 21/11/08 : 1.01
Pic 16/01/09 : 0.95
Pic 23/02/09 : 0.88
Pic 06/03/09 : 0.84
6. Vix : 18,35
Plus haut atteint depuis le début de ce marché baissier (07/03) : 36,45
Le marché se maintien en zone "zen" …
Repères :
Plus haut crise covid (mars 2020) : 66,04
Plus haut crise de l’euro (août 2011) : 43,05
Plus haut crise des subprimes (novembre 2008) : 79,13
Plus haut éclatement bulle internet (septembre 2002) : 42,66
7. Pourcentage d’actions dont le cours se situe au-dessus de sa moyenne mobile à 200 jours : 53,16 %
Plus bas atteint au cours de ce marché baissier : 15,57 % (le 16/06 et le 29/09)
Repères :
Plus bas crise du covid : 10,2 %
Plus bas crise de l’euro : 14,9 %
Plus bas crise des subprimes : 7,1 %
Plus bas éclatement bulle internet : 25,2 %
Plus bas atteint depuis le début de ce marché baissier : 18 %
Conclusions : en ce début d’année, le marché semblent avoir retrouvé toute leur zénitude. Il semble que plus rien ne viennent troubler leur volonté de faire repartir le marché des actions plein nord …
Avec mon esprit contrarian, je pense qu’il faut, dans ce cas, redoubler de prudence puisque plus aucun "accident de parcours" ne semble envisagé.
V. Optimisme des analystes et normalité des résultats des entreprises
1. Prévision des bénéfices (yardeni.com)
Les prévisions des analystes restent toujours dans la tendance d’une croissance anticipée des profits pour l’année 2023 et d’un niveau de bénéfice qui me semblent largement trop élevé par rapport à la tendance à long terme.
2. Bénéfices prévus et réalisés, écart par rapport à la moyenne
Les bénéfices du S&P500 réalisés jusque 2021 et prévus en 2022, 2023 et 2024. Depuis 2021, ils se situent largement au-dessus de leur moyenne + 31 %. Par le passé, on peut constater que cette situation ne dure jamais longtemps.
VI. LIQUIDITES
Le QT se poursuit et le total de bilan de la Fed est revenu au niveau de la mi octobre 2021. Si on tient compte d’une dizaine de pourcents d’inflation, on peut même considérer qu’en dollar constant, nous sommes revenus au niveau de mars 2021. La décrue est lente mais constante
VII. SMART MONEY
Les insiders (CEO, CFO et actionnaires de + de 10 % de sociétés cotées) sont réputés anticiper les cycles boursiers. Ils sont passés à l’achat (ligne bleue) lors des crises de 2008-2009, lors de la crise de l’euro et lors de la crise du covid mais aujourd’hui, ils sont toujours attentistes …
Dernière modification par Louis Pirson (14/01/2023 14h53)