@Peakykarl : 1) Mon renforcement prévu sur Berkshire Hathaway a un double objectif :
a) m’exposer effectivement à une firme (très) riche en liquidités, avec l’opportunisme et la puissance de feu pour tirer parti d’une éventuelle grosse correction (je préfère ça plutôt que de garder des liquidités moi-même, ce qui reviendrait à une hypothèse implicite que je suis plus compétent dans la gestion stratégique des liquidités que Buffett & Co.)
b) corriger (un peu) l’orientation factorielle de mon portefeuille américain, aujourd’hui très orienté croissance : plus le paquebot est gros (= disproportion croissante entre la taille de mon portefeuille et mes apports mensuels), plus il faut corriger le cap précocement pour éviter les icebergs.
En parallèle, il me faut réduire le levier sur mon portefeuille (actuellement 1,38 sur mon portefeuille IB, 1,19 sur mon portefeuille global) pour pouvoir traverser confortablement une grosse correction, et même en tirer parti via l’utilisation contracyclique de la marge. Toutes choses égales par ailleurs, le levier se réduit avec l’appréciation de mes titres, mais j’envisage d’accélérer cette baisse très graduelle via un investissement partiel (et non total) de mes apports mensuels.
2) Un krach sur le marché actions pourrait effectivement résulter d’un choc macroéconomique (par exemple une surprise inflationniste aux USA), qui conduirait le marché à revoir drastiquement sa prévision de long-terme sur les taux de la Fed et donc sur le taux sans risque, avec un gros impact sur les valorisations DCF des actions.
Cela dit, ce n’est pas le seul scénario possible : on pourrait voir aussi une réappréciation massive du potentiel de croissance dans le secteur technologique, si certaines figures de proue aujourd’hui pricées de façon très optimiste décevaient. Un autre risque est le risque politique sur les GAFAM, qui pourrait avoir un effet d’entraînement sur tout le secteur.
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@Hash : 1) Je pense qu’il faut se méfier du biais du survivant : pour un Amazon, il y a beaucoup de Yahoo, Netscape etc., qui ont échoué et disparu. Des business models exceptionnels et vraiment pérennes, ça ne court pas les rues.
2) Ma stratégie consiste à équilibrer 2 principes :
a) Dans une économie libérale, l’innovation est le seul vrai moteur de la rentabilité, sur le long-terme. En effet, le principe de libre concurrence prévaut et assure l’entrée régulière de concurrents qui attaquent les rentes existantes, en fournissant les mêmes biens & services toujours moins chers, avec une image de marque différente (plus "jeune", par exemple), ou bien une différentiation sur la technologie etc. Sans innovation, les marges sont condamnées à disparaître, à plus ou moins long-terme.
C’est pourquoi je pense que c’est une erreur profonde de rechercher des vieux business de rente, l’œil dans le rétroviseur, en recherchant les moins chers optiquement (comme le font les investisseurs value), alors que le plus souvent le marché price la disparition à venir de leurs marges (pas encore reflétée dans les éléments comptables).
Dans ce contexte, un objectif essentiel de ma gestion est de m’exposer au vrai moteur de la profitabilité dans une économie libérale : l’innovation. Je le fais par une exposition diversifiée à des valeurs de croissance, en recherchant les business models prometteurs (qui sont aussi souvent les plus "chers" optiquement) et avec une large flexibilité sur les niveaux de valorisation dans mes prises de positions initiales.
b) Sur le long-terme, les valorisations finissent toujours par converger vers leurs valorisations intrinsèques. Une entreprise exceptionnelle comme Amazon ne réussit à maintenir constamment des ratios de valorisations élevés que parce qu’elle croît et innove constamment. C’est un business d’une qualité exceptionnelle : il se paye 4 fois le chiffre d’affaires 2020. Shopify se paie 49 fois le chiffre d’affaires 2020. Tesla 27 fois.
Certes, Shopify et Tesla sont à un stade plus précoce de leur développement, ce sont des entreprises prometteuses qui croissent fortement, mais à un moment donné il est bien possible que leur valorisation soit corrigée de façon brutale (comme l’ont été, par le passé, celles d’Amazon ou de Facebook). Et à ce moment-là, quand le marché aura chaussé ses lunettes noires au lieu de ses lunettes roses actuelles, je serai à l’achat.
Ainsi, un ratio de valorisation très élevé n’est pas pas moi une raison de ne pas acheter, mais plutôt d’être prudent dans ma calibration de la ligne, car, même pour un business de grande qualité, un ratio de valorisation très élevé rend probable une correction importante à plus ou moins long-terme, offrant un meilleur point de renforcement. Mais si la valeur décolle sans jamais atterrir, je suis au moins placé et je n’allège jamais ma position - c’est la stratégie que je suis pour Shopify et Tesla, très chers aujourd’hui à mon avis.
Pour concilier ces 2 principes :
- je me place de façon très diversifiée sur un très grand nombre de valeurs de croissance, de façon initialement assez insensible aux valorisations si je considère que le business est prometteur
- j’oriente mes renforcements de façon bien plus prudente, en prenant en compte les ratios de valorisation, en préférant renforcer les valeurs de qualité, et en attendant les inévitables corrections pour les valeurs qui me semblent aujourd’hui trop bien valorisées
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@Blackfalcon : Effectivement, la place des valeurs cycliques dans mon portefeuille buy & hold pose question.
Par principe, je suis opposé à l’idée de vendre, (i) parce que ça entraîne des pertes certaines (frais de transaction, fiscalité), et (ii) parce qu’il me semble douteux qu’un investisseur amateur puisse avoir une lecture claire du cycle économique.
Peter Lynch dit ainsi qu’il est encore plus difficile de gagner de l’argent sur les valeurs cycliques que sur les autres, et que ça demande une expertise sectorielle :
Peter Lynch a écrit :
The fact that the cyclical game is a game of anticipation makes it doubly hard to make money in these stocks. The principal danger is that you buy too early, then get discouraged and sell. It’s perilous to invest in a cyclical without having a working knowledge of the industry.
Cela dit, les indices (mes benchmarks) comprennent bien une part de valeurs cycliques, donc a priori je peux me permettre d’en avoir aussi. Mais en buy & hold ces valeurs apportent effectivement de la volatilité à la performance du portefeuille, donc je préfère les sous-pondérer.
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@Corran : A mon avis, si l’on n’est pas compétent pour acheter une valeur, alors a priori, par symétrie, il n’y a pas de raison que l’on soit compétent pour la vendre. Une bonne illustration dans mon portefeuille est ma poche de biotechs françaises, qui n’est plus qu’à -12% de moins-value (grâce aux décollages de Cellectis, Valneva, Ose Immuno), après avoir été à -60% : clairement je ne suis pas compétent pour évaluer ces boîtes, donc pour moi il n’y a que 2 stratégies envisageables : s’abstenir (sans doute le choix le plus raisonnable) ou investir de façon diversifiée et passive dans un petit panier (ce que j’ai fait, mais enfin pour l’instant c’est perdant). Mais une stratégie active (acheter, puis vendre, puis racheter) me semble condamnée à l’échec si l’on n’est pas compétent sur les valeurs en question (= leur évaluation fondamentale), car on se laisse alors embarquer par les signaux de marché (euphorie/panique).
Sur d’autres valeurs très volatiles (avec une valeur intrinsèque incertaine), comme Nio, Jumia ou LDLC, j’avais perdu la "foi" et j’aurais sans doute coupé ces positions si j’avais suivi mon instinct… à tort car elles ont toutes bien rebondi et sont désormais en large plus-value.
Donc je continue à préférer mon approche strictement passive, avec une calibration prudente des lignes initiales quand je perçois des risques, et des renforcements à la baisse très exigeants. Je reconnais néanmoins que dans quelques cas d’effondrement du business model (CNIM), de valeur ajoutée très douteuse (Nikola, Uxin) ou de fraude comptable (Luckin Coffee), une liquidation précoce de mes lignes aurait été un meilleur choix. Mais il s’agit de cas limités ; par exemple aujourd’hui, à tort ou à raison, j’hésiterais à liquider ShowRoomPrivé ou Figeac Aéro, malgré les lourdes pertes que j’ai subies sur ces valeurs, et d’autres, comme Unibail et les valeurs cycliques en forte moins-value (Actia, Haulotte, Jacquet Métals) sont même d’éventuels candidats à des renforcements.
Dernière modification par Scipion8 (07/03/2021 04h01)