Réflexion autour de la fragilité des stratégies en phase d’accumulation
Depuis mes débuts il y a 6 ans, je pense avoir toujours eu un objectif clair : capitaliser et faire grossir ce capital avec des apports réguliers
Fort de mes lectures sur et en dehors du forum, l’idée a toujours été d’accumuler suffisamment de capital pour qu’une fois en phase de consommation, je puisse y prélever les 3 à 4 % par an recommandés par la littérature afin de pouvoir en profiter jusqu’à la fin de mes jours et le transmettre.
Pour cela, je me suis donc évertué à monitorer cette stratégie, à essayer de la peaufiner pour maximiser la performance. En sus du sacro-saint ETF World, j’ai mis l’accent sur des ETFs factoriels (Quality et Momentum) qui ont affiché des rendements impressionnants sur le long terme, couplés à des ETFs Small Value voire des fonds Quality Value en PEA-PME pour booster la performance sur des classes d’actions non couvertes par le World. J’ai investi également en direct dans des entreprises de qualité à prix raisonnable.
Mais les performances des indices (au delà de la mienne propre qui sous performe) ont été réalisés dans des conditions de marché exceptionnellement haussières ces 15 dernières années.
Récemment, la lecture des derniers reportings (Asinus), des files, des portefeuilles plus anciens (Kohai) de ceux qui sont désormais en phase de consommation m’a fait réfléchir. Le niveau actuel des marchés également. Et si j’avais manqué une dimension essentielle dans ma réflexion ?
Moi qui n’ai connu qu’un marché haussier (notamment après la crise financière de 2008), où l’achat régulier (DCA) de simples ETF larges comme le CW8 a suffi à surclasser 99 % des gérants actifs.
Que se passerait-il si les conditions de marchés changeaient radicalement…au pire des moments…juste avant de "consommer" le capital durement acquis?
Les scénarios du pire se sont soudain affichés devant moi :
• Une baisse massive des marchés juste avant la phase de consommation. Une chute importante de mon portefeuille accumulé, que je ne pourrais plus compenser par des apports, d’autant plus que ces apports (même si j’arrivais à les maintenir) se révéleraient dérisoires par rapport à la taille de la “piscine” que j’aurais créée. L’obligation de piocher dans ce capital amoindri accentuerait les pertes.
La réflexion serait la même pour un portefeuille distribuant (cf ici). En effet, avec un portefeuille centré sur des actions à rendement , il existe aussi un risque de baisse des dividendes, couplée à la baisse de la valorisation du portefeuille lui-même. La pression de devoir continuer à piocher dans le portefeuille durant une phase baissière, sans attendre que les valeurs se redressent, pourrait être dévastatrice.
• Une grosse décennie de stagnation type 1966-1982, avec une progression annualisée de seulement 0,3 % sur le S&P 500. Durant cette période, en ajustant de l’inflation, un rentier aurait perdu environ 40 % de pouvoir d’achat. C’est la fameuse euthanasie du rentier, où même si les marchés ne s’effondrent pas, l’inflation grignote lentement mais sûrement le capital. Sur une période de 16 ans, le S&P 500 a stagné en termes réels, et même des dividendes réinvestis n’auraient pas suffi à compenser l’inflation galopante de 10 % par an à certains moments de cette période.
Vers une stratégie anti-fragile
En y réfléchissant bien, que l’on se construise un portefeuille accumulant ou distribuant patiemment en phase de capitalisation, le problème fondamental reste le même. Peut-être que l’objectif ne devrait pas être d’obtenir la performance absolue la plus élevée durant la phase d’accumulation, comme je l’ai souvent pensé et matérialisé dans mes reportings avec des comparaisons systématiques à des indices de référence comme le MSCI World.
Au lieu de viser la performance maximale, il serait peut-être plus pertinent de chercher à rendre son portefeuille le plus anti-fragile possible pour la phase de consommation tout en lui assurant une performance acceptable en phase d’accumulation.
Autrement dit s’évertuer à augmenter le capital jusqu’à un certain point, réduire la volatilité progressivement et s’assurer d’un revenu du portefeuille permettant de conserver son pouvoir d’achat peu importe les conditions de marché, en piochant le moins possible dans le capital . La complexité étant de définir le quand de ce basculement pour disposer de ce portefeuille résilient.
Comment faire cela tout en limitant la charge mentale et la complexité de la gestion ?
Pour le moment ma réflexion s’oriente vers un mix de stratégie actions comme je le fais actuellement (ETF larges (développés et émergents), factoriel, big cap, small cap). La pondération de chaque couche étant amenée ensuite à évoluer en fonction de l’âge.
La nouveauté résidant dans la baisse de la poche stock picking de sociétés QARP un peu redondante de mon choix d’ETF pour privilégier :
• Les sociétés cotant sous la valeur de leurs actifs nets tangibles. C’est ce que je fais de plus en plus mais les opportunités, hormis au Japon (et en Corée mais il est plus compliqué d’y investir en titres vifs), sont rares. Cette stratégie a le mérite d’être découplée de l’approche du reste de mon portefeuille.
• Des ETF dividendes distribuant qui permettent de stabiliser le portefeuille en sécurisant la partie « revenu ». L’avantage est de limiter le risque idiosyncratique en choisissant ses propres titres et de ne renforcer qu’une ligne. Y compris pendant la crise COVID, ils ont continué à verser. Le choix se fera sur des ETFs domiciliés en Irlande qui versent ~3 % ou plus. La qualité et la pérénité du versement est recherchée dans cette poche plus que le rendement facial.
Les ETF dividendes ont tendance à sous-performer en périodes de forte croissance, mais leur stabilité peut protéger le portefeuille contre des baisses importantes, tout en offrant des revenus réguliers. Ce n’est pas optimal, et il y a le frottement fiscal c’est vrai..
Voici ci-après une sélection (qui complète un peu celle-ci)
Et Les obligations dans tout cela ? Histoire d’inclure des actifs moins corrélés aux actions. C’est un domaine que je ne maitrise absolument pas. Les ressources sont là pour se former mais de mes lectures, investir en obligations est beaucoup plus complexe à faire qu’en action.
Cela ne va pas dans le sens d’une réduction de la complexité de la gestion et de la charge mentale. Et pourtant, c’est peut-être une direction à creuser en tache de fond et qui viendrait possiblement remplacer à terme ma poche stock picking QARP.
J’ai l’impression de redécouvrir l’eau tiède mais plus je vieillis plus je trouve que la préservation du capital, la performance régulière sur le long terme, la résilience sont plus importantes (pour ce qui me concerne) que la recherche d’une performance maximale en phase d’accumulation.
Et je ne dis pas cela car je sous performe allégrement
Perf Ytd: 11.7%
Valeur de part: 174.2
Bien à vous,