******** HEBDOMA-VERT ********
NOUVEAUX VERTS :
Pas de nouveaux verts en bourse cette semaine, à part l’annonce d’une fusion SPAC chinoise…
COVA Acquisition Corp. (COVA) fusionnera avec la société chinoise de technologie de mobilité connectée ECARX Holdings.
CHAMPIONS VERTS :
Semaine de performances vertes faibles, à l’exception d’un podium d’outsiders, suivi d’un peloton américain :
RedFlow +39 % Batteries australien
Recyctec Holding AB +37% Recyclage de glycol suedois.
Altea Green Power +31% Equipements EnR italien
Tesla +14 % EV USA.
FuelCell +14 % Piles à combustible USA.
Fuel Tech +14 % Reduction de la polution aerienne USA.
Clean Energy Fuel +14 % biogaz USA.
Kempower Oyj +13 % chargeurs EV finlandais.
****** IMMOBILIER VERT : CONTES ET MÉCOMPTES… ********
IL ÉTAIT UNE FOIS DES MILLIARDS DE PETITS COCHONS QUI CONSTRUISAIENT, CONSTRUISAIENT, SANS SE SOUCIER DU CARBONE…
On parle beaucoup ces temps-ci d’actifs échoués (investissement qui perd sa valeur avant son amortissement complet en raison de l’impact de divers changements) à propos de l’industrie pétrolière, mais peu d’investisseurs semblent conscients de ce que le secteur d’actifs échoués potentiellement le plus important du siècle risque d’être : l’immobilier !
En effet :
* L’immobilier représente l’ensemble d’actifs le plus important : Il a plus de valeur que toutes les actions et tous les titres de créance mondiaux réunis, près de quatre fois le PIB mondial et 26 fois la valeur de tout l’or jamais extrait.
Bien sur la valeur absolue de l’immobilier est inégalement réparti avec 75 % concentrée dans les pays du G7 plus Chine (30% avant la crise « Evergrande »), Corée du Sud et Australie.
Europe et Amérique du Nord représentent 43 % de la valeur combinée, bien qu’elles n’abritent que 17 % de la population mondiale.
* L’immobilier est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre :
Près de 50 % des gaz à effet de serre proviennent des bâtiments, dont 20% pour leur construction et le reste pour leur alimentation en énergie.
Les 2/3 de la surface immobilière mondiale de 2040 existe déjà et continueront à émettre autant de CO2 s’ils ne sont pas rénovés, Quand aux nouvelles constructions, la diminution des émissions d’utilisation des bâtiments (énergie renouvelable) va rendre la part du carbone intrinsèque (matériaux, pour l’essentiel ciment et acier) prépondérante. Et d’ici 2060, croissance démographique, exode rural et migrations vont faire doubler la surface bâtie, soit la construction d’une ville de New York chaque mois pendant 40 ans…
* L’immobilier est exposé au plus large panel de risques :
Risques physiques du changement climatique directs (évènements climatiques) et indirects (effets de ces évènements sur les consommateurs) et risques dus à la transition vers la décarbonation (économiques, sociaux et réglementaires).
Cette multiplicité a créé à son tour un risque important de mauvaise valorisation de l’immobilier sur les marchés et les classes d’actifs.
MAIS DES LOUPS EN TOUS GENRES DÉCIDÈRENT DE S’EN PRENDRE À EUX…
… DES LOUPS PHYSIQUES :
Loup de Submersion cotière :
300 millions de personnes pourraient affronter des inondations une fois par an d’ici à 2050 (contre 79 millions aujourd’hui), particulièrement en Asie. La France ne sera pas épargnée avec 1 million d’habitants pouvant être inondés chaque année en 2050, essentiellement en Loire-Atlantique, Vendée, Charente-Maritime, Gironde, Seine-Maritime et dans le Pas-de-Calais.
La récente publication gouvernementale de la liste de 126 communes prioritaires face à l’érosion côtière est largement contestée par les ONG qui estiment ce nombre à 864 !
Pour ces communes, dans les zones exposées à l’horizon de 30 ans les nouvelles constructions seront interdites, et dans les zones exposées à l’horizon 100 ans elles restent autorisées, mais avec à terme une obligation de démolition quand la menace se rapprochera !
N’étant pas un phénomène climatique ponctuel, l’érosion marine n’est pas aujourd’hui reconnue comme un risque naturel et est donc mal indemnisée, que ce soit pour lutter contre la montée des eaux (à court terme) ou la re-localisation de l’habitation (inévitable à long terme).
Une étude du cabinet Callendar montre que
* Près de 15 000 transactions réalisées entre mi-2016 et mi-2021, pour un total de 4.7 à 6.7 milliards d’euros selon le scénario, portent sur des biens qui deviendront inondables avant le milieu du siècle.
* Les biens qui deviennent inondables entre 2020 et 2050 représentent plus de 5 % du marché immobilier local en valeur dans 78 communes.
* D’ici 2100 près d’une propriété côtière sur 10 pourrait devenir inondable.
L’effet de décote des habitation à risque de submersion commence à se faire sentir aux USA mais parfois plus sur les volumes de vente ou les durées de prêts que sur les prix pour l’instant.
Néanmoins la prise de conscience sur le risque a un effet non linéaire : Quand les doutes sur un investissement apparaissent, ils se propagent très vite. Dans des comtés très exposés en Floride, par exemple, la décote moyenne est déjà de 11% et pourrait atteindre 35 % d’ici 2050, toutes choses étant égales par ailleurs, ce qui pourrait à son tour avoir un impact de 30 % sur les recettes de l’impôt foncier.
On peut ajouter que même en l’absence de submersion, l’élévation du niveau de la mer va générer de nouveaux risques dans ces zones : aggravation des inondations lors de tempêtes, dégradation des infrastructures locales (routes, réseaux…), intrusion de sel dans les nappes phréatiques…
Loup d’ Inondations :
En France, il existe 2 principaux types d’inondation (excluant la mer) provoqués par des événements météorologiques différents : les crues lentes de plaine et les crues torrentielles ou crues-éclairs («Flash Flood »). Le risque inondation est le 1er pôle d’indemnisation au titre du régime des Catastrophes Naturelles, avec 21,6 milliards d’euros d’indemnisation cumulée entre 1982 et 2020.
Les pertes liées aux inondations par débordement devraient augmenter de +110 % et +130 % pour la sinistralité torentielle à horizon 2050 pour l’ensemble du territoire métropolitain.
Loup de Tempêtes :
Les tempêtes représentent le 1er poste de sinistralité hors CatNat pour le secteur de l’assurance dommages en France. En l’état actuel des modèles scientifiques on ne prévoit pas d’augmentation ni de fréquence ni d’intensité des tempêtes sur la métropole.
Par contre, dans le monde, les ouragans et les typhons intenses pourraient plus que doubler d’ici 2050 dans les régions qui y sont déjà soumises, notamment les DOM-TOM.
L’analyse prévoit également que les vitesses de vent maximales associées à ces cyclones pourraient augmenter jusqu’à environ 20 %, tandis que les cyclones tropicaux plus faibles et les tempêtes tropicales deviendront moins fréquents.
Loup de Retrait- Gonflement des Argiles :
Ces mouvements de terrain provoqués par la sécheresse entrainent de fréquentes atteintes structurelles au bâti. Ils constituent le 2ème poste d’indemnisation des sinistres CatNat après l’inondation. Le risque immobilier correspondant est cependant très insuffisamment pris en compte.
A l’horizon 2050, une hausse de l’ordre de +60 % de la sinistralité sécheresse est attendue.
Loup Assuranciel :
Le système français public-privé d’assurance contre les catastrophes naturelles (CatNat) est l’un des plus protecteurs au monde (98 % des ménages métropolitains couverts, contre 30 % en Allemagne et 5 % en Italie). Mais il pourrait être mis à mal par l’évolution du climat.
Selon les dernières études, la sinistralité climatique devrait être multipliée par x2 à x3 d’ici à 2050 ; cela conduirait à une augmentation d’un facteur x2 à x5 (hors inflation) des primes d’assurance habitation…
A noter que le différentiel de l’augmentation du nombre de risques assurés selon les départements n’est pas dû qu’à la seule géographie climatique, mais aussi à l’évolution démographique. C’est le paradoxe de l’attractivité des zones à risques dans lesquelles ces derniers sont amplifiés par les aménagements liés à l’augmentation de la population autant que par les aléas climatiques !
Dans les zones à fort risque, en particulier de submersion, de plus en plus d’états préconisent de privilégier le « retrait », c’est à dire le déménagement des propriétaires concernés vers des zones peu risquées, en l’anticipant autant que possible plutôt que d’attendre la catastrophe.
… DES LOUPS DE TRANSITION :
Loup Règlementaire (Diagnostics) :
En France, on comptabilisait 4,8 millions de « passoires thermiques » en 2018, et 7 à 8 millions en 2022 avec l’évolution des critères !
La réforme du Diagnostic de Performance Energétique (DPE) est en effet entrée en service depuis quelques mois avec une méthodologie qui se veut plus objective et restrictive, et qui suscite de nombreuses critiques sur la forme et les échéances. Les modalités varient selon les pays, mais l’objectif européen est d’atteindre la neutralité carbone pour l’ensemble de l’habitat avant 2050.
La dernière version française va immédiatement empêcher la hausse des loyers des logements étiquetés F et G, et leur mise en location progressive de 2023 à 2028 (2034 pour les E).
En 2020, environ 11 % des ventes concernaient les logements les plus energivores (F-G), et ces ventes se faisaient déjà avec une moins-value de -6 % à -20 % selon les départements.
Loup Financier :
Les règlementations deviennent de plus en plus contraignantes en termes de travaux à réaliser pour
incrémenter les étiquettes infamantes et pouvoir louer ou revendre un bien.
A cela s’ajoutent un maquis d’aides fluctuantes et des prix de matériaux en pleine inflation…
Loup d’insécurité législative :
On peut toujours estimer la valeur d’un bien comme celle de son prix de vente ou de son rendement locatif, mais les nombreuses lois et règlementations qui apparaissent ont un impact variable sur ce qui devient une « valeur verte » des biens immobiliers.
Il devient difficile d’investir dans un environement aussi mouvant…
… QUI SOUFFLENT AUSSI SUR LES MAISONS DE PAPIER :
La pierre papier est-elle moins à risque que l’investissement immobilier individuel ?
Il n’y a guère de raisons. Certes la diversification est sensée limiter beaucoup de risques… mais les risques climatiques n’étaient souvent pas prévus lors de la constitution des portefeuilles. On a donc une gamme étendue de risque… mais une grande difficulté pour l’estimer !
Loup d’insécurité par labelisation confuse :
Depuis fin 2020, les fonds immobiliers peuvent bénéficier d’un label ISR spécifique.
12 l’ont obtenu en 2020 et 42 autres en 2021.
Mais comme très souvent dans les notations ESG :
* Les axes S et G parasitent le E.
* Les notes des fonds ne sont pas comparable car basées sur des grilles propres à chaque fonds.et décorrélés de la performance des actifs.
* Le cycle de labelisation, qui dure trois ans, horizon temporel pas toujours adapté à la réalité immobilière.
* L’audit se concentre aujourd’hui principalement sur les process mis en œuvre et non sur la qualité de la donnée d’entrée, souvent apportée par des prestataires externes.
* Le référentiel reste complexe et soumis à interprétation d’un organisme d’audit à l’autre.
Pour ajouter à la confusion, à ce label peuvent se superposer le Greenfin immobilier et le Finansol français, et bientôt l’Ecolabel européen…
Loup Financier :
Afin d’atteindre les objectifs fixés, le secteur immobilier coté doit réduire ses émissions avec un taux de décarbonation de 6 % par an (85 % d’ici 2050). Ce défi nécessite d’importants investissements dans des programmes de modernisation ; potentiellement plus de 20 000 milliards $.
Cela représente la seule alternative à des coûts encore plus élevés sous la forme d’éventuelles taxes sur le carbone ou du risque d’actifs bloqués : des simulations montrent qu’en n’atteignant pas les objectifs de décarbonation requis, les coûts cumulés pourraient représenter entre 7 % et 19 % de la valeur du marché immobilier mondial, soit entre 19 et 48 000 milliards $…
Sur la base des déclarations publiquement disponibles de 200 entreprises du secteur immobilier coté américain et de leurs stratégies de décarbonation, elles devraient réduire leur intensité d’émissions de carbone de 43 % d’ici 2030.
Bien que cette réduction soit inférieure aux niveaux requis par la COP21, cette voie réduirait considérablement l’impact financier d’éventuelles taxes carbone qui, si les niveaux actuels d’émissions d’utilisation étaient maintenus, représenteraient plus de 4 % de la capitalisation boursière du secteur. De plus ces coûts potentiels ne sont pas également répartis dans le secteur et vont de 0 % à plus de 10 % de la capitalisation boursière pour les segments les moins performants.
Pour la seule Australie, pays à la fois fortement responsable des émissions de GES et potentiellement fortement atteint par les aléas climatiques induits, un rapport publié en 2019 a montré que si les émissions se poursuivent au même rythme, le marché immobilier pourrait être confronté à une perte de 571 milliards $ de valeur dès 2030 et 611 milliards USD d’ici 2050.
Loups Physiques :
Une étude de 2018 comparait les REIT / SIIC et a montré que montrait que 35 % étaient exposés aux risques physiques climatiques, dont 17 % au risque d’inondation intérieure, 6% à l’élévation du niveau de la mer et 12 % exposés aux ouragans ou aux typhons.
À l’échelle mondiale, les REIT concentrées à Hong Kong et à Singapour affichent la plus forte exposition au risque de submersion, devant les REIT américaines Vornado, Realty Trust et Equity Residential. 37 REIT japonaises ont l’ensemble de leur portefeuille exposé au risque de typhon le plus élevé au monde, représentant 264,5 milliards de dollars à risque.
MORALE DU CONTE ?
Les objectifs de décarbonation et les techniques visant à réduire les émissions liées aux bâtiments, le développement de critères d’évaluation et de stratégies d’investissement spécifiques sont devenus de gré ou de force une priorité essentielle pour les sociétés immobilières comme pour les investisseurs particuliers. Les horizons et enjeux, les hiérarchies de risques et les perspectives de rendement changent ; investir dans la pierre aujourd’hui ne peut plus être fait comme avant et les portefeuilles doivent être re-évalués.
Des outils sont développés en urgence, comme le CRREM (Carbon Risk Real Estate Monitor) financé par l’UE, ou la plateforme Climate Service Climanomics® aux USA pour aider à éviter de se retrouver avec des actifs immobiliers échoués (stranded) ou plus modestement d’estimer la date d’échouage ! Par exemple un bien d’une performance donnée, avec un objectif de décarbonation défini, peut espérer retarder de 5 ans le moment où il deviendra in-négotiable avec tels ou tels travaux de performance énéergétique, le calcul dépendant de nombreux paramètres comme le secteur d’activité, le pays, les couts de travaux et leur diminution par le progrès technologique, etc.
Du point de vue macro-économique, comment oublier qu’à l’origine de la crise financière de 2008 était une sur-évaluation de bien immobilliers ? Contexte et acteurs étaient différents de la crise climatique, mais l’effet sur l’économie pourrait bien y ressembler en pire.
Cependant le risque climatique, même s’il a déjà commencé à se matérialiser, est à longue échéance du point de vue de l’investisseur (comme l’immobilier, d’ailleurs…)… Pour une fois que l’on voit venir une crise des décennies avant qu’elle n’explose ! Est-ce encore une crise, ou bien aurons nous justement l’intelligence de l’empêcher ? Vu notre historique sur la transition climatique depuis 20 ans, on peut avoir des doutes…
La solution étant clairement adaptative plus que préventive, nous allons peut être éviter de perdre du temps et de l’argent à essayer d’empêcher sa survenue (la transition vers la décarbonation est là pour ça…) en nous concentrant sur l’abandon progressif de nos habitats « échoués » à fort risque et l’adaptation des autres.
En occident nous pourrons peut-être ainsi limiter - un peu - la baisse du patrimoine immobilier mondial dont nous détenons la plus grande partie. Mais à l’échelle de la majorité pauvre de la planète, l’adaptation de l’habitat sera douloureux.
ON PEUT CRAINDRE QUE LE LOUP L’EMPORTE ET NOUS CUISE DANS LA MARMITE QUE NOUS AVONS MISE À CHAUFFER, PENDANT QU’IL SOUFFLE NOS MAISONS
Dernière modification par CroissanceVerte (31/05/2022 12h11)