J’ai passé pas mal de temps à essayer de déterminer si la réaction du marché est exagérée ou non, et partage ci-dessous quelques éléments d’analyse.
VW a quelques véritables points forts par rapport à ses concurrents : une capacité à générer du cash sur le long terme et produire un ROI. Ils revendiquent régulièrement plus de 10% (plus de 14% en 2014), mais ce ROI est plutôt un ROE. Comme la dette automobile est égale aux capitaux propres, le ROI réalisé par l’investissement de l’ensemble du capital dans les actifs productifs est plutôt de l’ordre de 5 à 8%, selon les années.
Ils ont été opportunistes sur l’utilisation du levier pour booster les retours, mais leur niveau d’endettement me semble un peu trop élevé vu l’industrie (cyclique et intensive en capitaux) où ils évoluent. Si jamais les taux venaient un jour à remonter et/ou que le coût de leur dette venait à augmenter, ils ne pourraient sans doute pas utiliser l’effet levier de la même manière. Extrapoler un ROE de plus de 10% à long terme me semble imprudent.
Un retour sur capitaux investis normalisé de l’ordre de 5 à 7 % pousse à penser que VW ne doit pas valoir substantiellement plus que le coût de reconstruction de ses actifs (vu que le ROI est de l’ordre d’un estimé optimiste du coût du capital, et significativement inférieur au coût d’opportunité que je prendrais).
En raisonnant de manière simpliste, on peut supposer que le coût de reproduction des actifs est quelque part entre la book value et la book value tangible. Il serait de l’ordre de la book value si VW a été parfaitement efficace pour ses acquisitions et ses actifs intangibles capitalisés, et plutôt de l’ordre de la book value tangible s’il suffisait simplement de reproduire les usines.
Pour indication, la book value par action pref (celles cotées sur le DAX) est de l’ordre de 180 euros tandis que la valeur comptable tangible est de l’ordre de 60 euros, avant prise en compte des coûts du scandale.
Un coût total de 20 milliards d’euros entraînerait une réduction de 40 euros par action de ces valeurs.
J’ai également essayé de faire une somme des parties des différentes divisions, mais l’exercice est difficile car on ne connaît pas les bilans de chaque entité et les capitaux mobilisés. Porsche est une division réellement impressionnante : ils arrivent à sortir des marges supérieures à 15% en ne produisant que 187 000 voitures, alors que Volkswagen marge à 2,5 % en produisant 4 583 000 voitures ! Autant dire que les capitaux employés doivent être très faibles chez Porsche par rapport à VW.
Ce qui fait particulièrement peur dans ce dossier est le degré d’endettement : environ 65 milliards de dette nette pour la division automobile, en plus de 30 milliards pour les plans de retraites, soit environ 95 milliards, alors que la division automobile sort moins de 7 milliards de FCF (cependant, les intérêts de la dette financière sont couverts environ 4 fois par le FCF pré-taxes avec le coût de la dette d’aujourd’hui, ce qui laisse une possibilité pour refinancer)… Je ne connais pas bien la souplesse ou la rigidité des obligations de retraite en Allemagne, mais un simple remboursement de la dette automobile s’annonce déjà difficile si on y ajoute ne serait-ce que 20 milliards d’amende. Il faut donc avoir le cœur bien accroché pour aller dans ce dossier, même sans ladite amende !
Etrange pour une action considérée comme « bon père de famille » en Allemagne…