9 #1 07/11/2012 19h46
- thomz
- Membre (2011)
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"Demain, ceux qui ont disparu hier renaitront, et ceux qui sont à l’honneur aujourd’hui tomberont."
Qui mieux que Xerox, peut-être la société la moins bien comprise du paysage technologique américain, pour illustrer ce vers de Horace, le favori de Benjamin Graham et préambule de l’incontournable Security Analysis?
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Profits récurrents et perspectives prometteuses ne riment pas toujours avec cours à la hausse. Même prospères et compétitives, les plus belles entreprises demeurent parfois inexplicablement boudées des investisseurs.
Le secteur des technologiques nord-américaines offre ces temps-ci un exemple illustratif de ce paradigme: les plus formidables cash machines à la pointe de l’innovation, du marketing et de l’internationalisation - comme Dell, Microsoft, Cisco, Intel ou HP - s’échangent nonchalamment à des multiples historiquement bas.
Ce désamour fait fi de la spectaculaire capacité bénéficiaire des dites entreprises. En effet, la nature de leurs activités implique différents avantages compétitifs remarquables, tels que (1) des contrats généralement établis sur plusieurs années; (2) des coûts de changement du fournisseur - "switching costs" - prohibitifs; (3) des brevets qui sont tout autant de barrières a l’entrée, et des budgets R&D qui assoient encore davantage la domination des mastodontes susnommés; et enfin, (4) des champs d’application pour leurs produits et services toujours plus infinis - commerce, administration, urbanisme, transport, santé, éducation, défense, etc.
Ces caractéristiques, précisemment, nous amènent à Xerox.
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Xerox Corporation emploie 140 000 salariés, pèse $23B de chiffre d’affaires et sert ses clients dans 160 pays différents. Les USA comptent pour 64% des ventes, l’Europe pour 26%, le "reste du monde" (présenté tel quel dans les rapports annuels) pour 10%.
Autrefois la référénce en matière de copie et d’impression ("The Document Company"), la mission de Xerox a été significativement recalibrée en "rendre le business un peu plus simple, un peu moins laborieux et un peu plus productif" - un esprit un brin cynique ne manquera pas d’observer que le travail, au moins, ne risque guère de manquer.
Xerox travaille avec les entreprises, les administrations et les gouvernements. C’est le leader mondial du "business process and document management", un marché estimé à $600B.
Ses activités sont séparées en trois divisions: (1) Les services, pour $11B de revenus - BPO, pour Business Process Outsourcing; ITO, pour Information Technology Outsourcing; et DO, pour Document Outsourcing. (2) La technologie, pour $10.5B de revenus - principalement la vente de matériel, type copieurs, imprimeurs, et scanners. Et (3) l’équipement, pour $1.5B de revenus - la distribution de papiers et matériaux spécifiques, de systemes de présentation électroniques, connectique et intégrations réseaux, etc.
Le champ d’activité est étendu et la variété des métiers époustouflante: finance, santé, ressources humaines, commerce, industrie, transport, IT… il n’y a semble-t-il aucun domaine dans lequel Xerox n’a pas une solution de sous-traitance à proposer. Plus d’un curieux serait surpris si il commençait a explorer la richesse et la diversité des domaines sur lesquels l’entreprise opère en 2012.
A la IBM, l’offre s’articule autour du concept de la "intelligent life" (en anglais dans le texte), par exemple en aidant la ville de Los Angeles a gérer ses capacités de stationnement en temps réel ou, sur une note plus triviale, en s’assurant que les contrevenants à la législation routière flashés par les radars automatiques recoivent leur contravention moins de 48h après l’infraction.
L’entreprise est bien sur à l’avant-garde de l’économie numérique: les institutions financières (banques, assurances, etc.), les bureaux fédéraux, les hopitaux ou les compagnies aériennes - entre autres - sous-traitent massivement leur bureaucratie gargantuesque aux soins de Xerox, gagnant ainsi en efficacité tout en réduisant symétriquement leur coûts opérationnels.
L’innovation est indivisible de la stratégie d’entreprise: l’année dernière, Fuji Xerox - la joint venture fête son cinquantenaire cette année - a déposé 1600 brevets. C’est moins que Canon (2500 brevets) mais plus que Hewlett-Packard (1480 brevets).
En dépit de sa prodigieuse transformation en une société de services - illustrée par l’emblématique acquisition de ACS en 2009, qui propulsa d’une signature le revenu de la division services de $3B à $11B - il est confondant de constater comme, partout où l’on demande, Xerox continue d’être perçue par le public comme un archaïque fabricant de photocopieurs. Le syndrome Eastman Kodak?
Las, cette confusion omet le fait que les fondations de l’entreprise aient été rebâties en profondeur par deux grandes dames: c’est d’abord Anne Mulcahy qui (de justesse) sauva la société de la banqueroute au début des années 2000; et c’est à présent l’étonnante Ursula Burns - née dans le ghetto noir de New York, à présent la neuvième femme la plus puissante du monde selon Forbes - qui la conduit à travers son incroyable métamorphose.
Une chose est sûre: le public a beau ne pas être resté à la page, Xerox n’a aujourd’hui plus grand chose à voir avec l’entreprise qu’elle était il y a dix ans.
Comme Madame Burns aime le répéter elle-même, "Vous nous rencontrez chaque jour mais ne nous reconnaissez jamais".
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Si le titre d’entreprise en croissance est souvent utilisé avec abandon, Xerox semble toutefois être une candidate légitime a l’appellation:
(CA, en millions de $)
1960: $37
1980: $8,000
2000: $14,000
2012: $23,000
L’activité est basée sur un attractif modèle de paiement par annuités (à hauteur de 83% des ventes): le revenu est ainsi récurrent et la génération de cash-flows continue.
Le chiffre d’affaires de la division services a triplé depuis 2009 (de $3.5B à $10.8B), pendant que les revenus des deux autres divisions (technologie et équipements) restent eux remarquablement constants d’année en année ($10.5B et $1.5B). En 2017, les deux tiers des ventes seront issues de la division services.
Aujourd’hui, Xerox est à vendre pour $8B, en dépit d’un revenu net de $1.2B. Ceci implique un confortable retour sur investissement de 15%!
Le total des dépenses d’investissement sur les cinq dernières années ($1.8B) représente la moitié du revenu net sur la même durée ($3.7B), ce qui indique un vraisemblable avantage compétitif dans la conduite des opérations commerciales - probablement le modèle de paiement par annuités.
La marge opérationelle normalisée oscille autour de 7% - HP: 5,3%, Canon: 12%, IBM: 14,3%, Dell: 6,5%.
Malgré un potentiel de croissance tout à fait tangible (la demande de services en sous-traitance administrative informatisée ne peut aller qu’en augmentant avec le temps), Xerox est aujourd’hui une société mature évoluant dans une industrie hyper-compétitive.
Ce qui est toutefois éminemment séduisant ici, c’est la capacité bénéficaire consistante et démontrée:
(FCF per share)
2002: $1,92
2003: $2,10
2004: $1,69
2005: $1,25
2006: $1,37
2007: $1,59
2008: $0,68
2009: $2,29
2010: $1,63
2011: $1,03
2012: $1,17
Au prix de $7 l’action, l’investisseur d’aujourd’hui achète un free cash flow annuel normalisé de $1.52, soit un retour sur cash de 22%!
Ce n’est pas tout: chaque action Xerox porte avec elle $9 d’actif net (book value); à un prix de $7, l’investisseur obtient une remise immédiate de $2 à l’achat.
Benjamin Graham avait coutume de rappeller qu’il se défiait volontiers des méthodes de valorisation trop complexes. Ainsi, afin d’estimer la marge de sécurité de ce potentiel investissement dans l’action Xerox, allons-nous établir trois hypothèses simples et cependant prudentes:
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(1) Book value/action: $9 + FCF/action: $1.5 x 5 ans = $16.5
soit au cours d’aujourd’hui une marge de sécurité de $9.5.
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(2) Book value/action -25%: $6.75 + FCF/action -25%: $1.125 x 5 ans = $12.4
soit au cours d’aujourd’hui une marge de sécurité de $5.4.
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(3) Book value/action -50%: $4.5 + FCF/action -50%: $0.75 x 5 ans = $8.25
soit une marge de sécurité de $1.25.
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Au cours actuel, l’action se négocie pourtant à cinq fois ses profits et 0.7 fois la valeur de son actif net. Pourquoi cette incroyable sous-valorisation?
D’abord, et comme discuté précédemment, parce que la perception de l’entreprise par le public est souvent erronée. En dépit du (tenace) préjugé, Xerox n’est pas un fabricant démodé de photocopieurs, mais bel et bien une société de services de pointe, pionnière dans la sous-traitance informatique et la gestion de données – tout en continuant de développer son coeur de métier historique dans le document, par exemple avec l’impression 3D.
Xerox vient d’ailleurs tout juste de battre IBM sur un énorme contrat de $400M: l’installation et la gestion d’un immense data center pour le compte du gouvernement du Texas.
Ensuite, parce que Xerox a assuré l’essentiel de sa croissance récente par une acquisition phare, celle d’ACS (Affiliated Computer Systems). Une croissance externe (au contraire d’une croissance organique) présente certes l’avantage de « grossir » plus vite, mais l’inconvénient (ou du moins le risque) de diluer la valeur des actifs existants dans une acquisition surpayée.
Avec un contexte plombé par le cataclysme chez Hewlett-Packard (qui doit déprecier son bilan de $8 milliards après la désastreuse acquisition d’Autonomy), la poussée de fièvre du marché est somme toute bien compréhensible.
Enfin, et surtout, parce qu’au premier abord on relève au bilan une dette avoisinant les $10B. Une fois mise en perspective avec les $12B de capitaux propres, cette dernière aurait de quoi refroidir même les investisseurs les plus entreprenants.
Il s’agit toutefois de ne pas s’arrêter aux apparences: la dette (de $9.6B précisemment) doit être divisée entre les $3.6B de "core debt" propre à Xerox corporation, et les $6B de "financing debt" - en fait une facilité de paiement que l’entreprise accorde à ses clients, soit du leasing en bonne et due forme: ce sont 40% des ventes d’équipements qui sont ainsi effectuées.
En plus clair, dans un premier temps Xerox paie elle-même la machine que le client achète, puis reporte le montant sur son poste dette à long-terme, avant que le client ne rembourse chaque mois… avec un taux d’intérêt!
Autrement dit, nonobstant le risque de crédit, la dette n’en est pas une.
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Voici donc le coeur de la thèse: les inquiétudes qui détournent les investisseurs de Xerox sont infondées, et par conséquent inaptes à justifier le prix excessivement déprimé de l’action.
Le management n’en pense pas moins, puisqu’il puise dans son abondant cash flow libre (de $2 milliards en moyenne) pour payer $300M en dividendes et racheter massivement ses actions ($700M de buyback en 2011, $1.1B cette année, $400M l’année prochaine), profitant ainsi des cours historiquement bas.
Ursula Burns a mentionné que les priorités de gestion sur les prochains exercices seront de rembourser la dette et de provisionner le plan de pension et retraites. On peut donc s’attendre à une interruption du programme de rachat d’actions en 2014.
Ceci n’empêchera guère l’investisseur défensif de reconnaitre ici l’excellente opportunité qui se présente à lui: à cinq fois ses profits cash, la sensationelle capacité bénéficiaire de Xerox est bradée.
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(1) Business que nous comprenons bien – CHECK
(2) Revenus récurrents et prévisibles – CHECK
(3) Avantage compétitif durable et tangible – CHECK
(4) Prix attractif et marge de sécurité manifeste – CHECK
(5) Management compétent – CHECK
notes
(3) est principalement basé sur la taille, le savoir-faire et la réputation de l’entreprise.
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Je possède 500 actions Xerox (PRU: $6.4), et j’espère vivement pouvoir accumuler dans les semaines qui viennent.
Dernière modification par thomz (04/05/2014 10h47)
Mots-clés : action, analyse, investissement, stock, xerox
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