Je vous trouve très dure avec Carrefour. Il y a un gros problème de gouvernance et de stratégie certes, mais ce ne sont pas des amateurs !
On parle quand même d’un groupe qui réalise 100 Md€ de CA (dont DIA : 10M€) dont 25% sur des marchés en forte croissance qui ont affiché une progression de CA de +15% à taux de change constant en 2010 (Amérique Latine et Asie). Même en France (40% du CA du groupe), le CA a progressé en 2010 de +1,5%, certes sous le seul effet de l’augmentation de la surface commerciale. D’ailleurs, quand on regarde les chiffres français, c’est le hard discount qui gomme la performance commerciale des hypers et des supermarchés. Le groupe semble en tirer les conséquences avec le spin-off de DIA.
En retraitant DIA :
Le CA 2010 progresse de +11,8% en 2010 à 90Md€ contre 80,5Md€ en 2009.
Le ROC (résultat opérationnel courant) progresse de +10.5% à 3Md€. (EBITDA à 4,9M€)
Le RN ressort à stable à 568M€ dont 432M€ part du groupe.
(NB : Il y a un gros effet de change du fait de la monnaie brésilienne si bien que le RN affiché double à 1,2Md€ dont 1Md€ part du groupe.)
L’analyse du tableau des flux laisse apparaître une CAF stable de 3.3Md€ pour :
- des investissements pour 2.1Md€ (stable par rapport à 2009).
- une distribution de dividende de -750M€ (stable par rapport à 2009)
- une variation de BFR de -600M€ (contre +300M€ en 2009).
Concernant la structure financière :
10,5Md€ de capitaux propres. Avec les provisions, on arrive à 13.7Md€ de fonds propres améliorés. La dette nette ressort à 8Md€. Le gearing (0.8) et le leverage (2.4 années de CAF) sont très raisonnables.
Pour mémoire, le BFR est négatif en grande distribution : il ressort à 7,2Md€ (calcul personnel = 16.8M€ (fournisseurs) - 2,6M€ (créances client) - 7Md€ (stocks) )
En regard, le Goodwill est très important à 11,8Md€ et le groupe est peu prolixe sur les détails.
Globalement, on constate qu’il est difficile de valoriser le groupe pour plusieurs raisons :
1-L’immobilier.
La question de l’externalisation partielle de Carrefour Property, si elle est bien légitime, ne réglera pas le problème :
- Comment valoriser une foncière dont le ptf client est si concentré ?
- Comment valoriser une foncière dont le flottant n’est que de 25% ?
- Il n’est pas possible d’augmenter le flottant à mon avis car la rentabilité de Carrefour va chuter (les loyers ne seront plus des flux intra-groupe).
- L’idée est de cette stratégie est sans doute de se dire que une fois la foncière côtée, le cours de Carrefour sera boosté car on calculera 75% de la K de la foncière et on le rajoutera à la valo de Carrefour. Je ne pense pas que les investisseurs suiveront…
J’analyse donc favorablement la reculade sur ce dossier.
2-Le pricing power.
Il est double :
- avec les consommateurs. Je pense qu’il est bien réel quoiqu’on nous raconte. Les hypers de la GSA sont quand même bien pratiques : on a tout sous la main.
- avec les fournisseurs : les situations doivent être très disparates mais globalement, les PME seront toujours sous pression tandis qu’avec The Coca-Cola Company…
C’est un point très positif.
3 - Les parts de marché
Les changements de réglementation ne changeront pas la donne. Je ne pense pas que Carrefour soit en risque en France (40% du CA total) et semble bien positionné sur les marchés qu’il adresse (avec les conséquences sur les économies d’échelle : achat, logistiques, fonctions support). C’est sans doute là qu’on retrouve les 11,8Md€ de Gooodwill.
C’est un point très positif car dans les pays matures, les cartes sont distribuées et je ne vois pas de profonds changements intervenir.
4 - Le modèle.
Carrefour est présent sur tous les modèles de magasins : 1400 hypers, 3000 supers, 5 000 proximité. (+ 6 400 hard discount).
Personnellement, je ne pense pas que le modèle de l’hyper soit dépassé. En tout cas, il me convient. L’expérience Carrefour Planète est à surveiller. Je l’analyse plutôt favorablement.
Actuellement, la société est valorisée, NB : avec DIA, 19Md€ (cours à 27,8€ au moment où j’écris ces lignes) alors que l’immobilier est acquis en propre. Les immobilisations corporelles ressortent à 33.7Md€ en brut pour 15,3Md€ en net. Et ça sent bon la PV latente (non chiffrée) vue la longue histoire du groupe qui a acquis des friches devenues aujourd’hui de belles zones commerciales.
Le risque me semble donc prenable aux cours actuels mais il y a peut-être (sans doute) mieux à faire ailleurs….