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6    #1 12/08/2017 15h26

Membre (2015)
Top 50 Crypto-actifs
Réputation :   36  

Seb2015 a écrit :

Merci pour votre retour, c’est très intéressant.

Pouvez-vous nous expliquer la démarche qui vous a poussé à sortir des cryptos ?

Primo, je dois rappeler que je suis venu aux cryptomonnaies par curiosité pour le minage à un très modeste niveau, et non par l’achat-revente. Cela signifie pour moi que se sont des gains inattendus que j’ai voulu concrétiser. La blockchain en tant que technologie continue à susciter mon intérêt et j’ai conservé quelques euros de crypto monnaies.

Ce qui m’a décidé c’est à la fois les prix et le fait que je ne crois pas en l’avenir des crypto monnaies dans leur forme actuelle.

Pour l’exercice intellectuel et ceux que ça intéresse, je développe:

A court terme il y avait les incertitudes sur le dernier semestre en raison des changements majeurs prévus sur Bitcoin (segwit) et Ethereum (casper). C’est de l’informatique et un bug est toujours possible. Pour Bitcoin, force est de constater que je me suis inquiété à tord. Pour Ethereum, cela reste à voir.

Enfin, et c’est le plus important, ça ne fonctionne pas comme je l’attend d’une monnaie électronique: Dans l’état actuel des réseaux les paiements sont lents (~1/2 journée) et couteux (plus de 1€ par transaction), alors même que le système n’est utilisé que par une poignée d’enthousiastes. Cela empêche d’utiliser Bitcoin pour de petites transactions. Or il n’y a que pour des petites (<50€) transactions que je serais prêt a utiliser un système non règlementé décentralisé et irréversible. Pour les grosses transactions je préfère encore le système bancaire.

Bien sur les modifications techniques des protocoles ont pour but d’améliorer la situation dans l’utilisation actuelle. Mais je ne suis pas certain que cela suffise pour une montée en charge et une adoption massive. La blockchain Bitcoin pèse déjà 128 Go pour moins de 250 000 000 transactions depuis le début (source: Bitcoin Block Explorer - Blockchain), pourra t’elle rester décentralisée encore longtemps?
Pour comparaison le GIE carte bancaire revendique 12 110 000 000 de transactions en 2016 (source: Chiffres Clés | Cartes Bancaires).

L’idée originale était géniale: créer un système de paiement dématérialisé dont le fonctionnement décentralisé est assuré par les utilisateurs (mineurs) eux même en leur promettant une récompense. Le minage est déjà devenu une affaire de professionnels et je suis convaincu que tout le système le deviendra à terme ou mourra de ses propres contradictions.

Au final je pense qu’à long terme seules des grandes entreprises pourront avoir la capacité de stockage et de calcul pour assurer le fonctionnement du système s’il était adopté massivement. Mais pourront-elle le faire gratuitement?

Mots-clés : bitcoin, crypto-monnaies, ether, ethereum, investissement

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8    #2 02/12/2017 12h29

Membre (2015)
Top 50 Crypto-actifs
Réputation :   21  

Palawan a écrit :

@Caceray
Pour vous le débat est le remplacement de la monnaie -c’est effectivement le cas pour des "fanatiques" du Bitcoin qui dans une perspective anarchiste rêvent peut-être de l’écroulement de tout ce qui existe. Ce n’est pas le cas de tout le monde, pas le mien, et j’imagine assez peu des forumeurs d’IH.
La coexistence, comme maintenant (mais avec des évolutions) est une perspective plus pondérée, et me semble à moyen terme plus réaliste.
L’intérêt que je vois est dans la non corrélation avec les actifs traditionnels, voire l’anti corrélation plutôt: en cas de crise +/- systémique ou d’une certaine ampleur au moins, de compenser.
Les crises, subprimes, banques en difficultés, Brexit/sortie de l’Euro (cf dernière élection), défaut de paiement d’Etats, etc… se répètent, et ne semblent pas anecdotiques mais inhérentes au système actuel.

Dans cette perspective, le débat n’est pas le remplacement d’une monnaie existante; la coexistence suffit (mais l’emballement récent est plutôt un inconvénient, sans doute).
Personnellement, j’ai acheté des cryptos dans cette idée de protection, avant les élections, sans idée que ça allait s’envoler. Que ça monte un peu ou au moins ne baisse pas était suffisant.

Je pensais que c’est ce dont on pourrait débattre ici -ce n’est pas le cas, cet aspect étant considéré visiblement comme très marginal pour la majorité de forumeurs.
C’est pourtant l’origine même de l’invention du Bitcoin.

Je suis assez d’accord avec votre explication.

Au même titre qu’internet n’a pas remplacé les livres, l’édition et l’imprimerie, il vit et progresse en parallèle. Le bitcoin en tant que monnaie décentralisée et internationale n’a pas vraiment vocation à remplacer les monnaies nationales, mais plutôt à se positionner comme une seconde monnaie universelle, contrôler par personne mais utile à tous, et sans avantage national pour aucun pays.

Je laisse ici une vidéo très intéressante sur les biais cognitifs qui reviennent généralement dans les débats sur le bitcoin : Les 7 BIAIS COGNITIFS cachés du Bitcoin - YouTube
Ce n’est ni pro-bitcoin ni contre-bitcoin, le monsieur fait preuve d’une honnêteté intellectuelle assez rare. On reconnaitra, dans l’explication des différents biais, certains contenu de messages qui ont été posté dans ce tread.
Au menu :
- Le biais narratif et la preuve sociale
- Le biais d’absurdité
- Le raisonnement par analogie fallacieuse
- L’effet de dotation
- Le shot de dopamine
- L’identité sociale
- Le coût d’opportunité irrécupérable

Bon visionnage smile

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8    #3 02/12/2017 16h57

Membre (2017)
Réputation :   2535  

@Jef56, Faith : Pour moi il est clair, au-delà la trajectoire du prix du bitcoin, qu’à peu près tous les indicateurs d’une bulle s’éclairent : par exemple, si on regarde la liste de signaux de cet article, on voit qu’on les retrouve à peu près tous aujourd’hui sur les cryptos :

1) les arguments du type "c’est complètement nouveau, c’est un nouveau paradigme, les vieux modèles de valorisation des actifs ne s’appliquent pas"

Blog CFA Institute a écrit :

In other words, “trust us, because you’re an idiot” rules the day. If you feel dumb, despite your accumulated wisdom, you are likely in a bubble.

2) l’omniprésence de nouveaux jargons
3) le beau-frère qui commence à poser des questions sur l’investissement
4) le fait que tout le monde devient "expert" (effet de validation des gains passés)
5) la couverture médiatique massive

Franchement, la simple lecture des échanges sur cette file démontre l’existence d’une bulle, sans même qu’on ait à regarder la trajectoire du prix du bitcoin.

La question du timing de l’explosion de la bulle est bien sûr beaucoup plus complexe. Cet article académique peut offrir des références intéressantes, notamment la bulle des warrants chinois de 2006-2008, à laquelle ressemble peut-être la bulle bitcoin du fait de l’absence quasi-totale de smart money (pas de banques, pas d’investisseurs institutionnels) : comme pour le bitcoin, il s’agissait de spéculation pure largement menée par des "investisseurs" amateurs.

Quels sont les déterminants du timing de l’explosion de la bulle bitcoin ? En essayant d’y réfléchir par comparaison avec une bulle boursière classique, je pense que les facteurs suivants sont importants :

a) Le rythme de gonflement de la bulle : il me semble très rapide, par rapport à la plupart des bulles boursières passées, y compris la bulle techno de 2000. C’est un argument pour une explosion à brève échéance, à mon sens. Les bulles ne "ralentissent" pas, elles ne "corrigent" pas : elles explosent.

b) L’absence de valorisation rationnelle : comme on le voit sur cette file, il semble très difficile de trouver une méthode de valorisation (au moins théorique) des cryptos, alors que même une action internet pendant la bulle de 2000 pouvait au moins faire l’objet d’une valorisation théorique avec l’approche classique. A mon sens, cette spécificité de la bulle bitcoin peut jouer en 2 sens : (i) retarder l’explosion de la bulle, en l’absence de rappel à une méthode de valorisation rationnelle ; (ii) rendre l’explosion de la bulle particulièrement violente, puisqu’à partir du moment où la "foi" dans le bitcoin s’évanouira (et ici on parle vraiment de croyance), il n’y aura pas de prix plancher déterminé par un cadre rationnel (qui existe dans le cas d’une bulle boursière). Donc si on considère ce facteur seul, la bulle peut encore continuer mais l’explosion risque d’être particulièrement spectaculaire.

c) L’absence de smart money : Dans une bulle boursière habituelle, des investisseurs compétents décident rationnellement de profiter de la bulle (riding the bubble) et profitent de la phase de démocratisation pour couper leurs positions et prendre leurs profits. Dans la bulle bitcoin, la présence de ces investisseurs rationnels (smart money) est a priori beaucoup plus réduite. A mon sens, ce facteur particulier doit avoir 2 effets : (i) il rend la croissance de la bulle plus rapide qu’une bulle boursière habituelle (peu de profit-taking par des investisseurs rationnels) ; (ii) l’absence d’investisseurs rationnels aux "poches larges" rendra l’explosion de la  bulle plus violente qu’une bulle boursière normale (voir le rôle que W. Buffett et autres investisseurs avisés ont pu jouer en 2008-2009, profitant de l’opportunité de valorisations soudains attractives et freinant la chute des marchés).

d) L’absence de fonction d’arbitrage : Dans un marché boursier, les participants professionnels contribuent à l’efficience du marché, même en temps de bulle, par l’exercice d’une fonction d’arbitrage. Dans le cas des cryptos, je ne vois aucun participant jouer ce rôle. A priori l’absence de fonction d’arbitrage peut retarder l’explosion de la bulle, mais aussi la rendre plus violente. Toutefois, l’introduction prochaine de futures sur le bitcoin par le CME pourrait changer la donne, en facilitant les arbitrages - permettant peut-être un meilleur fonctionnement du marché sous-jacent.

e) La multiplicité des triggers possibles pour l’explosion de la bulle : il me semble qu’on peut identifier un bon nombre de déclencheurs possibles pour l’explosion de la bulle bitcoin : réaction des régulateurs, concurrence entre cryptos, problèmes techniques, etc. Pour la bulle internet, le déclencheur était le retour brutal à une approche de valorisation plus rationnelle, c’est-à-dire la réalisation que la matérialisation économique des progrès technologiques avec internet serait plus compliquée que prévu. La multiplicité des déclencheurs possibles pour le bitcoin me laisse penser que la bulle doit exploser à assez brève échéance.

Si cette analyse est correcte, on voit que les différents facteurs ne jouent pas dans le même sens s’agissant du timing de l’explosion de la bulle : la sociologie des participants de marché peut retarder l’explosion, alors que la pente de la croissance de la bulle et la multiplicité des déclencheurs devraient a priori la rapprocher. En revanche, si mon analyse est correcte, l’explosion devrait être brutale (ce ne serait pas une simple correction).

Je précise pour les fans des cryptos que parler de bulle pour les cryptos implique nullement un jugement défavorable sur la technologie en elle-même ou sur les investisseurs dans ce marché. Je rappelle que la littérature académique démontre qu’il peut être rationnel pour un investisseur avisé de profiter des bulles.

En outre, on peut être intéressé par la technologie sans trouver justifiée la trajectoire du bitcoin : trop souvent, les fans des cryptos passent de l’argument (peut-être vrai) selon lequel "les cryptos, c’est l’avenir" à "donc, le bitcoin vaut USD 10,000 (ou plus)". [Pourquoi le bitcoin ? Pourquoi pas une autre crypto ? Peut-être d’ailleurs une qui n’existe pas encore ?] C’est comme en 2000, quand on passait de l’argument "internet, c’est une révolution" à "donnemoitonfric.com mérite un PER de 1000". Il faut être rigoureux un minimum et reconnaître que dans l’univers des cryptos on ignore totalement qui sera le Google ou l’Amazon de demain. [Le pire étant l’argument qui justifie la valorisation du bitcoin par son rôle de "réserve de valeur", magnifique exemple de tautologie.]

D’ailleurs s’agissant de la technologie en elle-même je commence à m’intéresser aux devises digitales des banques centrales, qui représentent peut-être une utilisation plus prometteuse de cette technologie dans un cadre contrôlé et régulé selon l’intérêt général. [Je précise que je suis banquier central - donc peut-être l’incarnation du mal pour certains :-) ]

@Balthazar : merci pour vos commentaires sur mon message sur le besoin de régulation sur les cryptos. Le caractère peut-être trop vague de mon message s’explique par le fait que j’ai essayé de résumer en français les conclusions des notes de l’EBA et du FMI, et sans doute par le fait que ces institutions sont au début de la découverte de ces sujets : il est clair qu’imaginer un cadre de régulation pertinent pour les cryptos n’est pas aisé quand on connaît surtout la régulation de la finance conventionnelle.

Cela dit, je pense que beaucoup dans la communauté cryptos sous-estiment totalement (a) le caractère régulé du secteur bancaire - une banque n’est pas un casino (même si occasionnellement certains banquiers ont pu l’oublier) - et (b) le fait que les autorités publiques (banques centrales, Etats) n’accepteraient jamais de perdre tout contrôle sur les flux financiers avec tout ce qu’ils impliquent : taxation, création monétaire / politique monétaire, stabilité financière, protection des consommateurs… Le krach de 2008 a donné le coup d’envoi à un cycle de régulation plus stricte de la finance, et en général il s’agit d’un cycle long.

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5    #4 18/12/2017 06h31

Membre (2017)
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@Bernard2K :

Les cryptos sont bien un jeu essentiellement à somme nulle. Plusieurs perspectives pour comprendre cela :

1) La montée du prix du bitcoin peut s’interpréter comme une dévaluation des devises fiat. C’est l’argument de beaucoup de partisans du bitcoin : les devises fiat se dévaluent car la confiance en leur valeur est affectée par les politiques d’assouplissement quantitatif (QE) enclenchées massivement par les banques centrales ces dernières années. [Argument valable à mon sens, mais uniquement d’un point de vue théorique : il n’y a vraiment aucune indication d’un risque d’hyper-inflation dans les pays où le QE a été enclenché, pour le moment.] De ce point de vue, un achat, une vente USD/BTC ou EUR/BTC sont des transactions de change. Donc un jeu à somme nulle.

2) La montée du prix du bitcoin ne s’explique que très marginalement par son utilisation réelle (comme moyen de paiement), beaucoup plus par une activité spéculative de nature transitoire. Si on met en rapport le prix du bitcoin avec les données réelles de transactions, on observe une déconnexion totale. On pourrait essayer de décomposer le prix du bitcoin entre sa "valeur intrinsèque" (la valorisation des "services" qu’il offre comme moyen de paiement et réserve de valeur) et la composante spéculative (le ticket de loto). Aujourd’hui, perso je considère que la composante spéculative représente 99+% de la valorisation du bitcoin, car (i) l’utilisation comme moyen de paiement du bitcoin reste marginale et (ii) ses qualités comme réserve de valeur (par rapport à l’or, par exemple) restent à démontrer (perte de 20% du stock depuis l’origine, hyper volatilité, vulnérabilité aux risques technologiques…). Je suis d’accord avec votre exemple (le BTC à 10$) : il y a marginalement une création de richesse dans la mesure où le bitcoin offre des "services" qui méritent une valorisation supérieure à zéro (mais comme mentionné par Vonfleck il faudrait prendre en compte les coûts de minage, notamment énergétiques). Evidemment, si vous considérez qu’il n’y a absolument aucun effet de bulle actuellement sur les cryptos, on aura du mal à se mettre d’accord…

3) Les bulles, celle des cryptos comme toutes les autres, sont toujours destructrices de valeur. Comme Pryx, je considère que la valorisation actuelle des cryptos n’a rien à voir avec leur "valeur de liquidation" le jour où la bulle cessera de gonfler. Ce risque, habituel pour toutes les bulles, est encore accru dans le cas des cryptos par leur très grande illiquidité (par rapport à des actions, par exemple) : plusieurs témoignages sur cette file confirment la difficulté à liquider rapidement une position en cryptos, la congestion (même en temps normal !) de la plupart des plateformes… Ce risque d’illiquidité est massif, et totalement sous-estimé / incompris par les petits épargnants qui achètent aujourd’hui des parts de rêve. La seule comparaison que je trouve pour une telle illiquidité est les ABS et autres CDO de 2007-2008 - qui sont soudainement devenus totalement illiquides quand les investisseurs se sont rendus compte qu’ils n’en comprenaient pas les risques. Mais on parle d’investisseurs généralement professionnels (fonds, banques…).

La bulle des cryptos combine (a) l’illiquidité extrême et (b) la complexité technique (difficile de déterminer la valeur intrinsèque des cryptos) avec (c) l’amateurisme complet de petits épargnants. C’est un cocktail détonnant, qui ruinera beaucoup de rêveurs. Perso, je n’ai pas besoin d’attendre les reportages d’Elise Lucet sur les petits épargnants ruinés pour anticiper les effets désastreux de ce qui est en train de se jouer. C’est bien à cause de ces effets économiques et sociaux destructeurs que l’on considère généralement que les autorités publiques doivent prévenir les bulles et réguler les marchés (théorie lean against the wind en politique monétaire, théorie plus générale des market failures justifiant une intervention publique).

4) La probabilité que la valeur du bitcoin redescende à zéro (ou quasiment zéro) est à la mesure de la probabilité que le bitcoin soit supplanté, dans un avenir plus ou moins proche, par une technologie supérieure (par exemple plus rapide, plus universelle, plus sûre, et/ou mieux régulée). A mon sens, cette probabilité est très élevée - et si elle se matérialise il y aurait strictement un jeu à somme nulle. Beaucoup d’actions montent puis, au bout d’un certain temps, redescendent aussi à zéro (les entreprises vivent, puis meurent) : la différence c’est que pendant la durée de vie de l’entreprise, elle aura créé de la valeur à la fois pour ses actionnaires (dividendes) et pour la société (création d’emplois). Alors que le bitcoin n’aura rien créé du tout. A part la ruine de petits épargnants naïfs, délaissés par des pouvoirs publics passifs car paresseux.

@Seldar :

1) Quand on parle de réserve de valeur, on parle bien de scénarios catastrophe : crises économiques majeures, guerre, catastrophes naturelles majeures, dictatures, voire même une coupure d’internet… Si un actif mérite d’être qualifié de réserve de valeur, il doit démontrer qu’il conserve sa valeur aussi dans de telles circonstances. C’est ce qu’a démontré l’or, depuis des siècles ; l’or peut même résister à une explosion nucléaire (sa radioactivité se dissipant en moins d’un mois). Les fans du bitcoin ne cessent de nous seriner que c’est une réserve de valeur, sans le début du commencement d’une preuve. Appeler réserve de valeur un actif dont 20% du stock s’évapore en quelques années, qui semble difficilement transmissible, qui est vulnérable à l’émergence très probable de technologies bien supérieures, qui n’a manifestement aucun moat (ou alors vraiment un faible), c’est à mon humble avis une grosse blague.

2) Oui, parfois les intérêts des actionnaires (optimisation des dividendes, dans la durée) et des salariés (optimisation des salaires, dans la durée) peuvent ne pas être totalement convergents. Ceci dit, sur la durée, les entreprises les plus performantes pour leurs actionnaires (création de valeur, pas uniquement sous forme de dividendes) semblent souvent être celles qui traitent bien leurs employés : Google et autres.

Personnellement, du point de vue de l’actionnaire et sans aucune considération de morale, je considère qu’il est de mon intérêt que les entreprises dans lesquelles j’investis traitent correctement leurs employés : rétention des talents, réduction du risque de conflits sociaux, etc. Mais effectivement si je constate des avantages excessifs pour les employés (situation de rente), j’ai tendance à voir cela comme un élément négatif. Il y a donc un point optimal, du point de vue de l’actionnaire (et sans aucune considération de morale), du bien-être de l’employé (salaire, sécurité de l’emploi). Ma perception (à confirmer) est que les employés des entreprises françaises cotées sont mieux traités (en termes salariaux et de sécurité de l’emploi) que ceux des entreprises non cotées, ce qui me laisse penser que le point optimal pour l’actionnaire est généralement satisfaisant pour l’employé. Mais ce jugement est évidemment largement à nuancer selon les entreprises.

En attendant, il est incontestable que l’investissement en actions crée de la valeur pour la société, ce qui n’est pas le cas des cryptos.

3) Oui, les considérations de morale sont secondaires pour l’investissement. Chacun fait ce qu’il veut, et ce qu’il peut. Avoir un filtre "éthique" (à dimension variable selon les sentiments de chacun) ou pas.

Mais quand il s’agit de l’intérêt général, que ça vous plaise ou pas, c’est l’Etat et nul autre qui a la charge (et le devoir) de décider. Donc s’il est établi que les cryptos ruinent des petits épargnants, financent  des activités illégales, la responsabilité de l’Etat sera de mettre fin au jeu de massacre. Et, geek ou pas, libertarien ou pas, fan de l’Etat ou pas, tout le monde devra se soumettre aux règles définies démocratiquement pour protéger l’intérêt général.

4) Effectivement, les cryptos sont pertinentes dans les pays où la devise fiat a perdu toute crédibilité en raison de politiques irresponsables : Venezuela, Zimbabwe. Au Zimbabwe, le prix du bitcoin est même plus élevé que dans le reste du marché. Mais que représentent ces pays à l’échelle mondiale ? L’envolée du bitcoin ne pourrait éventuellement se comprendre que s’il y avait un risque aigu d’hyper-inflation à l’échelle mondiale.

Les cryptos ont un bel avenir… si les devises fiat sont gérées de façon irresponsable. On peut critiquer le QE, mais aujourd’hui rien (mais vraiment rien de rien : voir les anticipations d’inflation pricées par les obligations indexées sur l’inflation, ou encore les sondages) ne suggère un risque d’hyper-inflation aux USA. Idem en Europe. Au Japon. En Corée du Sud. Les banques centrales ont mis en place le QE précisément pour éviter le risque inverse - la déflation - qui est un danger beaucoup plus menaçant pour les pays développés (voir le cas du Japon depuis la fin des années 1990). A nouveau, les supporters du bitcoin jouent sur des peurs, des incompréhensions (effectivement, le QE c’est assez technique) pour faire gonfler leur petite bulle.

Mais les fadaises - la pseudo réserve de valeur, la pseudo dévaluation des devises fiat - ne résistent pas à une analyse un minimum rigoureuse. Alors que les faiblesses du bitcoin et autres cryptos actuelles - l’absence de moat face à l’émergence très probable de technologies supérieures, le niveau ridicule des transactions en raison des limitations techniques - sont bien réelles.

Dernière modification par Scipion8 (18/12/2017 09h00)

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7    #5 24/12/2017 15h08

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En cette fin d’année, il est temps pour chacun de tirer des leçons et préparer 2018 : pour ma part, ayant définitivement manqué le train du Bitcoin et de l’Ethereum, je m’apprête à me lancer sur des cryptos alternatives peut-être un brin risquées mais qui sont sans nul doute notre avenir, bien plus que toutes ces devises fiat corrompues.

Voici donc ma présélection de cryptos (avec indication de la capitalisation actuelle pour chacune), avec mes critères de choix :
- pour la confiance que m’inspire le nom : Veritaseum (595M$), Basic Attention Token (?), WeTrust (39M$), Zeus Shield (32M$), NoLimitCoin (24M$), Global Currency Reserve (23M$), The Champ Coin (15M$), SmartBillions (4M$), UnbreakableCoin (3M$), Pure (3M$), FundYourselfNow (2M$), Crystal Clear (2M$), StrongHands (?)
- pour un investissement de long terme : Aeternity (271M$)
- pour un investissement intelligent : Einsteinium (193M$)
- pour être heureux : SmileyCoin (1M$), HappyCoin (0.5M$)
- pour un investissement transparent : BitcoinDark (381M$), CloakCoin (93M$), Enigma (90M$), Mysterium (37M$), Stealthcoin (31M$), Fantomcoin (3M$), MagicCoin (?), Pirate Blocks (?)
- pour un investissement vraiment solide : Gas (225M$), Feathercoin (61M$), AirToken (16M$), Zephyr (9M$)
- pour un investissement lucide : PotCoin (63M$), DopeCoin (13M$), CannabisCoin (6M$), MarijuanaCoin (0.1M$)
- pour un investissement de bon père de famille : Pepe Cash (57M$)
- pour un investissement pour adultes : SpankChain (38M$), Sexcoin (9M$), TittieCoin (0.8M$), ErosCoin (?)
- parce que j’aime les échecs : Gambit (23M$), ChessCoin (0.4M$)
- pour les philosophes : Pascal Coin (23M$), Philosopher Stones (0.2M$)
- pour l’espace, pour rêver un peu : Mooncoin (22M$), SolarCoin (18M$), Pluton (11M$), UFO Coin (4M$), Interstellar Holdings (0.8M$)
- jouons un peu : DecentBet (10M$), LuckChain (3M$), GameBet Coin (0.1M$)
- pour l’honnêteté du nom : TRON (ou eTRON, puisqu’il s’agit d’une monnaie électronique, 422M$), Nuls (46M$), Burst (28M$), 2GIVE (10M$), InsaneCoin (1M$), ZoZoCoin (1M$), TrollCoin (0.7M$), Monkey Project (0.1M$), Stress (0.7M$), Evil Coin (0.2M$), Unreal Coin (0.1M$), PonziCoin (0.05M$), Useless Ethereum Token (0.03M$), DonationCoin (?), TrickyCoin (?), SharkCoin (?)
- pour faire un peu de politique (selon les préférences) : PutinCoin (5M$), TrumpCoin (0.5M$), Mao Zedong (0.5M$), MACRON (0.4M$), AnarchistsPrime (0.1M$), LePen (?)
- pour se la jouer Superman : Cryptonite (5M$)
- pour la nostalgie : Deutsche eMark (1M$)
- pour être doublement à la mode : TeslaCoin (0.9M$)
- pour jouer 2 fois son argent : HellenicCoin (?)
- parce que les cryptos, c’est d’abord une affaire de foi : BiblePay (2M$)
- et parce qu’il ne faut jamais oublier que le plus important, c’est la santé : The Vegan Initiative (?)

Voilà, je pense qu’avec cette sélection, après avoir été depuis des années à la ramasse sur le Bitcoin et avoir bêtement gardé mes Air Liquide, en 2018 je vais bien ringardiser tout le monde avec ce pari sur l’avenir.

On est en décembre 2017, toutes ces cryptos existent bien (source : application Crypto Market Cap), leur capitalisation n’est pas nulle, et bien entendu, il n’y a pas de bulle ;-)

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7    #6 17/01/2018 16h21

Membre (2017)
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Bonsoir Este59014,

1) La valeur réelle de l’euro, vous pouvez l’estimer chaque jour quand vous allez faire des courses. Quand il y a érosion de la confiance dans une monnaie, la conséquence automatique est une inflation élevée. Le rôle des banques centrales (leur mandat, par la loi), c’est de maintenir la stabilité des prix, donc l’inflation à un niveau raisonnable, et si possible optimal pour l’économie (dans la zone euro, un niveau inférieur, mais proche, de 2%).

Pour l’euro autant que pour le dollar, observe-t-on :
- une inflation anormalement élevée ? non, absolument pas (au contraire, jusqu’à récemment dans la zone euro la crainte était plutôt la déflation, ce qui a justifié le QE)
- des anticipations de hausse de l’inflation, reflétées par le prix des obligations indexées sur l’inflation ? non, absolument pas
- des anticipations de hausse de l’inflation, reflétées par des sondages de consommateurs ? non, absolument pas
- une dépréciation importante contre des devises de pays dont les banques centrales n’ont pas engagé de QE ? non, absolument pas

Donc les histoires de perte de confiance dans les devises fiat ne reposent (pour l’instant - il ne faut jamais dire jamais) sur aucune observation réelle, hormis les délires de libertariens amateurs qui voient dans le QE la main des Illuminati ou autres puissances obscures (alors que le QE a évité aux USA comme en Europe la menace de la déflation, dont le Japon a souffert pendant 15 ans).

Pour comparer les niveaux de confiance dans une monnaie fiat d’un pays sérieux (pas le Venezuela ou le Zimbabwe, disons la zone euro) et une crypto (disons le bitcoin, puisqu’il paraît que c’est la plus solide), imaginons une situation théorique extrême : on dit à une personne qu’il souffre d’une maladie incurable foudroyante, qu’il va mourir dans la journée, et qu’il doit décider immédiatement de transmettre tout son patrimoine financier (uniquement du cash) à ses proches dans une seule devise : l’euro ou le bitcoin. Je soutiens qu’il n’y a pas une seule personne dans le monde qui choisirait le bitcoin (à moins qu’il ne déteste ses enfants…) : c’est bien l’euro (ou toute autre devise fiat "sérieuse") qui aurait la confiance de chacun (même le plus acharné fan de cryptos), car l’euro a toutes les caractéristiques d’une monnaie, et le bitcoin n’en a strictement aucune.

Quelles sont les propriétés nécessaires d’une monnaie ? Il y en 4 selon l’approche classique de Jevons (1875) :
a) moyen d’échange : le bitcoin n’est quasiment pas utilisé comme moyen d’échange pour des transactions réelles, alors que l’euro si décrié permet à M. et Mme Michu de faire chaque jour leurs courses sans devoir (trop) se plaindre des prix qui montent ;
b) unité de compte : la volatilité délirante du bitcoin et autres cryptos rend absolument impossible leur utilisation comme unité de compte ;
c) moyen de paiement différé : on accepte de prêter 100€ à 5% pour 1 an, et donc de recevoir 105€ dans un an, car on peut estimer la valeur réelle de ces 105€ dans 1 an, car une banque centrale a le mandat de préserver la valeur de l’euro ; ce n’est absolument pas le cas pour le bitcoin ;
d) réserve de valeur : là aussi, la volatilité extrême du bitcoin empêche de le considérer comme réserve de valeur ; en outre, comment ne pas voir tous les risques sur la valeur du bitcoin : émergence possible d’autres cryptos (privées ou officielles) avec une technologie supérieure, intervention du régulateur, risques de perte (20% du stock émis de bitcoin se sont évaporés depuis ses débuts), transmission difficile… Alors que tous ces risques sont à la fois limités et mesurables pour une devise fiat "sérieuse", et a fortiori pour l’or.

Donc le bitcoin ou les autres cryptos sont très loin d’avoir les caractéristiques d’une monnaie, alors que le dollar, l’euro ou les autres devises fiat sérieuses les ont. Il faut bien voir que la confiance dans les devises fiat est le résultat d’une très longue histoire monétaire, avec l’émergence de banques centrales indépendantes avec pour mandat exclusif la stabilité des prix. Le spectre de l’hyper-inflation n’a été vaincu, aux USA et en Europe, qu’au début des années 1980 (notamment par Paul Volcker, Chairman de la Fed), et les banques centrales n’ont cessé de consolider cet héritage.

Il est illusoire de penser qu’une "monnaie" imaginée par 2 geeks dans leur garage qui ont trop lu des articles très approximatifs sur le QE puisse rivaliser avec cette longue histoire des devises fiat. [Cela ne signifie pas que la technologie de la blockchain ne puisse pas être intéressante à l’avenir, dans un cadre organisé et régulé, par exemple pour des cryptos de banques centrales.]

2) La question de la réaction des cryptos en cas de krach boursier est intéressante. La fonction de réaction habituelle des investisseurs en cas de krach boursier est le flight to quality (ou flight to safety), donc un changement d’allocation vers des actifs perçus comme plus sûrs et (a priori) moins volatiles.

Franchement, au vu des risques entourant le bitcoin et autres cryptos (par exemple l’impossibilité de couper rapidement les positions en cas de chute des prix) et la volatilité extrême de leurs prix, il est difficilement imaginable qu’un krach boursier ait des conséquences positives pour les cryptos - qui me semblent être au point extrême des actifs les plus risqués (bien plus que des warrants ou autres produits optionnels avec leverage avec des sous-jacents boursiers).

A priori face à un krach boursier, les investisseurs préfèreront les actifs perçus comme moins risqués : les obligations souveraines seraient la réponse normale (mais il est vrai que le QE a abaissé leurs rendements à des niveaux extrêmes); à défaut, le cash, l’or, les marchés émergents. (Personnellement je parie sur ces 2 dernières classes d’actifs et j’envisage d’y allouer une partie de mon portefeuille, en vue d’une possible correction boursière.)

A mon sens, le seul scénario théorique qui verrait les cryptos éventuellement bénéficier d’une crise financière serait celui d’un effondrement généralisé du "système" : fin de l’indépendance des banques centrales, effondrement du système bancaire, arrivée au pouvoir de démagogues. Donc pas un simple krach boursier, mais une véritable crise politique, avec une remise en cause des institutions.

C’est la situation actuelle, par exemple, du Venezuela ou du Zimbabwe (en espérant des améliorations pour ce dernier pays avec les récents changements politiques) : si j’étais un riche Vénézuélien sans accointances avec le pouvoir local, il est probable que je m’intéresserais au bitcoin ou à l’ethereum. Mais on parle vraiment d’une situation extrême, et fort heureusement on en est très loin en Europe, quoi qu’on pense de nos responsables politiques et de nos banquiers centraux.

Désolé, je suis toujours trop bavard sur ces sujets.

Dernière modification par Scipion8 (17/01/2018 17h13)

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5    #7 17/01/2018 18h18

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Désolé pour les parties hors-sujet de ce message - je réponds à 2 messages précédents (disons que le hors-sujet est partiel, puisque le succès des cryptos est en partie liée à une perte de confiance, méritée ou non, dans les devises fiat).

@Este59014 : Je suis partagé sur vos arguments :
- d’une part, je me désole comme vous d’un grand déficit démocratique de l’UE, qui suscite la colère légitime des peuples (Brexit, succès des eurosceptiques…), et qui à terme pourrait mettre en péril les constructions politiques que sont l’UE et l’euro (élections prochaines en Italie, avancée de l’extrême-droite allemande etc.) ;
- d’autre part, je considère que les décisions "économico-techniques" prises en Europe pendant la crise (QE, conversion forcée de dépôts à Chypre…) étaient totalement légitimes et prises dans le strict intérêt des économies et des contribuables européens.

Full disclosure : je suis banquier central - j’ai passé la crise à travailler (sur le plan technique) sur les mesures de politique monétaire non-standard (OMT, QE) et j’ai passé une bonne partie de 2013 à Nicosie sur le cas des banques chypriotes que vous évoquez (mais bon, moi j’étais le "gentil" de l’équipe : une de mes compétences professionnelles, c’est de maintenir en vie des banques avec de gros problèmes de liquidité - pas de les recapitaliser).

J’évoquerais éventuellement plus en détail ces expériences dans une file dédiée, mais ce que je peux vous assurer, à 100%, c’est que ces décisions ont été prises par les institutions européennes dans le cadre de leurs mandats et dans le meilleur intérêt des contribuables européens.

Les 2 plus grandes banques chypriotes (indispensables au fonctionnement de l’économie locale) étaient dans une situation catastrophique, elles devaient être recapitalisées d’urgence : le choix politique était entre la mobilisation de fonds européens (le contribuable français, allemand, etc., déjà fort mécontent du soutien financier à la Grèce, au Portugal, à l’Irlande…) et la conversion en actions de dépôts de ces banques, au dessus du plafond de garantie (100k€ par client et par banque, et non 70k€). Une grande partie de ces dépôts appartenait à des clients non UE (russes, notamment), qui avaient placé là leur argent souvent pour des raisons inavouables (évasion fiscale, argent "sale"), en tirant avantage du laxisme des banques chypriotes sur les vérifications nécessaires sur l’origine des fonds. Si ce n’était que moi, on n’aurait "brûlé" que ces fonds suspects - mais il était légalement impossible de différencier le traitement des déposants (par exemple selon leur nationalité) au-delà de 100k€. Donc l’épargnant "fourmi", le petit patron chypriote, ont été victimes de la mauvaise gouvernance des banques chypriotes jusqu’en 2013, au grand regret de tous (politiquement, ça a été une décision très, très difficile).

Plus généralement, on est passé clairement à un système dans l’UE où le déposant doit effectivement réfléchir à la distribution de ses dépôts (les diversifier jusqu’à 100k€ par établissement est à mon sens une stratégie pertinente). Placer son argent dans une banque est, comme tout placement financier, une opération risquée : le déposant doit réfléchir et gérer son risque. Je ne trouve pas ça anormal.

Cela dit, je pense (ou j’espère) que la mise en place d’un superviseur unique européen (MSU/SSM) à la BCE devrait limiter les risques d’une supervision déficiente des banques européennes (comme à Chypre jusqu’en 2013), à l’avenir. Un autre projet important (que la BCE entend promouvoir) est la mise en place d’un fonds européen de garantie des dépôts, pour limiter les risques d’une contagion du risque souverain aux banques.

Au final je pense qu’au niveau technique la dernière crise a permis de grands progrès dans les mécanismes de surveillance des risques et de résolution des crises, au niveau de la zone euro - mais le risque politique subsiste en raison d’un problème de déficit démocratique. Il est clair que les cryptos ont pu bénéficier des inquiétudes légitimes des épargnants face à des mesures perçues comme brutales (les dépôts brûlés à Chypre) ou opaques (QE), mais l’expérience ainsi gagnée par les institutions européennes et les changements du cadre opérationnel et juridique rendent en fait le système plus résilient (donc l’euro plus fort). Il est clair qu’il y a un besoin de communication et de pédagogie sur les mesures prises ; clairement les institutions européennes pourraient mieux faire… [ je veux bien continuer à les défendre sur ce forum mais alors j’envisagerais de demander une rémunération à mon ancien employeur :-) ]

@zeboulon : effectivement, dans la "fonction de réaction" normale des investisseurs, les marchés actions émergents sont perçus comme plus risqués (de facto ils sont généralement plus volatiles) que les marchés actions US et européens, et ont donc tendance à corriger violemment en phase de "risk off".

Mais dans l’attente d’une correction boursière, j’envisage de me positionner pour un changement de ce schéma traditionnel, car (1) certains marchés émergents sont devenus plus matures / mieux régulés, (2) des entreprises leaders mondiaux (ou du moins avec un moat identifiable) sont apparues ces dernières années dans les pays émergents, (3) les ETFs (que pourtant je n’aime pas trop) offrent un moyen facile de s’exposer aux marchés émergents (et, peut-être, vont changer la fonction de réaction traditionnelle en cas de crise ?), et (4) je trouve les marchés US vraiment trop chers, en déconnexion avec le poids structurellement déclinant des USA dans le PIB mondial. C’est un pari que j’envisage d’autant plus facilement qu’à l’heure actuelle mon portefeuille est à 99% français, ça ne me gênerait pas d’avoir une exposition de 5% ou 10% sur les pays émergents.

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Favoris 1    5    #8 24/02/2018 19h40

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Licha a écrit :

Le dossier de l’institut sapiens que j’avais posté a peu amené de commentaire, surtout provenant des cryptosceptiques du forum, j’en suis etonné.

Bon, ça y est, j’ai finalement lu ce rapport en entier. Merci Licha de l’avoir diffusé. Pour commencer gentiment, je dirais quand même que c’est une lecture intéressante, sur un sujet intéressant. Mais je vais expliquer pourquoi, à mon sens, il s’agit d’une défense bien faible du bitcoin (et des cryptomonnaies en général - mais les auteurs sont vraiment très pro-bitcoin en particulier) :

1) Le rapport est entièrement fondé sur une philosophie politico-économique certes intellectuellement intéressante, mais "extrémiste", et dont l’applicabilité dans la vie réelle est pour le moins incertaine : le rapport cite abondamment Hayek, Rothbard, et d’autres penseurs "libertariens" (certains diraient "ultra-libéraux", mais me définissant moi-même comme un libéral modéré, dans la longue tradition française, je ne voudrais pas donner une connotation trop positive). Dans cette idéologie : (a) l’Etat est nécessairement oppresseur, un mal, une menace pour la liberté ; (b) l’impôt est nécessairement une spoliation injuste ; (c) la politique monétaire est nécessairement mauvaise, elle n’est qu’une "manipulation monétaire" ; (d) la régulation est nécessairement une atteinte à la liberté.

Perso j’apprécie intellectuellement la pensée libertarienne, la liberté est pour moi la première des valeurs, et Thoreau (le théoricien de la désobéissance civile, notamment) est un de mes maîtres à penser. Mais enfin, la plupart des gens considèrent qu’il est utile d’avoir un Etat, donc des impôts - dans la mesure où ils ne sont pas excessifs et permettent de financer des services publics bien gérés.

La vision extrémiste des auteurs se révèle particulièrement quand ils parlent des implications fiscales d’une économie "bitcoinisée" :

Rapport de l’Institut Sapiens a écrit :

Pour financer leurs dépenses, certains Etats pourront essayer de se procurer des cryptomonnaies autrement que par la fiscalité, s’ils estiment que c’est utile pour eux. Ils pourront essayer d’en acheter sur le marché contre des devises. Ils pourront aussi essayer de s’en procurer en échange de biens ou services (par exemple en vendant des actifs publics : infrastructures, biens immobiliers, parts dans des entreprises publiques, etc.). Enfin, ils pourront devenir producteurs en entrant dans l’industrie du minage. Ces solutions auront un coût économique et/ou politique majeur. Et s’ils ne parviennent pas à se procurer des cryptomonnaies alors que leur usage se répand, on peut prévoir que cela les obligera à diminuera drastiquement leurs dépenses car ils n’auront plus les moyens de les financer à la même hauteur avec des monnaies étatiques dévalorisées par cette concurrence.

C’est cool, ça ! On fait comment pour financer les écoles, la justice, l’armée, les prisons, une fois que l’Etat a tout vendu ? Le pompon c’est qu’ensuite les mêmes auteurs demandent aux autorités publiques une régulation "raisonnable" ! Ils devraient présenter leur rapport à Bercy, ils seraient bien reçus…

Ne parlez surtout pas d’ "évasion fiscale", dites "protection contre l’oppression fiscale" :-)

Rapport de l’Institut Sapiens a écrit :

Il est indéniable que les cryptomonnaies offrent une protection contre l’oppression fiscale qui atteint souvent des proportions de plus en plus incompatibles avec l’idéal d’une société libre et pacifique.

Une des faiblesses de la pensée libertarienne, c’est qu’elle considère que tout le monde est fort, "responsable", presque invulnérable : avec Hayek, il ne vaut mieux pas attraper la grippe :

Rapport de l’Institut Sapiens a écrit :

L’utilisation des cryptomonnaies a un effet responsabilisant : en cas de perte des clés privées, absolument aucun recours n’est possible. Aucune garantie d’Etat ne peut être sollicitée

Génial ! Et je fais comment si je perds la mémoire ? Si ma santé mentale flanche ? Si je meurs ? Comment transmettre mon patrimoine à mes proches ? Pas grave pour les auteurs, c’est comme ça, c’est "l’effet responsabilisant"…

2) Le rapport manifeste une certaine ignorance de l’histoire monétaire et une incompréhension du fonctionnement des devises fiat : Peut-être parce qu’à la base, les auteurs considèrent toute devise fiat comme fondamentalement mauvaise, ils ne font pas l’effort intellectuel de comprendre les raisons de la force de ces devises :

- Le sous-jacent d’une devise fiat, ce n’est pas la coercition de l’Etat, contrairement à ce que disent bêtement les auteurs : si c’était le cas, les dictatures auraient les devises les plus fortes. Or, c’est exactement le contraire : les régimes dictatoriaux sont souvent victimes d’une perte de confiance des citoyens dans leur monnaie et d’une dollarisation clandestine de leur économie.

- Le premier "sous-jacent" d’une devise fiat, c’est la crédibilité d’une banque centrale indépendante : Les auteurs occultent totalement l’indépendance des banques centrales, le fait qu’elle est garantie par un mandat légal qui les oblige à maintenir la stabilité des prix - alors même que le mouvement général vers l’indépendance des banques centrales fait suite à la critique de penseurs et économistes comme Friedman, Hayek et Rothbard, qu’ils citent dans leur rapport ! Mais, en libertariens extrémistes, ils considèrent sans doute cette indépendance vis-à-vis de l’Etat comme un artifice.

- Les grandes devises fiat n’ont jamais été aussi fortes qu’actuellement : Il y a une faille logique énorme dans le constat fait par le rapport : selon les auteurs, "Les politiques monétaires ultra-expansionnistes créent de nouveaux risques et font peser des doutes croissants sur la capacité des monnaies étatiques à conserver la valeur et donc à jouer leur rôle de monnaie saine", et "S’agissant des conséquences inflationnistes des politiques monétaires contemporaines, même si elles sont souvent niées, elles sont bien réelles." Ils oublient juste (volontairement ou pas, je ne suis pas sûr) un petit détail : si l’euro ou le dollar US ne sont pas crédibles, où est l’hyper-inflation ? L’inflation est la mesure de crédibilité des devises fiat, et aux USA comme en Europe, elle est extrêmement stable : c’est un démenti formel de tous les délires des auteurs (très répandus parmi les fans de cryptos) sur le manque de crédibilité des devises fiat. Où sont les "désastres monétaires" dont parlent les auteurs ? La réalité des chiffres, c’est que depuis le début des années 1980, les banques centrales ont durablement vaincu l’inflation.

- Les auteurs ne comprennent pas le QE, ou la politique monétaire, en général : "L’excès de liquidité mondiale continue à s’aggraver, avec l’incapacité des Banques Centrales à le résorber". Ce n’est pourtant pas compliqué de comprendre que cet excès de liquidité est entièrement volontaire : il résulte de la volonté des banques centrales d’injecter massivement de la liquidité pour en diminuer le coût, par le QE. Mais bon, pour les auteurs c’est un détail, puisqu’ils assimilent toute politique monétaire à une "manipulation monétaire".

3) Le rapport fait un éloge pour le moins étrange de la déflation et de la décroissance :

- Selon les auteurs, la déflation "n’est pas mauvaise en soi", c’est "plutôt un grand promoteur de la liberté". Yorick de Mombynes et Gonzague Grandval vivent sans doute dans des milieux où le concept de dette est lointainement exotique. Ce n’est pourtant pas très compliqué de comprendre qu’une déflation prolongée peut faire exploser la charge réelle de dette des plus pauvres, notamment s’ils consomment des biens dont les prix sont plus rigides que le reste des biens (ce qui est souvent le cas, pour des produits de première nécessité). Mais bon, quand on est libertarien, on ne se soucie pas trop des classes laborieuses, berk…

- S’agissant de la décroissance, je suis à 100% d’accord avec les auteurs, je pense aussi qu’une "bitcoinisation" de l’économie l’empêcherait de croître, ce qui est sans doute moins problématique quand on s’appelle Gonzague et Yorick que pour le reste de la population (je taquine un peu, hein) : "Les adeptes des théories de la décroissance pourraient être intéressés par le fait que le bitcoin semble rendre impossible une partie des mécanismes qu’ils critiquent, fondés sur la multiplication du crédit et la recherche permanente de croissance économique". Quid si je suis pauvre et que je cherche juste un crédit pour un logement pour ma famille ou pour ma micro-entreprise ?

4) Les auteurs ne comprennent manifestement pas ce qu’est une bulle, et tout leur argumentaire est typique d’une bulle :

- Selon eux, "Le bitcoin a déjà connu plusieurs bulles et y a survécu", "Une véritable bulle n’a lieu qu’une fois" : ah bon ? Ce n’est pas possible des corrections temporaires dans la période de formation d’une bulle ? Je découvre quelque chose…

- "Soit plusieurs millions de personnes sont en train de lourdement se tromper, et avec obstination encore, car ils recommencent et recommencent en permanence… soit il y a une vraie valeur sous-jacente au système Bitcoin" : oui, absolument, plusieurs millions de personnes peuvent se tromper complètement, on l’a vu plusieurs fois à bien plus grande échelle que pour le bitcoin (perso j’ai tendance à penser que plus le troupeau est nombreux, plus il est bête). Argument typique d’une bulle.

- "La présente étude ne prend pas position sur le fait de savoir si le bitcoin traverse (ou a traversé) une bulle ou non. En revanche, les prix Nobel d’économie et autres « experts » ne sont probablement pas les mieux placés pour faire des prédictions sur le sujet. Bitcoin représente quelque chose de technologiquement totalement nouveau, largement en dehors de leur expertise habituelle : il constitue une réelle « discontinuité »" : alors ça, c’est l’argument par excellence qui indique une bulle : "écoute, coco, t*u ne comprends rien, c’est tout nouveau, c’est disrupteur…" Le fait que les auteurs expliquent cela aussi naïvement alors qu’ils essaient péniblement de convaincre qu’il n’y a pas de bulle me ferait presque sourire.

- "Il n’y a pas de valeur économique « fondamentale » ou « intrinsèque ». La valeur des choses ne résulte que de l’appréciation subjective des individus et des comparaisons qu’ils effectuent avec d’autres biens." Encore un magnifique argument typique d’une bulle. Si, si, tout actif a bien une valeur intrinsèque : c’est la confrontation des opinions diverses des participants de marché sur cette valeur intrinsèque qui donne le prix de marché (si tout le monde a la même évaluation de la valeur intrinsèque, il n’y a pas de marché !)

- "Les bulles ne sont toxiques que si elles contaminent le système bancaire, ce qui n’est pas le cas avec les cryptomonnaies." Il ne reste plus qu’à en convaincre Jean-Kevin, qui a quitté son job, liquidé son livret A et pris un crédit conso pour acheter du bitcoin à 20 000$…

- "Plutôt que de bulle des cryptomonnaies, on devrait parler de bulle sur les marchés financiers et d’effondrement des monnaies étatiques par rapport à leurs concurrentes des différentes blockchains" : étrangement, l’euro et le dollar US ne "s’effondrent" pas en termes réels, par exemple contre une baguette de pain, contre une voiture, etc. Alors que la baguette de pain "s’effondre" face au bitcoin… Mais non, il n’y a pas de bulle :-)

- Le pompon : selon les auteurs, il n’y a pas de bulle, puisque on n’a jamais réussi à "démontrer" quantitativement que la valeur de marché du bitcoin est supérieure à sa valeur intrinsèque ! La "charge de la preuve" repose donc sur les sceptiques, et non sur les apôtres du bitcoin… Et si je dis que la valeur intrinsèque du bitcoin comme monnaie est zéro (puisque le bitcoin ne remplit aucune des conditions d’une monnaie, selon la définition traditionnelle) et que la valeur intrinsèque du bitcoin comme actif est zéro (puisqu’il n’y a pas de dividendes) : ça compte, comme "démonstration" ?

5) Le rapport souligne involontairement des faiblesses majeures du bitcoin :

- Selon les auteurs : "Soit les efforts de recherche technique en cours dans l’écosystème aboutiront et permettront la scalabilité de Bitcoin. Soit d’autres cryptomonnaies, avec des caractéristiques différentes, s’imposeront." Je suis bien d’accord avec ça, et c’est un problème majeur si le bitcoin aspire à devenir une monnaie. Les agents économiques acceptent de prêter et d’emprunter en euro parce qu’ils savent que l’euro existera dans 1 semaine, 1 an, 20 ans, et que sa valeur demeurera relativement stable (mandat de la BCE). Impossible de dire la même chose du bitcoin, puisque, les auteurs l’admettent, il est tout à fait possible qu’il se fasse supplanter du jour au lendemain par une technologie supérieure (et ce jour-là, sa valeur sera incontestablement zéro). Les auteurs ne comprennent pas que l’"irréversibilité" d’une monnaie est essentielle à son acceptation par les agents économiques !

- Les auteurs expliquent bien la "rigidité" du bitcoin : "Les règles ne sont modifiées que lorsqu’il y a une adhésion générale, une véritable conviction collective que le changement améliorera nettement le système." Ce qu’il voit comme un avantage est en réalité une faiblesse : ce nécessaire consensus pour toute évolution du bitcoin sera un problème lorsqu’un challenge technique ou économique majeur se présentera. Pour les devises fiat, au contraire, les banques centrales, tout en étant liées par un mandat légal clair, peuvent utiliser un large et flexible arsenal de mesures pour préserver la stabilité des prix.

- Les auteurs font l’éloge de la "politique monétaire du bitcoin" (c’est-à-dire la création monétaire déterminée ex ante selon un calendrier bien défini), sans comprendre que ce genre de politique monétaire s’est révélé, à l’expérience, moins performant que les modèles actuels de politique monétaire. Ces modèles quantitatifs de politique monétaire sont encore pratiqués dans des pays pauvres (qui n’ont pas trop le choix en raison de l’absence de marché monétaire) : en Europe ou aux USA ils ont été abandonnés depuis longtemps au profit de modèles plus performants pour maintenir la stabilité des prix (ciblage d’inflation, ciblage du taux d’intérêt).

- Le supposé "triple sous-jacent" du bitcoin - réseau sécurisé, écosystème industriel, communauté - me paraît bien fragile. La moindre remise en cause de la sécurité du bitcoin signerait son arrêt de mort, alors qu’une bonne monnaie doit être résiliente aux chocs. L’"écosystème industriel" (où les escrocs ne sont pas rares, manifestement) me semble bien limité, et la communauté n’hésitera pas à changer de navire si une crypto avec une technologie supérieure au bitcoin apparaît.

6) L’argument selon lequel le bitcoin serait "anti-fragile" et immune aux mesures d’interdiction est absurde : selon les auteurs, toute mesure d’interdiction serait inefficace, car "le capital est mobile", "personne ne peut techniquement arrêter Bitcoin", il faudrait "bloquer tout accès à Internet", et cela aurait "pour effet de faire basculer dans le marché noir une plus grande proportion d’activités économiques". On bien a le droit d’être libertarien, mais quand on rédige un rapport il faut arrêter la fumette : il me faudrait à peu près 10 minutes pour pondre un règlement d’interdiction absolue et complète des cryptos - et il serait évidemment appliqué. Il comprendrait, par exemple, l’interdiction de la convertibilité des cryptos en euros (dans les 2 sens), la fermeture de tout compte bancaire pour les acteurs du marché des cryptos, le déclenchement d’enquête TRACFIN systématique pour tout flux bancaire suspect (possiblement lié à des gains sur cryptos), et des peines de prison pour les contrevenants. Je ne comprends même pas l’argument des auteurs : même avec des moyens de contrôle limités pour l’Etat, 99% des citoyens et 99.9% des entreprises veulent respecter la loi, et ils se plieraient à une interdiction même sans contrôle, même sans menace. Pas sûr que le bitcoin soit si "anti-fragile" que ça face à une telle réglementation :-)

7) Les auteurs ne manquent pas d’air quand ils demandent aux régulateurs d’"adopter une attitude raisonnable" : "Il convient de maintenir aussi faible que possible le poids de la fiscalité et des obligations réglementaires pesant sur les entrepreneurs, les investisseurs, les créateurs et les consommateurs." OK, mais pourquoi ? Les auteurs nous expliquent pourquoi les cryptos vont affaiblir l’Etat, et ensuite ils demandent à l’Etat d’être sympa…

Voilà, vous l’avez compris Licha, je ne suis pas entièrement convaincu par ce rapport. Gonzague et Yorick ont encore un peu de travail avant de présenter leurs propositions à Bercy et à la BCE :-)

Dernière modification par Scipion8 (24/02/2018 19h58)

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6    #9 17/09/2018 22h46

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Bonsoir,

Je continue avec le text mining de cette file.

Le graphique ci-dessous (pour plus d’infos cherchez « wordfish text mining » sur Google) permet de voir quels sont les mots les plus discriminants de cette file.



L’axe des ordonnées (psi) est représentatif de la fréquence des mots : plus psi est important plus la fréquence du mot est élevée.
L’axe des abscisses (beta) représente le poids des mots. Pour faire très simple, un mot avec un beta de 0 est neutre : il ne permet pas de différencier les posts. Un mot beta très fort ou très faible est « clivant ».

On remarque que les mots à beta faibles sont du champ lexical « macro-économie / régulation / politique monétaire » -> compréhension
Les mots à beta forts sont du champ lexical « trading / altcoins / minage / imposition » ->$$$

PS1: j’ai filtré les mots afin de ne pas conserver les mots trop rares.

A partir du même modèle « wordfish », il est possible de différencier les auteurs des posts.  Cette différenciation est traduite par la variable theta qui représente la position idéologique de l’auteur.

On devrait retrouver aux extrêmes les membres ayant beaucoup parlé "macro" et ceux ayant beaucoup parlé "$$$".

Graphe supprimé (voir ce message ici)

PS2 : le classement des membres ayant écrit peu de mots n’est pas représentatif

Est-ce que certains membres ayant beaucoup postés pourraient me dire si le classement leur semble +/- ok ? (je n’ai pas suivi la file)

InMyselfITrust

Dernière modification par InMyselfITrust (19/09/2018 14h02)

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Favoris 2    7    #10 08/01/2021 13h21

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Mes réflexions sur la hausse du Bitcoin et ce que ça indique peut-être sur la situation de marché, plus généralement :

1) Pendant une bulle, et plus encore dans sa phase finale, les actifs dont la valeur intrinsèque est la plus incertaine s’apprécient plus vite encore que tous les autres.

Dans une phase de panique, les valeurs intrinsèques des actifs servent d’"ancre" aux prix des actifs : au fur et à mesure que les cours baissent en-deçà des valeurs intrinsèques, la force "gravitationnelle" de rappel vers la valeur intrinsèque augmente - freinant ainsi la baisse (par le jeu des investisseurs arbitragistes).

Dans une phase d’euphorie, cette force gravitationnelle des valeurs intrinsèques joue aussi : les investisseurs comparent par exemple les ratios de valorisation actuels avec leurs moyennes historiques, et ce raisonnement exerce une force de rappel, freinant la hausse.

Quand la valeur intrinsèque d’un actif est très incertaine, ce mécanisme de "rappel" contracyclique fonctionne moins bien. C’est pour cela, à mon sens, qu’on voit décoller actuellement des actifs dont la valeur intrinsèque est au minimum incertaine (par exemple Tesla, une entreprise prometteuse mais aujourd’hui valorisée de façon très optimiste - je suis actionnaire), alors que des valeurs de grande qualité au track-record bien connu (LVMH, Visa/Mastercard, Amazon…) évoluent bien plus modérément.

Dans le cas du Bitcoin, la valeur intrinsèque est plus qu’incertaine : elle est très douteuse. Le cours du Bitcoin s’envole parce qu’il est la plus pure réflexion de l’euphorie actuelle sur les marchés, sans qu’aucune valeur intrinsèque ne freine ce décollage.

Ce phénomène d’explosion à la hausse des prix des actifs les plus douteux est à mon sens caractéristique d’une bulle. Toute la question étant de savoir s’il s’agit d’une nouvelle bulle "locale", limitée aux cryptos (comme celle de 2017, ou encore celle de 2018 sur les actions cannabis etc.), ou s’il s’agit d’une bulle plus massive. Quand je rapproche les dernières IPO, l’évolution du cours de Tesla ces dernières semaines, etc., de la hausse du Bitcoin, je penche pour une bulle généralisée, en formation (même si la prime de risque du marché actions US, à 5%, ne l’indique pas vraiment).

2) Le Bitcoin a échoué comme monnaie, mais est perçu comme une réserve de valeur alternative par des investisseurs particuliers et institutionnels, dans un contexte de QE massifs et de crise de la démocratie.

Je ne crois pas que l’émergence des cryptomonnaies "anarchiques", le Bitcoin en particulier, au moment de l’introduction généralisée de QE (par la Fed à partir de 2008 et la BCE à partir de 2015, suivant l’exemple de la BoJ), soit une coïncidence : à mon sens le Bitcoin est largement le fruit des doutes et des incompréhensions d’une partie du public sur la politique monétaire non-conventionnelle rendue nécessaire par la menace d’une déflation.

Avec la crise du coronavirus, les banques centrales ont largement amplifié leurs QE, et l’on voit maintenant une nouvelle bulle sur le Bitcoin.

Les taux ultra-bas (voire négatifs) et le QE sont devenus des outils "standard" pour les banques centrales - et leur mécanisme est assez simple (face au risque d’une déflation, quand une banque centrale ne peut plus baisser le prix de la monnaie par une baisse du taux directeur, elle n’a d’autre choix que d’augmenter la quantité de monnaie) - mais ces mesures nécessaires dépassent la capacité de compréhension économique d’une partie du public (évidemment, ça pose aussi question sur la capacité de communication et de pédagogie des banques centrales).

Alors que nous risquons une déflation à la japonaise, le QE suscite des craintes sur une dévaluation des devises fiat, c’est-à-dire une hyper-inflation, le risque exactement inverse.

A cette incompréhension de la politique monétaire s’ajoute des soupçons généralisés contre toutes les sources d’autorité : les politiques, les médias, les experts - la suspicion contre les banques centrales n’en étant qu’un avatar. Il s’agit d’une profonde crise de la démocratie, illustrée par la montée de l’abstention électorale, le succès politique des démagogues, la tentation sécessionniste de pans entiers de la société ne se sentant plus représentés par le système démocratique, et dramatiquement illustrée le 6 janvier par l’attaque par des partisans extrémistes de Trump (arborant des drapeaux sécessionnistes - au sens propre) contre le Capitole le 6 janvier.

Dans ce contexte, acheter du Bitcoin est à la fois un moyen de se couvrir contre un risque qui n’existe pas aujourd’hui (une dévaluation des devises fiat) et un vote de défiance contre la démocratie, dont la monnaie (fiat) est un symbole et un rouage essentiel.

Initialement, ce vote de défiance contre les devises fiat et/ou la démocratie était le fait d’une petite minorité d’investisseurs particuliers (libertariens etc.), mais on voit que cette attitude se propage aussi à des investisseurs institutionnels.

Le paradoxe est que le Bitcoin a clairement échoué comme monnaie : beaucoup trop instable, il ne peut être utilisé comme unité de compte ni comme standard de paiement différé, et n’est guère utilisé comme moyen d’échange (3 fonctions essentielles d’une monnaie). Reste la 4e fonction : celle de réserve de change. On peut le regretter, mais pour une partie de la population (certes très minoritaire), le Bitcoin est perçu comme une réserve de valeur et une protection contre les risques des devises fiat.

Cela me fait penser aux systèmes monétaires bimétalliques, où, en application de la loi de Gresham ("la mauvaise monnaie chasse la bonne"), le métal précieux perçu comme le moins sûr était utilisé dans les échanges économiques, alors que le métal précieux perçu comme le plus rare et le plus sûr était thésaurisé.

Sur le long-terme, l’émergence probable des CBDC (Central Bank Digital Currencies, par exemple des euros ou des dollars numériques) va finir de détruire la fiction d’un Bitcoin (et autres cryptos anarchiques) comme "monnaie", car les CBDC permettront des échanges instantanés, sans frictions et sans coûts, et de façon totalement sécurisée, règlant directement toutes les critiques contre les moyens de paiement actuels.

Néanmoins, les CBDC resteront gérées par les banques centrales, et ce seront donc des devises fiat. L’argument du Bitcoin comme réserve de valeur échappant aux "manipulations" supposées des banques centrales ne va donc pas forcément disparaître avec l’avènement prochain des CBDC.

3) Pour résumer les motifs principaux pour acheter du Bitcoin aujourd’hui :
a) véhicule de spéculation (le Bitcoin n’étant qu’un support comme un autre)
b) moyen d’échange (utile surtout pour des activités économiques illégales : drogues, ransomware etc.)
c) réserve de valeur alternative face aux QE à répétition des banques centrales
d) vote de défiance contre la démocratie

Le motif (b) apparaît désormais comme une fiction : le Bitcoin n’est pas une monnaie - hors activités illégales. Le motif (d) reste sans doute le fait d’une petite minorité (libertariens). Aujourd’hui, les motifs (a) et (c) dominent sans doute largement. Ils sont de nature différente, ce qui rend difficile la prévision du cours du Bitcoin : la spéculation durera jusqu’à ce que la bulle éclate (pas simplement sur les cryptos), en revanche l’usage comme réserve de valeur alternative risque de se prolonger durablement, tant que durent les QE (et à mon avis, ça risque de durer, dans un contexte global déflationniste).

4) La conclusion pour l’investisseur "agnostique" (i.e. sans biais idéologique et avec un simple objectif financier) est qu’il est sans doute très risqué de surfer sur cette bulle (ce n’est pas un scoop), mais que l’usage du Bitcoin comme réserve de valeur alternative pour une minorité (manifestement croissante) du public crée une "valeur intrinsèque" pour le Bitcoin.

Comme pour l’or, cette valeur intrinsèque du Bitcoin comme réserve de valeur alternative est très difficile (voire impossible) à évaluer : l’ensemble de l’or extrait de la Terre depuis la nuit des temps (environ 200 000 tonnes) est actuellement valorisé environ 12 000 milliards $, contre près de 800 milliards $ pour le Bitcoin et 1100 milliards $ pour l’ensemble des cryptos anarchiques. L’or a évidemment pour lui une histoire millénaire d’usage comme réserve de valeur, alors que le Bitcoin, qui n’a pas fait ses preuves comme réserve de valeur pendant des crises majeures, a pour lui une plus grande adaptation à un environnement économique de plus en plus numérique (même si on peut aussi voir cela comme une faiblesse).

On pourrait éventuellement essayer d’évaluer la population considérant l’or comme réserve de valeur incontournable (sur la base des chiffres de détention d’or, de la consultation des sites et médias des gold bugs etc.) et la comparer avec la population considérant le Bitcoin comme réserve de valeur : actuellement, il n’y a qu’environ 3 millions d’adresses Bitcoin avec plus de 0,1 BTC (soit >4k$ actuellement), mais il est difficile de dire si cela représente plus ou moins de personnes, compte tenu de la possibilité pour une personne d’utiliser des adresses multiples, et du fait que certaines personnes détiennent des Bitcoin sans adresse personnelle, via des acteurs institutionnels.

Perso, je détiens près de 0,7 BTC à titre purement spéculatif (le motif (a)) : une position initiée en octobre car je pressentais l’accélération de la bulle. Néanmoins je ne détiens pas ces BTC directement, mais via des véhicules me donnant une exposition indirecte au Bitcoin :
- 500 parts GBTC (Grayscale Bitcoin Trust), équivalant à 0,47 BTC : valorisées 22,5k$ (PV +8,3k$, +59%)
- 20 actions MicroStrategy (une société informatique investissant une large part de sa trésorerie en BTC), équivalant à environ 0,2 BTC : valorisées 11,0k$ (PV +6,8k$, +162%)
- 50 actions Silvergate Capital (une banque spécialisée dans les cryptos) : valorisées 3,7k$ (PV +1,9k$, +109%)

Soit une poche de 37k$ (minime à l’échelle de mon portefeuille), avec plus de 17k$ de PV en quelques semaines (je m’attendais à ce que ça monte, mais quand même pas à ce point). Évidemment, je suis tenté de liquider ou d’alléger cette poche, mais la nature duale du Bitcoin (véhicule de spéculation à court-terme + réserve de valeur alternative pour une partie de la population, même si je suis en désaccord économique et politique avec elle) me fait un peu hésiter.

Dernière modification par Scipion8 (08/01/2021 14h19)

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6    #11 09/04/2021 15h11

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Arnaud13 a écrit :

C’est usant à force. Je vois qu’ici ça n’a pas changé depuis 2017. Vous prenez l’AMF comme référence… je rigole doucement. Prenez notre cher ministre de l’économie comme référence sur le sujet pendant que vous y êtes… 😂😂

Allez je vous laisse on en reparle dans quelques années quand la France aura pris encore 5 ans de retard sur les US et viendra se plaindre que les grands acteurs ne sont pas français/européens…

Que cela vous plaise ou non, une révolution est en marche et elle ne va pas s’arrêter comme cela, il est trop tard.

Je vais prendre une référence peut-être plus fiable que l’AMF s’agissant de l’appréciation des risques sur les cryptos : vous :

Arnaud13, le 14/01/2018 a écrit :

Depuis quelques années j’ai investi dans différents domaines: automobile de collection (pour me faire un premier capital), immobilier locatif (pour profiter du levier des crédits à taux bas), et depuis peu bourse (très petites sommes pour m’y remettre après des déconvenues en 2007/2008) et crypto monnaies pour "profiter des hausses actuelles tant que ça marche".

Arnaud13, le 25/01/2018 a écrit :

D’un coté j’ai un peu de cryptomonnaie pour l’aspect purement spéculation (un peu comme si j’allais au casino…). Si un jour je n’en tire pas un bénéfice financier, j’aurais au moins bénéficié d’une formation accélérée en AT et en gestion du stress… :-)

Arnaud13 a écrit :

Petit retour d’expérience : en 2018 j’ai "pris des coups", certaines de mes valeurs, dont j’étais persuadé de la viabilité du projet, ont perdu 90% ou ont disparus….

… ce qui ne vous empêche d’affirmer ceci :

Arnaud13 a écrit :

Certains actifs crypto ne sont pas plus douteux OU très risqués que les actions classiques ou l’immobilier.

On n’a sans doute pas exactement la même notion du risque, mais en tout cas :

1) Pour 99,9% des gens, l’argent est un sujet sérieux, pas un jeu : ça a un impact bien réel sur la vie des gens, sur leurs projets, sur leurs familles. La plupart des gens veulent bien sûr des placements les plus performants possibles, mais dans une limite de sécurité qui n’est sans doute pas la vôtre.

2) L’AMF est justement chargée d’éclairer les risques des différents placements. L’AMF ne dit pas autre chose que vous sur les cryptos quand vous parlez de "casino".

3) Si l’on considère la volatilité comme une mesure du risque, alors les cryptos sont beaucoup, beaucoup plus risquées que les actions.

4) Les cryptos ne sont pas un marché régulé, ce qui expose objectivement les investisseurs à des arnaques, manipulations de marché etc., bien plus que sur un marché régulé comme les actions.

5) L’un des indicateurs comportementaux les plus fiables d’une "bulle", c’est quand les promoteurs de la vogue déclarent que c’est une "révolution", un "nouveau paradigme", et que les acteurs établis n’y comprennent rien - sans étayer leur discours par d’autres arguments que "ça va monter parce que ça monte". Je serais très intéressé par tous arguments qui expliqueraient les extraordinaires contributions des cryptos actuelles à l’économie réelle, mais malheureusement "ceux qui ont compris" ont du mal à articuler ces arguments - peut-être parce qu’ils n’existent pas ?

Arnaud13 a écrit :

En 2018 quand on parlait cryptos ici on se faisait systématiquement critiquer par les anciens du forum. C’était vraiment usant à force. Du coup j’avais quitté le forum.

Non. Là vous réécrivez l’histoire. Si vous regardez l’historique de cette file, vous verrez que ceux qui faisaient la promotion des cryptos fin 2017, en même temps que Nabilla, ont soudainement disparu en 2018-2019 non pas parce qu’ils seraient "persécutés" par les questions tellement pénibles sur ces concepts superflus et obsolètes de valeur intrinsèque, régulation et risque, mais parce qu’ils se sont fait lessiver massivement - et qu’ils avaient honte et/ou que les arguments publicitaires auraient beaucoup de mal à passer dans ce contexte. Avec le printemps, les hirondelles reviennent, comme reviennent les arguments publicitaires lorsque se regonfle la bulle. ça ne change rien à la réalité économique des actifs en question, et aux risques qu’ils présentent pour les investisseurs.

Dernière modification par Scipion8 (09/04/2021 15h40)

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5    #12 11/04/2021 01h50

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dangarcia, le 10/04/2021 a écrit :

Ririsama a écrit :

Vous comparez une action à une cryptomonnaie, cela n’a pas de sens…

J’essaie de comprendre ce qui sous-tend la valorisation des cryptomonnaie, de la même façon que j’ai pris le temps de comprendre ce qui sous-tendait celle des actions et de l’immobilier avant d’y investir.

Concernant les tokens, je comprends ça comme du capital risque dérégulé. Une entreprise qui veut lever du capital sans s’astreindre aux exigences réglementaires d’une entrée en bourse, ni même à la due diligence d’un capital risker, peut collecter directement auprès des petits porteurs. Suis-je sur la bonne voie ?

Bonjour dangarcia,

La principale différence entre une action et une ‘cryptomonnaie’ est justement que chaque cryptomonnaie devrait être appréciée selon un modèle de valorisation propre (je trouve qu’en ce sens le terme de cryptoactif serait plus adapté). Je ne parlerai donc ici que de deux blockchains que je connais : Bitcoin et Ethereum.

Pour les cryptoactifs dont la seule fonction est l’échange de jetons je suis entièrement d’accord avec vous qu’il est assez compliqué de leur attribuer une ‘valeur intrinsèque’. C’est le cas du Bitcoin par exemple dont je n’ai personnellement jamais réussi à comprendre la valeur en dehors de la prouesse technique initiale. Mais finalement c’est aussi le cas de l’or qui, en dehors de quelques cas d’usage concrets, ne justifie absolument pas son cours s’il n’était pas utilisé en tant que ’réserve de valeur’.

Mais pour d’autres blockchains dont la fonction est l’exécution de smart contracts (une technologie qui je pense a le potentiel pour remplacer à terme une bonne partie des intermédiaires financiers), celles-ci peuvent à mon sens être ‘valorisées’ selon un modèle hybride entre celui des actions et celui des commodities. En prenant l’exemple de la blockchain Ethereum et de son token Ether, par exemple :

- Le token Ether se comporte par certains aspects comme une commodity : Le token sert au paiement des frais d’utilisation du réseau (comme on achète de l’essence ou de la bande passante internet). Etant donné que la quantité de token est limitée (115 millions), plus le réseau est utilisé, plus la demande est importante et plus sa valeur augmente (loi de l’offre et de la demande).

- Le token Ether est également amené à se comporter comme une action, à horizon 1 ou 2 ans : La blockchain Ethereum est censée migrer d’un fonctionnement de type ’proof-of-work’, comme le Bitcoin, à un fonctionnement de type ’proof-of-stake’. En plus de réduire drastiquement l’emprunte carbone associée au ‘minage’, ce ne seront plus les mineurs qui récupéreront les fees d’utilisation du réseau, mais les stakers. En ‘nantissant’ une certaine quantité d’Ether, les détenteurs participeront à la sécurisation du réseau et récupéreront en contrepartie des fees, que l’on peut comparer à des dividendes.

A aujourd’hui, les fees d’utilisation quotidienne du réseau sont autour de 20 M$/jour soit, à usage constant, 7,3 Mds$/an (source : Crypto Fees), que l’on peut assimiler à du ‘résultat net’. Soit un P/E de 33 à la capitalisation actuelle de 245 Mds$.

Ces fees reviendront à terme aux ‘stakers’, donc aux détenteurs de tokens Ether. Libre à chacun de juger si le niveau de valorisation actuel est justifié ou non et si l’utilisation du réseau est amenée à augmenter ou diminuer, mais quoi qu’il en soit le ’P/E’ actuel n’est finalement pas si éloigné de ce que l’on peut observer pour des actions de sociétés tech.

En espérant avoir été clair, je voulais surtout souligner que toutes les cryptos ne sont pas à mettre ‘dans le même panier’ et que, même s’il s’agit d’investissements très risqués comme ont pu l’être les sociétés de la bulle Internet, certaines ont des ‘fondamentaux’, et il ne fait pour moi aucun doute que parmi celles-ci se trouvent les Amazon et les Google de demain, la question étant bien sûr de pouvoir identifier le bon cheval…

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Favoris 1    4    #13 11/04/2021 23h29

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Scipion8 a écrit :

@dangarcia : Effectivement, les discours actuels autour des cryptos rappellent beaucoup ceux sur internet lors de la phase d’émergence (et de bulle) en 1995-2000. Dans un contexte de grande incertitude sur le potentiel d’une technologie nouvelle, c’est inévitable que les discours excessifs et les promesses d’enrichissement mirifique dominent. Mais au moins en 1995-2000, on pouvait commencer à voir émerger une utilité (même si c’était très compliqué de la valoriser) : Amazon et Yahoo ont été créés en 1994, Google en 1998… J’ai du mal à voir l’équivalent aujourd’hui sur les cryptos (c’est pour ça que je pose sans succès des questions sur la substance réelle des "projets"), mais effectivement nul n’est devin.

Je n’ai pas pu résister à partager un petit extrait sur un sujet qui va sans aucun doute parler à certains membres du forum : Amazon 1997 Sears - YouTube

Contrairement à ce que vous affirmez, les blockchains ont déjà des applications concrètes, même si elles ont encore peu de liens directs avec le monde réel et sont surtout peu utilisées par le plus grand nombre, probablement en raison d’une réglementation encore floue et de la relative ’technicité’ nécessaire : il faut clairement être un peu geek, comme il faillait être geek pour utiliser Internet en 1995 si vous vous en souvenez : e-mail, e-commerce, etc. étaient clairement loin d’être ’mainstream’.

A mon sens la vraie valeur ajoutée d’une blockchain c’est la suppression de l’’intermédiaire de confiance’ dans l’univers financier, et les cas concrets sont déjà bien plus développés que vous ne le pensez :
- Transfert sécurisé et à peu de frais d’argent ’fiat’ (stablecoin) : USDC (Visa intègre le stablecoin USD Coin dans son réseau de paiement - Les Numériques), DAI, USDT, SEUR, etc.
- Prêt hypothécaire : MakerDao (MakerDAO | An Unbiased Global Financial System)
- Livret bancaire : Aave (Aave ? Open Source DeFi Protocol)
- Exchange : Uniswap (Uniswap Interface)
- Produits dérivés : dydx (dYdX)
- Asset management : Enzyme finance (Enzyme Finance ? On-chain Asset Management), Yearn Finance (yearn.finance)
- Place de marché : Opensea (opensea.io)
- Paris en ligne : Augur (Augur - The World’s Most Accessible, No-Limit Betting Platform)
etc, etc.

Les applications restent très financières et l’utilisation de ces produits est encore assez ’technique’ pour le citoyen moyen (encore que c’est beaucoup mieux qu’en 2017), mais prétendre qu’à aujourd’hui il n’y a ’pas d’applications concrètes’ est tout simplement faux, et ressemble beaucoup aux discours tenus aux prémices d’Internet (cf vidéo ci-dessus).

Le point que je partage avec vous Scipion est que l’excitation actuelle sur le forum montre que nous sommes déjà dans un bull market bien avancé et que tôt ou tard cela se terminera par un crack : donc prudence pour les nouveaux arrivants, ce n’est pas le moment d’y placer toutes vos billes !

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Favoris 1    5    #14 12/04/2021 18h26

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Scipion8, le 11/04/2021 a écrit :

Pour moi, c’est là que le bât blesse pour l’Ethereum ou autres cryptos : quelle est l’activité économique sous-jacente ? Perso, je n’en vois pas, ou si peu. A lire certains messages ici, je vois que c’est exactement la même musique qu’en 2017 : on nous parle de "projets", sans jamais expliquer de ce qu’il s’agit, de l’utilité réelle que cela pourrait générer, dans la vie des gens (la vraie vie). Sans indication concrète de l’utilité réelle de ces "projets" (jamais détaillés) j’en conclus que ce sont des fariboles pour faire du pump & dump. Il me semble que les fans de cryptos utilisent le terme de "projet" comme les footballeurs professionnels : "J’ai rejoint le PSG pour son projet"… une bonne indication que c’est du flan.

A un moment donné, il faut comprendre qu’un actif, quel qu’il soit, doit être valorisé à hauteur de l’utilité réelle qu’il génère : la valeur qu’il génère dans la vraie vie, pour les vrais gens.

Mais allons-y, parlons des projets qui ont une utilité dans la vraie vie, pour des vrais gens.

Pour rester dans les infrastructures de paiements, je vous propose Ripple, connu en tant que système de règlement de paiement, d’échange d’actifs et de transfert de fonds (voyez cela comme SWIFT 2.0 si cela vous parle).

Ripple:XRP


Développement et financement

- Le protocole a été créé et est développé par une société privée (Ripple) en 2012, à San Francisco (Californie).
- Elle est financée par fonds privés (business angels dont Google Ventures, capital d’amorçage, capital risque dont Santander InnoVentures, Standard Chartered, Accenture, Seagate Technology pour les plus connus), et par la vente de tokens XRP.
- Outre la vente de tokens, les revenus de Ripple viennent des services fournis aux institutions financières et entreprises souhaitant intégrer Ripple, et le développement de logiciels pour intégrer Ripple et le XRP aux systèmes financiers existants.

Fonctionnement

- Il est basé sur un protocole internet distribué et open source, son token natif XRP, et un registre de consensus distribué permettant des validations indépendantes et à faible coût (contrairement au BTC qui fonctionne par preuve de travail). [1]
- Cette distribution fait qu’il peut  fonctionner sans la société Ripple (ou autre autorité centrale). Elle n’est cependant pas à l’heure actuelle décentralisée comme les autres cryptos, car dépendante de la volonté des utilisateurs du XRP de participer à la validation. Il n’y a actuellement pas de rémunération financière pour les valideurs incitant à une décentralisation poussée (contrairement à la plus part des autres blockchains). Les validateurs sont au nombre 167 aujourd’hui (versus 70 en mars 2018), parmi lesquels Ripple bien sûr mais aussi, des universités (parmi lesquelles celle de Tokyo, de Kyoto, du Kansas, MIT, Korea, Berkeley), des entreprises (par ex : CGI, Microsoft, Bahnof) et des particuliers [2].
Cette particularité divise la communauté, préférant une vraie décentralisation poussée par une rémunération des valideurs.
- Les XRP sont au nombre de 100 milliards, sont "pré-minés" (contrairement à la majorité des autres cryptos, ce qui divise encore la communauté) et divisibles au 1 millionième :
80 milliards sont destinés à la vente (45.9 milliards déjà vendus à ce jour, environ 35% aux exchanges, et 65% à des institutions financières).
20 milliards ont été conservés initialement par Ripple. Face à la contestation d’une partie de la communauté sur le taux de rétention élevé comparé aux pairs, Ripple a progressivement fait don d’une partie de sa réserve (mais Ripple possède encore 6.2 milliards à ce jour). [3]
-Le réseau est conçu pour prendre en charge n’importe quelle monnaie fiat ou crypto.

Régulation et risques juridiques

Le marché des cryptomonnaies est en grande partie dérégulé, et bien que les choses évoluent ces dernières années, cela représente évidemment un grand risque et un défi pour l’avenir des cryptos en général, et le Ripple n’y échappe pas :
- En 2015, le U.S. Attorney’s Office du district de Californie du nord lance une investigation criminelle contre Ripple, rejoint par le bureau du département du Trésor des États-Unis FinCen (Financial Crimes Enforcement Network) au civil, pour absence de conformité aux règles encadrant les entreprises de services monétaires, et particulièrement le manque de mesures anti-blanchiment. [5]
- Un accord est trouvé avec des amendes de 1.15 million USD au total et un plan de remédiation, comportant la mise place de mesures correctives pour assurer la conformité future (ICO via une entité enregistrée auprès de la FinCen uniquement, mise en place de processus KYC, etc.). [6]
- En 2016, Ripple obtient une BitLicense (business license pour les activités liées aux monnaies virtuelles dans l’Etat de NY). 
- En 2018, une class action se monte par des investisseurs ayant perdu de l’argent, considérant que l’XRP est une valeur mobilière et qu’elle aurait du être enregistrée auprès de la SEC pour les vendre en tant que telles. C’est le principe de l’ICO, Initial Coin Offering (utilisé par toutes les cryptos), qui est attaqué et pas de chance, cela tombe sur Ripple.
- La SEC poursuit fin 2020 Ripple et deux dirigeants à ce sujet fin 2020 [7].
Les procès n’étant pas terminés, je ne tirerais pas plus de conclusion, mais l’issue pourrait faire jurisprudence pour les autres cryptos, et réguler les ICO dans le futur.
Le manque de cadre juridique et de régulation (et les procès qui vont avec) sont logiquement un frein dans le développement de Ripple.

Frais, temps de transaction, volumes

- La market cap est d’environ 138 milliards USD à ce jour. Evidemment très fluctuante en USD compte tenu de la volatilité.
-Temps de transaction : environ 3.80 secondes à ce jour
- Frais : une fraction infime de XRP, quasi 0 USD à ce jour (l’équivalent de 0.0003897 USD à l’heure où j’écris)
Les frais ne sont pas gagnés par Ripple ni par quiconque d’ailleurs, mais définitivement détruits.
- Volume de paiements : l’équivalent d’un peu moins de 2 milliards USD quotidien ces derniers temps (1,4 milliards d’XRP ces dernières 24h - 95%, le reste en USD).
- Volume de trade sur les exchanges : 93 milliards de XRP (équivalent de 68 milliards USD) ces 30 derniers jours (contre de l’USDT, BTC en grandes proportions mais aussi ETH, USD, EUR, JPY). [4]

Uses cases

Si vous en êtes arrivés là, vous aurez compris que les uses cases tournent autour :
- des paiements (surtout cross-border/internationaux où les frais et les temps d’exécution sont aujourd’hui plus importants via les réseau classiques).
- des micropaiements (jeux, monétisation de contenu…)
- des services de change
- du trading

Beaucoup de services ne sont qu’à l’étape de l’expérimentation ou du test, mais quelques uns sont déjà développés :
- American Express FXIP : ajout de la possibilité de paiements instantanés des US vers UK (banque Santander uniquement pour l’instant) [8]
- Santander One Pay FX : service de change et de transfert internationaux instantanés [9]
- SCB Easy : service d’envoi de fonds déployé par la SCB (plus ancienne banque commerciale en Thaïlande) [10]
- Des service similaires de transferts internationaux développés avec des fintechs comme Sentbe et Cross ENF In.c (sud-coréennes), SBI Remit (japonaise), TransferGo (lithuanienne), et quelques autres.

En France, il n’y a que Crédit Agricole qui a effectué des tests sur des paiements transfrontaliers en CHF. [11]

Ripple est en partenariat avec d’autres institutions financières et banques (comme Bank of America récemment) mais pas de projet abouti divulgué au public pour l’instant (on imagine certainement des projets tournant autour des paiements internationaux instantanés). [12]

Avis personnel

Evidemment, le réseau n’est pas du tout mature et en phase d’adoption / développement (qui se conclura par un succès ou un échec? Je n’en sais rien).
Il est déjà utilisé pour les paiements mais on est bien d’accord, dans des proportions qui n’ont rien à voir et bien moindres que les réseaux traditionnels.
L’intérêt est évident pour les paiements internationaux compte tenu de la rapidité, sécurité et faible coût. Pour les paiements domestiques, c’est moins évident dans les pays développés qui ont déjà des solutions d’instant payments. Pour les pays émergents / en développement, c’est une solution qui pourrait séduire.
Comme pour la plupart des cryptos (et des nouvelles technologies de manière générale), la spéculation sur le Ripple est actuellement très importante, compte tenu des paris sur les perspectives et avantages du protocole.
Cela n’enlève en rien l’utilité existante (et future) de ce protocole, mais il ne faut pas occulter les risques.
Une valorisation importante n’en fait pas quelque chose d’utile, je suis d’accord avec vous Scipion8, mais n’en fait pas quelque chose d’inutile non plus.
En cas d’abandon de Ripple, les tokens retomberaient à 0 (ou pas loin). Le plus grand risque étant que les régulateurs tuent Ripple (cf. section Régulation et risques juridiques).

À titre personnel, c’est trop risqué à mon goût et j’attends que la poussière retombe avec la SEC.

Avertissement

Ceci n’est pas un conseil d’investissement.
J’ai pris l’exemple du Ripple car les uses cases sont assez faciles à comprendre, et parce que je n’en ai pas et ne peux pas être accusé de pump & dump.
Mon exposition aux cryptomonnaies est très faible (quelques centaines d’euros sur un patrimoine à 6 chiffres).
Les cryptomonnaies sont très volatiles et risquées.
N’investissez pas l’argent dont vous avez besoin, et je dirais même seulement l’argent que vous êtes prêt à perdre.

Sources
[1] The Ripple Protocol Consensus Algorithm
[2] CGI advances blockchain adoption with implementation of Ripple Validator Node
MIT Adopts Ripple Validator to Advance Consensus and Blockchain Research
Azure Blockchain as a Service update
[3] XRP Market Metrics
[4] Données en temps réel sur XRP Charts
[5] FinCEN Fines Ripple Labs Inc. in First Civil Enforcement Action Against a Virtual Currency Exchanger
Ripple Labs Inc. Resolves Criminal Investigation
[6] Remedial Framework
[7] SEC Charges Ripple and Two Executives with Conducting $1.3 Billion Unregistered Securities Offering
[8] American Express, Santander team up with Ripple for cross-border payments via blockchain
[9] Santander launches a blockchain-based foreign exchange service that uses Ripple’s technology
[10] Outward Remittance Service via SCB EASY
[11] Le Crédit Agricole expérimente la technologie Blockchain avec Ripple pour les transferts d’argent
[12] Bank of America exec lifts lid on Ripple partnership

Dernière modification par Ririsama (12/04/2021 20h26)


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Favoris 2   [+4 / -1]    #15 15/04/2021 02h16

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@Oliver MD / Ririsama : 1) Je note simplement que la popularité du Bitcoin (ou en tout cas le discours publicitaire autour du Bitcoin) repose notamment sur 2 arguments :
a) pas d’intervention humaine (donc pas de manipulation humaine)
b) émission limitée à 21 millions BTC (la "rareté")

Je soutiens seulement que ces 2 arguments sont des mensonges éhontés. Il y a des interventions humaines à tous les niveaux, et absolument rien ne garantit que l’émission de BTC restera bloquée à 21 millions.

2) Je ne "confonds" pas protocole et valeur de la crypto : les 2 sont liés. Plus un protocole est largement accepté, plus la crypto a de chances d’être fortement valorisée. Je me trompe ?

3) Le protocole Bitcoin peut être modifié sans mon accord, si je suis un petit détenteur de Bitcoin, sans que je n’y puisse rien faire. Je me trompe ?

Alors oui, le petit détenteur de BTC se retrouvera "dissident" fidèle au protocole historique, avec quelques autres, comme les utilisateurs de MySpace qui ont refusé le passage à Facebook. Mais de même que les utilisateurs de MySpace ont perdu tout intérêt à l’utiliser, les "fidèles" des 21 millions BTC courent le risque de se retrouver avec une crypto fortement dévaluée - car la valeur d’une crypto (comme celle d’un réseau social) est fortement corrélée à l’étendue de son réseau. Je me trompe ?

4) Les règles présidant aux changement du protocole Bitcoin ne sont ni claires ("rough consensus", "recommended guidelines"), ni démocratiques. Il y a de l’arbitraire à tous les niveaux. Certaines décisions (soft forks) dépendent de la puissance de minage - un clair oligopole.

De même qu’il ne suffit pas à un pays de se proclamer "démocratie" pour l’être, il ne suffit pas à une crypto de se proclamer "décentralisée" et "démocratique" pour l’être. Ces notions doivent être traduites concrètement dans les règles la gouvernant. Je constate simplement qu’elles ne le sont pas, et que ce flou laisse en pratique le contrôle aux insiders.

5) Non, les intérêts des parties prenantes au Bitcoin ne sont pas alignés :
a) à l’approche des 21 millions BTC minés, les plus gros mineurs auront sans doute intérêt à l’émission de nouveaux BTC
b) les gros détenteurs de BTC ont besoin de graduellement liquider leurs BTC, et ont donc intérêt à manipuler le marché (non régulé) en suscitant régulièrement des bulles
c) les petits détenteurs de BTC auraient au contraire tout intérêt à une régulation du marché et à un blocage de l’émission à 21 millions BTC

Ces 3 catégories de parties prenantes n’ont pas des intérêts convergents. Ce qu’il se passe depuis 2017 (et actuellement), c’est la tonte de (c) par (a) et (b).

Les moutons se font tondre de façon "libre et non contrainte", certes, mais il se font tondre tout de même. La régulation protège toujours le faible contre le fort. Pour le Bitcoin, elle n’existe pas ; le transfert de richesses vers les insiders peut donc se faire en toute quiétude.

6) S’agissant des banques centrales, je n’en connais aucune qui ne repose pas sur la loi (et j’ai travaillé avec pas loin d’une centaine d’entre elles), donc, en démocratie, sur un vote direct ou indirect par le peuple. Et dans certains pays (zone euro, Chili), l’Acte qui définit les missions de la banque centrale a même un rang constitutionnel ! C’est un peu plus sérieux qu’un "rough consensus" entre 4 geeks, 3 baleines et 2 mafieux ;-)

@Gog : C’est sûr qu’une "adoption" importante par les investisseurs institutionnels changerait la donne "politique" du Bitcoin. Eux auraient sans doute intérêt à une régulation de ce marché et à des normes KYC minimales (ne serait-ce que pour les protéger du risque réputationnel) - donc des intérêts assez alignés avec les petits porteurs.

Cela dit, je ne sais pas trop si la tendance récente à "l’adoption" par certains investisseurs institutionnels n’est qu’une mode passagère (après tout, c’est leur job de coller aux tendances, même idiotes), ou quelque chose de plus durable. Dans le cas de BlackRock, par exemple, il semble y avoir un conflit entre leur éventuelle expansion dans les cryptos et leur objectif de "verdir" leurs activités. La pression sur ce 2e sujet ne cesse de monter (y compris dans la sphère officielle - je travaille désormais sur le sujet), et à un moment donné le caractère polluant du Bitcoin risque de le condamner auprès de ces investisseurs institutionnels aux ambitions "vertes".

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5    #16 15/04/2021 10h33

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@Arnaud13 / Etoiledumatin : Ce que vous voyez comme des débats stériles (j’en suis désolé) entre "pro" et "anti" Bitcoin (ou cryptos), ce sont en fait des discussions sur la valeur intrinsèque du Bitcoin (ou cryptos) - ce qui est la vocation principale d’un forum boursier.

Se demander quelle peut être la valeur intrinsèque du Bitcoin, cela consiste à s’interroger sur sa fonction de réserve de valeur (par exemple en la comparant avec celle de l’or), sur le caractère intangible ou non de la limite d’émission, sur les protections (ou l’absence de protections) pour les investisseurs individuels etc.

L’investissement raisonné consiste à acheter un actif quand sa valeur de marché est inférieure à sa valeur intrinsèque, et à le vendre quand elle lui est supérieure. Et non pas à acheter un actif parce que "ça monte". Donc cette discussion sur les avantages / inconvénients du Bitcoin (mes arguments de sceptique tout comme les arguments des enthousiastes) est à mon sens totalement en ligne avec l’objet du forum - au contraire des messages se félicitant que "ça monte", qui n’ont que peu de valeur ajoutée.

Vous pouvez faire le test sur n’importe quelle file boursière sur ce forum :
- si vous postez un message argumenté soulignant les forces ou au contraire les faiblesses d’une entreprise, ou si vous faites un essai de valorisation intrinsèque, votre message sera généralement apprécié
- si vous postez un message du type "ça va monter parce que ça a monté, j’achète !", vous risquerez de vous prendre une flopée de "-1" pas imméritée au vu du manque de valeur ajoutée d’un tel message (tout le monde sait lire une courbe)

Une file boursière qui ne serait qu’un fan club n’aurait que peu de valeur ajoutée - pas de raison qu’il en soit différemment pour le Bitcoin que pour Tesla ou Unibail. C’est le débat et l’échange d’arguments antagonistes qui crée éventuellement de la valeur pour le lecteur, qui peut se former une opinion personnelle dans un sens ou dans l’autre… ou quelque part au milieu.

Quelque part, mes messages sceptiques gênent ceux qui voudraient profiter sans l’ombre d’un doute d’un surf décérébré sur la bulle, mais si sur un forum boursier on n’a plus le droit de parler de bulle (et des risques que ça implique), de façon argumentée, alors c’est un peu la raison d’être du forum qui disparaîtrait.

D’ailleurs la culpabilisation ou mise au silence des bears et des sceptiques est un phénomène typique d’une bulle ;-)

PS : Et oui, mon dernier message était spécifiquement sur le Bitcoin (qui représente 53% de la capi totale des cryptos), même si certaines problématiques de gouvernance concernent aussi d’autres cryptos. Perso je n’ai rien contre la création de files plus spécifiquement dédiées à telle ou telle crypto, ou à tel ou tel sujet particulier dans l’univers crypto. Sachant que tout ça reste bien "exotique" / risqué.

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5    #17 15/04/2021 13h29

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@OliverMD : Quand on attaque quelqu’un sur sa supposée "psychologie", c’est qu’on n’a plus grand’ chose à dire sur le fond. Et d’ailleurs ce genre d’attaques personnelles contre la moindre expression de scepticisme est une bonne confirmation comportementale de l’existence d’une bulle :

Jeremy Grantham a écrit :

Either way, the market is now checking off all the touchy-feely characteristics of a major bubble. The most impressive features are the intensity and enthusiasm of bulls, the breadth of coverage of stocks and the market, and, above all, the rising hostility toward bears. In 1929, to be a bear was to risk physical attack and guarantee character assassination. For us, 1999 was the only experience we have had of clients reacting as if we were deliberately and maliciously depriving them of gains. In comparison, 2008 was nothing. But in the last few months the hostile tone has been rapidly ratcheting up. The irony for bears though is that it’s exactly what we want to hear. It’s a classic precursor of the ultimate break; together with stocks rising, not for their fundamentals, but simply because they are rising.

Heureusement, j’y suis peu sensible. C’est même mon job de rester placide, sceptique, rationnel (le plus possible, car je n’échappe quand même pas totalement à la psychologie de foule), quand tout le monde s’emballe ;-)

Je pense que beaucoup de fans de cryptos (en particulier du Bitcoin) manquent de :

1) culture monétaire : la plupart (sinon toutes) les monnaies ont connu une tendance entropique au fil du temps : elles ont été initialement mises en circulation de façon limitée, puis ces limites ont été assouplies graduellement, puis éliminées, par exemple à l’occasion d’événements exceptionnels (guerres etc.) justifiant une augmentation de la masse monétaire. Cette entropie de la masse monétaire a marqué toutes les monnaies depuis la nuit des temps à ma connaissance : les monnaies métalliques (via la découverte de nouveaux gisements ou, plus souvent encore, la dépréciation de la pureté des pièces en circulation), les monnaies "objets" (coquillages etc.), les monnaies papier (fiat - le QE est évidemment un bon exemple).

Je ne vois pas de raison de penser que le Bitcoin (ou autres cryptos) échapperaient à cette tendance entropique de la masse monétaire. Les arguments que vous présentez sur le supposé "intérêt" des parties prenantes à maintenir une masse monétaire limitée sont tout aussi valables pour les autres formes de monnaies. Et pourtant, la masse monétaire pour toutes les monnaies a toujours fini par augmenter, pour des raisons économiques (la déflation n’est pas l’optimum économique) et/ou politiques (l’intérêt du souverain ou des parties contrôlant la monnaie). Avant le désancrage du dollar américain à l’or en 1971, tout le monde pensait que ce serait "impossible" de rompre ce lien. Comme vous aujourd’hui avec vos 21 millions. Il faut se méfier du temps long avant d’affirmer que quelque chose est "impossible". Perso, comme praticien des questions monétaires, je ne vois absolument rien d’intangible à la limite des 21 millions BTC.

Mon travail auprès des banques centrales consiste à essayer de définir des règles précises (une architecture juridique) pour maîtriser la tendance entropique de la création monétaire, tout en laissant assez de flexibilité à la banque centrale pour conduire une politique monétaire efficace. Donc je recommande d’inscrire dans la loi (voire dans la Constitution) des règles essentielles limitant les risques de croissance incontrôlée de la masse monétaire. Par exemple : l’interdiction du financement monétaire des Etats, l’obligation pour la banque centrale de ne prêter que contre des actifs de qualité suffisante (collatéral) etc. Sans ces règles légales, aucune monnaie fiat ne serait durablement stable. Pour le Bitcoin, des règles existent, mais elles sont très floues et donnent un avantage aux insiders.

2) culture politique : s’il y a quelque chose d’universel et d’éternel dans les constructions sociales humaines, c’est le pouvoir. Le pouvoir existe partout et toujours, il n’existe aucune institution, aucune construction sociale, aucune monnaie, sans pouvoir qui en détermine le contrôle, l’utilisation, la gouvernance.

Là encore, le Bitcoin n’échappe évidemment pas à cette règle universelle. Il suffit de constater le nombre d’interventions humaines (dans un cadre "juridique" flou : "rough consensus", "recommended guidelines") qui régissent les Bitcoin Improvement Proposals (pas de réponse de votre part sur ce point, que vous connaissez pourtant sans doute mieux que moi). Quand on dit que "personne ne contrôle le Bitcoin", on entretient une illusion mensongère d’une absence de pouvoir derrière cette construction humaine/sociale.

Plutôt que des attaques personnelles, il serait plus constructif de débattre de l’architecture "juridique" du Bitcoin, qui est (comme pour toute monnaie) le déterminant essentiel de sa fonction (éventuelle) de réserve de valeur. Par exemple, j’aimerais mieux comprendre les mécanismes de décision permettant d’émettre plus de 21 millions BTC (sans que l’on me réponde que c’est "impossible", car ce ne l’est clairement pas).

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Favoris 1    6    #18 16/04/2021 15h59

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Scipion8 a écrit :

@Oliver MD / Ririsama :
il y a des interventions humaines à tous les niveaux, et absolument rien ne garantit que l’émission de BTC restera bloquée à 21 millions.

C’est tout à fait vrai, il n’y a aucune garantie technique ou légale. Le BTC dans sa version actuelle est techniquement contraint à cette limite.
Si un consensus (j’y reviendrais plus tard) était trouvé pour changer cette limite, vous auriez soit :
1/ une nouvelle version du BTC,
2/ deux versions coexistantes (une avec les anciennes règles, une avec les nouvelles règles), comme pour le Bitcoin Cash.
C’est un risque, et vous faites bien de le relever.

Possibilité 1/

Il faudrait à minima un fort consensus entre développeurs et mineurs pour ne pas basculer vers la possibilité 2/. Si cela se produisait contre l’avis général des utilisateurs de BTC, les développeurs et mineurs tueraient tout simplement cette nouvelle version du BTC et il serait tout bonnement abandonné par les utilisateurs pour autre chose. Si suffisamment d’utilisateurs étaient d’accord, cette nouvelle version du BTC perdurerait, et ceux qui sont contre vendraient leur BTC.
Ce n’est pas impossible techniquement, mais complètement suicidaire de se mettre à dos les utilisateurs puisque les développeurs et mineurs ont besoin d’utilisateurs.
Par ailleurs, il est extrêmement improbable que cela soit fait en douce, le code et développements du Bitcoin étant open source, libres d’accès sur GitHub en l’occurrence (l’outil n’a pas d’importance fondamentale, avant c’était sous SourceForge et demain ça sera peut être une autre plateforme de collaboration), et scrutés par des milliers de développeurs à travers le monde.
On a vu mieux comme technique de délits d’initiés entre insiders.

Si vous en avez l’envie, vous pouvez aller voir les développements et projets en cours, et checker tous les commits effectués depuis l’origine sur le repository bitcoin.
À défaut d’être parfait, c’est relativement transparent de ce point de vue là. Il y a un bagage technique à avoir pour comprendre, tout comme il en faut un pour comprendre les projets d’une banque centrale ou autre institution ou société…
Il y aurait un intérêt évident à vulgariser et publier les évolutions en cours pour tenir informé le grand public.

Pour la plupart des sociétés ou même institutions d’ailleurs, vous ne pouvez être au courant de leurs projets en cours qu’en tant qu’insider ou quand elles décident de communiquer. Pas via un répertoire libre d’accès à tous et à tout moment.

Possibilité 2/

Elle résulterait d’une division de la communauté des développeurs / mineurs / utilisateurs, via un hard fork où une partie soutiendrait la version classique et une autre la nouvelle version.
Libre à chacun de rester sur une des blockchain, sur les 2 ou de sortir en vendant.

Scipion8 a écrit :

3) Le protocole Bitcoin peut être modifié sans mon accord, si je suis un petit détenteur de Bitcoin, sans que je n’y puisse rien faire. Je me trompe ?

Je dirais que c’est plutôt vrai si vous êtes un petit porteur.
Si vous n’êtes pas d’accord avec la direction que prends Bitcoin, vous pouvez simplement vendre vos BTC. Vous êtes libre de faire ce choix.

Acheter des BTC sans se renseigner et suivre les développements de Bitcoin un minimum (ou s’investir carrément dans le projet pour les plus motivés - via revues, développements, mining ou autre), c’est un peu comme acheter une action à l’aveugle (et beaucoup de personnes font cela dans les 2 cas je vous l’accorde).
Quand vous êtes détenteur d’une action, à moins d’être majoritaire, la société peut changer de stratégie sans que vous soyez d’accord et sans que vous ne puissiez rien y faire - je ne parle même pas de l’influence d’une personne lambda sur les politiques monétaires).
Si vous n’acceptez pas la direction que prend la société, vous vendez ou montez au capital pour avoir l’influence nécessaire (à la XN). Pour l’EUR ou l’USD, c’est un peu plus contraignant d’avoir à s’expatrier (c’est un peu provocateur de ma part, mais c’est pour montrer que les comparaisons BTC/monnaies fiat peuvent être intéressantes mais atteignent vite leurs limites).

Scipion8 a écrit :

Alors oui, le petit détenteur de BTC se retrouvera "dissident" fidèle au protocole historique, avec quelques autres, comme les utilisateurs de MySpace qui ont refusé le passage à Facebook. Mais de même que les utilisateurs de MySpace ont perdu tout intérêt à l’utiliser, les "fidèles" des 21 millions BTC courent le risque de se retrouver avec une crypto fortement dévaluée - car la valeur d’une crypto (comme celle d’un réseau social) est fortement corrélée à l’étendue de son réseau. Je me trompe ?

Tout à fait, les hard fork peuvent être source d’instabilité, et cela a déjà était le cas pour le BTC par le passé.
On ne peut que conseiller au petit détenteur de BTC de se renseigner et suivre sur les évolutions de Bitcoin. Conseil valable pour tout investissement de manière générale.

Scipion8 a écrit :

4) Les règles présidant aux changement du protocole Bitcoin ne sont ni claires ("rough consensus", "recommended guidelines"), ni démocratiques. Il y a de l’arbitraire à tous les niveaux. Certaines décisions (soft forks) dépendent de la puissance de minage - un clair oligopole.

De même qu’il ne suffit pas à un pays de se proclamer "démocratie" pour l’être, il ne suffit pas à une crypto de se proclamer "décentralisée" et "démocratique" pour l’être. Ces notions doivent être traduites concrètement dans les règles la gouvernant. Je constate simplement qu’elles ne le sont pas, et que ce flou laisse en pratique le contrôle aux insiders.

Les règles pour changer le protocole Bitcoin sont claires, si tant est que l’on creuse comment fonctionne l’open source, le fonctionnement de la blockchain Bitcoin et ses développements, les BIPs et le concept de consensus. Elles ne sont néanmoins pas régies par quelconque loi.

Développement du Bitcoin

- Bitcoin est open source et n’importe qui peut contribuer (revues de code, tests, propositions de développement).
- La version actuelle du BTC est portée par les développeurs Bitcoin Core car son projet fait consensus auprès des mineurs et des utilisateurs.
Les contributeurs réguliers et de qualité peuvent intégrer à terme la team Bitcoin Core, c’est plutôt de la méritocratie qu’autre chose.
- Les validations (de pull et commit) pouvant modifier le fonctionnement du BTC sont faites par une poignée restreinte de ces développeurs, selon un processus en plusieurs étapes que je peux détailler si vous le souhaitez.
- Les propositions d’améliorations sont formalisées par des BIPs (Bitcoin Improvement Proposal), qui ne visent qu’à formaliser, suivre le cycle des demandes d’évolutions, faciliter la collaboration. Ce principe existe pour quasi tous les logiciels, et notamment ceux en open source demandant une collaboration entre beaucoup d’intervenants (les BIPs sont calqués sur les PEP pour Python pour ceux que ça interesse).

Vous allez me dire : vous voyez, ces mafieux et geeks sans éthique ont les clés du coffre et peuvent bien faire ce qu’ils veulent!

D’une part et très rapidement, je trouve très insultant (et sans preuve) de traiter les développeurs/mineurs de la sorte. Du même niveau que de traiter les banquiers de voleurs, mais passons.

D’autre part, il faut bien comprendre le concept de consensus (qui n’est pas régi par la loi et qui a ses limites nous sommes bien d’accord).

Consensus

- Les développeurs ont besoin de mineurs et d’utilisateurs
- Les mineurs ont besoin de développeurs et d’utilisateurs
- Les utilisateurs ont besoin de développeurs et de mineurs
Ces 3 catégories sont poreuses et vous pouvez très bien appartenir à plusieurs catégories.

Pour qu’une modification soit acceptée sans hard fork, il faut que la majorité des 3 catégories l’accepte.
Les parties lésées qui sont minoritaires quitteront le réseau. Si la division est suffisamment grande, il y aura un nouvel embranchement par hardfork (qui survivra ou sera abandonné à terme) comme précédemment expliqué.
Il y en a eu plus que vous ne croyez par le passé, mais la communauté de développeurs Bitcoin Core a toujours la confiance des mineurs / utilisateurs pour l’instant. A map of Bitcoin forks

Bitcoin Core peut être remplacé par une autre communauté de développeurs s’ils ne font pas consensus. Ils sont aujourd’hui le point focal du développement du BTC mais la blockchain (registre) ne leur appartient pas, et ne peuvent rien imposer aux mineurs et utilisateurs :
- il n’y a pas d’auto update des nodes de validation; ce sont les mineurs qui doivent mettre à jour leurs nodes (ou non s’ils refusent les changements).
- les utilisateurs peuvent vendre leur BTC si le nouveau fonctionnement ne leur convient plus.

Le problème de la concentration des mineurs est un vrai problème (bien que n’importe qui peut miner en théorie), qui peut entraîner des problèmes de sécurité que l’on peut développer.
Mais en soit, un mineur ne peut pas imposer de changement de protocole aux autres parties.
C’est ce qui est appelé dans le milieu la majorité économique. Pour faire très simple, ne survit que ce qui réunit suffisamment de développeurs / mineurs / utilisateurs pour prospérer.
Libre à chacun de développer, miner, utiliser ou non. Personne n’est contraint et ces 3 catégories ne sont structurellement pas fermées.

Cela n’en fait pas une démocratie stricto sensu, mais pas une oligarchie non plus.

Scipion8 a écrit :

5) Non, les intérêts des parties prenantes au Bitcoin ne sont pas alignés :
a) à l’approche des 21 millions BTC minés, les plus gros mineurs auront sans doute intérêt à l’émission de nouveaux BTC
b) les gros détenteurs de BTC ont besoin de graduellement liquider leurs BTC, et ont donc intérêt à manipuler le marché (non régulé) en suscitant régulièrement des bulles
c) les petits détenteurs de BTC auraient au contraire tout intérêt à une régulation du marché et à un blocage de l’émission à 21 millions BTC

Ces 3 catégories de parties prenantes n’ont pas des intérêts convergents. Ce qu’il se passe depuis 2017 (et actuellement), c’est la tonte de (c) par (a) et (b).

Les moutons se font tondre de façon "libre et non contrainte", certes, mais il se font tondre tout de même. La régulation protège toujours le faible contre le fort. Pour le Bitcoin, elle n’existe pas ; le transfert de richesses vers les insiders peut donc se faire en toute quiétude.

Peut-être, peut-être pas. Il faut s’intéresser à la rémunération des mineurs pour cela.
Les mineurs sont rémunérés par le minage de nouveaux blocs (block reward) et par la validation de transactions (transaction fees).
Initialement, les block rewards représentaient la quasi totalité des revenus des mineurs.
Au fur et à mesure, via le halving (diminution des block rewards codé dans le protocole - 50 BTC/block initialement vs 6.25 BTC/block aujourd’hui), et avec l’augmentation du nombre de transactions (par adoption du réseau), les transaction fees ont pris une importance plus grande, mais restent encore aujourd’hui une partie faible des revenus.

Qu’adviendra-t-il à terme lorsqu’il n’y aura plus de block reward?
- soit le protocole est laissé tel quel, en misant sur le fait que les transaction fees prendront le relai (par augmentation des transactions / augmentation des fees).
Rien n’est moins sûr de mon point de vue, compte tenu des problèmes de scalabilité du BTC, tant qu’il est basé sur une preuve de travail (d’où la migration d’ETH vers ETH 2.0 qui fonctionne par preuve d’enjeu). L’absence de revenus fixes pourrait détourner une grande partie des mineurs vers d’autres cryptos.
- soit le protocole est modifié pour augmenter le nombre de BTC minables (rétablir les block rewards d’une manière ou d’une autre). Un nouvel embranchement via hardfork est plausible.
- soit le protocole change de modèle (comme Ethereum par exemple)

Est-ce qu’un consensus sera trouvé? Difficile à dire mais c’est effectivement un point crucial et risque majeur à mon sens pour l’avenir du BTC, qui fera couler beaucoup d’encre dans le milieu.

Pour b) et c), je suis globalement d’accord avec vous. Les manipulations de marché (via buy/sell walls notamment) ne sont pas interdites et ont déjà eu lieu régulièrement dans l’histoire du BTC.
Vous avez un peu de tout dans les whales (celles qui n’ont jamais vendu, celles qui vendent ponctuellement, celles qui tradent, celles qui liquident), et ce ne sont pas que des particuliers d’ailleurs.

Scipion8 a écrit :

6) S’agissant des banques centrales, je n’en connais aucune qui ne repose pas sur la loi (et j’ai travaillé avec pas loin d’une centaine d’entre elles), donc, en démocratie, sur un vote direct ou indirect par le peuple. Et dans certains pays (zone euro, Chili), l’Acte qui définit les missions de la banque centrale a même un rang constitutionnel ! C’est un peu plus sérieux qu’un "rough consensus" entre 4 geeks, 3 baleines et 2 mafieux ;-)

Loi = démocratie? Depuis quand? C’est un raccourci que je n’aurais pas osé.
La SAMA ou PBC reposent sur la loi, de la à dire que c’est démocratique il ne faut pas exagérer…
Mais ça ne les empêche pas de fonctionner smile

Scipion8 a écrit :

Cela dit, je ne sais pas trop si la tendance récente à "l’adoption" par certains investisseurs institutionnels n’est qu’une mode passagère (après tout, c’est leur job de coller aux tendances, même idiotes), ou quelque chose de plus durable. Dans le cas de BlackRock, par exemple, il semble y avoir un conflit entre leur éventuelle expansion dans les cryptos et leur objectif de "verdir" leurs activités. La pression sur ce 2e sujet ne cesse de monter (y compris dans la sphère officielle - je travaille désormais sur le sujet), et à un moment donné le caractère polluant du Bitcoin risque de le condamner auprès de ces investisseurs institutionnels aux ambitions "vertes".

Vous avez bien raison de relever l’impact écologique actuel des cryptos populaires basées sur la preuve de travail, le BTC en tête (la consommation électrique des mineurs est du même ordre que celle de pays comme l’Argentine, Ukraine, Norvège d’après les estimations de l’Université de Cambridge).
C’est à la fois beaucoup et pas beaucoup à la fois (comparé à d’autres industries énergivores - les climatiseurs par exemple), mais sa source étant essentiellement le charbon/lignite en Chine (65% du minage), le BTC est actuellement tout sauf green.
La Chine est en train de réagir d’ailleurs, mais pas en obligeant les machines à tourner à l’éolien wink
A major Chinese bitcoin mining hub is shutting down its cryptocurrency operations

Dernière modification par Ririsama (16/04/2021 17h09)


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5    #19 21/08/2021 07h16

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Scipion8, le 22/06/2021 a écrit :

@IH :
De mon point de vue, c’est difficile d’essayer de différencier les projets / offres d’investissement cryptos "valables" des scams / Ponzi, ou les cryptos supposément solides des "shitcoins", car sur un horizon suffisamment long tout cela ira à zéro. Donc la catégorie "risqués/douteux" me semble plus adaptée.

[…]

1) les cryptos ne valent rien, parce qu’elles ne servent à rien : ce ne sont pas des monnaies (trop volatiles pour être des unités de compte et des moyens de paiement, sans valeur intrinsèque donc pas des réserves de valeur), et ce sont des actifs sans valeur intrinsèque (pas de création de valeur/utilité sous-jacente)

2) sur un horizon suffisamment long, elles vont donc à zéro (sans parler des divers risques : écologiques, réglementaires, technologiques etc.)

3) sur fond de liquidité globale extrêmement abondante (conséquence des QE), il y a un appétit important des investisseurs amateurs pour des actifs sans valeur intrinsèque (meme stocks, cryptos), i.e. un appétit pour jouer à des jeux redistributifs à sommes nulles (ou en l’occurrence négatives compte tenu des coûts de transaction), des jeux de type greater fool / chaises musicales (le dernier à acheter avant que ça baisse a perdu)

4) au bout du compte, on trouvera sans doute la répartition habituelle perdants/gagnants dans ce type de jeux (Forex, options binaires), i.e. 90/10 : la bulle cryptos aura servi à orienter l’épargne des petits épargnants naïfs vers les poches (i) d’épargnants plus malins, (ii) des plateformes de transaction et autres insiders, et (iii) d’acteurs mafieux

5) je vois les cryptos comme un enfant maudit du QE, à la fois parce que les incompréhensions autour du QE ont servi l’argumentaire (faux) de ceux qui voient les monnaies fait comme sans valeur et des pseudo-monnaies privées supposément déflationnistes comme la solution, et parce qu’une partie croissante de la liquidité très surexcédentaire va se placer sur des actifs sans valeur intrinsèque

6) c’est ce dernier argument qui m’a conduit à constituer une position GBTC (pas BTC, je n’ai jamais investi directement en cryptos) à des fins purement spéculatives à l’automne 2020, parce que je considérais (comme je l’ai souvent expliqué ici) que les QE allaient continuer. C’est une position purement spéculative, que je gère de façon dynamique et sans aucune conviction positive sur la valeur intrinsèque de l’actif sous-jacent - contrairement aux 99% de mon portefeuille boursier que je gère passivement, en buy & hold, avec le plus souvent une conviction minimale sur les fondamentaux des entreprises. Je ne pense pas (ou en tout cas je n’espère pas) avoir causé de confusion chez les lecteurs par cette stratégie spéculative - d’ailleurs validée par le marché (le seul juge de paix, en investissement) puisque largement en PV. J’avais allégé de 50% ma position GBTC après le tweet de Musk en mai "découvrant" la nature extrêmement polluante du BTC, et je vais probablement continuer mes allègements, éventuellement à l’occasion d’un rebond technique (j’ai aussi une position MicroStrategy, qui continue d’acheter des BTC en s’endettant, une approche très périlleuse).

[…]

@BriochePainPerdu : Je pense que c’est une illusion de penser qu’on peut maîtriser le risque sur des investissements en cryptos, car les couches de risques sont très nombreuses (avec la DeFi, on les empile même) et absolument rien n’est régulé :
- risque sur l’actif sous-jacent (pas de valeur intrinsèque)
- risque sur le cours de l’actif (aucune protection contre les manipulations de cours par les insiders)
- risque sur les plateformes (entièrement non régulées et souvent basées dans des paradis réglementaires)
- risque sur la conservation des actifs
- risque de hacking, de perte de la clef privée etc.
- risque de disruption technologique (e.g. quantum computing), réglementaire etc.

Quand je lis les discours de certains ici, je note le même discours exagérément enthousiaste ("c’est la révolution, c’est l’avenir etc.") que celui des promoteurs de RR Crypto, sans vraie réflexion sur le fait que pour l’heure, les cryptos privées, au-delà de leur nature de jeu spéculatif, ne créent aucune valeur dans la vraie vie des vrais gens qui existent vraiment (au contraire d’une entreprise qui propose des biens et des services, par exemple) - et que c’est pour cela que ça ne vaut rien.

Votre message résume très bien la position sur l’absence de valeur intrinsèque des crypto, je l’ai voté d’ailleurs. Totalement d’accord avec vous sur le fait que les QE successif alimentent les crypto, qu’il y aura au bout du compte peu de gagnants et beaucoup de perdants (vos points 3, 4 et 5).

Je partage aussi votre avis qu’on est encore très loin de voir les crypto devenir des monnaies d’échange utilisé dans la vie quotidienne comme le dollar ou l’euro.

Mais sur le fond je pense que votre argument de départ est biaisé : "les cryptos ne valent rien, parce qu’elles ne servent à rien".

Ca fait bien longtemps que les produits dérivés ne sont plus utilisé pour se protéger des taux de change dans les transactions internationnales.
C’est devenu un pur outil de spéculation. De manière plus général on a vu apparaitre une nouvelle industrie, l’industrie financière, qui elle aussi "ne crée aucune valeur dans la vraie vie des vrais gens qui existent vraiment"

Cette industrie a développé une "ingénierie financière", avec tout les ans de nouvelles innovations : de nouveaux produits financier, toujours plus complexe, toujours plus rentable (Credit Default Swap, etc)
On a vu l’apparition du High frequency trading qui n’apporte aucune valeur aux "vrai" entreprise qui produisent des services pour la population.

Au final on a créé une économie parallèle, qui s’auto entretient, déconnecté de l’économie réel (sans parler de tous les risques et les dérives de cette industrie).

On peut la critiquer, mais sa valeur est loin de tendre vers zéro, c’est plutôt le contraire qu’on voit depuis 40 ans.
Je ne vois aucune raison pour écarter que les crypto puissent connaitre la même trajectoire.

Et quand on voit que les plus grosse banque d’affaire se positionnent sur les crypto (Goldman Sachs, JP Morgan, Citygroup, etc), je pense plutôt qu’elles ont bien compris que c’est le scénario qui est déjà entrain de se réaliser, depuis plusieurs années.

Comme pour les crypto on peut toujours prédire que "un jour" toute cette industrie basé uniquement sur l’hyper-spéculation va s’effondrer, mais si on est incapable de mettre un horizon de temps sur ce genre de prédiction, ça n’a aucune valeur d’un point de vue investissement (de quoi parle t’on : de 3 ans, 5 ans, 10 ans, 20 ans ?)
Pour le moment force de constater que ça fait 40 ans que ce type d’industrie financière perdure, et que pour le moment elle croit chaque année (comme pour les crypto…)

Je n’essaye de pas de vous convaincre que le marché des crypto va forcément croître dans les années qui viennent, même si c’est ma conviction et c’est pour ça que j’investi dessus. Ca reste un pari et c’est sain que d’autres personnes parient sur le contraire.

Mon point c’est que même si les crypto n’ont pas d’application dans la vie ’réel’ ce n’est pas pour autant que leur valeur va tendre vers zéro.

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Favoris 1    7    #20 22/08/2021 17h21

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Bonjour Fired,

Je pense que vous faites une confusion entre :
1) la valeur (ou utilité) sociale des activités spéculatives - qu’il s’agisse de finance conventionnelle ou de cryptos
2) la valeur intrinsèque des actifs qui sont l’objet de ces spéculations

Ce sont 2 choses bien différentes. Je m’explique, en reprenant votre exemple de la sphère financière "conventionnelle" et de la sphère crypto.

1) S’agissant de la valeur (ou utilité) sociale des activités spéculatives :

a) Je suis d’accord avec vous sur l’idée que l’on assiste depuis quelques décennies à une financiarisation croissante de l’économie, au développement rapide d’une sphère financière parfois en inadéquation avec l’économie réelle.

Je suis aussi d’accord avec vous sur le fait que cela mène à de multiples dérives :
- prises de risques excessives dans la sphère financière, et parfois dans le système bancaire, suivies d’interventions des autorités publiques conduisant à une socialisation (très injuste) des pertes ;
- salaires excessifs dans la finance détournant des profils brillants d’activités socialement plus utiles (recherche, enseignement…) ; etc.

Néanmoins les risques et effets néfastes de cette financiarisation de l’économie (que je reconnais volontiers) doivent être mis en balance avec la valeur ajoutée qu’elle crée réellement pour l’économie réelle, et qui est trop souvent ignorée dans le discours critique dominant :
- liquidité accrue sur les marchés financiers (nous en profitons tous ici quand nous achetons ou vendons des actions avec un bid/ask spread bien plus étroit que nos parents ou grands-parents)
- possibilités accrues pour les entreprises pour se financer sur les marchés, via des canaux et des véhicules bien plus variés qu’il y a 30-50 ans
- possibilités accrues pour les entreprises et les investisseurs de bien mieux couvrir leurs risques, par la mise à disposition d’instruments de couverture relativement liquides, qui n’existaient pas il y a quelques décennies (ou qui étaient extrêmement illiquides)

Ce que l’on voit comme "spéculation", par exemple le trading à haute fréquence ou la vente à découvert, contribue en réalité à un meilleur fonctionnement des marchés, (i) en apportant des flux donc une liquidité accrue, (ii) en diversifiant les types et les comportements d’investisseurs (i.e. en évitant un marché seulement acheteur), et (iii) en améliorant la transparence des entreprises cotées.

Évidemment, si on laisse le marché se développer sans règles, de multiples dérives apparaissent, c’est le rôle des régulateurs de permettre l’innovation tout en maîtrisant les risques.

Donc perso je tirerais un bilan "globalement positif" de la financiarisation de l’économie, mais dans la mesure où elle s’accompagne par des règles proportionnées et à la hauteur des innovations (ce qui est un défi permanent pour les régulateurs). Cela reflète globalement mes convictions libérales, mais d’un libéralisme raisonné et régulé. Bien sûr chacun aura son opinion sur ça, le débat est évidemment légitime.

b) Si l’on réfléchit maintenant à l’utilité sociale de la sphère cryptos : à mon sens :

- elle ne conduit pas à orienter des flux d’épargne vers l’économie réelle - au contraire elle en détourne vers des actifs improductifs : l’épargne que vous placez en cryptos, vous ne la placez pas en actions (= un des modes de financement des entreprises), en fonds € (= obligations qui financent l’Etat et les entreprises), ou chez votre banque (= qui prête à l’économie réelle). C’est un actif improductif, à l’image de l’or. (Quant à la DeFi ou autres "farming" de stablecoins, ils consistent à financer des achats de cryptos, i.e. c’est un système spéculatif qui tourne en rond, sans rien apporter à l’économie réelle.)

- jeu à sommes nulles (voire négatives), elle opère essentiellement un transfert de richesses de petits épargnants rêvant d’un enrichissement rapide vers des insiders (dont certains sont des escrocs). Contrairement au marché actions, ce n’est pas un jeu à sommes positives, car il n’y a pas de création de richesse sous-jacente. Au contraire, c’est plutôt un jeu d’attrition, puisqu’à chaque transaction que vous faites en cryptos, le seul gain certain est celui que font les insiders (plateformes de trading, manipulateurs de cours etc.). Le déséquilibre naturel entre insiders et petits épargnants est évidemment fortement exacerbé par l’absence de toute règle, ce qui permet toutes les manipulations possibles par les insiders (wash trades, pump & dump etc.). S’agissant des petits épargnants, plus ils sont naïfs / pauvres, plus ils ont de chances de se faire plumer - c’est socialement désastreux.

- elle pollue énormément, sans aucun bénéfice pour l’économie.

- elle a une valeur de distraction pour ceux qui y participent, comme le loto, les casinos ou les paris sportifs - à la différence que la roulette des cryptos est totalement biaisée (alors que pour ces autres activités de jeux d’argent, il y a des règles strictes, notamment sur la redistribution aux joueurs d’un pourcentage minimum des mises)

Donc perso je tirerais un bilan extrêmement négatif de l’utilité sociale de la sphère cryptos.

2) S’agissant de la valeur intrinsèque des actifs qui sont l’objet de ces activités de marché (pour prendre un terme moins politiquement chargé que "spéculation") :

a) Les actifs, y compris les produits dérivés, qui font l’objet d’activités de marché éventuellement excessives, ont bien une valeur intrinsèque ! C’est sur ce point que je suis en total désaccord avec vous.

Le fait que des actions ou des obligations fassent l’objet de trading à haute fréquence ne change pas leur valeur intrinsèque ! Cela peut certainement changer (en l’occurrence améliorer) leur liquidité. Cela peut éventuellement conduire à une surévaluation de leur valeur de marché (par rapport à leur valeur intrinsèque) - certains peuvent le penser, moi plutôt non. Mais la valeur intrinsèque des actifs est bien là !

S’agissant des produits dérivés : ils ont bien une utilité réelle - notamment permettre à des entreprises ou des investisseurs de couvrir leurs risques (par exemple des dérivés climatiques pour des agriculteurs, des CDS pour des banques et des investisseurs obligataires etc.), et ils ont bien une valeur intrinsèque - que l’on peut évaluer avec des modèles mathématiques. Ce n’est pas exact de dire qu’ils n’auraient aucune valeur intrinsèque parce qu’il font l’objet d’une spéculation insensée. C’est là à mon sens que vous faites une confusion : on peut légitimement penser que cette spéculation n’a aucune utilité sociale (je ne suis pas d’accord, mais peu importe), mais en tout cas les actifs eux mêmes ont bien une valeur intrinsèque !

b) S’agissant de la valeur intrinsèque des cryptos : à mon sens :

- elles n’ont pas de valeur comme monnaies, puisqu’elles n’ont pas les qualités pour être des unités de compte et des moyens de paiement (de fait, nul ne les utilise à ces fins), ni être des réserves de valeur, à mon avis (risques élevés de disruptions technologiques, par exemple)

- elles n’ont pas de valeur comme actifs productifs, puisqu’elles ne financent pas l’économie réelle

- la seule valeur qu’elles ont c’est (i) une valeur spéculative d’échange et (ii) une valeur spéculative de spéculation (si je puis dire) :

(i) la valeur spéculative d’échange, c’est l’idée qu’une communauté de gens peuvent décider qu’un actif donné (des billes, des coquillages, des images Panini, des cryptos) ont une valeur, et ils vont les utiliser pour se les échanger entre eux. S’il y a un nombre suffisant de gens qui prennent cette décision, alors l’actif utilisé, quel qu’il soit, acquiert une valeur. Si l’on pense que la crise actuelle de la démocratie, le rejet des élites, les craintes sur le QE, la volonté de débancarisation etc. vont toucher durablement une part importante de la population, et si l’on arrive à les convaincre que les cryptos sont la solution, alors les cryptos vont acquérir une valeur - de même que les coquillages utilisés comme monnaies dans certaines sociétés archaïques. J’appelle cette valeur d’échange "spéculative" car rien ne dit que ces croyances vont persister, ni surtout qu’elles vont s’ancrer dans une conviction durable que telle ou telle crypto vaut quelque chose.

(ii) la valeur spéculative de spéculation, c’est la valeur du jeton que vous utilisez pour jouer au casino, ou celle du ticket de loto. Les cryptos, comme le jeton de casino ou le ticket de loto, donnent le droit de participer à un jeu spéculatif à sommes nulles (en réalité négatives). De ce fait ils ont bien une valeur.

A mon avis, la valeur actuelle des cryptos s’explique largement (à 90% ?) par (ii), et bien plus marginalement (10% ?) par (i) - étant entendu que ces parts varient selon les cryptos : le Bitcoin a une communauté plus large de "croyants" que les "shitcoins" (qui eux ont une valeur uniquement spéculative, celle du jeton de casino).

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Favoris 1    6    #21 25/08/2021 18h07

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Encore un bon exemple aujourd’hui du fonctionnement de la sphère cryptos, avec l’annonce de la Financial Conduct Authority (FCA, le régulateur britannique) sur Binance, la première plateforme mondiale d’échange de cryptos.

Etape 1 : La FCA pose des questions basiques à la filiale britannique de Binance : par exemple, avec quelle entité légale un client britannique fait-il transaction quand il passe par le site binance.com ? Pas de réponse. Autre question basique sur des tokens : Binance renvoie la FCA vers d’autres sources, manière de l’envoyer paître :

Etape 2 : La FCA conclut qu’elle ne peut pas identifier l’entité légale derrière Binance.com, le business et l’organisation de la boîte, et qu’elle ne peut donc pas la superviser correctement :

La FCA considère que Binance ne peut ou ne veut pas fournir des informations fiables et adéquates, ce qui met en péril les utilisateurs, et justifie un arrêt immédiat de ses activités régulées :

Etape 3 : La FCA annonce par conséquence une série de mesures à prendre par la filiale britannique de Binance, dont une communication publique sur son interdiction de toute activité régulée au Royaume-Uni, et de toute activité promotionnelle :

Etape 4 : La presse "sérieuse" relaie la mauvaise nouvelle sur Binance :

Etape 5 : Changpeng Zhao, le CEO de Binance cite la phrase du communiqué de la FCA mentionnant que Binance a respecté les mesures décidées par la FCA (communication publique, fin des activités promotionnelles au Royaume-Uni - ce n’est pas comme s’ils avaient le choix…), pour donner l’impression à ses "fans" que Binance vient de remporter un grand succès et est désormais bien vue par le régulateur britannique !

Et ça marche ! Enthousiasme de la foule en délire, il n’y a plus aucun risque sur Binance :

Conclusion : Dans le cas d’espèce (Binance), comme pour les cryptos en général, et dans la plupart des cas de bulles financières, les régulateurs font correctement leur job : ils alertent sur les risques pour les épargnants. Les avertissements, les signaux d’alertes, sont multiples, explicites, précis, disponibles pour tout le monde, noir sur blanc. Mais cela pèse peu, pour la foule en délire, par rapport à la promesse d’un enrichissement rapide. La reconnaissance du ventre (l’envol des valorisations) déconnecte le cerveau, jusqu’à l’instinct de survie. On voit cela dans tous les Ponzi et dans toutes les bulles.

J’écris cela pour pouvoir y renvoyer plus tard ceux qui oseraient un jour se plaindre que les régulateurs (qu’il s’agisse de la FCA, de l’AMF ou autre) n’ont pas fait correctement leur job. Ce n’est pas le job d’un régulateur, ni son pouvoir, d’empêcher les comportements irresponsables d’épargnants grisés par l’avidité. Dans l’investissement comme dans la vie, chacun est responsable de ses choix.

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5    #22 19/01/2022 23h02

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Scipion8, le 18/01/2022 a écrit :

2 nouveaux papiers intéressants sur la bulle crypto :



Evidemment, ces études confirment le point de vue que plus la bulle crypto gonfle, plus une intervention du régulateur est probable, afin de limiter les dégâts pour la sphère financière et pour la société dans son ensemble.

Il n’y a pas grand chose à redire de mon modeste point de vue sur le papier exposant les risques de la Défi et l’illusion de la décentralisation de cet écosystème.

Concernant le papier relatif à Bitcoin, là aussi de mon modeste point de vue, je ne sais pas s’il faut être inquiet ou rassuré par cette analyse des experts de la BCE. Elle n’apporte rien de nouveau sous le soleil et elle mélange des arguments/raisonnements exacts mais de peu d’intérêt et d’autres qui sont tout simplement faux, le tout enrobé sous une rigueur superficielle de papier de recherche faisant appel à d’autres sources qui vont toutes dans le même sens (sources censées faire autorité et fermer tout débat ?).

Ulrich Bindseil, Patrick Papsdorf, Jürgen Schaaf (BCE) a écrit :

Still, several authors have raised serious doubts on Bitcoin’s underlying technology and concept (for example Taleb, 2021; Avoca 2021; Acemoglu, 2021; Kolbert, 2021). The proof-of-work concept, which is a constituting feature of the Bitcoin system, is generally recognised as cumbersome and slow: it can only handle seven to ten transactions per second

Lent, oui. C’est un sujet évidemment bien connu et plus aucun partisan un tant peu sérieux de Bitcoin ne prétend qu’on pourrait payer son café avec le protocole tel qu’il est. Il est dommage que les auteurs ne se soient pas penchés sur la seconde couche Lightning Network qui est une proposition, en cours d’expérimentation mais qui semble fonctionner de manière très correcte jusqu’à présent, visant à régler la question du nombre de transactions.

"Cumbersome", c’est un jugement de valeur sans intérêt. Et de nombreux informaticiens, ce que Taleb et Acemoglu ne sont sûrement pas, jugent que le protocole Bitcoin est la première (la seule ?) réponse au problème de la double dépense dans un système de paiement électronique décentralisé et une (la ?) réponse au problème connu en informatique sous le nom de problème des généraux bizantins.

Ulrich Bindseil, Patrick Papsdorf, Jürgen Schaaf (BCE) a écrit :

Bitcoin uses the secure hash algorithm (SHA) which is more than twenty years old. While the U.S. Department of defence and many leading IT firms like Microsoft found the SHA-1 standard too weak for cyber-protection and decommissioned its use in the early 2010s.

Pourquoi évoquer l’algorithme SHA1 qui est effectivement obsolète et n’est pas utilisé dans le protocole Bitcoin ? C’est l’algorithme SHA256 qui est utilisé, comme dans de nombreux autres domaines. Concernant la résistance à l’ordinateur quantique, c’est une véritable question. Mais ce n’est semble-t-il pas si évident (et là ça dépasse très largement mes compétences). Par ailleurs, l’impact de l’ordinateur quantique sur la sécurité informatique va bien au-delà de Bitcoin.

Ulrich Bindseil, Patrick Papsdorf, Jürgen Schaaf (BCE) a écrit :

As importantly, the Bitcoin network comes with a large energy hunger due to its reliance on proof-of-work (see figure 2). It wastes power and is therefore an immense environmental polluter.

Je dois d’abord rappeler que la source Digiconomist à laquelle il est implicitement fait référence comme une autorité est un data scientist de la banque centrale néerlandaise et que les calculs et prévisions de Digiconomist sur la consommation énergétique de Bitcoin ne font absolument pas consensus.

Mais oui la consommation d’énergie de Bitcoin est importante et ce n’est pas un bug, c’est un élément clé du protocole. Si l’on repart des chiffres plus consensuels du Cambridge Centre for Alternative Finance, à l’heure où j’écris ces lignes :
- Bitcoin consomme 135 TWh par an soit 0,6% de la consommation totale d’électricité dans le monde ; par ailleurs la production mondiale est bien supérieure à la consommation mondiale donc Bitcoin ne "vole" aucune électricité
- L’extraction de l’or consomme la même quantité d’électricité, sans parler des autres dégâts manifestes sur l’environnement ou de l’exploitation des enfants…
- Les climatiseurs aux USA consomment 2199 TWh soit 16 fois plus que Bitcoin

Pourquoi ne s’intéresser qu’à la consommation électrique (infime) de Bitcoin ? Pourquoi évoquer Bitcoin plutôt que les climatiseurs, les TV et consoles de jeux ou les décorations de Noël ?

Ulrich Bindseil, Patrick Papsdorf, Jürgen Schaaf (BCE) a écrit :

And even if alternative sources of energy were used or disused power plants revived, the network would still waste energy that could be used for other purposes, as convincingly argued recently by the Swedish Financial Supervisory Authority and the Swedish Environmental Protection Agency (2021).

Les auteurs reconnaissent de facto que Bitcoin utilise en partie des surplus d’énergie qui sont produits par le renouvelable. Si personne ne les exploitait jusqu’à présent ce n’est pas un hasard, c’est parce que la plupart (toutes ?) les activités consommatrices d’énergie sont dépendantes de la localisation. Aucune entreprise ne peut s’installer au fin fond de la Chine ou du Canada pour s’appuyer sur une électricité peu chère produite par un barrage hydroélectrique par exemple. Et il se trouve que Bitcoin est une des rares (la seule ?) activités indépendante de la localisation. Les auteurs font preuve d’une complète ignorance des réalités de l’industrie du minage. En effet, il est possible pour une entreprise de minage de s’installer n’importe où sur la planète ou presque pour trouver l’énergie la moins chère qui se trouve souvent être des surplus d’électricité produits par le renouvelable.

Ulrich Bindseil, Patrick Papsdorf, Jürgen Schaaf (BCE) a écrit :

Moreover, it does not degenerate over time and retains its value even in chaotic or degenerative states of the world like natural catastrophes or in the case of a temporary or lasting failure of the electric or digital infrastructure.

Oui, Bitcoin est totalement dépendant de notre système électrique. Mais comme l’illustre à merveille le roman Black Out de Marc Elsberg, en cas d’effondrement du réseau électrique il ne faudrait pas beaucoup plus qu’une dizaine de jours à notre civilisation pour retourner à l’état presque sauvage. Bitcoin s’effondrerait, mais le système financier traditionnel ferait de même. Et tout cela ne serait que le cadet de nos soucis…

J’aurais pu exposer d’autres points qui me semblent discutables mais ce message est déjà bien long. Il est dommage que les arguments du débat public ne soient pas de meilleur niveau… Mais c’est peut-être une excellente nouvelle pour Bitcoin si ses adversaires, dont la vénérable BCE, n’ont que ces critiques en stock wink ! D’un autre côté, ces critiques assez pauvres qui surfent parfois sur les modes ou les peurs du moment suffiront peut-être à la BCE et au pouvoir politique pour (tenter de) le "réguler" sans trop d’opposition…

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6    #23 20/01/2022 08h04

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@Concerto :

1) S’agissant du coût environnemental du Bitcoin :

a) Une énergie peu onéreuse ne signifie pas forcément une énergie verte. Récemment, par exemple, on voit les mineurs quitter la Chine pour s’installer en Russie et au Kazakhstan - qui n’ont pas exactement une réputation d’excellence en termes d’énergie verte…

b) Beaucoup de travaux sont en cours dans la communauté académique et dans les banques centrales sur le coût environnemental des technologies reposant sur un distributed ledger (bien au-delà du Bitcoin), notamment dans le cadre des nombreux projets en cours de monnaies digitales de banques centrales (CBDC) - pour lesquelles la soutenabilité écologique est un impératif (contrairement au Bitcoin).

La consommation énergétique du Bitcoin dépasse de loin celle de l’ensemble du système de paiements (cash et paiements électroniques), pour un nombre et un volume de transactions bien moindre. (Une étude est en cours par mes collègues, je l’indiquerai sur cette file quand elle sera publiée.) Et elle continue d’augmenter… C’est très problématique.

c) A la consommation énergétique, il faut ajouter le problème du gaspillage électronique (e-waste), lié au besoin pour les mineurs de mettre sans cesse à niveau leur équipement : en moyenne chaque transaction Bitcoin génère 272 grammes d’e-waste, c’est-à-dire qu’elle revient (en poids) à jeter 2 iPhone à la poubelle. ça pose un léger souci, non ?

2) S’agissant de la disruption à venir par le quantum computing : là encore, c’est un challenge qu’intègrent les banques centrales dans leurs projets de CBDC. Il faut avoir la foi du charbonnier pour croire que de telles évolutions technologiques n’auront aucun impact pour une technologie déjà vieille comme le Bitcoin.

Voilà ce qu’en dit par exemple ce Working Paper du FMI :

Jose Deodoro, Michael Gorbanyov, Majid Malaika, Tahsin Saadi Sedik (Working Paper FMI) a écrit :

Quantum computers may also cause substantial disruptions, including undermining the financial stability. An important risk of quantum computing relates to the existing encryption algorithms that could become obsolete, especially the widely used public-key algorithms. Cryptoanalysis history is full of cautionary tales about perceived unbreakable cryptography made obsolete by new technologies (Annex II). The race has already started to develop new quantum-safe encryption standards and algorithms. For example, in the U.S., the National Institute of Standards and Technology (NIST) is running a competition for a quantum-safe encryption algorithm, targeting to announce a winner by 2024 (NIST, 2020). If fully functional quantum computers become a reality before or shortly after that, organizations (firms and governments) would have a narrow window to mitigate this risk.

3) Le système financier peut fonctionner sans électricité. Et pour cause, il l’a fait pendant quelques siècles.

Évidemment, une panne générale sur le réseau électrique et/ou internet occasionnerait quelques difficultés, mais pour info le cœur du système (les banques centrales) peut continuer à fonctionner même dans des conditions très critiques. Pendant mon temps à la BCE, il est arrivé que toutes les connexions extérieures soient coupées (un bulldozer avait par inadvertance coupé le câble général en creusant devant la tour) ; cela n’a pas empêché la BCE de continuer à conduire ses opérations avec les banques. Même une frappe nucléaire ne l’empêcherait pas de fonctionner…

Dans mes missions en Afrique, j’encourage les banques centrales à maintenir leur mode traditionnel de conduite de leurs opérations (avec des coursiers apportant physiquement les soumissions des banques aux opérations de la banque centrale), comme solution de repli (en mode "dégradé") au cours où les nouvelles infrastructures (plateformes électroniques) ne fonctionnent pas. On peut conduire la politique monétaire d’un continent entier avec un papier et un crayon (évidemment c’est un peu moins simple qu’avec toute l’architecture électronique en place) - car en fin de compte il ne s’agit que de débiter et créditer des comptes des banques à la banque centrale. Évidemment, c’est comme cela que l’on a longtemps procédé, sans difficulté particulière (d’ailleurs beaucoup de banques centrales, même dans des pays avancés, n’ont supprimé que récemment les ordres physiques).

4) Le papier de la BCE souligne le manque manifeste de viabilité du Bitcoin - ce n’est ni un moyen de paiement, ni une unité de compte, ni une réserve de valeur (puisqu’il est manifestement disruptable à brève échéance). C’est parce que le Bitcoin n’est pas viable que ses coûts pour la société (environnementaux notamment) sont difficilement tolérables.

Vous citez l’or : mais l’or, jusqu’à preuve du contraire, est une réserve de valeur largement acceptée et utilisée, depuis des millénaires et sur tous les continents. Oui, miner de l’or a un coût environnemental, mais au moins on obtient une réserve de valeur viable. Ce n’est pas le cas du Bitcoin, déjà obsolète, et demain encore davantage (quantum computing).

Idem pour les climatiseurs ou les décorations de Noël : oui, ils consomment de l’énergie, mais pour une "utilité" pour leurs consommateurs. Le Bitcoin n’a d’autre utilité que celle d’un jeton de casino. Sans viabilité, il ne sert qu’à faire tourner un jeu à sommes nulles pour les participants - mais à sommes négatives pour la société : l’énergie consommée, les produits électroniques gaspillés, l’auront été pour rien.

L’évolution de son prix dément même la thèse d’une réserve de valeur, d’un supposé "or numérique" : si c’était le cas, il devrait s’apprécier (comme l’or) en cas de pressions inflationnistes - c’est le contraire que l’on observe : le Bitcoin (comme les autres cryptos) est plutôt corrélé aux actifs financiers les plus risqués, ce qui confirme son rôle purement spéculatif.

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Favoris 1    7    #24 20/01/2022 15h01

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INTJ

Bonjour

M.erci aux membres qui nourrissent le débat avec des idées, des liens sérieux, en respectant la charte et les autres membres.

Pour ceux qui sont incapables de participer au débat sans traiter l’autre de noms d’oiseaux, prenez un verre d’eau fraîche et allez voir ailleurs, vous pourrissez ce forum depuis quelques années maintenant.

------------

Je lis avec intérêt les arguments avancés par chacun. Bien malin qui sait où on va.

SCIPION, une étude produite par une banque centrale est elle objective? Un peu comme quand on demande l’avis des Ophtalmologues sur la capacité des Opticiens à faire leur job non?

Certains arguments avancés sont intéressants, et je pense également que la régulation (au nom de la protection du citoyen ou de l’écologie qui justifie aujourd’hui nombre de décisions contraignantes) sont des "menaces" réelles et sérieuses sur les crypto.

Pour parcourir le monde crypto, je trouve qu’il a absolument tous les stigmates d’une bulle, que c’est un paradis pour les geeks en tous genres et que nombre d’arguments (ou "calculs" de valorisation fantaisistes) sont très très faibles. Il est difficile de trouver des sources sérieuses et fiables, néanmoins elles existent.

Pour autant, le monde de la DEFI ouvre de grandes possibilités techniques, rassemble des gens extrêmement sérieux et professionnels, et bien qu’il serve à financer l’écosystème pour l’instant (et donc pas encore de passage dans le monde "réel" à de rares exemples près), ça fonctionne bien. En boucle plus ou moins fermée sur le monde crypto, mais ça tourne.

Les NFT sont sans doute une bulle avec n’importe quel kéké qui dessine un singe et devient millionnaire, mais la technologie derrière ouvre l’ère d’un très puissant marché du digital (sans parler de métaverse, on peut  déjà escompter des revenus pour l’énorme industrie du jeu vidéo, ou encore la numérisation de titres de propriété, de diplômes et de tous documents officiels).

LA CONFIANCE

C’est la clef de la monnaie. C’est la clef de tout le système. Or on voit bien que nous n’avons absolument plus confiance dans nos gouvernants, dans nos journalistes, et depuis Covid, dans nos scientifiques et nos médecins.
Alors la confiance dans la monnaie? Devons nous avoir confiance dans Euro ou USD, dont les États émetteurs font tourner la planche à billets comme jamais?

Je lisais récemment l’histoire des Allemands dans l’après Guerre qui jetaient le Mark devenu sans valeur, et lui préféraient les cigarettes (américaines, obtenues par troc, black market et… prostitution). Ca n’a pas duré, mais il est intéressant de voir que les peuples peuvent utiliser une monnaie non officielle.

D’autre part, les institutionnels semblent aujourd’hui acheter des Bitcoins et autres crypto. Sans doute un peu pour aller chercher du rendement (spéculer), mais on entend également parler d’utiliser BTC comme réserve par certaines banques centrales.

Ca se sont quand même des gens sérieux, mettraient ils un orteil dans les crypto sans aucune confiance?


L’INFLATION


Le discours autour de Bitcoin est construit depuis l’origine autour de l’idée de lutter contre l’inflation. Or depuis 2009, l’inflation, on la cherche, on fait ce qu’on peut pour la relancer, mais elle n’est jamais venue…. jusqu’à aujourd’hui, ou l’on sent comme un petit vent de doute dans les banques Centrales qui doivent maintenant lutter contre l’inflation mais sont prises dans l’engrenage de l’argent illimité pour soutenir les économies.

Si inflation il y a, BTC sera l’une des réponses.

L’argument très intéressant avancé par Corran puis Scipion sur le caractère déflationniste du BTC poussant les possesseur à thésauriser et ne jamais dépenser est très intéressant, je n’ai pas le bagage universitaire pour juger mais je trouve cette réflexion passionnante. Je me dis quand même que les gens vont bien dépenser, ils auront toujours envie d’une maison et d’un steak.

LE CASH> La liberté et la vie privée

Les humains aiment leur petite intimité, et les moyens de paiement cash ont toujours servi en temps troublés. Bijoux, œuvres d’art en temps de drames servent de monnaie transfrontalière.

Bitcoin, c’est du cash numérique. Quand on voit le concert de politiques qui proposent en toute simplicité d’aller sans cesse plus loin dans le contrôle des transactions financières…
Ainsi les banques, Visa Mastercard ou Paypal peuvent décider de bloquer les transactions vers un site sans jugement légal ni condamnation? Et nous avons gobé ça gentiment?

Ainsi l’Etat peut décider une ponction sur vos comptes de dépôts, pour pallier à ses erreurs et gabegie, et bloquer les distributeurs pour vous empêcher de retirer?

Et dernièrement monsieur Montebourg qui propose de bloquer les virements de particuliers vers leurs familles à l’étranger au motif que leurs gouvernants ne coopèrent pas avec la France?

Alors stop ou encore? On se rebelle ou pas? On met un peu d’argent "sous le matelas", et un peu dans la Blockchain, sous forme de stableCoin si on a peur de la volatilité? Juste pour éviter de trop souffrir de l’inflation?
Ou bien on accepte, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, que les moyens de paiement cash disparaissent, confiant l’intégralité des transactions au système contrôlé par les intermédiaires patentés?


L’ARBITRAGE et la DIVERSIFICATION


Aujourd’hui on peut mettre son Euro, ou son dollar sur livret, qui rapporte un taux négatif (après inflation et parfois impôts).
On peut placer à 5% / andans la DEFI des stableCoin Euros ou USD si on veut rester exposé à sa devise classique mais aller chercher du rendement. C’est plus risqué oui, mais ça paye.
On peut placer à 5-10% dans des crypto qui elles même peuvent faire sur l’année + 10 ou + 1000% …. ou - 100% ! Une rémunération en face d’un risque, un concept éculé que nous avons oublié dans la "vraie" finance.

L’ECOLOGIE

On lit tout et son contraire sur la consommation de Bitcoin, vert, pas vert du tout…. Un bel exemple de la qualité très médiocre de nos canaux d’information qui se contredisent selon leur idéologie première.

Ce qui est certain, c’est que BTC a le mérite de la transparence.
Ce qui est certain également c’est qu’il y a beaucoup de choses à faire pour économiser de l’énergie, BTC n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de consommation (de clims, de chauffage dans les passoires thermiques, de piscines privées, de consommation de masse, de serveurs internet pour l’industrie porno ou pour envoyer des photos de nous avec des oreilles de lapin). Qui juge ce qui est bien et ce qui est mal?

LE TIERS MONDE et LA DEVISE

L’argument a déjà été avancé, mais ce qui nous semble à nous une évidence (une monnaie forte, globalement stable, acceptée partout, et gérée par une banque centrale sérieuse et indépendante au sein d’un Etat de droit) est loin de l’être dans de très nombreux pays.

En proie à l’inflation, à la non bancarisation, aux dévaluations massives de monnaies locales au gré des crises politiques et des devises, la volatilité est le quotidien de beaucoup. La spoliation des comptes bancaires est également une réalité terrifiante pour les gens qui ont des avoirs dans de nombreux pays asiatiques ou africains.

Pour ces populations, Bitcoin est un outil formidable de protection et de liberté. La volatilité est certes un problème, mais qaund on voit la volatilité de certaines devises ici ou ici


Ma conclusion (qui vaut ce qu’elle vaut)


Ni économiste ni même professionnel du chiffre, ma conclusion n’engage que moi. Ne vaut pas grand chose.

Oui, il y a une bulle crypto, et oui il y aura du sang sur les murs, des arnaques, de la volatilité.

mais OUI, il y a une révolution culturelle et économique en cours, par les possibilités nouvelles offertes (Blockchain, NFT, smart Contracts), mais aussi par l’évolution des esprits et le caractère très en phase avec son époque (liberté, transparence, digitalisation).

Bitcoin (avec sa seconde Couche Lightning Network) mais aussi la DEFI (Ether, Solana) répondent à de nombreuses problématiques du moment. Elles ne sont pas parfaites (consommation, bugs, arnaques) mais ne sont pas pires que d’autres systèmes (exemplarité des banques, des Etats?).

Je crois sincèrement qu’il y a une place pour les crypto, avec plus de régulation,avec une maturation du système, pas en confrontation frontale avec les fiat, mais en parallèle.

Et si l’on va ua devant de troubles économiques majeurs ("guerre" des devises, surendettement, QE, Inflation), Bitcoin aura bien trop l’attrait des populations pour être interdit du jour au lendemain.


Le monde a déjà changé, non? wink


L’argent est un bon serviteur et un mauvais maître (A. Dumas )

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Favoris 1    5    #25 15/05/2022 03h33

Membre (2021)
Réputation :   26  

Mevo, certains éléments de votre post m’ont fait réagir.
Je ne trouve pas qu’il soit nécessaire de mettre les mots liberté et pays libres entre guillemets, ce ne sont ni des gros mots, ni des valeurs faussées (ou alors développez vos thèses). Personnellement, je me sens bien plus libre que si je vivais dans une foultitude d’autres pays (dont la liste aurait plutôt tendance à augmenter ces derniers temps).

Depuis plusieurs dizaines d’années, j’ai procédé à des centaines (milliers ?) de transactions financières de toutes sortes (virements bancaires, placements boursiers et nombreux autres supports financiers, achats immobiliers, paiements en CB, crédits, comptes bancaires et autres livrets, etc..) et jamais l’état n’est venu me demander quoi que ce soit.
Je n’ai pas subi de contrôle fiscal depuis plus de 10 ans, idem pour ma société pour laquelle l’état n’est jamais venu me chercher noise (IS, TVA, URSSAF, SS, CIPAV, etc.).
Je n’ai donc franchement pas l’impression de vivre dans une tyrannie, auto-infligée ou non, ni subir une dérive du contrôle de l’état (ce serait plutôt le contraire).

Je me doute qu’une trace est conservée de chaque opération et que si, par exemple, j’effectue un virement d’un montant important, Tracfin ou simplement ma banque peut à tout moment le détecter et me demander des justifications, mais la détection des fraudes financières étant un objectif important pour tout le monde (pas que pour l’état), ça ne me dérange guères.

J’ai un peu de mal avec votre argumentation :
1) l’état contrôle tout et le citoyen subit une dérive du contrôle du système bancaire et financier actuel basé sur les fiat
2) Le Bitcoin est éventuellement (vous n’en êtes même pas sûr?) une réponse à cette dérive du contrôle
3) avec le Bitcoin, on peut faire n’importe quelle transaction avec n’importe qui, sans vérification, sans justification, sans contrôle, sans déclaration, voire sans frais
   Je pense que ce n’est pas exact, pour le Bitcoin tout au moins, et que la traçabilité des opérations est bien réelle. La résolution de différentes affaires de fraudes ou vol de Bitcoins l’ont bien montré.
4) mais, ça n’empêche rien ni ne change rien en terme d’impôts.
    en théorie, peut-être, mais je crains qu’en pratique, si l’état devient aveugle à toutes les transactions, ça n’améliore pas la collecte des impôts et taxes..

Peut être qu’en théorie, Le fondement du Bitcoin et le livre blanc visaient essentiellement au transfert d’argent par internet, mais en pratique, c’est (avec de nombreux autres aspects de la crypto) devenu un support hautement spéculatif (je n’aimerais pas être un des 20% de Salvadoriens utilisant un compte Bitcoin et voir mon "compte en banque" chuter de presque 50% en moins de 2 mois).
Je prendrais comme analogie un Airbnb, qui dans ses AG tente de véhiculer l’image d’une association de bénévoles échangeant leur logements pour faciliter les voyages et les échanges entre les peuples, mais, qui en pratique, agit comme une entreprise ultra capitaliste souhaitant devenir un monopole et gagner le plus d’argent possible.
Bon, ici, le Bitcoin n’a pas de volonté propre et n’est pas une entreprise, mais l’idée est qu’il y a loin de la coupe aux lèvres.

Je ne sais pas si les citoyens craignent vraiment l’interdiction du Bitcoin (à part ceux qui en détiennent bien sûr smile ), c’est plutôt le principe d’interdiction qui serait mal vu; comme nous sommes dans un pays libre, les interdictions ont par nature plutôt mauvaise presse :-).

Je n’ai pas d’opinion particulière sur le fond du débat Bitcoin/pas Bitcoin, il y a des expérimentations en cours concernant sa généralisation dans quelques pays, laissons les se dérouler et tirer des conclusion dans quelques mois/années.

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